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L'agriculture en Hurepoix au XIXe siècle

(1) la région de Palaiseau

Nous présentons le sixième volet de la série des chroniques relatives à l'agriculture du Hurepoix à la fin du XIXe siècle (1). Le texte présenté concerne les communes qui environnent le marché de Palaiseau. Cette zone englobe sept communes qui couvrent une superficie de 9.354 hectares , peuplée de 5.916 habitants.

 

 

C.Julien - Décembre 2013

Carte du Hurepoix.

 

 

 

Les territoires des communes de la vallée de Chevreuse sont consacrés principalement par la culture maraîchère de plein champ et les vergers tandis que la grande culture des céréales occupe les terres des deux communes du plateau de Saclay.

Encore une fois, nous remarquons l'importance des chevaux dans le monde rural qui requièrent une production importante d'avoine (le picotin) et de foin. Mr. Girard, instituteur à Saint-Aubin souligne «  Les chevaux sont particulièrement employés aux livraisons des produits agricoles à Paris, à Versailles ou aux stations du chemin de fer. Quelques-uns assurent le culture des champs concurremment avec les bœufs nivernais  ».

Nous découvrons que les céréales, cultivées au XVIIIe siècle, ont cédées le pas à la petite culture des légumineuses et potagères. Le haricot est très populaire et d'un bon rapport, mais c'est surtout la fraise qui est devenue le produit le plus lucratif pour les petits cultivateurs, bien que demandant une main d'œuvre importante au moment de la cueillette. «  Il va sans dire que c'est à force de soins, de travaux, d'engrais et en variant les productions, selon leur nature et leur action sur le sol que la petite culture prospère. Les travaux s'y font en partie à bras d'homme  », nous dit Mr. Le François, instituteur à Orsay. Notons enfin que les débouchés sont assurés sur les marchés de Paris et que le chemin de fer a transformé les relations avec la capitale.

 

 

Palaiseau

Le territoire de Palaiseau s'étend sur 1.160 hectares 63 ares. En 1853, on dénombrait la répartition suivantes : 793 hectares de terres labourables, 120 hectares de bois, 80 hectares de prés et pâtures, 35 hectares de vigne. Le sol de Palaiseau est accidenté, l'Yvette coule au fond d'une vallée étroite et assez profond qui s'élargit vers Champlan. Nous trouvons diverses natures du sol : marnes blanchâtres au nord, terres avec prédominance de sables blancs et quartzeux ou colorés micacés sur les trois versants nord, est et sud du plateau. On peut aussi citer au nord vers Massy une couche de diluvium formant un riche terrain agricole.

La propriété est très morcelée sur les pentes et dans la vallée. La plupart des petits propriétaires se livrent à la culture maraîchère et force de soins et d'engrais ils obtiennent sur le même terrain jusqu'à trois récoltes par an. Le plateau est consacré à la grande culture. Autrefois on cultivait la vigne et le chanvre, cultures en grande partie abandonnées. Les principales cultures de Palaiseau consistent en légumes : artichauts, asperges, carottes, choux, épinards, haricots, navets, oignons, oseille, poireaux, petits pois, pommes de terre, potirons, salades, tomates ; en fruits : abricots, cerises, groseilles, pêches, poires, pommes, prunes, raisins et surtout les fraises. Cette culture a pris une grande extension dans toute la région. Les produits qui en proviennent sont communément désignés sous le nom de «  fraises de Palaiseau  ». On cultive également des fleurs : giroflées, lilas, roses et violettes.

Le marché de Palaiseau se tient le vendredi, il est approvisionné en grande partie par les commerçants de la localité. Il y a deux foires : l'une la Saint-Blaise, le 3 février est sans importance, la seconde la Sainte-Catherine, le 25 nombre, est très fréquentée. C'est le rendez-vous de tous les environs. Quoiqu'elle ne dure qu'une demi-journée, il s'y fait un grand commerce (animaux, outils, ustensiles de ménages, légumes, etc.). L'affluence est si considérable, à tel point que la circulation est très difficile. La commune de Palaiseau est reliée efficacement d'une part à Paris par la ligne de chemin de fer de Paris à Limours avec ses stations de Palaiseau-ville et Lozère et d'autre part à Versailles par la ligne de Grande ceinture avec sa station de Massy-Palaiseau.

 

 

 

Villebon

La commune de Villebon à une superficie totale de 741 hectares , ainsi réparties : 402 hectares de terres labourables, 155 hectares en prairies naturelles et 165 hectares en bois (2). La nature du sol est très variée, ce qui explique la diversité des productions de la terre. Ainsi dans le voisinage de l'Yvette, se trouve un terrain formé d'alluvions récentes, en remontant vers le nord-est, on rencontre des terres formées de glaise et de marne, en allant vers le sud on voit du sable ; le terroir de La Roche est parsemé de roches énormes de grès. La plaine de Villiers, allant vers Saulx-les-Chartreux, où le sable domine, est favorable à la culture maraîchère.

Villebon est une des huit cents communes de la banlieue qui approvisionnent journellement les Halles centrales de Paris. C'est par quantités considérables que les cultivateurs de la commune expédient chaque jour leurs produits, qui consistent en légumes : artichauts, asperges, carottes, choux, épinards, haricots, navets, oignons, oseille, poireaux, petits pois, pommes de terre, potirons, salades, tomates ; en fruits : abricots, cerises, groseilles, pêches, poires, pommes, prunes, raisins ; en fleurs : giroflées, lilas, roses et violettes. Les variétés de fraisiers principalement cultivées à Villebon sont, pour la fraise hâtive : l'Héricart, fraise préférée du commerce parisien, et l'Elton. Parmi les tardives : la Jucunda. On y cultive également la Princess, le Docteur-Morère, la Victoria et les Quatre-Saisons. Le commerce des fraises rapporte dans les années moyennes, 50.000 frs au minimum.

La récolte du froment s'élève annuellement à 2.000 hectolitres, celle de l'avoine à 3.000 hectolitres environ. Le seigle est produit en petite quantité. Les prairies naturelles, y compris les terres du haras de Villebon, fournissent par an 5.000 quintaux de foin, et surtout en même temps à l'élevage d'une vingtaine de chevaux de course. La culture maraîchère qui comprend la moitié des terres labourables fournit un revenu annuel de plus de 350.000 frs. Le commerce consiste dans la vente des produits alimentaires : beurre, œufs, volailles, fromages, etc. qui sont achetés sur les marchés de Montlhéry et de Limours pour être revendus à Paris le lendemain. On évalue à environ 200.000 frs le chiffre d'affaires annuelles fait par les commerçants de Villebon.

 

 

Orsay

La commune d'Orsay est essentiellement agricole. La statistique agricole d'occupation du sol de 1899 donne une étendue du territoire d'Orsay reparti comme suit : 739 hectares de cultures diverses, 95 hectares de prairies artificielles, 60 hectares de pairies naturelles, 120 hectares de bois et 63 hectares de jardins et vergers. Deux plateaux principaux séparés par la vallée de l'Yvette constituent le territoire. La nature du sol en fond de vallée est formée de débris du diluvium de sables graveleux. Le dépôt limoneux recouvre les plateaux a pour base une argile plus ou moins mélangée de sable et d'oxyde de fer. Les argiles vertes subordonnées au groupe des sables moyens forment des amas au bas des coteaux.

À la fin du XIXe siècle, le territoire d'Orsay était relativement morcelé. Toutefois, chacun ne possède pas son lopin de terre, sur les 1.856 habitants on compte 308 propriétaires fonciers. La grande culture embrassant les exploitations de 50 hectares et au-dessus est répartie pour la plus grande partie entre les deux fermes du Grand-Vivier et de Courtaboeuf qui possèdent toutes deux des distilleries d'eau-de-vie de betteraves. La petite culture qui exploite dans la commune une étendue de 195 hectares , soit un sixième environ du territoire, comprend surtout les plantes potagères et légumineuses, pois, asperges, laitues, pommes de terre, carottes, choux, tomates, haricots, poireaux, etc. etc. écoulés presque en totalité sur les marchés de Paris. «  Les fraises sont surtout un des principaux produits de la petite culture  », nous dit Mr. Le François, instituteur à Orsay.

À l'exception des deux fermes du Grand-Vivier et de Courtaboeuf qui se servent en partie de bœufs, le service des exploitations agricoles est assuré au moyen de chevaux. On ne trouve que fort peu de vaches et point de moutons.

 

 

 

Gif-sur-Yvette

En 1900, nous ne possédons que quelques renseignements sur la situation agricole de Gif où, comme dans toutes les communes de la vallée de l'Yvette, le fond des vallées de l'Yvette et de la Mérantaise et les plateaux du Moulon et de Saclay composent le territoire (3). La vallée, par son manque de largeur, se prête peu à la culture des terres qui sont inondées presque tous les hivers ; aussi les prairies constituent-elles la principale richesse végétale du sol. Les céréales ne donnent de bons produits que sur le plateau qui domine la vallée au nord, par contre, la culture maraîchère y est très prospère partout où elle peut être appliquée et ceux qui s'y livrent sont amplement récompensés de leurs peines. Les vignes portées à l'état de sections du cadastre pour une étendue de 4 hectares , sont aujourd'hui (1899) disparues et remplacées par des fraisiers ; toutes les collines exposées au midi en sont couvertes.

 

 

Saclay

Situé au centre du plateau du même nom, entre les vallées de la Bièvre et de l'Yvette, Saclay est un village agricole où domine la grosse culture. Le sol est formé de terre franche argileuse avec un sous-sol imperméable, glaise et pierres meulières sur banc de grès. Le territoire est partagé entre quelques propriétaires, six grosses exploitations agricoles sont affermées ; les petites exploitations sont au nombre de six. Mr. Charles Bidard, instituteur à Saclay fait remarquer : «  La modicité des salaires et la misère de la classe ouvrière sont la conséquence de cet état de la propriété, misère aggravée encore par la concurrence des ouvriers belges  ».

Les céréales, les betteraves à sucre, fourragères, les fourrages sont cultivés sur la plus grande partie de la commune. Les petits cultivateurs font aussi spécialement la culture du haricot cueilli en août. La vente des céréales, de la paille, du foin, se fait à Paris. La communication directe et facile par la route de Rambouillet permet l'écoulement des productions et le charroi des engrais, d'où la fertilité du sol bien cultivé et des terres bien drainées qui donnent un grand rendement. À la ferme de la Martinière, qu'on peut citer comme exploitation agricole modèle, on fait la culture des graines potagères. On ne trouve qu'une vingtaine de vaches et quinze cents moutons.

 

 

Saint-Aubin

La composition du sol de la commune de Saint-Aubin est variable (4). Toute la partie boisée et en coteau qui borde la vallée de Chevreuse repose sur un sol successivement argileux, sablonneux, composé de cailloux, de meulières et de grès. En plaine (4/5 du territoire), le sol est très peu perméable mais la terre est très fertile, surtout après des hivers peu humides. La propriété est peu morcelée. En dehors d'une grande exploitation, on rencontre environ une demi-douzaine de cultivateurs exploitant une petite surface au point de vue maraîcher.

La terre se prête à la culture du fraisier. Cette culture est d'autant plus intéressante que la récolte de la fraise se fait à une époque où les travaux des champs sont peu importants. La plupart des ouvriers agricoles du pays exploitent chacun environ un hectare de fraisiers pour leur propre compte. Cette culture spéciale, facilitée par le voisinage de Paris, a créé du travail aux femmes et aux enfants encore trop faible pour les autres travaux de champs , et entretient dans les familles un bien-être généralement inconnu, essentiellement agricole (5).

Les autres cultures se décomposent ainsi : blés pour un tiers environ, avoines pour un tiers environ, fourrages naturels et artificiels et pommes de terre pour un tiers. Il y a lieu de remarquer que la pomme de terre comestible est peu productrice en plaine, elle est plus belle et de meilleure qualité dans les sables en coteaux, par contre la pomme de terre industrielle cultivée en plaine produit des rendements variant de 20 à 25 tonnes par hectare (espèce Richter's Imperator). Cette pomme de terre est livrée à la féculerie et ne sert pas pour une partie appréciable à l'engraissement des animaux, c'est dire que l'élevage du bétail est nul.

Le village de Saint-Aubin ne compte que quelques vaches dont le lait sert exclusivement à la consommation journalière. Pas de fabrication de beurre ni de fromage. Les volailles et lapins domestiques des basses-cours particulières sont consommées sur place et ne sont pas des produits en vue du commerce.

 

 

Vauhalan

Ce village situé dans un vallon qui commence aux étangs de Saclay et se termine à la vallée de la Bièvre était autrefois le pays des vignes et des bois. Le vignoble a disparu pour faire place à des champs de fraisiers que la belle exposition du midi fait mûrir hâtivement. Sans aucune contestation l'économie de Vauhalan a changé au cours du XIXe siècle par l'arrivée de la culture maraîchère, particulièrement la fraise et le haricot.

 

 

Notes

(1) Les données sont celles relevées dans les monographies d'instituteurs rédigées en septembre 1899 à la demande de Mr. le Ministre de l'Instruction Publique pour célébrer le siècle nouveau.

(2) Le nom de la rivière Yvette fut ajouté, en 1922, pour que Villebon puisse être distinguer de son homonyme situé en Eure-et-Loir.

(3) Selon Mr. Varenne, instituteur, l'étymologie de Gif proviendrait du mot germanique Wif qui désignait un bien qui aurait changé de propriétaire en vertu d'une saisie. La mention du nom de la rivière Yvette fut ajoutée à Gif en 1932.

(4) La première école de Saint-Aubin fut crée en 1899 par le maire, jusqu'alors les enfants fréquentaient les écoles de Villiers-le-Bâcle et de Gif-sur-Yvette.

(5) En France, c'est l'imposition de l'école primaire obligatoire de 6 à 13 ans par Jules Ferry (lois de 1880-1881) qui permis de réduire significativement le travail domestique et agricole des enfants, jusque-là invisible pour le législateur.