L'agriculture en Hurepoix au XIXe siècle

(5) la région de Longjumeau

Chronique du Vieux Marcoussy ---------------------------------------- _------------------ ----------- juin 2012

Carte du Hurepoix.

C. Julien

 

 

 

Cette chronique est le cinquième volet de la série sur l'agriculture en Hurepoix au XIXe siècle. Après avoir décrit le monde agricole du sud Hurepoix, nous nous intéressons aux communes circonvoisines de Longjumeau dont les cultivateurs viennent alimenter le marché. Cette zone économique essentiellement rurale, excepté la ville de Longjumeau, d'une superficie de 5.272 hectares , était peuplée de 9.009 habitants lors du recensement de 1896 (1).

 

 

Nous avons appris, dans les chroniques précédentes que de nouvelles cultures avaient été introduites en Hurepoix au cours du XIXe siècle. Après la découverte de Paul-Gabriel Chevrier, le haricot a été cultivé dans toutes les communes. Bien que nécessitant une importante main-d'œuvre, d'une grande rentabilité, les fraisiers connaissent également un grand succès. La fraise apparaît dans les territoires de plaine qui n'étaient que ceux de la grande culture comme à Ballainvilliers. La production de l'asperge dans les sols sablonneux de Bruyères-le-Châtel ou de Champlan est aussi appréciée.

Le développement de l'activité agricole dans le domaine des fruits et des primeurs a été assuré, sans aucun doute, par la construction du chemin de fer sur route dit l'Arpajonnais . Les ingénieurs avaient pris soin de desservir de nombreuses communes et faisant serpenter la voie dans la campagne de part et d'autre de la route Paris-Orléans avec de nombreuses stations pour embarquer les marchandises. Dans les villages de Marcoussis, La Ville-du-Bois, Saulx-les-Charteux, Chilly-Mazarin, Morangis, Wissous, etc., les cultivateurs acheminaient la nuit les denrées qui étaient vendues le matin même sur le carreau des Halles de Paris.

 

 

Longjumeau

Ce qui faisait autrefois la prospérité de la petite ville de Longjumeau, c'était sa situation sur la grande route d'Orléans à Paris. Longjumeau, relais de poste, était la dernière étape avant la capitale, et de nombreuses auberges avec de vastes écuries : on voyait les enseignes de l'hôtel du Dauphin, de l'Hôtel Saint-Pierre et de l'Hôtel du Postillon. À la fin du XIXe siècle Longjumeau est desservie par la ligne de chemin de fer de la Grande Ceinture et le tramway à vapeur dit l'Arpajonnais qui possède une station sur la place du marché.

De médiocre étendue, le territoire de la commune est assez morcelé et ne permet que la moyenne et la petite culture. Les prairies naturelles occupent à elles seules le tiers du territoire et nourrissent près d'une centaine de vache qui fournissent le lait nécessaire à la consommation des habitants. Les deux autres tiers sont consacrés surtout à la culture des céréales, des pommes de terre et de divers légumes. On n'y fait d'ailleurs aucun élevage de bétail, et une vingtaine de familles seulement vivent de l'exploitation du sol.

Moins important que ceux de Montlhéry ou d'Arpajon, le marché de Longjumeau draine les productions agricoles des communes voisines. Un marché d'approvisionnement pour la ville s'y tient tous les mercredis matins. Quatre foires sont encore marquées sur l'annuaire en 1900, mais étaient tombées en désuétude dès la fin du Second Empire.

 

 

Saulx-les-Charteux

La nature du sol cultivable de la commune de Saulx-les-Charteux est multiple : ainsi au nord, des terres fortes argileuses, dans la vallée de l'Yvette des terrains d'alluvion, au centre un mélange de sable et d'argile, et partout au sud, des terres légères, plutôt siliceuses. La propriété foncière de la commune de Saulx est extrêmement morcelée. Pas de grandes parcelles, les plus étendues son en général d'un arpent (3.419 centiares). Comme à La Ville-du-Bois, partout de petites pièce de quelques ares à peine, mais partout aussi un sol fertile, admirablement cultivé. Ici on ne voit que très peu de champs de blé, d'avoine, d'orge, de seigle, bien que le sol puisse produire ces céréales en abondance, mais on remarque en revanche une grande densité de cultures maraîchères, «  dont l'aspect verdoyant et prospère charme les yeux du touriste autant qu'il réjouit les familles des agriculteurs  » nous dit, sur un ton assez lyrique, Mr. Hubert, maître d'école à Saulx.

 

 

Ce sont çà et là des champs de pommes de terre, d'asperge, d'épinards, d'oseille, de haricots, de tomates, de fraisiers, surtout sur la pente du Rocher. Cette dernière culture est une des plus productives du pays. Quand la fraise manque les habitants s'en ressentent toute l'année. À la dernière récolte, celle de 1899, pendant plusieurs jours, vers le milieu du mois de juin, des centaines de voitures attendent leur tour pour déposer à la gare la cueillette de la journée, avec peine contenue dans des milliers de paniers. Des trains nombreux et multipliés pour les besoins de la circonstance, ne contenant exclusivement que des fraises parfumées, partaient chaque soir pour les Halles centrales de Paris.

Du 4 juin au 18 juillet 1899, en l'espace de six semaines, de la seule gare de Saulx-les-Chartreux, ont été expédiés 74.423 paniers de fraises, formant un poids total de 518.961 kilogrammes . Les expéditeurs ont payé à la compagnie uniquement pour le transport des ces fruits la somme de 5.220 frs, mais ils ont reçu aux Halles centrales, à raison de 60 centimes le kilogramme, prix moyen et plutôt au-dessous du prix réel, 311.376 frs et 60 centimes. Voilà le produit des fraises à Saulx-les-Chartreux.

Après les fraises, viennent les cerises, autre récolte presque aussi importante que la première. Les fruits, en général, mais surtout les fruits rouges, sont les principales richesses du pays. Puis ce sont les haricots cueillis en filet d'abord, puis en cosses, c'est aussi par milliers de kilogrammes que le tramway transporte dans la capitale ces légumes. Les pommes de terre, les tomates, les navets, les poireaux, les choux, le beau chasselas doré, la chicorée cueillie en hiver, quelques fois sous la neige en même temps que l'oseille, formebt autant de productions importantes et spéciales de la commune.

Mr. Hubert fait remarquer que le lait est rare pour les onze cents habitants à cause du nombre des vaches limité à une trentaine de têtes. En raison directe de sa rareté, le lait est vendu 30 centimes le litre. «  Quelques personnes de mauvaises langues sans doute, disent même que pour ce prix il est baptisé !!!  », dit-il. Puis, notre instituteur évoque des comptes d'épiciers pour les marchandises vendues sur les marchés de Paris «  transportées dans de magnifiques chars à bancs légers et bien suspendus : c'est le progrès  ». Chaque semaine, il est porté :
• 2.500 kg de beurre vendu 3 frs le kg,
• 8.000 douzaines d'œufs à 1,20 frs la douzaine,
• 8.000 kg de haricots filets à 30 centimes,
• 8.000 litres de haricots écossés à 25 centimes le litre,
• puis un catalogue à la Prévert : pommes, poires, raisins, pommes de terre, salades, épinards, oseille, cerises, fraises, mouron pour les petits oiseaux, tomates, potirons, fleurs en petit bouquets, lilas,
• lapins, volailles, et autres gibiers…
et de conclure que la population de Sa
ulx-les-Chartreux fait pour plus de deux millions d'affaire par an avec la capitale.

 

 

Champlan

Sur les 367 hectares du territoire de Champlan, on compte 183 hectares consacrés aux terres labourables pour céréales, tubercules et racines, 3 hectares pour les pré et herbages, 2 pour la vigne et 6 pour les bois. Les cultures maraîchères, les jardins et potagers, les jardins de plaisance et les pépinières occupent 45 hectares . La nature du sol est sablonneuse sur la butte Chaumont tandis qu'un banc d'argile de 40 à 60 mètres de largeur traverse tout le territoire de Champlan. La propriété est très morcelée, on y compte 2.965 parcelles constituant le territoire agricole, dont 2.953 parcelles ont moins d'un hectare.

À Champlan, on cultive principalement les céréales, pommes de terre et luzerne, viennent ensuite différents légumes tels que les pois, haricots, asperges, choux, quelques champs de fraisiers. De nombreux arbres fruitiers, cerisiers, pruniers, pommiers, végètent en pleins champs principalement sur le versant sud de la butte Chaumont. La vigne, autrefois cultivée sur une notable portion du territoire n'occupe plus actuellement (1899) qu'un à deux hectares. Deux pépiniéristes sont établis à Champlan. Près de 100 chevaux sont occupés principalement aux travaux agricoles, 25 à 30 vaches laitières fournissent le lait nécessaire à la population.

 

 

Massy

D'une superficie de 927 hectares , le territoire de Massy comprend 6.500 parcelles en 1898, il y avait seulement 4.063 parcelles en 1811. La commune est desservie par trois lignes de chemin de fer qui occupent, avec les voies de communications et les ruisseaux une surface de 43 hectares . La superficie cultivable comprend environ : 260 hectares de froment, 15 hectares de seigle, 1 hectare d'orge, 160 hectares d'avoine, 180 hectares de pommes de terre, 80 hectares de luzerne, 2 hectares de vignes, 80 hectares de haricots. On voit en outre quelques champs de fraisiers, de cornichons, de potirons. Les salades d'hiver les choux surtout se voient en assez grande quantité en culture dérobée. Les vaches peuvent donner annuellement 730 hectolitres de lait à 30 frs l'hectolitre. Les produits agricoles sont dirigés sur Paris. Voilà le bref discours que nous apprenons de Mr. Decaris.

 

 

Wissous

Dernier village du Hurepoix avant la zone urbaine d'Antony est une commune rurale desservie par le tramway à vapeur, chemin de fer sur route de Paris à Arpajon. Peu d'information sur l'activité agricole de Wissous à la fin du XIXe siècle. L'instituteur, Mr. Henri Breton, ne consacre que quelques lignes à l'agriculture. Le sol, très fertile, est composé de terre franche. « … Riche par sa grande culture de céréales et pommes de terre, ce pays aux maisons bien entretenues, est appelé à se développer de plus en plus, vu la courte distance qui le sépare de Paris » nous dit le maître d'école. Généralement les produits du sol sont dirigés sur Paris par l'Arpajonnais et en retour, les cultivateurs rapportent les engrais nécessaires à leurs cultures. C'est ce qui explique le nombre relativement peu élevé des animaux de la ferme.

 

 

Morangis

Le terrain la commune de Morangis est caractéristique du centre Hurepoix avec une succession de couches de sable de Fontainebleau, de marne et de gypse sur un sous-sol calcaire. Faute de monographie sur Morangis, nous ne pouvons qu'évoquer que cette commune a vu sa population quasiment doublée en l'espace de 40 ans. Le territoire fut longtemps occupé par les vignerons et les maraîchers. Desservie depuis 1893 par l'Arpajonnais, il fallait une heure pour relier la porte d'Orléans à Morangis et il en coûtait 60 centimes en 1900. Ce nouveau moyen de transport favorisa l'expédition des produits aux Halles de Paris.

 

 

Chilly-Mazarin

La nature du sol de la commune de Chilly-Mazarin est diversifiée : fortement argileuse près de la rivière d'Yvette, sablonneuse à l'est, mais la plus grande partie du territoire est constitué par un terrain argilo-silico-calcaire d'une très grande fertilité. C'est une vraie terre à céréales. Le territoire est très morcelé, aucun propriétaire ne possède plus de 18 à 20 hectares de terre. Ces terres sont louées aux cultivateurs du village qui, au nombre d'une dizaine, exploitent toute l'étendue de la commune.

Le village est essentiellement agricole, aussi ne trouve-t-on à Chilly que des terres de labour, nulle prairie. Autrefois on trouvait, sur les terres méridionales, de nombreuses vignes produisant un vin assez renommé, connu sous le nom de «  vin de Chilly  ». Suite aux hivers rigoureux les vignes détruites ne furent pas replantées. On y cultive beaucoup le colza. Après l'arrachage des haies, la plaine est complètement nue, favorable à la grande culture : blé, avoine, pommes de terre et quelques fourrages artificiels.

Un certain nombre de maraîchers écoulent leurs produits sur les marchés de Paris en empruntant l'Arpajonnais qui, avec deux stations, traverse le village. Mr. Poilly, instituteur, nous explique : «  Les cultivateurs de Chilly sont très au courant de la culture moderne et emploient avec un grand succès les engrais chimiques et les outils perfectionnés. Aussi le rendement à l'hectare atteint presque le maximum  ». Le maître d'école vante les mérites de son beau-père, Mr. Courtois, propriétaire d'une exploitation modèle, qui cultive de 40 à 50.000 pieds de tomates dont les fruits sont directement expédiés en Angleterre. Une treille d'un kilomètre de long fournit un raisin de table qui rivalise avec celui de Thomery.

 

Plan d'ensemble de la commune de Chilly-Mazarin (1899).

 

 

Ballainvilliers

L'étendue, 380 hectares du territoire agricole de la commune de Ballainvilliers se décompose comme suit : 321 hectares de terres labourables dont 35 hectares de prairies artificielles fourragères, 7 hectares de vigne, 34 hectares pour la culture maraîchère et 4 hectares de bois (2). L'aspect général du sol est une plaine élevée et découverte s'inclinant doucement vers l'est. La couche superficielle se compose de terres argileuses plus ou moins mêlées de sable et de meulière, et de terres sablonneuses.

La commune de Ballainvilliers est essentiellement agricole. Son principal objet comprend la culture des céréales de toute nature, des légumes, du fraisier, de la tomate, des fruits de table : pommes, poires et cerises. Tous ces produits vont alimenter les marchés de Paris, emportés tous les soirs par l'Arpajonnais depuis la station du Petit Ballainvilliers. Les statistique de 1898 donnent : 100 hectares de froment produisant 2.000 hectolitres de grains (à 80 kg l'hl.) et 3.200 quintaux de paille ; 2 hectares de seigle et 80 hectares d'avoine. La culture maraîchère couvre 8 hectares , la tomate 15 hectares et les fraisiers 4 hectares .

 

 

Au 31 décembre 1898, il existait dans commune de Ballainvilliers 74 voitures à deux roues et à un cheval, 3 voitures à deux roues et à deux chevaux et une voiture à quatre roues et à un cheval. Le recensement des animaux donne : 84 chevaux, 6 ânes, 12 vaches, 6 chèvres, 600 poules, 40 canards, 20 pigeons et 300 lapins.

 

 

Épinay-sur-Orge

Le territoire d' É pinay-sur-Orge a une étendue de 383 hectares dont la plus grande partie est en terres labourables. On y voit quelques prairies sur les bords de l'Orge et de l'Yvette, point de bois, si ce n'est dans quelques propriétés fermées et sur le cours des rivières. Le sol comprend en parties également proportionnées de l'argile, du calcaire et des pierres caillasse. Cette dernière nature de terrain se rencontre au village d'Epinay et aux Petites vignes, endroits traditionnels du vignoble. En général le terrain est favorable à la culture, il se travaille facilement, conserve la chaleur et se prête à la production des légumes hâtifs. La terre arable d'une profondeur de 40 cm repose sur un socle de pierre meulière. L'étendue du territoire est ainsi divisée : 258 hectares en culture légumière, 30 en prairie artificielle, 20 en vigne, 15 en landes et 30 hectares en terrain marécageux.

En 1899, l'instituteur, Mr. Eugène Morin, fait une remarque importante qui explique un inflexion de la démographie : «  Il y a quelques années le territoire était très divisé, mais depuis dix ans environ, une propriétaire, Madame Carafa, des ducs de Noja, achète tous les terrains qui sont à vendre et les laisse en friches, aussi la partie cultivée actuellement appartient à un nombre très limité de propriétaires, de sorte que la population a tendance à diminuer  ». La culture des céréales est presque abandonnée et on ne s'en occupe guère que pour la paille et le grain qui serviront au cultivateur pour la nourriture des bestiaux et pour la production du fumier nécessaire aux champs. On s'adonne surtout à la culture des haricots verts, des pommes de terre, des tomates qui sont vendus à Paris.

Dans certains écarts de la commune d' Épinay-sur-Orge, le Froid-Cul , le Pavillon , les Follets , les Petites Vignes , les Gâtines , le sol est couvert d'arbres fruitiers : pommiers, poiriers, cerisiers, pruniers. Il n'y a pas de fruits à cidre. Autrefois on cultivait beaucoup la vigne, mais elle est délaissée aujourd'hui. La maladie et les froids qui ont sévi depuis quelques années en sont cause. On ne s'occupe pas de l'élevage des animaux. Ceux qui vivent sont employés aux travaux des champs ou servent à la nourriture de l'homme. La dernière statistique du XIXe siècle donne : 67 chevaux, 47 vaches, 2 ânes, 48 moutons, 11 porcs, 12 chèvres.

À suivre

 

 

Notes

(1) Les données sont celles relevées dans les monographies d'instituteurs rédigées en septembre 1899 à la demande de Mr. le Ministre de l'Instruction Publique pour célébrer le siècle nouveau.

2) Avant la Révolution, l'étendue de la paroisse de Ballainvilliers, d'après le plan d'intendance de 1782 (dressé par Michel Méteyer, commissaire à terrier) était environ de 656 arpents du Roi (valant 5.107 centiares), soit 335 hectares . Les habitants faisaient observer que le château et la ferme du Plessis-Saint-Père (la Croix-Saint-Jacques au XIXe s.) étaient de ladite paroisse de Ballainvilliers et que le sieur curé de Ballainvilliers était en possession depuis plus de cinq cents ans d'y faire les fonctions curiales quoiqu'ils reconnaissent que le terrain sur lequel sont construits lesdits château et ferme soit du territoire et paroisse de La Ville-du-Bois.

 

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