Le prieuré Notre-Dame de Longpont XVIII. L'annexe parisienne (1) |
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Chronique du Vieux Marcoussy ---------------------------------------- _-------------------- --------- Avril 2011 Plan de la ville de Paris sous le roi Louis VII le jeune (1705).C. Julien
Nous présentons le dix-huitième volet de la série des textes qui exposent le temporel du prieuré Notre-Dame de Longpont, monastère de l'Ordre de Cluny. Le prieuré de Longpont avait reçu l'église Saint-Julien-le-Pauvre qui devint un prieuré sous sa dépendance pour être, au Moyen Âge, un centre culturel important, accueillant les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle et les assemblées de l'Université de Paris (1). Les rimes des Moutiers de Paris du XIIIe siècle désignent l'église dont il est question …. Saint Juliens Les voyageurs récitaient, le jour, l'oraison des saint Julien, pour avoir le soir un bon gîte (2). Dans cette chronique nous relatons la première partie de l'histoire de l'annexe parisienne du prieuré clunisien Longpont.
La chapelle Saint-Julien avant le XIIe siècle Les origines de Saint-Julien-le-Pauvre ou Saint-Julien-l'Hospitalier demeurent un sujet de polémique ; l'église remonterait au VIe siècle. Si l'on en croit le cartulaire de Longpont, cette église édifiée sur les bords de la Seine était placée sous l'invocation du saint, soldat romain martyrisé à Brioude vers 304 pendant la persécution des chrétiens par l'empereur Dioclétien. Dans son " Histoire des Francs ", l'évêque Grégoire de Tours donne l'évidence d'une basilique et d'un hospice pour voyageurs se tenait là au VIe siècle. Grégoire dit avoir été logé à Saint-Julien-le-Pauvre en 580 lors d'un concile d'évêques à Paris (Livre IX, chapitre 6). Certaines sources donnent la date de sa destruction comme l'hiver de 885- 886 , pendant la célèbre bataille du Petit-Châtelet qui fut livrée à proximité . Selon Hillairet et Boinet , cette bataille fut l'un des événements les plus tragiques du siège quand les Normands , sous leur roi Siegfried , avaient navigué sur 700 drakkars jusqu'à la Seine à la fin de novembre 885 pour attaquer Paris . À cette époque , l'île de la Cité était la seule partie de Paris qui était protégée par un mur de défense , et la plupart des habitants avaient fui là pour la sécurité . Deux ponts de bois défendus par des châtelets ( tours) liés à l'île de la Cité aux deux rives de la Seine , et elles ont été la cible de nombreuses attaques parce qu'elles empêchaient les Normands de naviguer en amont pour piller l'intérieur des terres . Le 6 février 886 , le Petit-Pont , qui relie l'île à la rive gauche , emporte par une inondation et isole les douze défenseurs du Petit-Châtelet , qui sont cruellement massacrés par les Normands (3) . Dans son Histoire de Paris de César à Saint Louis , Maurice Druon fait état de quatre grands attentats normands sur Paris , en 845 , 856 , 861 , et le grand siège de 885-86 . Dans Paris et son histoire Thomas Okey donne une liste supplémentaire en évoquant des raids en 852 , 858 , 876 , 884 et 887. Le calendrier de Michel Fleury ( La Naissance de Paris, Impr. Nat. , Paris, 1897 ) fait état d'attaques encore plus , dont une en 857 au cours de laquelle les Normands ont brûlé toutes les églises à l'exception du palais épiscopal , Saint-Germain-des-Prés et Saint-Denis. Il semble peu probable que la basilique ait survécu intacte . Le bâtiment est encore en ruine , lorsque le roi Henri 1er signe une charte au cours de la première moitié du XIe siècle donnant plusieurs églises en ruines de la rive gauche à l'évêque de Paris (4) . Ainsi les biens et les ruines de Saint-Julien « sancti Juliani Parisiensis, capella, apud Parvum Pontem sita est » reviennent dans le temporel de l'évêché de Paris à condition qu'un clerc nommé Girauld en aurait l'usufruit pour le reste de sa vie. La date exacte de cette charte est apparemment inconnue (Boinet , vol . 1, p. 205 ), bien que diverses sources indiquent la date de 1031 , 1021 , 1045 et 1050 . Notons que Henri 1er a régné de 1031 à 1060 . Cependant , toutes les sources conviennent que, dans ce document l'église était encore connue sous le nom de Saint-Julien-le-Martyr . Puis, pour des raisons inconnues, l'église fut, semble-t-il, usurpée par des seigneurs laïcs (5). L'auteur du Grand Pastoral de Notre-Dame de Paris donne la charte XXX qui se rapporte au legs du le roi Henri 1er « Ego Henricus, gratia Dei Francorum rex » avec la mention « vers 1045 ». Le roi déclare alliéner Les églises des faubourgs de la rive gauche « suburbio Parisiacensi » données à la sainte Eglise et à l'évêque de Paris, Imbert, sont Saint-Étienne, Saint-Julien-Martyr « Juliani Martyris », Saint-Séverin le solitaire et Saint-Bacche (qui devint Saint-Benoît en accordant pour élever les dignités des prébendes à l'ensemble des chanoines de Notre-Dame « congregarioni canonicorum prebendes Sancte Marie ». Le roi déclare faire ce legs pour le salut de son âme et celles de ses parents « pro remedio anome mee vel parentum meorum » en exhortant les chanoines à la prière, à condition que Giraud, clerc qui les possédait, jouirait de leurs biens pendant sa vie. Toutefois, comme on y remarque aucune présence de chanoines de l'église cathédrale comme à Saint-Étienne et à Saint-Benoît, on pense que Saint-Julien ne resta pas longtemps dans les mains de l'évêque. L'abbé Lebeuf a fait de Saint-Séverin un baptistère, une chapelle de saint Jean-Baptiste, dépendante du monastère ou basilique de Saint-Julien le Pauvre : « Je suis dans l'opinion, dit-il, qu'à mesure qu'il se forma à Paris un petit faubourg au bout du pont méridional, cette basilique est du nombre de celles où l'évêque envoya quelques clercs pour la commodité des habitants de ce canton, lorsqu'ils ne pouvaient pas se rendre à l'église matrice, et qu'il en fut de cette basilique de Saint-Julien , comme de celle de Saint-Gervais située au côté opposé de la cité, lesquelles eurent chacune leur oratoire de Saint-Jean-Baptiste lorsqu'on commença à cesser de porter tous les enfants pour être baptisés à la cathédrale ».
Plan de Paris sous le règne de Philippe Auguste.
Situé au carrefour de deux voies romaines (dont l'une est l'actuelle rue Garlande), Saint-Julien-le-Pauvre était autrefois un lieu de sépultures mérovingiennes. L'église et les maisons qui en dépendent auraient servi d'hospice pour les pèlerins et les étrangers itinérants, comme l'indique le nom du saint auquel sa chapelle est dédiée. Ce logis était aménagé en asile pour voyageurs pauvres. L'église Saint-Julien-le-Pauvre est considérée comme l'un des plus anciens édifices religieux de la capitale. Placée sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle, elle aurait pu être l'un des premiers lieux de prière. Dans les Moustiers de Paris (XIIIe siècle), il est inscrit « … Saint Ylaire, Saint Juliens, Qui herberge les crestiens », ce qui signifie que le prieuré Saint-Julien, situé « hors les murs », était un lieu d'hospitalité, fonction fondamentale des Clunisiens. Dans son Calendrier historique et chronologique de l'Église de Paris publié en 1747, l'abbé Le Fevre porte au 9 janvier la fête de Saint-Julien en décrivant l'église de Paris. « 9. janvier. Saint Julien, évêque du Mans . Ce fut sous le titre de saint Julien de Brioude et de saint Julien évêque du Mans, que fut dédiée l'église appelée aujourd'hui Saint-Julien-le-Pauvre, située proche le petit Châtelet. Cette église appartenoit à deux Chevaliers, l'un nommé Estienne de Vitry fils de Renard de Pleisseiz, et l'autre Hugues de Monteler, qui la donnèrent au monastère de Longpont près de Longjumeau, de l'Ordre de Cluni. S. Grégoire évêque de Tours étant venu à Paris, logea à S. Julien martyr, près de la prison de l'évêché ; ce qui peut donner à penser que Saint-Julien pouvoit être alors un monastère, puisque Saint-Grégoire l'appelle Basilique, terme dont il se sert assez ordinairement pour désigner les églises abbatiales. Par acte du 30 avril 1655 passé entre les administrateurs de l'Hôtel-Dieu de Paris et les Religieux de Longpont, le prieuré de S. Julien le pauvre fut uni à l'Hôtel-Dieu de Paris; sur quoi intervint une bulle d'Alexandre VII du 6 m ars 1658 portant extinction du titre et union de ses revenus à cet hôpital. L'union reçut sa dernière forme par les lettres patentes du roi Louis XIV du mois de juin 1697 enregistrées au Parlement la même année » (6). Pour conclure cette partie, il faut remarquer que le pouvoir royal et notamment les premiers capétiens, firent jouer un grand rôle à l'église Saint-Julien le Pauvre en voulant organiser l'Université de Paris. Capitale de la nouvelle monarchie, la cité attirait dans ses murs un grand nombre d'étrangers, des maîtres qui avaient quelque célébrité y enseignaient une jeunesse nombreuse. Après Huboldus, on vit Gerbert qui devint pape sous le nom de Silvestre II, puis Lambert, élève du fameux Fulbert de Chartres, Drogon, Manégold de Lutembach et l'auteur de la secte des nominaux, Roscelin. Sous le règne de Louis VI le Gros, le célèbre Abailard vint à Paris suivre les leçons de Guillaume de Champaux, élève de Manégold. En 1107, Abailard, venant pour enseigner à Paris, chassé de la maison épiscopale, se réfugia à Saint-Julien-le-Pauvre en créant l'une des écoles de la cathédrale composée par les artiens . Il appelait le public à ses leçons, et c'est ainsi que le quartier latin se peupla de « maistres et d'escoliers ». Le savant le plus universel de son siècle entra en conflit avec Saint-Bernard, se réfugia à l'abbaye de Cluny où il mourut en 1142.
Les chartes de donation à Longpont Dès le commencement du XIIe siècle les aumônes affluèrent pour constituer un temporel considérable, temporel qui permit, semble-t-il, de percevoir plusieurs dizaines de milliers de livres à une époque où la journée de travail valait un denier (vers 1120). Voici les deux chartes du Cartulaire de Longpont transcrites par Jules Marion (7) avec, pour chacune, la traduction sommaire. Charte CCCXI. « Stephanus, miles, de Vitri, filius Rainaldi de Plesseiz, rediens de Hierusalem, cum per mare navigaret ibique eum tanta infirmitas invaderet ut nulla spes vite in eo remaneret, Dei nutu admonitus, dedit ecclesie sante Marie de Longo Ponte medietatem ecclesie sancti Juliani, martyris, que Parisius apud Parvum Pontem sita est. Hujus rei restis et legatus est Stephanus Adrachepel, qui tunc erat socius ejus. Dei autem misericordia, maris, atque infirmitatis tociusque itineris evadens pericula, donum istud, sicut supradiximus, se fecisse recognovit atque etiam libenti animo iteravit, ponens illud in manu Teoderici, monachi, qui ejus precepto illud ceteris fratibus apud Longum Pontem conversantibus detulit. Hujus rei sunt testes : Robertus, famulus, atque Philippus de Baignos ». « Le chevalier Étienne de Vitry, fils de Renaud de Plessis, gravement malade en mer lors de son retour de Jérusalem, obtint sa guérison ; se rappelant du signe de Dieu, il donna à l'église Sainte-Marie de Longpont la moitié de l'église du martyr Saint-Julien, qui est située à Paris près du Petit Pont. Étienne Adrachepel, qui était son allié à cette époque, est le témoin et le légat pour cette chose. Puis, il reconnut que c'est par la miséricorde de Dieu, qu'il échappa au péril de la maladie en mer et redit que c'est de bon gré qu'il fit ce don, posant cela dans la main du moine Théodore qui était le responsable et qui se chargea de rendre compte aux frères restés à Longpont. Les témoins de cette chose sont le serviteur Robert et Philippe de Bagneux». Charte CCCXII. « Hugo de Munteler dedit Deo et sancte Marie de Longo Ponte, et monachis ejusdem loci, ecclesiam quandam apud Parisius, que constructa est in honore sanctorum Juliani, martyris Brivatensis, atque Juliani, consessoris, Cenomannensis episcopi, cum terra quam presati monachi jam possodebant juxta eandem ecclesiam, tetento sibi censu suo de ipsa terra, quandiu placuerit. Hoc donum concessit Helvisa, uxor ejus, atque Petrus, filius amborum, et simul cum predicto Hugone super altare sancte Marie posuerunt. Quod viderunt et audierunt hii testes : Robertus, cognomento Syrot ; Guido, frater Thome de Castro Forti ; Gaufredus Mala Terra ; Landricus, frater Bertranni ; Guillelmus, filius Fulconis de Paleseolo ; Albericus de Paleseolo ; Garnerius, famulus ; Oylardus, filius Harpini ; Holdebertus, filius Georgii ». « Hugues de Monteler donna à Dieu et à Sainte Marie de Longpont, et aux moines de ce lieu, l'église qui est située à Paris, qui est construite en l'honneur de Saint Julien [le Pauvre], martyrisé à Brioude, et l'évêque du Mans, concéda [Saint] Julien, avec la terre que les présents moines possèdent à côté de l'église, gardant là le cens de cette terre, tant qu'il lui plaira. Ce don fut approuvé par Helvise, sa femme et Pierre leur fils, qui, avec le susdit Hugues, posèrent l'acte sur l'autel de Sainte Marie. Les témoins qui ont vu et entendu cela : Robert, surnommé Syrot, Gui, frère de Thomas de Châteaufort, Geoffroy Mala Terra, Landry, frère de Bertrand, Guillaume, fils de Foulques de Palaiseau, Albert de Palaiseau, le serviteur Garnier, Oylard, fils de Harpin, Holdebert, fils de Georges». Notons tout d'abord ce qui est mentionné sur plusieurs plaques du bas-côté méridional de l'église de Longpont. Une inscription qui rappelle le don de l'église Saint-Julien-le-Pauvre de Paris est erronée. Étienne de Vitry ne donna que la moitié de cette église, après avoir survécu à une maladie en mer, non à un naufrage. La donation de l'autre moitié, par Hugues de Monteler, son épouse Helvise et son fils Pierre, aurait été confirmée en 1125 par l'évêque de Paris, Etienne de Senlis. Il nous semble que cette approbation fut antérieure. Jules Marion donne la date de 1100 pour les deux chartes, c'est-à-dire quatre ans après la prise de Jérusalem. Il faut bien reconnaître que la renommée de Longpont avait dépassé les frontières du Hurepoix. Nous ignorons quelles étaient les relations des donateurs avec les élites clunisiennes. Le chevalier Étienne de Vitry est le fils de Renaud de Plessis. Plusieurs chartes du prieuré N.-D. de Longpont font mention de personnages originaires du Plessis. Selon Jules Marion, il semblerait qu'il s'agisse du Plessis-Pâté. En 1095, Vulgrin de Plessis assiste avec Eudes de Ris, le seigneur Fromont de Troussa pour son legs de la terre de Breuillet aux moines de Sainte-Marie. Peu de temps après, le frère de Fromont, Holdric de Trousseau donna l'autre moitié de la terre en présence des chevaliers des environs dont Thibaud d'Orengis, Eudes de Ris, Wulgrin de Plessis et Hunger de Rosières. Au début du XIIe siècle la terre du Plessis était dans les mains de Hugues Chamilly. C'est bien sous le long priorat d'Henri 1er Brito, vers 1100, que le prieuré de Longpont « Longi Pontis cœnobium » reçut par moitié les biens parisiens grâce aux libéralités des deux chevaliers. Ce fief vassalique était dans la mouvance du roi. La donation d' Étienne de Vitry est fait à Paris, sans doute devant le maître-autel de l'église Saint-Julien. Le donateur a dépêché son ami Étienne Adrachepel procureur pour ce legs. Du côté de Sainte-Marie de Longpont, le représentant du couvent est le moine Théodore qui reçoit l'acte et se charge d'en rendre compte aux frères restés à Longpont. Il apparaît que ce fut une cérémonie sobre car seulement deux témoins sont cités, le serviteur Robert et Philippe de Bagneux. L'absence d' Étienne de Vitry pourrait venir de ce que sa guérison n'ait pas été complète. À l'opposé, la donation de Hugues de Monteler est faite dans l'église de Longpont où le donateur, sa femme et son fils dépose symboliquement l'acte sur l'autel de la Vierge. De nombreuses personnes assistent et sont témoins, dont les membres de la famille de Palaiseau, le seigneur Guillaume, fils de Foulques de Palaiseau, et Albert de Palaiseau. Les deux chartes de donation de Saint-Julien-le-Pauvre sont rapportées de manière identique dans le Cartulaire de Paris (chartes CLXXXVIII et CLXXXIX) mais datées de 1120. Pour l'auteur, ces chartes ne peuvent être datées avec précision, bien que les mots « rediens de Hierusalem » fassent croire que le chevalier aurait été à la première croisade, il s'agit probablement d'un simple pèlerinage au Saint-Sépulcre dont rien ne donne la date. En revanche, nous savons qu'Étienne de Vitry était contemporain de Guy, neveu du prieur Henri, « Guido, nepos Heinrici, prioris » or ce prieur siégea jusqu'en 1125 au moins (charte CCXLVI). Etienne est nommé avec son père « Rainaldus de Plesseiz ; Stephanus, filius ejus », lorsque Anseau de Vitry fit une libéralité aux moines de Longpont. De plus le moine Théodore « Teodoricus monachus » mentionné ici se retrouve dans un acte de 1116 ou 1117, où figure également Thomas de Châteaufort (charte LXXXIV), dont le nom se lit au bas de la seconde de nos deux chartes, mais plutôt à la fin qu'au commencement de cette période. Ces deux documents appartiennent donc au premier quart du XIIe siècle. Ces donations furent approuvées en 1125 par Etienne de Senlis, évêque de Paris qui confirma par la même toutes les donations faites par ses prédécesseurs. De nouveau en 1250, Théobald, son successeur nouvellement intronisé, envoie un diplôme à "son vénéré et aimé fils" Theobald, prieur de Longpont « venerabili ac dilecto filio » donnant l'état du temporel du couvent en faisant référence à l'église Saint-Julien « ecclesiam sancti Juliani, Parisius, juxta Parvum Pontem sitam, cum atrio » (charte II). Dans son diplôme adressé le 21 février 1252 à Théobald, prieur de Longpont, le pape Eugène III place toutes les possessions du monastère sous sa protection selon le droit canonique « statuentes ut quascumque possessiones, quecumque bona idem monasterium in presentiarum juste & canonice possidet, aut in futurum, concessione pontificum, largitione regum vel principum, oblatione fidelium seu aliis justis modis ». De ce fait, l'église de Saint-Julien appartient de plein droit à Longpont « capellam sancti Juliani, Parisius, juxta Parvum Pontem sitam, cum sepultura » (charte I).
Le prieuré Saint-Julien-le-Pauvre Dès sa réception, l'église Saint-Julien-le-Pauvre est entrée dans le groupement régional clunisien de Longpont et devint, vers 1120, l'un des sept prieurés de celui-ci. Les relations entre le prieuré de Paris et l'ordre de Cluny « Cluniacensis ecclesia » passaient par le chapitre de Longpont dont il était dans la mouvance. Le prieuré fut pourvu de trois moines dont le prieur conventuel. Après un siècle d'existence, le réseau régional de Longpont, qui lors de sa fondation avait accueilli vingt-deux moines, comptait à l'aube du XIIIe siècle, une cinquantaine de religieux. L'entrée de Saint-Julien-le-Pauvre dans le temporel de Longpont fut très avantageuse pour le prieuré qui se trouvait enrichi considérablement. Les moines de Longpont firent reconstruire l'église Saint-Julien entre 1165 et 1240, en même temps que Notre-Dame était édifiée. Selon Boinet, un groupe de cinquante frères se consacra à la reconstruction . Dès lors, les revenus du prieuré et de son atrium étaient consacrés à l'entretien de l'église, aux pécules des mansionaires et le surplus reversé à Longpont. Ainsi vers 1150, le prieur Thibault 1er , voulait acquérir la moitié de la dîme de Nozay de Burchard de Chailly. Après avoir reçu l'accord de l'évêque de Paris « consilium habens cum domno Teobaldo, Parisiensi episcopo », la dîme fut achetée à bon compte moyennant vingt-et-une livres parisis ou seize livres et demie provinois, payées avec les deniers des moines de Saint-Julien qui en étaient redevables à la communauté de Longpont. La vente fut autorisée par Milon de Marcoussis, dont le droit féodal était dans sa mouvance « quod concessit Milo de Marcolciis, de cujus feodo movebat ». Parmi les témoins se trouvent Gui l'Angevin, qui tenait un fief à La Ville-du-Bois, le prêtre Albert, le chevalier Duran et Garin de Balisy.
Saint-Julien-le-Pauvre selon Guilhermy Nous donnons la description de l'église Saint-Julien-le-Pauvre par François Guilhermy (8). « L'origine de Saint-Julien remonte au premier siècle de notre monarchie. Grégoire de Tours lui donne le titre de basilique, dans le récit qu'il nous a transmis de la mésaventure d'un montreur de fausses reliques, dont les supercheries furent dévoilées par l'archidiacre de Paris. Les Normands dévastèrent l'église. Au commencement du XIIe siècle, elle devint la propriété des religieux de Sainte-Marie de Longpont, près Montlhéry. Ceux-ci fondèrent un prieuré à côté de l'église, et la reconstruisirent elle-même bientôt après. Le nombre de moine du nouveau prieuré s'éleva jusqu'à cinquante. Les assemblées générales de l'Université eurent lieu à Saint-Julien du XIIIe au XVIe siècle, et l'élection du recteur s'y faisait ordinairement, à la même époque. En 1655, le titre prioral fut éteint et réuni à l'Hôtel-Dieu. Diverses confréries pieuses eurent alors la faculté de disposer de l'église pour leurs cérémonies. En 1787, un seul chapelain, choisi par le clergé de Saint-Séverin, célébrait, à Saint-Julien, deux messes par semaine ». Puis le célèbre archéologue continue par « Saint Julien le Martyr était, dans le principe, le seul patron de l'église. Plus tard, vers le XIIe siècle, le culte de Saint-Julien le Confesseur, évêque du Mans, surnommé le Pauvre à cause de sa charité envers les malheureux, fut associé à celui du titulaire primitif. Sauval a remarqué que Saint-Julien et Notre-Dame sont les deux églises de Paris dont les absides regardent avec le plus de précision, le levant d'hiver. L'édifice a été rebâti dans la seconde moitié du XIIe siècle. Deux files de colonnes le partagent en trois petites nefs, et trois absides le terminent vers l'orient. En 1675, on retrancha cinq ou six toises de la partie antérieure de l'église, pour former la cour qui en précède aujourd'hui l'entrée. Le portail renversé avec ses sculptures et ses statues, fit place à une façade insignifiante, vêtue de pilastres doriques et coiffée d'un fronton triangulaire ; la tour fut démolie en même temps ».
La nef et le chevet de Saint-Julien-le-Pauvre (dessins de S. Pegard, 1856).
L'apport architectural des Clunisiens de Longpont Nous venons d'apprendre que l'église Saint-Julien-le-Pauvre fut rebâtie dans la seconde moitié du XIIe siècle par les moines clunisiens de Longpont. Cette reconstruction intervint près d'un siècle avant le commencement de l'édification de Notre-Dame de Paris sous le pontificat de l'évêque Maurice de Sully. L'analyse de l'édifice par Guilhermy est la suivante. « L'architecture extérieure, surtout vers l'abside, est d'un style mâle et sévère. Deux rangs de fenêtres, en ogives simples, éclairent le chevet ; des contre-forts lui servent de points d'appui ; des moulures énergiques lui font une triple ceinture ; des modillons soutiennent la corniche. D'autres fenêtres, partagées en deux baies par des colonnettes, s'ouvrent sur les côtés du chœur. Un peu en arrière de l'absidiole septentrionale, se trouve le puits de Saint-Julien, dont l'eau passait autrefois pour être douée d'une vertu miraculeuse » (8). Une description précise de la nef de l'église est donnée par Guilhermy : « La nef se divisait dans sa longueur en six travées ; les deux premières ont été supprimées à l'époque de la reconstruction du portail, et les quatre autres ont éprouvé, en même temps, des modifications qui en ont dénaturé le style. Mais les deux travées du chœur, l'abside médiane et les deux absidioles latérales n'ont rien perdu de leur ajustement primitif. Elles conservent leurs élégantes colonnes, les unes monostyles, les autres groupées en faisceaux, leurs chapiteaux à feuillages, leurs voûtes portées sur des nervures toriques, leurs clefs historiées. Des colonnettes et des moulures décorent les fenêtres. L'aspect de cette partie de l'église est de noble caractère. Avec les moyens les plus simples et sur des dimensions très-restreintes, l'architecte qui l'a construite a obtenu un grand effet. C'est une preuve de plus en faveur des ressources que présente l'art au Moyen âge… Nous avons compté plus de cent cinquante chapiteaux, tous variés dans leur ornementation. Le plus curieux est placé sur le côté méridional du chœur. Des feuillages perlés l'enveloppent ; à ses angles, se dressent sur les volutes quatre figures à têtes de femmes, corps emplumés, ailes étendues, pattes armées de griffes». À suivre…
Notes (1) J.P. de Gaulle, Nouvelle histoire de Paris et de ses environs , t. 1 (Pourrat frères, Paris, 1839). (2) Bocace et après lui La Fontaine ont publié un conte fondé sur l'usage de l'hospitalité des moines du prieuré Saint-Julien de Paris. Cette église et l'hospice qui en dépendait étaient situés hors de Paris et vers l'entrée de la Cité. Lorsque dans la suite on établit une seconde enceinte, un autre hospice fut fondé plus loin, à l'entrée de la nouvelle enceinte : ce fut l'église et l'hospice de Saint-Benoît. (3) J.A. Dulaure, Histoire civile, physique et morale de Paris , t. 1 (Baudouin frères, Paris, 1825). (4) Je ne peux résister à présenter une fantaisie historique moderne (sur Internet) : « L'église Saint-Julien-le-Pauvre …bâtie en 975 par ordre d'Henri 1er », alors que l'on sait que ce roi, fils de Robert le Pieux, est né en 1009-1010 ( ?). (5) F. Lazare, Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments (Paris, 1844). (6) Abbé A.M. Le Fevre, Calendrier historique et chronologique de l'Église de Paris (chez Claude Herissant, Paris, 1747). (7) J. Marion, Le cartulaire du prieuré Notre-Dame de Longpont de l'Ordre de Cluny au diocèse de Paris (Impr. Perrin et Marinet, Lyon, 1879). (8) François Guilhermy, Description archéologique des monuments de Paris (Bance, Paris, 1856).
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