L'agriculture en Hurepoix au XIXe siècle

(3) la région orientale d'Arpajon

Chronique du Vieux Marcoussy ---------------------------------------- _------------------ --------- Février 2011

Carte du Hurepoix.

C. Julien

 

 

 

Cette chronique est le troisième volet de la série sur l'agriculture en Hurepoix au XIXe siècle. Elle concerne sept communes (orientales) qui alimentaient le marché d'Arpajon. Cette zone économique essentiellement rurale d'une superficie de 7.179 hectares était peuplée de 5.219 habitants lors du recensement de 1896 (1).

 

 

 

L'agriculture de l'Arpajonnais

Pour compléter la chronique précédente, mentionnons que l'agriculture de la région d'Arpajon évolua progressivement au cours du XIXe siècle. D'une part, la révolution industrielle et la grande crise agricole des années 1880 commencèrent d'amorcer l'exode rural. Toutefois, jusqu'à la grande Guerre de 1914-1918, le monde agricole était resté plus ou moins figé. Certes, les techniques agricoles avaient sensiblement améliorées les conditions paysannes, mais la mécanisation n'était pas encore entrée dans les exploitations à l'exception de quelques grosses fermes du Hurepoix. Suite au morcellement des terres, les petits cultivateurs de l'Arpajonnais, furent résolument contraints à changer leur mode d'exploitation. Délaissant les céréales et la vigne, ils s'orientèrent vers des cultures plus lucratives : les légumes comme l'asperge dans les sols sablonneux, la pomme de terre, le haricot qui trouvaient des débouchés sur les marchés environnants et aux Halles centrales de Paris et les porte-graines qui étaient vendus aux grainetiers.

La culture la plus emblématique attachée à Arpajon est celle du haricot flageolet dit «  Chevrier  » inventé par Paul-Gabriel Chevrier, cultivateur de Brétigny-sur-Orge. Ce dernier découvrit en effet en 1872 un procédé de séchage novateur qui permettait de conserver les grains avec leur couleur verte (2).

Avant l'arrivée du tracteur agricole, le cheval a accompagné l'agriculteur au cours des siècles comme animal de traction. Il a participé à l'augmentation de la productivité agricole. Chaque cultivateur possédait un cheval, bien souvent le seul capital de la famille. On lui donnait un nom évocateur «  Bichon  », «  Bijou  », «  Joli-cœur  », etc. gravé sur le licol. Le percheron était la race la plus commune parce que, de par sa morphologie et son endurance, il était considéré comme le plus approprié aux travaux agricoles. L'utilisation de la traction chevaline nécessitait la culture spécifique à l'alimentation des animaux ; l'avoine, les fourrages, etc. étaient cultivés sur des surfaces assez considérables. Tous les économistes du XIXe siècle évoquent cette activité agricole.

Notons que tous nos instituteurs décrivent la fin du vignoble en Île-de-France par suite du phylloxéra. Dans toutes les communes les cultivateurs arrachent la vigne.

 

 

Saint-Germain-les-Arpajon

Le sol de la commune offre sur les deux versants du cours de l'Orge des terrains calcaires qui au début du XIXe siècle étaient encore plantés de vignes. Les terres franches et l'argile dominent du côté des hameaux de la Grande et petite Folie où existe la tuilerie industrielle de Mr. Dufour.

Le territoire de la commune de Saint-Germain-les-Arpajon comprend des terres, des bois, des vignes et des eaux. Les terres sont soumises à la culture des céréales, de la vigne, des légumes, de la betterave, etc. La propriété foncière existe à l'état de petites parcelles. Outre la culture des céréales qui ne tient qu'une faible place sur le territoire, il y a celle des légumes qui prend une grande importance depuis une dizaine d'années lors de l'arrachage des vignobles malades : le haricot dont les principales espèces cultivées sont le Chevrier, le Bagnolet, le Flageolet d'Étampes, la Gloire de Paris, le Noir de Belgique, le Rognon de Coq ; la tomate dont les principales espèces cultivées sont la tomate Champagne, la Nicaisse, la Charollois, etc. ; les graines de betteraves, de radis, de carottes ; la pomme de terre et principalement la Quarantaine, l'Anglaise, la Saucisse. À remarquer, qu'il y a 50 ans le territoire était recouvert de vignes qui se sont trouvées détruites par le phylloxéra.

Il n'y a pas d'élevage de bestiaux à vrai dire à Saint-Germain-les-Arpajon. Quelques volailles, lapins, ruches d'abeilles ne font que la partie essentielle de l'élevage. Ces derniers produits : poulets, poules, lapins, miel sont livrés directement sur les marchés de la ville d'Arpajon, le vendredi de chaque semaine, ainsi qu'aux marchés de Montlhéry où la consommation est active par suite de la présence de nombreux pensionnaires (3).

 

 

 

Brétigny-sur-Orge

La patrie de Paul-Gabriel Chevrier , le père du célèbre haricot qui porte son nom, ne pouvait pas être exclue de la zone d'étude d'Arpajon. Presque tous les sols se trouvent à Brétigny-sur-Orge. Près de la rivière d'Orge, le terrain est humifère, sur le flanc du plateau est sensiblement argileux «  Les Glaises  », puis le sol est sablonneux aux environs de la «  Guette Saint-Pierre  », enfin dans la plaine, le terrain est une terre franche, humide par endroits. Au début du XIXe siècle existaient de nombreuses mares, elles ont été comblées et remplacées par des drainages et des fossés qui alimentent le ruisseau «  le Blutin  ».

Il y a quatre grandes fermes à Brétigny-sur-Orge : Fresnes, la Moinerie, Maison-Neuve et les Cochets. Le reste du territoire est divisé en petites parcelles, surtout sur le flanc du coteau, partie plantée en vignes. Les cultures sont variées. Dans les fermes on se consacre exclusivement à la grande culture : céréales, betteraves à sucre et pommes de terre à fécules. Dans les petites exploitations, on cultive la pomme de terre comestible et le haricot. Les haricots sont d'une espèce particulière trouvée par un cultivateur de Brétigny, Monsieur Chevrier (1824-1895) qui a bouleversé le monde du haricot. Ils portent le nom de haricot Chevrier et ont la propriété de rester constamment verts. « Un beau matin, Chevrier déposa de la paille sur une parcelle de champ où étaient encore des flageolets arrachés. Cinq ou six jours après, il vient pour enlever cette couche : les plantes avaient résisté à la privation d'air et de lumière et des cosses ouvertes montrèrent des grains d'un beau vert », telle est la description par Denaiffe de cette découverte.

La partie appelée le Glaises est encore cultivée en vignes, mais on en détruit un peu chaque année. Les arbres fruitiers, les pommiers surtout, sont devenus d'autant plus nombreux que la disparition de la vigne s'est plus accentuée. Dans les terrains sablonneux il existe quelques champs d'asperges. Les bestiaux, à part les chevaux (131 animaux en 1899) et quelques bœufs de labour sont très peu nombreux à Brétigny-sur-Orge. Dans les fermes il n'y a qu'une vache pour les besoins familiaux, le lait est rare à Brétigny, et par suite très cher : le litre n'est pas vendu moins de 25 à 30 centimes le litre et il est très difficile de s'en procurer (4).

 

 

La Norville

En général le sol de cette commune est formé de terre végétale argileuse ou sablonneuse, reposant sur les masses calcaires. Une partie, 60 hectares , est située sur le penchant du coteau de la vallée de l'Orge, le surplus, soit 295 hectares forme une plaine ne renfermant qu'une seule ondulation. Le territoire de la commune de La Norville est généralement morcelé. Sur une superficie de 436 hectares formant l'espace agricole, 183 hectares appartiennent au même propriétaire et forment 600 parcelles, le reste, soit 253 hectares est divisé en 1.300 parcelles et appartient à 300 propriétaires.

En 1899, La Norville est un pays essentiellement agricole. Les céréales (blé, avoine, seigle) tiennent la première place dans les cultures de cette commune où elles occupent environ 290 hectares soit les 2/3 de la surface. Les prairies artificielles couvrent environ le vingtième du sol, quatre hectares sont plantés en vignes et arbres fruitiers et le reste est occupé par des cultures diverses parmi lesquelles il faut citer le haricot, la pomme de terre, la tomate, la betterave fourragère ainsi que la carotte, la betterave, le radis et le chou à graine. L'élevage du bétail est sans importance à La Norville où l'on ne compte que 40 chevaux, 30 vaches, 200 moutons et quelques porcs. Les oiseaux de basse-cour sont évalués à 1.100.

 

Plan d'ensemble de La Norville (1899).

 

 

Guibeville

Le lieu fut cité en 1623 sous le nom de Giggeville dont l'origine provient du seigneur du lieu appelé «  Gibbosus  », c'est-à-dire Guy le Bossu. La commune fut créée en 1793. Aucune monographie n'existe puisque les enfants allaient dans les écoles voisines. La population, qui s'était accrue à la fin du XVIIIe siècle (102 habitants en 1806), diminue constamment au XIXe siècle pour atteindre 45 habitants en 1861. Après une légère remontée (74 habitants en 1891), la démographie s'écroula à nouveau au moment de la grande crise agricole (47 habitants en 1911). Encore une fois, l'absence de morcellement de la propriété rurale et la grande crise agricole de 1880 en sont la cause.

 

 

Cheptainville

Le sol de la commune est pour les 2/3 sablonneux et pour le restant calcaire. La superficie de 715 hectares est partagée en 271 parcelles non bâties dont seulement 3 propriétaires se partagent 372 hectares . Les principales cultures de Cheptainville sont celles des céréales et parmi elles du blé, du seigle, de l'avoine, du méteil. Depuis quelques années on cultive aussi beaucoup les haricots, la tomate, l'asperge. Pour ce qui est du bétail, on n'élève que des petits animaux, c'est-à-dire des porcs, des moutons et quelques chèvres. 65 chevaux servent à la culture et à la traction, 12 bœufs à l'attelage. Il y a dans la commune environ 120 vaches laitières et 100 moutons à l'engrais. Les cultivateurs font un petit commerce de volailles au marché d'Arpajon.

 

 

Marolles-en-Hurepoix

Sur le plateau entre Orge et Juine, Marolles-en-Hurepoix compte 458 hectares de terres labourables. À part deux fermes, l'une de 130 hectares et l'autre de 100 hectares , le reste de la propriété est morcelée entre une centaine environ de petits propriétaires. Les principales cultures peuvent être ainsi réparties sur l'étendue du territoire : 217 hectares en céréales, 30 hectares engraines alimentaires, 82 hectares en fourrages et prairies artificielles, 100 hectares en betteraves à sucre. À l'exception des betteraves dirigées vers une usine en dehors de la commune, l'excédent de tous ces produits est en partie vendu sur le marché voisin ou sur les marchés de Paris.

 

 

Leudeville

Dans la partie nord de Leudeville se trouve de la bonne terre franche qui est bien cultivée et qui donne d'excellentes récoltes. Le sol est siliceux à l'est, puis argileux au sud, enfin au sud-ouest contient des pierres meulières qu'on a commencé à extraire depuis 1870. La propriété territoriale est morcelée et composée en majeure partie de grandes parcelles dont plus de la moitié est possédée par le propriétaire du château de Leudeville qui loue ses terres à plusieurs fermiers.

Autrefois, Leudeville était un pays essentiellement vignoble, mais aujourd'hui (1899) il n'y a plus guère que sept hectares plantés en vigne car sur environ 446 hectares du territoire on pratique la culture des céréales : blé, seigle et avoine. Il y a très peu d'orge. La pomme de terre, la betterave à sucre et la betterave fourragère sont cultivées sur 106 hectares de terre environ, et 25 hectares employés par la culture des haricots. Enfin, il se trouve aussi des prairies artificielles sur une superficie d'à peu près 123 hectares (4).

Les chevaux sont employés de préférence aux bœufs pour les travaux de culture. On élève 800 moutons pour la boucherie, quelques porcs servent pour la consommation familiale. Il y a également des vaches laitières et des veaux chez la plupart des cultivateurs qui élèvent des volailles de basse-cour et des lapins. Les produits agricoles et les animaux de Leudeville sont vendus sur les marchés, foires et principalement à Paris et à Arpajon. Dans cette dernière ville a lieu un marché tous les vendredi, où les cultivateurs et fermières portent leurs denrées alimentaires comme : beurre, fromages, œufs, volailles et autres animaux de basse-cour.

 

 

Vert-le-Petit

La commune compte 770 habitants dont une centaine de militaires attachés à la poudrerie du Bouchet. Le territoire est composé de 500 hectares de terres labourables et 120 hectares de marais (partie tourbeuse) alimentés par les eaux de l'Essonne et de la Juine. Son sol est à peu près calcaire dans la plus grande partie de la commune, au-dessous de la terre végétale de faible épaisseur se trouve une couche de tuf qui rend le sol excessivement sec en été.

Le territoire de Vert-le-Petit est assez morcelé et appartient en grande partie à de petits propriétaires. Il se divise en deux parties inégales : à l'ouest depuis les marais la nature du sol produit de belles récoltes, la partie tourbeuse non extraite est consacrée à la petite culture potagère , les arbres fruitiers y sont d'une belle venue et produisent beaucoup de fruits. «  Il faut avouer que la qualité des fruits et des légumes laisse un peu à désirer…  », nous dit gravement l'instituteur, Mr. Ernest Daré. La grande ferme de Misery exploitant 150 hectares de terre, emploie jusqu'à 25 personnes, occupe 12 bœufs et 10 chevaux et engraisse 450 moutons. On y cultive intensivement le blé, l'avoine, le fourrage et la betterave à sucre. On y élève 200 volailles, poules, oies, canards, pintades, pigeons, etc. Outre cette ferme, il y a également trois maisons de culture dont la superficie totale exploitée est de 250 hectares environ.

 

La ferme de Misery à Vert-le-Petit tenue par Mr. Gustave Babault (photo, 1899).

 

 

Vert-le-Grand

Avec une superficie de 1.596 hectares , dans une plaine très fertile et bien cultivée, la commune de Vert-le-Grand est un exemple pour décrire la baisse de population durant les dernières décennies du XIXe siècle. Depuis 1882 la population de cette localité diminue d'une façon assez sensible. Elle s'élevait à cette époque au chiffre de 765 habitants. En 1886, elle n'est plus que de 745 habitants. En 1891, suivant à peu près la même progression décroissante, elle tombe à 718 habitants. Le recensement de 1896 donne 715 habitants.

Le terrain généralement argileux donne d'excellentes récoltes. Le calcaire et le sable dominent dans les parties les plus élevées du territoire. L'activité de la commune est depuis toujours agricole. Le tiers environ du territoire est occupé par trois fermes (Montaubert, Brazeux, Le Noues). Les sols sont consacrés à la grande culture du blé, de l'avoine, de la betterave, de la pomme de terre et des plantes fourragères. La répartition du sols entre les différentes cultures est la suivante : culture alimentaires 1097 hectares , prairies artificielles et fourrages divers 180 hectares , vignes 3 hectares , jardins et parcs 25 hectares . Les bois couvrent une superficie de 255 hectares . La vigne qui occupait autrefois une étendue beaucoup plus considérable disparaît de jour en jour, et l'époque n'est pas très éloignée où elle sera complètement supprimée.

À suivre

 

 

Notes

(1) Les données sont celles relevées dans les monographies d'instituteurs rédigées en 1899 à la demande de Mr. le Ministre de l'Instruction Publique à l'occasion du siècle nouveau.

(2) La foire aux haricots d'Arpajon fut crée en 1922. On y célèbre le passé maraîcher de la région. Elle se tient pendant le troisième week-end de septembre et attire chaque année 100.000 à 150.000 visiteurs. Le thème de la 78ème foire fut «  le haricot Chevrier, le haricot Tarbais-Orthez  ».

(3) Mr. Jacques Lenoir, instituteur, fait allusion aux nombreux élèves des pensions de Montlhéry.

(4) Un franc 1900 vaut environ 2,37 €. Ce qui fait le prix du litre de lait à 71 centimes. Pour le consommateur, le prix de la bouteille de lait, aujourd'hui se situe entre 60 centimes et 1,10 euro. C'est-à-dire, qu'avec les circuits de distribution actuels, le producteur est payé moins de 40 centimes au litre (320 euros pour 10 hectolitres en 2010).

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