La Grand'Maison à La Ville-du-Bois (1747-1938)

Chronique du vieux Marcoussy ______________________________ -______________ juillet 2011

Plan cadastral napoléonien de La Ville-du-Bois (1808).

JP. Dagnot

C. Julien

 

 

Dans cette chronique, nous présentons l'histoire de la Grand'Maison de La Ville-du-Bois dont la plus grande partie a disparu de nos jours (1). Dans les chroniques précédentes nous avions donné l'histoire de cette propriété depuis le XVIe siècle. À cette époque, Marye Boullaye , belle-mère du célèbre chirurgien Amboise Paré, avait acheté la Grand'Maison et y demeurait. Au décès de Jacqueline Rousselet, " veufve de deffunct Ambroise Paré " la propriété de La Ville-du-Bois revenait à sa fille Anne Paré mariée à Henry Symon. Au XVIIe siècle la Grand'Maison était passée dans les mains de la famille Mesnager qui y habitait encore dans les années 1740.

 

 

Marie-Thérèse Vaudelle à Grand'Maison

La Grand'Maison et des terres extérieures au domaine sont vendues le 5 mars 1747, par les enfants Mesnager à Marie-Thérèse Vaudelle, épouse Huriel Jacques Rebillé. C'est une maison sise au village de La Ville-du-Bois, vis à vis l'église, consistant en un grand corps de logis, bâtiments, cour, jardin parc dans lequel sont deux étangs, le tout enclos de murs et contenant 55 arpents et plusieurs bois. La vente est réalisée moyennant 20.660 livres.

En 1754, dame Marie-Thérèse Vaudelle, veuve de Jacques Rebillé, déclare seize arpents en bois taillis et en prés dans la mouvance du couvent de à Saint-Eloy de Longjumeau. Deux ans après, Messire Louis Rebillé, gradué en théologie et chapelain de Sainte-Opportune, demeurant place Maubert à Paris, paroisse Saint-Étienne-du-Mont, fondé de pouvoir de Marie-Thérèze Vaudel, sa mère, veuve de Sieur Rebillé, négocie avec un vigneron de La Ville-du-Bois pour la location et jouissance de la maison du jardinier.

 

Peu après qu'elle fut mise en possession de la Grand'Maison, Marie-Thérèse Vaudelle s'était retrouvée veuve et par un acte de licitation volontaire passé avec ses enfants devient la seule propriétaire. De nombreux travaux ont consisté à remettre de l'ordre dans le parc, à remettre en eau les étangs et à faire des réparations aux bâtiments. Madame Rebillé habite à La Ville-du-Bois jusqu'à sa mort en 1784. Elle avait trois héritiers : son fils Louis, écuyer, docteur en médecine, médecin de Monseigneur de duc d'Orléans et de Madame, sœur du roi, et deux filles, Marie-Suzane, veuve de Jean-Jacques Descoteaux et Marie-Armande, célibataire.

Le terrier de La Ville-du-Bois nous apprend que le 12 janvier 1784, Louis Rebillé, docteur en médecine de son altesse sérénissime Monseigneur le duc d'Orléans, résidant à Paris paroisse Saint-Paul, possède une maison sise en ladite ville composée d'un grand corps de logis dans lequel on entre par une porte cochère sur le devant et en face de l'église dudit lieu, plusieurs logements comme cuisine, salles basses, corridors, chambres hautes, escalier ouvrant sur la terrasse du parterre, grande cour pavée dans laquelle est un logement pour jardinier, volière à pigeons, petite cour close, étables, écuries, toits à porcs, celliers, cave sous les jardins, grand parterre enclos de murs, espaliers de buisson d'arbres fruitiers à haute tiges, vignes, prés, terres labourables, bois taillis, avenües, portion de deux petits étangs, grande et petite porte d'entrée en sortie dudit clos, le tout entouré de murs contenant en fond de terres 52 arpents dont 13 se trouvent en la seigneurie du prieuré de Saint-Eloy.

La Grand'Maison qui avait été transmise par héritage à Louis Rebillé fils de Marie-Thérèse Vandelle, mais ne resta pas longtemps dans les mains du médecin. En 1788, la Grand 'Maison fut vendue pour 53.434 livres à Joseph Macé de Baigneux, fils de l'aîné des filles Rebillé. À cette époque, le nouveau propriétaire, qui avait épousé Marie-Victoire Guérin huit ans auparavant, avait la qualité de «  colonel d'infanterie, enseigne de la Compagnie des Cent gardes suisses du corps du roi, gentilhomme ordinaire de la Chambre de Monsieur, frère du roi  ». Il était chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis.

La Grand'Maison, façade en 1887. L'aile gauche fut démolie en 1896 pour laisser place à l'entrée du château.

 

 

Joseph Macé de Baigneux à Grand'Maison

Le rôle de taille de 1789 mentionne Monsieur Macé de Baigneux au chapitre des exemptés ; le colonel d'infanterie est dit avoir «  acquis la Grand'Maison avec un parc de 57 arpents de bois et 11 arpents de terres en dehors  ». Joseph Macé de Baigneux était un personnage étonnant qui n'hésitait pas à signer «  chevalier de Baigneux  » et qui, en se fixant à La Ville-du -Bois allait jouer un rôle important pendant la Révolution. On dit qu'il "accepta les idées de la Révolution ". Cela paraît bien étonnant pour un colonel des Gardes suisses et un homme qui fréquentait le frère de Louis XVI. Mais, accordons-lui ses sentiments révolutionnaires sans douter de sa sincérité.

Les élections des députés à l'Assemblée Législative de 1791 comme pour la Convention de 1792 eurent lieu au suffrage indirect. Des grands électeurs furent élus par le corps électoral de chaque commune. A l'assemblée primaire du canton de Palaiseau du 19 juin 1791 Macé de Baigneux fut élu par 79 voix sur 150 votants. Il en fut de même pour la nomination des députés à la Convention en septembre 1792. Macé de Baigneux représenta le canton de Palaiseau lors de l'assemblée électorale qui se tint à Saint-Germain-en-Laye. Sous le Directoire, les communes furent remplacées par des municipalités cantonales avec un mandat annuel. Joseph Macé de Baigneux fut président de la municipalité de Palaiseau le 10 germinal an VI (30 mars 1798). Les représentants de La Ville-du-Bois aux élections législatives furent : Marcel Cossonnet en 1797, Macé de Baigneux en 1798, puis François Martin en 1799.

Un acte de 27 octobre 1807, nous apprend que Marie Anne Guérin, épouse séparée de Joseph Macé de Baigneux, demeurant La Ville-du-Bois, «  laquelle met en vente par adjudication, plusieurs pièces de bois : premier lot 12.000 centiares de bois taillis, comprenant la demi-lune du pavillon, tenant au couchant à Maxime Puységur, au nord à Chastenet Puységur  ». Ces biens viennent de son mari qui lui a abandonné en paiement de reprises venant d'un jugement rendu par le tribunal civil de Versailles, le 10 nivôse an XIV, prononçant la séparation de biens . Le montant des adjudications est destiné à payer les créanciers inscrits contre ladite dame !! Une inscription aux hypothèques au profit de Marie-Armande Rebillé, fille majeure, demeurant à Paris rue des Noyers pour sûreté de 10.700 frs. Le sieur Macé est héritier de demoiselle Rebillé, sa tante.

 

 

La Grand'Maison, photo prise du parc en 1887.

 

Joseph Macé de Baigneux est nommé maire de La Ville-du-Bois en 1801 par décision préfectorale et le reste jusqu'à sa mort. Il meurt le 26 août 1812 à l'âge de 60 ans et est inhumé au cimetière de La Ville-du -Bois en présence de Jean-Baptiste Dominique Bournizien-Dubourg, maire de Montlhéry et de Charles Lucolle, avocat et juge de paix à Longjumeau.

Le 2 mai 1816, Pierre-Thomas Egault, ingénieur des Ponts et Chaussées et Marie-Eulalie Macé de Bagneux, son épouse, demeurant place royale à Paris, ainsi que ses trois frères et sœurs nommés, vendent un terrain à Saint-Michel-sur-Orge. Le même jour, les mêmes vendent à Marie-Geneviève Montgobert, et ses frères et soeurs, une maison à La Ville-du-Bois, «  tenant au carrefour, venant comme héritiers de leur père Joseph décédé en août 1812  ». Le cahier des charges du 12 octobre 1817 est établi pour la vente par Jean-François Chagot et Henriette Larcher, sa femme, demeurant au Creusot, de terres dont Macé de Bagneux sera en partie acheteur. Deux mois plus tard, la vente des 4 hectares de terre est consentie à Auguste-Joseph Macé de Bagneux de pour 9.600 frs.

 

 

Auguste-Joseph Macé de Baigneux à Grand'Maison

Joseph Macé de Baigneux avait légué ses biens à sa femme, sa femme Marie-Victoire Guérin. Celle-ci décède en 1819.

Leur fils, Auguste-Joseph Macé de Baigneux recueille la succession de ses parents. Il était né à Versailles le 30 janvier 1784 quand son père était aux Gardes suisses. Comme son père, Auguste-Joseph suivit une carrière d'officier dans la Grande armée, devint chef d'escadron au 5ème dragons, puis aide de camps du Maréchal Lefèvre. Il se distingua pendant la campagne de Russie et reçut, le 12 octobre 1812 la Croix de la Légion d'Honneur des mains mêmes de l'Empereur. Sous la Restauration , il fut chef de bataillon de la Garde Nationale. Il occupa à trois reprises la fonction de maire de La Ville-du -Bois. Une première fois, il fut nommé en 1827, puis remplacé 6 ans après par Jean-Claude Bourgeron. Il redevient maire sous la Seconde République en 1849 et conservera ce poste jusqu'en 1865.

 

Le château de La Ville du-Bois et l'ancienne entrée du domaine de Grand'Maison.

 

Auguste-Joseph Macé de Baigneux avait épousé Victoire Ferry de la Fraye. Un testament est rédigé le 27 janvier 1830 par Victoire de la Fraye, femme du maire de La Ville-du-Bois. Les clauses sont les suivantes : un don de 10.000 frs aux enfants d'un peintre parisien, 1.200 frs à Adolphe Levon, mineur à La Ville-du-Bois, 1.200 frs à Madeleine Bourgeron mineure, 1.200 frs à Marie Hallier mineure, et la jouissance de tous ces dons après le décès de son mari.

Le 2 avril 1834, Macé de Bagneux, propriétaire et Victoire Ferry de la Fraye, son épouse autorisée, vendent un arpent à Ballainvilliers venant d'un achat à Chagot. Trois semaines après, un autre arpent sis à Ballainvilliers est vendu par Joseph Auguste Macé de Bagneux demeurant à La Ville-du-Bois.

Auguste-Joseph Macé de Baigneux mourut à son domicile de Grand'Maison le 20 janvier 1866, âgé de 81 ans. Il était veuf de Victoire de la Fraye morte le 31 août 1842.

La propriété de Grand'Maison avait été donnée aux deux frères Maurice et Emmanuel de Lalain-Chomel, les cousins d'Auguste-Joseph. Par suite d'une transaction familiale, l'indivision cessa et Emmanuel de Lalain-Chomel devint l'unique propriétaire de la Grand' Maison. Le 27 décembre 1872, la liquidation et partage de la succession Léon de Lalain-Chomel est faite devant maître Renard.

À la même époque, Emmanuel de Lalain-Chomel fit l'acquisition du domaine de Beaulieu où le général Valentin avait fait construire au début du siècle une maison bourgeoise. C'est alors que de grandes transformations s'opérèrent à La Ville-du -Bois. La maison de Beaulieu fut démolie en 1896 pour laisser place à une exploitation maraîchère. Un élégant château de style Henri II surmonté d'un campanile fut construit en 1891 au milieu du parc de Grand'Maison (2). Le bâtiment de Grand'Maison fut partiellement démolie. L'aile nord fut reconstruite en briques et l'aile droite jouxtant la rue du Gaizon, laissa place à l'entrée monumentale du nouveau château.

Emmanuel de Lalain-Chomel occupa la fonction de maire de La Ville-du-Bois pendant trois mandats de 1896 à 1908. Il mourut à Paris en 1920, laissant sa propriété à sa fille Madame de Luget qu'il avait eu avec Valentine Brassac La Grand 'Maison et le château avec son parc furent vendus en 1938 à la congrégation des Oblates de l'Assomption pour en faire un internat d'enseignement secondaire pour jeunes filles.

De nos jours, le domaine de la Grand'Maison abrite un établissement privé de l'enseignement catholique appelé "Institut du Sacré-Cœur" placé sous la tutelle de la Congrégation des Oblates de l'Assomption . L'ISC est un établissement scolaire rassemblant 1.200 élèves au sein d'un collège et d'un lycée d'enseignement général et technologique (3).

 

 

Notes

(1) Voir la monographie de Léon Risch " La maison des Champs du chirurgien Ambroise Paré " (1938).

(2) Le château est une construction brique et pierre sur un soubassement en meulière. Le pavillon d'angle sud-est comporte deux étages carrés ; il est couvert d'un toit en pavillon ainsi que le corps qui fait saillie sur la façade principale. Les façades du corps principal de la Grand'Maison située à l'entrée du domaine sont enduites et l'aile nord-est est en briques. Le pavillon construit au début du XXe siècle au nord du château est en moellons de meulière et son toit en tuiles mécaniques. La salle des fêtes est en briques sur un soubassement en meulière ( Notice du Service de l'Inventaire d'Île-de-France ).

(3) Récemment, l'entrée du domaine, passage de Graville, a été supprimée et les grands arbres qui bordaient la rue du Gaizon ont disparu pour faire place à un parking….

 

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