Le prieuré de Notre-Dame de Longpont XIV. Chartes relatives à la vallée de la Bièvre |
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Chronique du Vieux Marcoussy ----------------------------------- _------------------- --------- Novembre 2010 Plan d'ensemble du cadastre napoléonien de Bièvres (dressé le 27 juin 1809).C. Julien
Cette chronique est le quatorzième volet de la série des textes qui présentent les chartes du prieuré Notre-Dame de Longpont « ecclesia sancte Marie de Longo Ponte » dont certaines sont inédites (1). Les villages de Jouy-en Josas, « Joi » (ch.-l. cant. Versailles, Yvelines), Montéclin et Vauboyen (comm. Bièvres, ch.-l. cant., Essonne) sont concernés . Cette fois, nous proposons l'étude d'actes concernant le temporel du prieuré dans le Nord Hurepoix, au cœur de la vallée de la Bièvre , c'est-à-dire des biens immobiliers donnés par des seigneurs de ces lieux ou bien des droits dîmiers attachés aux terres des villages susdits.
Toponymie Sur la carte de Cassini (dressée vers 1760) la vallée de la Bièvre comprend, depuis sa source à Guyancourt, les villages successifs de Buc, Les Loges, Jouy, Bièvres, Igny, Verrières pour arriver au Pont d'Antony sur lequel passait la route royale de Paris à Orléans. Autrefois, ce cours d'eau était majestueux ; la seconde rivière parisienne s'étalait en plusieurs bras sur lesquels étaient installées des tanneries. À la fin du XVIIIe siècle, la Bièvre était aussi appelée le « ruisseau des Gobelins ». Un acte de Philippe Auguste parle de « Rivus de Ignaco », le ruisseau d'Igny . Avant de devenir un cloaque, l'industriel Oberkampf avait l'ambition de contrôler la qualité des eaux de la Bièvre quand il acheta, le 26 fructidor de l'an III, l'ancienne ferme royale de Bouviers. Enfin, vers 1912, la Bièvre fut recouverte sur toute la longueur de son parcours urbain. Aujourd'hui, elle finit son cours dans le collecteur principal des égouts de Paris (2). Pour certains auteurs l'étymologie de cette rivière viendrait du mot « biber » qui désignait le « castor » en langue celtique (3). Il n'est pas certain qu'un jour des castors y aient élu domicile. D'autres étymologistes disent plus prosaïquement que « beber » signifie aussi : de couleur brune, comme les eaux de la Bièvre. Enfin, une troisième version qui serait moins prosaïque : en latin « bibo, bibere » , est le verbe "boire" ainsi « aquam bibimis » nous "buvons de l'eau". Notons que le grand spécialiste du XVIIIe siècle, l'abbé Lebeuf, avoue modestement «… je ne déterminerai rien là-dessus non plus que sur l'étymologie de ce nom, d'autant que nous n'avons pas de titre plus ancien qui en parle, que du XIIe siècle …». Ainsi, tout n'est que pure conjecture en la matière. En étudiant les chartes du prieuré N.-D. de Longpont, nous avons la confirmation des dires de l'abbé Lebeuf « … les actuaires se contentoient de mettre le mot en françois Bevre ou Biesvres dans les titres latins. Un ou deux actes dressés entre 1100 et 1150 appallent ce lieu en latin Bevria, ce qui n'apprend rien… ». Comme nous allons l'apprendre dans la suite par les actes dressés au temps des rois Louis VI le Gros et Louis VII le Jeune, plusieurs seigneurs possédant des fiefs dans la vallée de la Bièvres sont cités. Le toponyme du hameau de « Vauboyen » prendrait son origine du terme géographique val, vallée issu du latin « vallis, vallem » suivi du nom d'un propriétaire du lieu, le Val de Boein . On note que le propriétaire est d'origine germanique. Nous retrouvons le toponyme similaire dans Villebouzin, hameau de Longpont-sur-Orge, la villa du germain Bosen . L'altération a donné successivement : Vallis Baen (1090), Valbuini (1100), Valboien (vers 1150) puis Valbayen (XVIIIe s.). Poursuivons notre chronique par le hameau de « Montéclin » proche du précédent. L'abbé Lebeuf décrit « Monteclain » ou « Monteclen » comme étant le plus ancien en se référant au cartulaire de Longpont, et parlant de la « seigneurie de Monteclen » dans la mouvance de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés. L'éminent historien du diocèse de Paris précise « On lit dans l'histoire de ce monastère, à l'an 1275, qu'en cette année-là le roi Philippe-le-Hardi déchargea l'abbé Gérard de donner à dîner au prévôt de Châteaufort, à raison de la seigneurie de Monteclen, en même temps qu'il exempta les habitans de ce hameau de l'aider à conduire les criminels à Paris, comme ils étoient tenus auparavant ». Plus tard, sous Charles VI, un conflit eut lieu entre l'abbaye parisien et Pierre de Chevreuse à propos de « la justice de Monteclain ». Enfin sur la rive droite de la Bièvre nous trouvons le hameau des « Roches » , situé sur le coteau rebord du plateau de Saclay. L'abbé Lebeuf mentionne Menillet et les Roches comme étant des écarts de Bièvres.
Les seigneurs de la vallée de la Bièvre Le premier seigneur est Garnier de Bièvres « Garnerus de Bevria » qui fut témoin au don des dîmes de Montéclin et de Vauboyen fait, vers 1090, par Teulfus (charte CCLXVIII). Le second est Gautier de Bièvres « Galterius de Buevria » qui fut présent, vers 1100 lors de la donation au prieuré de Longpont d'un serf nommé Herbert par Girold Gastinel et son fils Ansoud (charte CXXII). Le troisième, un nommé Foulques de Bièvres « Fulco de Bevre », étant proche de la mort, lègue une terre en présence de toute sa famille (charte CXLIII). Une des branches de la famille de Bièvres était alliée avec celle de Massy, puisque nous retrouvons plusieurs chevaliers venant témoigner à Longpont. Tout d'abord, le jour de la Pentecôte 1110, ce fut Pierre « Petrus de Bevria » qui assista dame Marie de Massy, la femme d'Aymon, lorsque celle-ci fit don d'une part de dîme à Villebon (charte CCLXXVI). Plus tard, vers 1140, Payen « Paganus de Bevria », que l'on imagine de la même famille, fut présent avec ses frères Pierre et Isembert quand Geoffroy de Massy, surnommé Sultan, fils de Bouchard fit don de douze setiers de grains en froment, orge et fèves aux moines de Longpont avec l'approbation de sa femme Aveline et leur fils Aymon. D'autres seigneurs de Bièvres sont nommés par l'abbé Lebeuf. À la fin du XIIe siècle, il faut citer « Jean de Bevre, du fief duquel étoient des terres à Chastenay qui furent données en 1196 au chapitre de Paris ». Enfin, pour n'évoquer que le XIIIe siècle, citons un chevalier, feudataire de Philippe Auguste relevant de Montlhéry « Ivellacius est homo Regis de eo quod habet apud Biesvres ». Nous venons de voir qu'au XIVe siècle Pierre de Chevreuse prétendait exercer la justice et les droits seigneuriaux de Montéclin, pour lui avoir été donnés par le roi Charles V (4).
La donation de Teulfus Nous sommes, selon Marion, à la fin du XIe siècle, vers 1090 quand un nommé Teulfus prit le froc au prieuré de Longpont. Selon la règle, l'impétrant devait constituer une dot qu'il offrait à Dieu, à la Vierge et aux frères du lieu « Deo et sancte Marie de Longo Ponte et monachis ejusdem loci ». Comme toujours on donnait ce qu'il y avait de plus cher, une partie du patrimone familial, en l'occurrence la moitié de la dîme de Montéclin et deux parts de dîme à Vauboyen. Voici le texte de la charte CCLXVIII transcrit par Marion : « Teulfus, noster monachus, dedit Deo & sancte Marie de Longo Ponte, & monachis ejusdem loci, medietatem decime de Monte Clen ; de qua decima presbiter de Joi sextam partem habet. De bosco autem, & plana & de omnibus de quibus decima debet exire omnia dimisit predictus Teulfus eidem loco. De toto autem territorio de Valle Baen duas partes decime contulit idem Teulfus eidem loco, videlicet de omnibus de quibus decima debet exire, excepto, sicut jam dictum est, quod presbiter de Joi sextam partem retinet ; restante Garnerio de Bevria & Rogerio, majore de Saviniaco ; Garnerio, Roberto atque Bernardo, famulis ». Nous en donnons une traduction sommaire : «Teulfus, notre moine, donna à Dieu et à Sainte Marie de Longpont et aux moines de ce lieu, la moitié de la dîme de Montéclin dont le prêtre de Jouy-en-Josas possédait la sixième partie. Ensuite, le susdit Teulfus renonça au bois et à la terre arable et à tout de quoi la dîme tenait en ce même lieu. Puis deux parts de dîmes sur tout le territoire de Vauboyen, furent apportées par Teulfus en ce même lieu, à savoir de tout ce qui tenait de cette dîme, à l'exception de ce qui été dit précédemment, la sixième partie retenue par le prêtre de Jouy. Les témoins sont : Garnier de Bièvres et Roger, le régisseur de Savigny ; les serviteurs Garnier, Robert et Bernard». Le moine Teulfus était issu d'une famille aristocratique mais nous ignorons exactement s'il possédait tout ou partie de la seigneurie de Bièvres. Il semble que Teulfus soit en famille avec le curé de Jouy-en-Josas dont nous ignorons le nom. Ce dernier possédait seulement un sixième de la dîme de Montéclin. Encore une fois, nous assistons au transfert de dîmes confisquées aux siècles précédents par les laïcs. Le futur moine renonce à tous les droits dîmiers tant sur les cultures que sur les bois. Dans cette charte, le scribe écrivit « planus » c'est-à-dire plaine, terrain plat, par opposition à un terrain boisé ou en broussailles. Notons que le terme « bosco » appartient au bas-latin médiéval. Le couvent de Longpont ne garda pas longtemps la dîme de Montéclin, puisqu'en 1155 un échange eut lieu entre Guildin, second abbé de Saint-Victor, et le prieur Thibaud pour tenir lieu de la prébende et de quelques autres droits que l'abbaye Saint-Victor possédait dans la collégiale de Montlhéry, contre d'autres propriétés que les premiers possédaient ailleurs (5). Lorsque le chapitre de Montlhéry eut été régularisé en 1154, c'est-à-dire uni au prieuré de Longpont, Gilduin demanda d'être dédommagé de l'extinction de la prébende que sa communauté y avait, et de la perte du droit des annuels ; comme il avait consenti à la réunion, il obtint par l'entremise de Thibaud, évêque de Paris, que les moines de Longpont lui abandonnassent « des biens et des revenus à Athies et à Monteclein ». On apprend par le nécrologe de l'abbaye de Saint-Victor, que la prébende de Montlhéry ne lui venait pas des seigneurs, ni du roi Louis-le-Gros, mais de l'abbé Jean de la Chaîne , qui l'avait donnée pour le repos de l'âme d'Erchembald, son père. Apparemment que les seigneurs avaient laissé à l'abbé de Montlhéry de pourvoir aux prébendes. Il résulte de là que l'abbaye de Saint-Victor n'a joui que fort peu d'années de cette prébende canoniale.
Les dîmes de Vauboyen Une seconde charte de Longpont fait état de droits seigneuriaux que le prieuré reçut au début du XIIe siècle, moins d'un demi-siècle après sa fondation. Il s'agit de la donation de dîmes détenues sur le terroir de Vauboyen par les seigneurs d'Orsay. Vers 1100, Simon d'Orsay donne la dîme sur deux arpents à Vauboyen (charte CCLXIV) : « Simon de Orceaco & uxor ejus, Odelina, dederunt Deo & sancte Marie de Longo Ponte, fratribusque ibidem deo serventibus, decimam de duobus arpentis terre in valle Valbuini, que in manus eorum venerat de morte cujusdam militis eorum. De quo dono sunt isti testes : Petrus Castellus ; Obertus, piscator ; Girardus, famulus ; Rainerius Turcus ». Voici la traduction sommaire : « Simon d'Orsay.et sa femme Odeline, donnèrent à Dieu et à Sainte Marie de Longpont et aux frères qui y servent Dieu, la dîme de deux arpents de terre dans la vallée de Vauboyen, qu'ils avaient hérité à la mort d'un chevalier de leur parent. Les témoins de ce don sont : Pierre Chastel, le pêcheur Obert, le serviteur Gérard, Rainier Turcus». Simon d'Orsay était un contemporain du prieur Henri qui gouverna Notre-Dame de Longpont depuis 1086 jusqu'en 1125. Les seigneurs d'Orsay, dont ceux de la famille Chastel, étaient très liés au prieuré de Longpont et à sa succursale, le prieuré Saint-Martin. Cette donation semble être en rapport avec la charte CCLXIII dans laquelle un nommé Richard Pela Rusticum avait cédé au prieuré Saint-Martin d'Orsay toute la dîme de la masure d'Albert de Villezière avec l'approbation de Simon et sa femme Odeline. Pierre Chastel fut également témoin de cet acte.
La donation de Foulques Nous venons d'apprendre que l'un des seigneurs de Bièvres, sentant la vie le quitter, fit son testament au profit du prieuré Notre-Dame de Longpont. Cette fondation d'obit est l'objet de la charte CXLIII du cartulaire (A), transcrite par Jules Marion. « Fulco de Bevre, moriens, dedit Deo & sancte Marie de Longo Ponte, & monachis ejusdem loci, septem arpenta terre, apud Charcosium, testantibus his : Frogerio, decano ; Ermenaldo, presbitero ; Roberto, filio ejus, qui hoc donum concessit ; Gila, uxore sua ; Emelina, sorore ejusdem Gile ; Arnulfo Ariete, patre Aymonis Arietis ; Avelina, uxore Gaufredi Bernoala. Postea, predictus Robertus, filius ejus, mensuravit eandem terram supradictis monachis, videntibus simul & audientibus : Hugone, filio Alvi ; Nanterio Escharbot ; Rainerio Borno ; isti in parte ipsius Roberti ; ex parte autem monachorum : Heinrico, priore ; Georgio, subpriore ; Ranulfo, S. Marie majore ; Oylardo, famulo ; Johanne, famulo, cognomento Barba ».
Extrait de la carte de Cassini de Thury (1756).
Voici la traduction sommaire : «Foulques de Bièvre, mourant, donna à Dieu et à Sainte Marie de Longpont et aux moines de ce lieu, sept arpents à Charcoix, les témoins de cela : le doyen Froger, le prêtre Ermenald, Robert, son fils [de Foulques] qui approuve cette donation, Gile, sa femme, Emeline, sœur de Gile, Arnulf Ariete, le père Aymon Ariete, Aveline, la femme de Geoffroy Bernoala. Après ceci, Robert le fils précité accorda la terre aux moines, les témoins qui virent et entendirent, de la part de Robert : Hugues fils d'Alvi, Nantier Escharbot, Rainier Borno. De la part des moines : le prieur Henri, le sous-prieur Georges, Ranulf le régisseur de Sainte Marie, le serviteur Oylard, le serviteur Jean surnommé Barba». Cette charte est brève mais précise. Nous y trouvons un grand nombre de témoins tant du côté du donateur que du côté des moines de Longpont. Toute la famille de Foulques est présente à cette cérémonie qui constitue la fondation d'un obit au profit du mourant, prélude à aux obsèques. Le prieur Henri, qui resta en fonction jusqu'en 1125, le sous-prieur Georges, le régisseur de Sainte Marie et les serviteurs Jean et Oylard représente le couvent. Ces derniers sont vraisemblablement des serfs employés dans les terres du monastère. Il s'agit d'une donation relativement importante de sept arpents de terres labourables à Charcoix ou Charcoy, « Charcosium », lieu-dit de la commune du Plessis-Pâté (Essonne). Ce bien s'ajoutant à de nombreux autres, constituera un domaine agricole important du prieuré de Longpont. Nous notons la présence de Ranulf, le régisseur du prieuré de Longpont qui sera chargé d'administrer les nouvelles terres. Remarquons également la forte présence de la gente féminine dans cette charte, ce qui nous montre une civilisation où les femmes avaient de nombreux droits.
La donation de Gile Vers 1105, Gile, la veuve de Foulques de Bièvres, revient à Longpont pour une seconde libéralité pieuse. Sans aucun doute, fonda-t-elle un obit pour elle-même « pour le salut de son âme » selon l'expression consacrée. Elle donna la terre que Menard, le bourreau de Chastres tenait et pour laquelle elle percevait un cens de trois sols payables le jour de Noël. Voici le texte de la charte CCXCIII du cartulaire (A) de Longpont : « Gila, uxor Fulconis de Bevria, dedit Deo & sancte Marie de Longo Ponte, & monachis ibi deo servientibus, terram quam Menardus, carnifex, de Castris, tenebat, que reddit tres solidos ad Natalem Domini ; & hoc concessit Robertus de Fluriaco, filius ejus, & Fulco, filius Roberti, & ambo, videlicet pater & filius, ex hoc donum super altare miesrunt. Quod viderunt & audierunt hii testes : Gaufredus, major ; Oylardus, famulus ; Hugo de Cormerio ; Tebaldus & Gaufredus, filii Remberti ; Benedictus de Puteo ; Albertus de Dordingco ; Girardus de Rivo & Garnerius, frater ejus ». Voici la traduction sommaire : «Gile, épouse de Foulques de Bièvres donna à Dieu et à Sainte Marie de Longpont et aux moines qui y servent Dieu, la terre que Menard, le bourreau de Chastres tenait et qui rapportait trois sols payés le jour de la Nativité du Seigneur ; et cela fut consenti par Robert de Fleury, son fils, et Foulques, le fils de Robert et les deux ensembles, c'est-à-dire le père et le fils posèrent l'acte sur l'autel. Les témoins qui ont vu et entendu cela : le régisseur Goeffroy, le serviteur Oylard, Hugues de Cormerio, Théobald et Geoffroy, les fils de Rembert, Benoît de Puteo, Albert de Dourdan, Girard de Rivo et Garnier, son frère». Nous ignorons la situation exacte du bien dont il est question, mais nous ne pouvons que l'inscrire aux environs de Chastres (autrefois Arpajon) puisque le bourreau public « carnifex », et exécuteur des hautes œuvres, possédait cette terre en roture. Nous ignorons également la superficie du terrain, mais connaissant le montant de la redevance. Nous pouvons conjecturer une surface de trois arpents sachant qu'à la même époque un certain Herbert payait un cens de douze deniers imposés sur un arpent à Fontenelle. Gile semble être une femme très âgée puisque la cérémonie est faite en présence de son fils Robert et de son petit-fils Foulques. Enfin, notons l'écriture inhabituelle de la liste des témoins, les serviteurs du prieuré de Longpont passant avant les aristocrates.
Le legs de la vigne des Roches Vers 1140 Arnulf des Roches « Arnulfus de Rupibus » a donné par testament une vigne aux moines de Longpont. La donation est postérieure à celle que fit Godefroy, fils de Galon, et son épouse Havise, qui avaient concédé douze deniers de cens prélevés sur la vigne d'Arnulf. Voici le texte de la charte CCCXIX transcrite par Marion : « Godefredus, filius Galonis, & Havisa, uxor ejus, concesserunt Deo & sancte Marie de Longo Ponte, ac monachis ibidem Deo famulantibis, duodecim denarios de censu, quos Arnulfus de Rupibus reddit de quadam vinea: quam vineam ipse Arnulfus concedit eidem ecclesie de Longo Ponte, post decessum suum: donum vero supradictum postea Godefredus, filius Godefredi, posuit in manu Johannis, prioris, cum invenisset in Stampis. Hujus rei sunt testes hii: Gislebertus de Petroso; Symon, filius Ursini Divitis; Paganus Bardinus; Bernardus, famulus; Arnulfus de Rupibus ». Nous en donnons une traduction sommaire : «Godefroy, fils de Galon, et Havise, sa femme, concédèrent à Dieu et à Sainte Marie de Longpont et aux moines qui servent Dieu en ce lieu, douze deniers de cens, qu'Arnulf de Rupidus payait de la vigne : c'est la vigne qu'Arnulf concéda à l'église de Longpont qui la recevra à sa mort. En vérité, l'acte de la susdite donation dans la main du prieur Jean par Godefroy, fils Godefroy, lors de leur rencontre à Étampes. Les témoins de cette chose : Gilbert du Perray, Simon, fils d'Ours Le Riche, Payen Bardin, le serviteur Bernard, Arnulf des Roches». Nous sommes en présence, une nouvelle fois, d'une fondation d'obit au moment où le nommé Godefroy approchait de sa fin. Il semble que le donateur ne put venir à Longpont, soit par une grave maladie, soit par un décès subit puisque l'acte fut mis sur l'autel de la Vierge par son fils Godefroy. Pour ne pas être en reste Arnulf des Roches offrit la vigne aux moines par testament. Notons que « Rupibus » pourrait être une altération de « Rupes » les Roches, nom de l'écart de la commune de Bièvres.
Les dîmes de Jouy-en-Josas Au milieu du XIIe siècle, Thibaud occupe le siège prieural de Longpont. Prélat d'une haute valeur morale, Thibaud veut asseoir fortement la seigneurie ecclésiastique de Longpont en demandant la protection des plus hautes autorités de l'Église, le pape et l'évêque de Paris. Respectant la hiérarchie, le prieur de Longpont s'adresse tout d'abord à son évêque qui est un de ses amis au temps où ils demeuraient à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Le diplôme de confirmation du temporel du prieuré Notre-Dame est donnée par Thibaud évêque de Paris en 1150 huitième année de son épiscopat « episcopatus nostri VIIIe ». Il constitue la charte II du cartulaire (A) du monastère de Longpont. Par la « grâce de Dieu », le prélat s'adresse à son fils Thibaud et aux moines qui servent Dieu « Teobaldus, Dei gracia Parisiorum episcopus, venerabili ac dilecto filio Teobaldo, prori de Longo Ponte, et fratribus ibidem Deo servientubus, in perpetuum ». Sous la protection de l'épiscopat de Paris, parmi l'inventaire du temporel, on comprend : « sub nostra protectione et parisiensis ecclesie constituimus et auctoritate munimus : ecclesiam de Longo Ponte cum decima et atrio, ..., decimam de Joi ; medietatem decime de Monteclein… ». C'est-à-dire l'église de Longpont avec la dîme et l'atrium, la dîme de Jouy et la moitié de la dîme de Monteclein. L'évêque Thibaut finit en affirmant sa protection par : « Ces biens, et ceux que vous possédez ou posséderez selon la justice et le droit canon, nous les confirmons de notre autorité pontificale et nous les fortifions par l'opposition de notre sceau, décrétant que nul n'ose vous enlever vos biens, les amoindrir ou infirmer le présent décret. S'il le transgresse, et si, après un deuxième et troisième avertissement, il n'y satisfait pas, qu'il se sache lié à la chaîne d'un anathème perpétuel. À ceux qui observent ces prescriptions, honneur et salut ». Deux ans plus tard, le prieur de Longpont sollicita la protection du pape qui visitait l'abbaye de Cluny. La bulle de confirmation du pape Eugène III, rédigée main de Boson, secrétaire de la Sainte-Église romaine le 21 février 1152, en présence de toute la Curie romaine, inventorie toutes les possessions du monastère de Longpont (charte I du cartulaire A). Le pape s'adresse à son « fils » Thibaud le prieur de Longpont et à tous les moines pour leur donner toute sa protection « dilectis filiis Teobaldo, priori monsterii beate Marie de Longo Ponte, ejusque fratibus, tam presentibus quam futuris ». Cette charte reprend à quelques changement près, les termes de la charte de l'évêque de Paris « .. . in episcopatu Parisiensi, villam videlicet de Longo Ponte cum decima et atrio, ..., decimas de Joi ; medietatem decimarum de Monteclein,… ». C'est-à-dire : dans l'évêché de Paris, le village de Longpont avec la dîme et l'atrium, …, les dîmes de Jouy-en-Josas, la moitié des dîmes de Montéclin . Le Saint-Père termine le diplôme en précisant sa protection: « Nous décrétons donc qu'il ne soit permis à nulle personne de jeter témérairement le trouble dans ledit monastère, de lui enlever ses biens, de les retenir, des les amoindrir ou de les détériorer par quelque dommage ; mais qu'ils soient tous conservés intacts, pour servir à tous les usages de ceux à la gestion et à la maintenance desquels ils ont été confiés dans le respect de l'autorité du siège apostolique et de l'obédience des abbés de Cluny, et de la juridiction canonique des évêques diocésains » et en jetant l'anathème à quiconque enfreindrait la décision pontificale . « qu'il soit relégué dans les rangs les plus extrêmes voués à la plus rigoureuse vengeance divine ». Bien qu'aucune charte antérieure à 1150 n'évoque la dîme de Jouy-en Josas, les deux diplômes précédents sont explicites sur ce point. L'histoire de Jouy-en-Josas nous est connue précisément à partir du IXe siècle, grâce aux écrits des moines de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés qui défrichèrent les terres. Le toponyme viendrait du nom latin « gaudium » qui signifie "joie, volupté", avec les altérations successives : Gaudiacum, Gaugiacum, Joviacum, Joïacum puis Gouy ou Goy, et enfin Joï, Joui et Jouy. Pour le distinguer des villages du même nom, l'on adjoignit « Josas » le nom de l'un des archidiaconés de l'ancien diocèse de Paris dans lequel il se trouvait. Dans une charte de 1205 (cartulaire C de Longpont), suite à une chicane, un règlement est donné entre les religieux de Longpont et le curé de Jouy, touchant « la dixme et la construction d'une grange ».
Les témoins d'Igny Une seule charte de N.-D. de Longpont (cartulaire A) donne des indications sur Igny, autre village de la vallée de la Bièvre , situé à l'endroit où la rivière s'étale dans la vallée. Le toponyme d'Igny a été discuté par plusieurs auteurs. Pour certains, il serait dérivé du mot latin « ignis » signifiant le feu, pour désigner un lieu ayant subi un important incendie, « étymologie corroborée par l'appellation des bois communaux Brûlis et Brûlés au nord-ouest du territoire » disent les auteurs. Une autre version de l'origine du toponyme tendrait à privilégier la thèse d'une propriétaire terrien gallo-romain nommé Ennius ou Enius qui aurait donné au lieu l'appellation « Igniacum ». Il se pourrait tout simplement que le toponyme vienne de la présence de charbonniers de la forêt d'Yveline qui auraient installé, dans ce lieu, leurs meules pour fabriquer le charbon de bois (6). La première mention écrite du lieu intervint au début du XIIe siècle dans le cartulaire de Longpont sous le nom de « Eni ». Au siècle suivant dans un cartulaire de Philippe-Auguste, le village est nommé « Rivus de Ignaco ». Vers 1100, Jean de Massy donne toute la terre qu'il possédait à Longpont, proche l'aumônerie des moines. Cette terre comprenait des vignes chargées de cinq sols de cens avec les droits de pressoir. La charte LXXXV du cartulaire (A) concerne indirectement Igny. Nous en donnerons le texte et la traduction en son temps, lors de l'étude sur Massy. Toutefois, mentionnons les deux personnages cités en tant que témoins de la donation lors de la cérémonie à Longpont. Les fidèles du prieuré qui assistent les moines de Longpont autour du prieur Henri sont clairement désignés : Jean, curé d'Igny et Hugues d'Igny. Le scribe écrivit « Ex parte sancte Marie : Heinricus, prior; Johannes, presbiter de Eni, Petrus, major de Calliaco, Teolus, famulus, Rannulfus, famulus, Hugo de Eni, et Fulco, clericus ». Nous conjecturons qu'Hugues d'Igny était un aristocrate. Du côté du monastère, la citation de Pierre, le moine bibliothécaire, « Petrus, monachus armarius » est une information intéressante, car il se pourrait qu'il fût le rédacteur de nombreuses chartes sous le priorat d'Henri Brito. À suivre…
Notes (1) J. Marion, Le cartulaire du prieuré Notre-Dame de Longpont de l'Ordre de Cluny au diocèse de Paris (Impr. Perrin et Marinet, Lyon, 1879). (2) La Bièvre traverse 16 communes qui sont depuis sa source à son confluent avec la Seine : Guyancourt, Buc, Loges-en-Josas, Jouy-en-Josas, Bièvres, Igny, Verrières-le-Buisson, Massy, Antony, Fresnes, Bourg-la-Reine, l'Hay-les-Roses, Cachan, Arcueil, Gentilly et Paris (pont d'Austerlitz). (3) Dans Le Bestiaire, Philippe de Thaün (ca. 1130) nous lisons « une beste est d'autre nature, castor la nomme l'escripture, en roman l'apele l'an beivre ». Dans la chronique de Charles VII, jean Chartier dit « … et après venoit le Roy […] ayant en teste ung chapel de castor, aultrement bièvre ». Dans le Littré de 1880 nous lisons : d'après d'Arbois de Jubainville (Revue Celtique, t. II, p. 127) bièvre est bien d'origine celtique ; mais il provient non pas du cornique befer , qui est lui-même un dérivé, mais du gaulois beber . Au reste, ce mot sapparaît dans plusieurs langues aryennes : russe, bobr (castor, loutre) ; persan bebr (castor). Nous retrouvons la même racine, puisque le castor se dit « beaver » en anglais, « biber » en allemand. (4) Pierre de Chevreuse, conseiller de Charles V, est célèbre pour avoir acheté la seigneurie de Chevreuse dont le produit servit, en 1366, à Ingerger d'Amboise, fils de Jeanne de Chevreuse fait prisonnier des Anglais, à payer sa rançon. Le nouveau propriétaire fit réaliser de grands travaux de défense militaire. (5) Gilduin, originaire de Paris, succéda à Guillaume de Champeaux, fondateur de la célèbre abbaye de Saint-Victor, et n'eut comme lui d'abord que le titre de prieur; mais une bulle du pape Pascal II, datée de l'année 1114, lui décerna le titre d'abbé. Son administration sage et édifiante lui attira une foule de disciples recommandables par leurs mérites et leur sainteté, au nombre desquels nous citerons le bienheureux Thomas et le célèbre cardinal si connu sous le nom de Hugues de Saint-Victor. La faveur des grands vint le chercher dans son cloître. Le roi Louis le Gros voulut l'avoir pour dépositaire et guide de sa conscience. Etienne, évêque de Senlis, se l'associa dans le gouvernement de son évêché, et accorda à son abbaye toutes les grâces dont il pouvait disposer. Comblé d'années et de mérites, il mourut le 13 avril 1155, après avoir gouverné son monastère pendant 43 ans. (6) Dès l'Antiquité, l'homme avait mis au point le procédé de fabrication du charbon de bois en carbonisant du bois en l'absence d'oxygène. Il fallait retirer l'humidité du bois et toute matière végétale ou organique volatile, afin de ne garder que le carbone.
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