Le prieuré Notre-Dame de Longpont

XXII. Chartes relatives à la forêt de Séquigny

Chronique du Vieux Marcoussy ---------------------------------------- _------------- --------- Septembre 2011

Extrait d'un plan de la forêt de Sequigny.

C. Julien

 

 

 

Cette chronique est le vingt-deuxième volet de la série des textes qui exposent les chartes du prieuré bénédictin Notre-Dame de Longpont. Ici, nous présentons trois chartes relatives à la forêt de Séquigny «  Siquiniacus silva ». Aussi appelée par les modernes «  la forêt de Sainte-Geneviève-des-Bois  », elle fut, jusqu'à la Révolution, un important fief prieural de Longpont. De cette forêt, le prieur tirait le bois pour la construction et le chauffage des bâtiments conventuels. Aussi, cette chronique constitue une introduction à la série relative à la gestion de la forêt qui était placée sous l'autorité de la gruerie et capitainerie des chasses de Montlhéry.

Située sur le plateau entre Seine et Orge, la forêt de Séquigny s'étendait le long de la vallée de cette rivière, en face de la tour de Montlhéry. Pour mieux désigner les lieux, disons que l'étendue de la forêt comprenait, en grande partie, les territoires des communes de Saint-Michel-sur-Orge, Sainte-Geneviève-des-Bois et Villemoisson. Au Moyen âge, Sainte-Geneviève-des-Bois «  Sancte Genovese nemoris  » était un village placé sur le rebord oriental. On retrouve encore ce village sous le titre «  Sancte Genovese de bosco ».

 

 

La leçon de l'abbé Lebeuf

En écrivant sa notice sur Sainte-Geneviève-des-Bois, paroisse du doyenné de Montlhéry, l'éminent historien, l'abbé Jean Lebeuf, donna plusieurs indications sur la forêt de Séquigny dont Sainte-Geneviève-des-Bois aurait été anciennement un hameau ou un " ménil " «  maisnilium  » dont le nom primitif était «  Sicnii villare  » ou «  Seguini villare  », c'est-à-dire le domaine rural d'un nommé Seguin qui aurait vécu au temps de Charlemagne. Ce lieu fut donné à l'abbaye de Saint-Magloire de Paris par le roi Hugues Capet.

Les rôles des fiefs et droits de Montlhéry sous le roi Philippe-Auguste mentionnent les noms des chevaliers qui étaient tenus à deux mois de garde par an au château de Montlhéry. Nous trouvons plusieurs personnages ayant des droits dans la forêt de Séquigny :
• Simon le Roux dit Danois, qui avait son droit de chauffage « in silva quae Siquiniacus dicitur »,
• Gui de Vaugrigneuse était nommé homme lige du roi pour ce qu'il avait dans cette forêt,
• Guillaume Pastil ou P
asté, de même.

Pour sa part, Paul Jacob écrivit qu'en 1740 «  cette forêt, dont le gruyer ou garde général était à la nomination du roi, appartenait à diverses communautés religieuses et à des particuliers, propriétaires la plupart des anciens fiefs que la munificence des rois de France avait multipliés à l'infini dans le doyenné de Montlhéry  ». Dans sa nouvelle «  Secret d'une confession  » l'auteur fait parler M. Barbot de Moranges, seigneur de Launay-Saint-Michel, protecteur de la forêt de Séquigny. Conversant avec M. Jornand, curé de Sainte-Geneviève-des-Bois, son amour exagéré pour sa forêt le conduisit à accuser Bénard, journalier de Longpont, de vandalisme dans la forêt de Séquigny (1).

 

 

Les donations du XIe siècle

Le cartulaire « A » transcrit par Jules Marion (2) contient trois chartes relatives à la forêt de Séquigny. Cet espace boisé qui, au XIe siècle, comptait plusieurs milliers d'arpents est resté intact jusqu'au début du XXe siècle, quand ce que nous pourrions appeler «  la spéculation immobilière  » vint détruire ce bel environnement, «  poumon vert du Hurepoix  ». La forêt de Séquigny appartenait à plusieurs communautés religieuses, dont le prieuré de Longpont, le prieuré Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers, l'abbaye Saint-Magloire, le chapitre de Paris, etc., et à des particuliers propriétaires. Selon les états du XVIIe siècle, le prieur de Longpont possédait 180 arpents de bois, qui font le dixième de la superficie totale de la forêt.

Moins de vingt ans après sa fondation, le prieuré de Longpont reçoit un bien considérable de la part d'un chevalier nommé Aymon de Donjon. Celui-ci, prenant les habits de moines à Longpont, donne la ferme de Grotteau, son fief de la forêt de Séquigny, l'autel de l'église de Longjumeau et une hostise. Nous nous souvenons que le moulin de Grotteau avait été donné par le fondateur Guy 1er de Montlhéry le jour même où il prenait le froc à Longpont. Le moulin était bâti sur la rive gauche de l'Orge, alors que la ferme était située sur l'autre rive du côté de l'orient, c'est-à-dire sur le terrain de la forêt de Séquigny. Ainsi, toute la partie occidentale de cette forêt semble avoir appartenu à la famille de Donjon (ou Donjons ), branche des comtes de Corbeil.

La transcription de la charte XLIX par Jules Marion est la suivante : «  Aymo de Donione, adhuc vivens, ipsa die qua monachus effectus est, dedit Deo et sancte Marie de Longo Ponte, videlicet illud quod habebat in quodam molendino, nomine Groetello, et quod habebat in dominio in silva que Siquiniatus dicitur, et altare Nongemelli ecclesie et quod ei pertinet, et clientem quendam, nomine Hermerium, cum uxore sua, nomine Filcoisa, et cum omni mansura sua ; insuper, et hoc quod Wulgrinus, frater suus, quando ad conversionem venit, dederat ; quod ipse Aymo jam antea donum super altare sancte Marie posuerat denuo ibidem cum his suprascriptis concessit. De his ergo quidam miles, nomine Aymo Angevinus, juss supradicti Aymonis, donum cum quodam ereo cocleare super amtare sancte Marie posuit. Hujus ergo rei testes subscribuntur isti : Guido de Lynais, Hugo Chamillis ; Geraudus de Sauz ; Hugo de Palaciolo ; Galterius Meschinus ; Androldus ; Milo de Castris ; Petrus, filius Guinemari. Et, si quis hoc calumpniari presumserit, totum irritum siat quicquit dixerit, divineque ulcionis seriatur sentencia, horrendumque in spectaculum cunctis hominibus demonstretur, et cum Dathan, et Abiron et Juda, traditore, eterno gehenne incendio dampnetur. Amen  ».

Nous donnons une traduction sommaire de ce diplôme est « Aymon de Donjons, encore vivant, ce jour où il devint moine, donna à Dieu et à la bienheureuse Sainte Marie de Longpont, ce qu'il possédait au moulin nommé Grotteau, et ce qu'il possédait dans le fief de la forêt de Séquigny, et l'autel de l'église de Longjumeau, et une hostise de l'homme nommé Herman avec son épouse nommée Fulcoisa et avec toute la masure ; en plus, et Wulgrin, son frère, venant en changeant d'avis, donna aussi. A ce moment Aymon posa l'acte de la donation précitée sur l'autel de Sainte Marie en même temps que ceux qui ont approuvé précédemment. Parce que le seigneur Aymon Angevin est le suzerain de Aymon de Donjons il posa l'acte sur l'autel de Sainte Marie avec ses vassaux. Ceux qui sont témoins de cette chose : Gui de Linas, Hugues Chamillis, Gérard de Saulx, Hugues de Palaiseau, Gautier Meschin, Androld, Milon de Châtres, Pierre, fils de Guinemard. Et si un chicaneur cherche à porter atteinte à ceci, il provoquera la colère divine, et la sentence de Dieu frappera d'une manière effrayante, montrée à la vue du monde entier et avec les traîtres Dathan, Abiron et Juda, il sera condamné en enfer pour l'éternité. Amen».

L'auteur du cartulaire date cette charte vers 1080. Ce qui est vraisemblable si l'on considère les personnages impliqués. D'ailleurs, nous avons rencontré plusieurs d'entre eux dans les chartes précédentes, comme Gui de Linas, Hugues Chamillis, Hugues de Palaiseau, Gautier Meschin, Milon de Châtres, tous chevaliers qui étaient vassaux du puissant seigneur Milon 1er de Montlhéry. Dans cette charte nous retrouvons les formes latines médiévales «  molendino, nomine Groetello  » pour moulin de Grouteau (comm. de Longpont-sur-Orge), «  silva que Siquiniatus dicitur  » pour pour la forêt de Séquigny, «  altare Nongemelli ecclesie  » pour Longjumeau, «  Sauz  » pour Saulx-les-Chartreux, « Lynais » pour Linas, « Palaciolo » pour Palaiseau et « Castris » pour Châtres (de nos jours, Arpajon).

Qui est ce personnage nommé Aymo de Donione  ? Patronyme que nous pouvons traduire en Aymon de Donjons ou Hamon de Donjons. Notons que le fief de Donjons serait situé sur la commune de Soisy-sur-Seine (cant. d'Évry, Essonne). Si l'on se fie à la généalogie des médiévistes, Aymon serait Hamon le Dentu, comte de Corbeil et seigneur de Thorigny, second fils de Germaine de Corbeil héritière d'Aubert, mariée à Maugis de Normandie qui assista, en 1031-32 le roi Henri 1er contre sa mère Constance. Le frère aîné d'Aymon était Gauillaume de Corbeil dit «  de Verlange ou Werling  », grand-père du célèbre Bouchard II de Corbeil, compagnon d'armes de Philippe 1er contre Étienne comte de Bois. Une des sœurs d'Aymon était Eremburge de Corbeil femme de Roger 1er de Hauteville, comte de Sicile. Hamon le Dentu étant mort en 1088, l'attribution est plausible puisqu'il prit l'habit de moine huit ans plus tôt. De plus son frère Guillaume «  Wlgrinus » est clairement nommé dans la charte. Il semble que celui-ci s'était opposé un temps à la composition de la dot de son frère, puis se ressaisit en acceptant. D'ailleurs, fait rare dans les chartes de Longpont, le scribe mentionne «  divineque ulcionis seriatur sentencia …», la colère divine à tous ceux qui s'opposeront à la libéralité avec menace d'une sentence défavorable au jour du jugement dernier.

 

 

Les libéralités de la famille Le Riche

Deux chartes se rapportent aux libéralités de la famille Le Riche que nous avons rencontré à plusieurs reprises. Selon plusieurs auteurs et généalogistes, dont Étienne Pattou, «  La famille Leriche avait été très liée aux tout-puissants «marchands de l'eau» de Paris, héritiers des nautes gallo-romains, qui possédait - entre autres - les droits de criage et de mesurage des vins ainsi que les droits de saisir les cargaisons des navires contrevenants. Lors des périodes de vacance du pouvoir, et, plus encore, lors du changement de dynastie, les Leriche s'enrichirent considérablement aux dépens des domaines de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés (Xe siècle). Familiers et alliés des Capétiens, ils obtinrent la Prévôté héréditaire de Paris qu'ils conservèrent jusqu'au début du XIIe siècle et furent souvent titrés comtes ou vicomtes de Paris (la comté de Paris ne fut supprimée qu'en 1016)  ». Les seigneurs du Donjon d'Yerres seraient des descendants des Le Riche.

Vers 1090, les moines du prieuré Notre-Dame de Longpont reçoivent un don de 10 sols sur la couture sous la partie orientale de la forêt de Montlhéry et le fief de Basset à Brétigny et toute la dîme et le cimetière de Bondoufle et une terre boisée dans ce village. Sous la dénomination « foresta Montis Letherii  » il faut voir la forêt de Séquigny puisqu'il est parlé de la partie orientale.

Voici la charte L transcrite par Jules Marion : «  Eustachia, soror Burdini Lisiard, jacens in infirmitate qua et mortua est, dedit Deo et sancte Marie de Longo Ponte, et monachis ejusdem loci, decem solidos de censu, qui sunt in culturis sub foresta Montis Letherii, a parte orientali ; feodumque Hugonis Basseti, apud Britini, et omnem decimam, sepulturam atque offerendam tocius terre quam habebat apud Bunduflum : et de hoc lisit donum per quandam porciunculam ligni in manu Heinrici, prioris, apud Montem Lethericum, in domo sua, jacens in predicta infirmitate. Quod viderunt et audierunt hii testes : Radulfus, maritus ejus ; Constancius, maritus Daaline ; Bernardus de Orceaco ; Garnerius, famulus ; Josbertus cognomento Paganus, sutor. Die igitur qua sepulta est, veniens predictus Radulfus, maritus ejus, ante altare sancte Marie et accipiens a presatis monachis supranomunatam porciunculam ligni, jussu jam dicte domine Eustachie, posuit super altare sancte Marie, per eam, ita ut dictum est, donum edifferens factum fuisse. Cujus rei sunt testes hii : Paganus Morinus, Anseisus, Fulco, filius Roberti de Fluri ; Philippus de Moressart ; Amicus de Salcio ; Guido de Puteo ; Gaufredus, major ; Georgius de Ferte ; Georgius de Atrio ; Warnierius, famulus ; Robertus, famulus ; Lebertus, nepos Oddonis Mulerii  ».

Nous donnons une traduction succincte : «Eustachie, sœur de Bourdin Lisiard, gisant de la maladie dont elle va mourir, donna à Dieu et à Sainte-Marie de Longpont, et aux moines de ce lieu, dix sols de cens qui sont sur la couture sous la partie orientale de la forêt de Montlhéry ; le fief de Hugues Basset situé à Brétigny, et toute la dîme, le cimetière et l'offrande la terre boisée qu'elle possédait à Bondoufle et étant alitée par suite de cette maladie, mit l'acte dans la main du prieur Henri par l'intermédiaire du bâton de commandement, dans sa maison à Montlhéry. Les témoins qui virent et entendirent cela : son mari Rodolphe, Constantin, le mari de Daaline, Bernard d'Orsay, le serviteur Garnier, le cordonnier Josbert, surnommé le Payen. Alors, le jour de son enterrement, son mari Rodolphe est venu devant l'autel de Sainte Marie, et accepta en présence des moines ce qu'avait dit Eustachia, par là il exposa la donation faite en détail. Ceux qui furent témoins de cette chose : Payen Morin, Anseau, Foulques, les fils de Robert de Fleury, Philippe de Moressart, Amicus de Saulx-les-Chartreux, Gui de Puteo, le régisseur Geoffroy, Georges de la Ferté-Alais, Georges de Atrio, les serviteurs Warnier et Robert, Lebert, neveu d'Odon Muler».

Ce legs est très important puisque la donatrice délaisse une cens de 10 sols c'est-à-dire 120 deniers, somme considérable au XIe siècle, plus un fief, plus la dîme de Bondoufle et les droits sur les sépultures dans ce même village. Le scribe mentionne également « tocius  », c'est-à-dire une terre boisée, terme qui, selon Geoffroy, était devenu tosche en vieux français (3). L'acte de donation est passé dans la maison de la mourante à Montlhéry «  apud Montem Lethericum, in domo  ». La symbolique au haut Moyen-âge, héritage du droit romain, est respectée : le prieur Henri reçoit le diplôme avec le «  porciunculam ligni  » c'est-à-dire le petit morceau de bois qui représente le bâton de commandement. Enfin, pour que la donation soit pérenne, Rodolphe, le mari d'Eustachie, vient à Longpont le jour de l'enterrement pour déposer la donation sur l'autel de la Vierge assisté par de nombreux témoins. Parmi ceux-ci, on remarque le régisseur Geoffroy «  Gaufredus, major  ». Le parti est pris de traduire “ major ” pour le régisseur par opposition à “ decanus ” pour le doyen au sens ecclésiastique. La clef de ce choix est peut être donnée par la charte CCLIX où, une distinction, est faite entre Milon l'ancien [ veteris ], puis [ senior ], alors que Geoffroy est qualifié de [ major ], c'est-à-dire une sorte de maire du couvent, le gestionnaire laïc du prieuré de Longpont.

 

 

La donation de Guy Lisiard

Lisiard de Paris, l'un es fils d'Ansoud III le Riche, assista vers 1060 à la transaction de Milon 1er avec Saint-Martin-des-Champs. «  Nous avons proposé de l'identifier avec un homonyme qui fut sous-chambrier du roi en 1071  », nous dit Mr. Estournet. Vers 1089, Lisiard, fils d'Ansoud de Paris, Lisiardus filius Ansoldi Parisiensis , fut présent avec Robert, fils d'Ètienne de Paris, à la donation de la terre de Sevran en faveur du prieuré de Saint-Martin des Champs, laquelle fut ratifiée par Guérin II, fils de Milon 1er, et par Milon III, fils dudit Guérin. Lisiard laissa au moins six enfants Ansoud V, Guérin IV, Gautier, Guy, Hugues, Etienne et Pierre, qui devint curé de Marcoussis. Guérin IV, Garinus filius Lisiardi , figure vers 1096 dans le cartulaire de Longpont comme témoin des libéralités d'un pèlerin de Terre-Sainte. En 1112, il souscrivit un diplôme de Louis le Gros pour Saint-Magloire. Il eut trois fils, Manassès, qui fit don à Longpont d'un clos sis à La Celle-Saint-Cloud ; Milon et Anseau, cités avec Pierre, curé de Marcoussis, leur oncle. Milon de Marcoussis fut contemporain du prieur de Longpont Thibaud, vers 1154.

Gautier et Guy, Guido Lisiardus et Garinus Lisiardus , se portèrent garants, vers 1092, de l'approbation que le comte de Corbeil, Eudes, avait accordée à la donation de l'église de Bondoufle en faveur de Longpont En 1097, à Corbeil, les deux frères Walterius Lisiardus, Wido frater ejus, signèrent l'acte contenant les libéralités de Hugues de Melun envers Saint-Martin, notamment le don de sa terre de Vosves avec les bois, vignes et portion d'eau (la Seine) en dépendant, plus deux aires de maison à Melun; au bourg Saint-Ambroise, près de l'église Saint-Michel, enfin deux serfs et un arpent de vigne à Buxiole , peut-être Boissettes. Peu après, Guy assista à une délivrance de legs faite par Milon d'Attilly sur des biens sis à Savigny-sur-Orge. Parvenu à un âge très avancé, Guy Lisiard de Montlhéry se fit religieux à Longpont, au temps du prieur Henri; à cette occasion, il offrit une hostise à Brétigny, la moitié de ses droits sur la forêt de Séquigny, plus une rente de vingt deniers et une autre de vingt setiers de vin . Il laissait deux enfants Geoffroy Bourdin, qui ratifia cette libéralité, et Eustachie, signalée par un autre document.

La charte LIII rédigée vers 1090 a pour objet le legs par Guy Lisiard Le Riche d'une hostise à Brétigny et la moitié d'un droit féodal dans la forêt de Séquigny et 20 deniers et 20 setiers de vin de l'hostise de Herbert . «  Guido Lysiardus, senio consectus, seculo renuncians, ad monasterium sancte Marie de Longo Ponte ut monachus fieret allatus, dedit Deo et illius loci habitatoribus unum hospitem apud Brittiniacum, et medietatem juris quod habebat in silva que vocatur Siquiniacus, et viginti denarios cum XXti sextariis vini que Herbertus, hospes sancte Marie, reddere solitus erat. Hec omnia Guido donavit et filius ejus, Gaufredus, cognomento Burdinus, non multo post de his omnibus sancte Marie donacionem fecit, et donum ipse super [altare] per scyfum sancti Macharii posuit, audientibus et videntibus istis : Heinrico, priore ; Otardo, monacho ; Georgius, monacho ; Andrea monacho ; Harduinus, capellano ; Einardo, ipsius Bordini proximo ; Odone quodam, milite ; Yvone ; Benedicto  ».

Voici une traduction sommaire : «Gui Lysiard renonçant au siècle et devenant moine au monastère Sainte-Marie de Longpont, donna à Dieu et aux moines de ce lieu, une hostise à Brétigny et la moitié d'un droit qu'il possède dans la forêt dite de Séquigny et vingt deniers avec vingt setiers de vin que rendait Herbert, hôte de Sainte-Marie. De tout le don de Gui, son fils Geoffroy surnommé Bourdin accepta, peu de temps après, la donation à Sainte-Marie et mit l'acte devant la coupe de Saint-Macaire qui fut posée sur l'autel à cette occasion, en présence de ceux qui ont vu et entendu : le prieur Henri, les moines Otard, Georges, André, le chapelain Hardouin, Enard, parent de Bordini, l'officier Odon, Yvon, Benoît».

Ainsi, Guy Lisiard, membre de l'aristocratie montlhérienne prend le froc bénédictin à Longpont, il quittait le siècle comme on disait à l'époque. Encore une fois, la dot est considérable puisqu'il s'agit de 20 setiers de vins chargés sur l'hostise d'Herbert située à Brétigny. L'acte parle d'un droit dans la forêt de Séquigny sans toutefois préciser sa nature, peut-être un cens. L'acte fut mis sur l'autel de la Vierge où l'on avait placé la coupe de Saint-Macaire « scyfum sancti Macharii  ». C'était celle de Saint-Macaire le Grand, ou l'Ancien, né vers 301, prêtre, disciple de Saint Antoine ; il se retira à trente ans dans le désert de Nitrie. L'empereur arien Valens le fit déporter dans une île. Revenu dans le désert, il fonda le monastère de Scitis et mourut en 392. On ignore comment la coupe de Saint Macaire arriva à Longpont. Elle semblait y être avant la première croisade et fut probablement ramenée par un pèlerin revenu de Jérusalem par Constantinople.

Selon l'usage du droit romain, les parents du donateur donnaient leur consentement. Ici, Geoffroy «  Gaufredus, cognomento Burdinus  », le fils de Guy, participa à la cérémonie, s'assurant la grâce divine en acceptant la dot de son père. Enfin, nous observons que cette charte nomme de nombreux moines autour du prieur Henri : Otard, Georges, André, Enard et le chapelain Hardouin qui pourrait être le prêtre qui servait le prieur de Longpont en particulier, puisque celui-ci avait sa propre chapelle à l'intérieur des bâtiments conventuels.

 

Lettres de Pierre II de Nemours, évêque de Paris (juillet 1209).

 

 

Les religieux de Saint-Magloire

Dans le sud Hurepoix, l'abbaye Saint-Magloire de Paris «  monasterii Sancti Maglorii Parisiensis  » possédait cinq domaines ruraux dont les deux seigneuries Ris et Morsang-sur-Orge et quatre églises à la présentation de l'abbaye : Notre-Dame de Ris, Sainte-Geneviève-des-Bois, Vaugrigneuse et Sainte-Croix de Briis-sous-Forges, cette dernière abritant le prieuré Saint-Denis. Cette abbaye avait été richement dotée par le roi Hugues Capet qui voulait s'assurer de l'appui du haut clergé.

Une première mention de l'église Notre-Dame de Ris est fournie dans une charte qui énumère les biens de l'abbaye Sainte-Magloire confirmés par les rois Lothaire et Louis V à la demande du duc Hugues. Bien que cette charte soit donnée pour fausse, on peut considéré l'antiquité de la possession du fief de Ris par ce monastère «  in episcopio Parisiaco et comitatu ecclesia sancte Marie nomine sanctificata…  ». Un acte royal de 1133 mentionne de façon indiscutable les droits de Saint-Magloire en ce lieu. Un manoir, des vignes, des droits de haute justice sont précisés dans l'état des biens de 1294 et la déclaration des revenus de 1385.

Nous retrouvons une autre mention dans la confirmation du roi Robert le Pieux à la prière de sa mère Adélaïde. Bien que suspect, ce second acte porte la même formule. À cette époque le monastère possédait des fiefs à Savigny et Mons-sur-Orge, la seigneurie de Morsang-sur-Orge et le hameau de Séquigny «  Sienis Villare  » et la chapelle construite en l'honneur de Sainte-Geneviève «  cum capella inibi in honore sancte Genovese aedificata  ».

Un autre vieux document que nous avons consulté, rédigé en juillet 1209, est l'arbitrage par l'évêque de Paris, du différend sur les dîmes de Séquigny ‘ lettras de decima de Sequigni presentia abbatus et presbitero Sancte Genovefe de numere et domino de Bruerius  ». Voici une traduction succincte du diplôme en langue latine : Pierre par la grâce de Dieu évêque de Paris «  Petrus Dei gracia parisiensis episcopu  », à tous ceux que ces lettres verront, salut au nom du seigneur. Nous faisons savoir qu'avec affection entre Louis l'abbé du couvent Saint-Magloire de Paris et le curé de Sainte-Geneviève-des-Bois «  Sancte Genovese de nemore  » d'une part et Thomas seigneur de Bruyères «  Thoma domini Brueriatu  » d'autre part, le contentieux à propos de la dîme de Séquigny est éteint. Que le susdit Thomas, seigneur de Bruyères, fait la paix avec l'abbé et le couvent de Saint-Magloire et le prêtre de Sainte-Geneviève-des-Bois en abandonna la moitié de la dîme à ces derniers, l'autre moitié étant possédée par le susdit Thomas pour sa vie durant et celle de sa fille. Ces lettres sont le témoin de la concorde et nous apposons notre sceau pour la fortifier. Fait en l'an de grâce 1209 au mois de juillet.

Une autre difficulté intervint deux ans plus tard. Le différend mettait pareillement l'abbé de Saint-Magloire et le curé en face de deux chevaliers Henri de Mex et Simon de Villemoisson avec Hermangarde sa femme touchant les dîmes novales de Séquigny. L'arbitrage fut favorable aux hommes d'église.

 

 

Les donations de massifs boisés

Bien évidemment les libéralités pieuses aux moines de Longpont étaient constituées par ce qui était le plus cher au Moyen âge : les biens immobiliers tels terres labourables, vignes, bois, moulins, étangs et même des friches. De nombreux exemples peuvent être tirés du cartulaire de Longpont. Vers 1005, la dot des fils de Gautier Pinel prenant leur habit de moine à Longpont est constituée par une partie de forêt avec un droit de pacage. Le lieu de la forêt n'est pas précisé, nous savons seulement que l'étendue correspond à une quantité de bois autant que huit ânes en état de porter tous les jours « quantum octo asini cotidie portare queunt » , et ce qui est nécessaire. Toutefois, nous pouvons conjecturer qu'il s'agit de la forêt de Séquigny pour deux raisons : d'une part, la famille Pinel détenait des fiefs à Montlhéry et d'autre part, la charte mentionne que les moines étaient seigneurs de la forêt (charte LVI). Une clause était favorable aux villageois puisqu'ils obtenaient le droit coutumier de pacage dans le cas où les communaux seraient insuffisants (4). Enfin remarquons que le legs est fait sous la protection de Guy Troussel «  dominus Guido  », le seigneur de Montlhéry.

À la même époque un chevalier nommé Avesgod, son fils Evesgod, et son petit-fils Aymon, donnèrent quatre ânées de bois dans leur forêt à Sainte-Marie de Longpont. Ces trois personnages appartiennent à la famille Pinel puisqu'il est dit que Gui Pinel pour l'âme de son père Gautier accepte pour que les moines puissent utiliser le bois de la forêt pour leur usage de chauffage, de clôture et de la culture de la vigne, la construction des maisons et pour tous leurs besoins «  in supradicta silva dederunt quicquid monachis necessarium esset ad calefaciendum, ad sepes, ad vineas, ad domos construendas et ad quecumque necessariaz sunt » (charte LVII).

Quelques années plus tard, une dame nommée Odeline donna, pour établir sa sépulture dans l'église de Longpont, une terre et un bois qui sont tous ses biens situés à Villejust. Le scribe écrivit «  nemus  » qui signifie une forêt renfermant des pâturages, un bois ou un vignoble. Rien ne peut préciser davantage dans cette charte (charte CCXXXVI). Vers 1105, devant un grand nombre de personnes, Geoffroy, fils d'Ulric, donna à l'église de Longpont et à l'église d'Orsay, la chapelle de Viviers avec toutes ses dépendances, et la forêt en entier nécessaire tant au chauffage qu'à la construction «  nemus in cunctis necessitatibus, tam ignis quam operis » avec deux récoltes de châtaignes (charte CCLIX). Bien d'autres bois et forêts entrèrent dans le temporel des moines de Longpont.

 

 

Blanche de Castille

Dans son article sur la forêt de Séquigny, l'auteur connu par sa signature A.D. commence par une envolée lyrique : «  C'est une forêt charmante que cette forêt de Sainte-Geneviève-des-Bois, s'étendant entre les vallées voisines de l'Orge et de l'Yvette et dissimulant, sous la gaze virginale du nom de sa patronne de Paris, les duretés officielles de son vieux vocable de forêt de Séquigny ou d'Estigny  ». La véritable protectrice de la forêt aurait été la reine Blanche de Castille, mère du roi Saint-Louis. Pendant la minorité du roi, en 1229, la régente eut maille à partir avec les grands barons qui refusaient d'être placé sous l'autorité d'une femme. Face à la ligue la reine et son fils s'enferment au château de Montlhéry, et de là elle écrit aux bourgeois de Paris, en les conjurant de venir la délivrer, elle et son fils. Joinville dit de cet épisode «  Et me conta le saint roi, que il, ni sa mère qui étoient à Montlhéri, ne bougèrent jusques à tant que ceux de Paris les vinrent quérir avec armes ; et me conta que dès là, armes et sans armes, le conduisit jusques à Paris, et le défendit la bourgeoisie et garda de ses ennemis ». La légende prétend que la reine Blanche distribua la nue-propriété de son domaine de Séquigny à plusieurs communautés religieuses parisiennes en remerciements. L'Hôtel-Dieu de Paris, le couvent des dames de la Saussaye, les religieux de Sainte-Catherine du Val des Ecoliers, les Minimes de Paris, l'abbaye Sainte-Magloire, etc... en furent les donataires avec la charge de respecter les doits des communes usagères.

La régente Blanche de Castille fit aussi don aux habitants des paroisse de Morsang, Sainte-Geneviève-des-Bois, Villemoisson, Longpont, Viry, Saint-Michel-sur-orge, Rosières, Grigny, d'un certain nombre de droits d'usages qui ont subsisté jusqu'au début du XXe siècle. Ces droits d'usage séculaires, coupes de bois et d'herbe, récoltes d'avelines et pâture des bestiaux, concédés par la reine, dans l'intérêt des indigents, ont toujours été garantis par les rois.

À suivre…

 

 

Notes

(*) L'église d'Orangis sera traitée par une chronique spécifique.

(1) P.L. Jacob, Le curé de Sainte-Geneviève-des-Bois, anecdote du XVIIIe s. , in : Revue de Paris, tome 29 (Paris, 1836) p. 99.

(2) J. Marion, Le cartulaire du prieuré Notre-Dame de Longpont de l'Ordre de Cluny au diocèse de Paris (Impr. Perrin et Marinet, Lyon, 1879).

(3) F. Geoffroy, Dictionnaire de l'Ancienne Langue Française , Paris 1884.

(4) Dans la communauté rurale telle qu'elle exista en Occident du IXe au XVIIIe siècle au moins, les communaux représentaient cette partie du territoire d'un village qui, n'étant pas l'objet d'actes de propriété privée, était de ce fait réputée commune à tous les habitants. Il s'agissait en général de chemins, des fossés et des haies qui les bordent, de bois et de landes plus ou moins étendus. Ordinairement, des communaux servaient à l'entretien des bestiaux des villageois, à la fourniture de petit bois de chauffage, etc.

(5) A.D., La forêt de Séquigny et le château de Sainte-Geneviève-des-Bois , in Bulletin de la SHACEH (A. Picard, Paris, 1912).

 

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