Le prieuré Notre-Dame de Longpont
XXX. Le seigneur Hugues Chamilli
Cette charte est le trentième volet de l'histoire du monastère Notre-Dame de Longpont. Cette fois nous évoquons un personnage qui apparaît de nombreuses fois dans le cartulaire du prieuré clunisien : il s'agit d'Hugues de Chamilli, chevalier proche des puissants seigneurs de Montlhéry. Cet aristocrate possédait de nombreux fiefs dans le Hurepoix, dont celui qui s'étendait sur la rive droite de l'Orge, sur les territoires de Brétigny-sur-Orge et le Plessis-Pâté. Il est souvent cité comme « premier seigneur ». Son nom est orthographié par « Hugo Chamillis ” (charte XIXL), et « Hugo Chamili » (charte LII). Nous prenons le parti pris d'écrire « Chamilli ».
C.Julien Octobre 2013
Propos sur le Cartulaire
Le grand cartulaire du prieuré Notre-Dame de Longpont « ecclesie sancte Marie de Longo Ponte, ac monachis ibidem Deo famulantibus » contient 355 chartes qui concernent principalement les fondations pieuses faites au couvent aux XIe et XIIe siècles, plus précisément de 1061 à 1180 (1). L'objet de cette chronique est de donner quelques indications sur les coutumes et institutions féodales dans la région de Montlhéry.
Une des leçons données par Jules Marion, auteur de la publication des chartes, est la transcription des toponymes donnés sous la forme latine ou en langue vulgaire, appartenant à des villes, bourgs, villages, hameaux ou lieux-dits du sud parisien, particulièrement ceux du département de l'Essonne. Une chronique sera consacrée à ce sujet passionnant.
Les personnages mentionnés dans le cartulaire de Longpont appartiennent à toutes les classes de la société de la seconde moitié du XIe siècle et ceux vivant au XIIe siècle. Ce sont d'abord les papes, les rois et les grands officiers de la cour, les différents degrés du clergé séculier et régulier, les divers étages de la noblesse locale, puis les gens des classes inférieures comme les bourgeois, les simples censitaires, vilains et manants, habitants de Longpont assistant aux cérémonies. Bien évidemment les moines de Longpont sont largement cités avec leurs serviteurs et les artisans et ouvriers travaillant au prieuré.
Les prénoms d'hommes et de femmes sont généralement ceux usités dans la France septentrionale. On distingue principalement des prénoms d'origine germanique qui, remontant à la période faisant suite aux invasions du Ve siècle, sont toujours à la mode au XIe siècle. Ces prénoms, très peu altérés par la langue latine, connaissaient encore un immense succès en Europe occidentale. Ils sont suivis des titres de dignités, des noms des terres et seigneuries, ou de surnoms qui paraissent aussi être déjà devenus des noms de famille pour la noblesse comme pour le tiers état (2). Les prénoms le plus prestigieux sont ceux portés par les aristocrates, c'est-à-dire les grands seigneurs du sud parisien. Milonis, Guido, Hugonis, Burchardus ou encore Gaufredus sont parmi les plus populaires.
Hugues Chamilli, important personnage du début du XIIe siècle, est cité en tant que témoin dans les chartes assistant soit les moines de Longpont, soit les donateurs :
• en 1080 (charte XLIX), Aymon de Donjon prenant les habits de moines à Longpont donne la ferme de Grotteau et le fief de la forêt de Séquigny et un fief à Longjumeau et une hostise. En compagnie de Gui de Linas, Gérard de Saulx et Hugues de Palaiseau.
• En 1090 (charte LII), Milon Chastel, seigneur d'Orsay donne sa terre sous le château de Montlhéry et une place à Orsay et quatre arpents de terre à Fous. Premier des témoins qui assiste les moines de Longpont.
• En 1090 (charte LIV), Tevin de Forges, et Rainald de Braiolet sont nommés pour juger la plainte portée par Arnoult Malviel contre les gens du prieuré de Longpont. Nous trouvons Gautier de Châtres « Galterius de Castris ».
• En 1110 (charte LXXIII), Gaudry de Chouanville donne deux arpents de terre chargés de dix deniers de cens qui jouxtent Lormoy « Petram Omesiam ».
• En 1110 (charte LXXV), Tescelin, fils de Foulques de Buno confirme du legs de deux arpents de prés à Buno-Bonnevaux
• Vers 1110 (charte LXXX), donation par Osanna, fille d'Hugues de Chouanville d'une hostise du nommé André située à Chouanville faite après le concordat de conciliation l'hostise d'André avec six arpents de terre, et une terre à Gandramuler.
• Vers 1110 (charte LXXXIX), Hugues et son fils Guy « Hugo Chamillis, et Guido, filius ejus », témoignent du côté du seigneur Theodore de Villemoisson quand celui-ci donne 23 deniers de cens qu'il percevait sur le terroir de Longpont.
• Vers 1108 (charte CXLI), le chevalier Hervé et sa femme Emeline léguèrent un champart dont la recette permettra d'honnorer leur sépulture.
• Vers 1110 (charte CXLIV), au moment de mourir Gautier dit Payen lègue toute sa terre sise à Brétigny jusqu'au bois de Hugues Chamilli. Ce dernier et sa femme Letelde acceptent la donation ; suite à l'enterrement de Gautier, Hugues revint sur le don qu'il avait fait. Le prieur Henri et Hugues Chamilli divisèrent la terre : Hugues en reçut la partie vers le chemin de Liers à Châtres, et les moines celle qui jouxte le bois.
• Vers 1110 (charte CCV), voyant sa fin prochaine Aymon du Donjon donne cinq hostises à Brétigny.
• Vers 1110 (charte CCXXVI) Thomas, fils d'Hugues Chamilli « Thomas, filius Hugonis Chamilli » assiste Élisabeth femme de Herman de Bagneux qui donne des serfs qu'elle possédait à Champlan.
• Vers 1105 (charte CCXCVI) don de l'église de Pecqueuse par la famille Castel.
• En 1146 (charte VII) Gui Chamilli « Guido Chamilli » assiste Guillaume Cuchivis qui donne la sixième part de la dîme de Brétigny et la somme de 15 livres avec l'accord épiscopal.
Charte du cartulaire du prieuré Notre-Dame de Longpont (1232).
Legs d'une terre au Plessis
Vers l'an 1100, en tant que premiers seigneurs, le seigneur Hugues Chamilli, Ledelde, sa femme, et Thomas, son fils concédèrent une terre située au Plessis-Pâté (charte CXLVI).
« Domnus Hugo Chamilli et Ledeldis, uxor ejus, et Thomas, eorum filius, concesserunt Deo et sancte Marie de Longo Ponte, et monachis ejusdem loci, terram quandam que est apud Pleseiz ipsorum monachorum, de qua solvunt, uno quoque anno, XII denarios de censu Bernardo de Atiis ; quos denarios dat monachis supredictis Serius, qui ipsam terram tenet de eis : et iterum concesserunt ipsos denarios, si jamdictus Bernardus vellet eis dimittere. De hoc sunt testes hii, ex parte eorum : Radulfus Baudus ; Thomas, ipsorum filius ; Giroldus, porcherius ; Herbertus Rasicot ; Teboldus, filius Aymonis ; ex parte sancte Marie : Gaufredus, major ; Guido, carpenterius ; Rainerius de Orceaco ; Rannulfus, helemosinarius ; Raimbaudus, famulus ».
Ce qui peut être traduit par : «Le seigneur Hugues Chamilly et sa femme Letelde, et leur fils Thomas concédèrent à Dieu et à Sainte Marie de Longpont et aux moines de ce lieu, une terre qui est au Plessis-Pâté pour laquelle Bernard d'Athis acquittait un cens annuel de douze deniers de cens ; Sericus qui avait fait abandon de ces deniers, tenait lui-même cette terre des moines susdits et concéda ces deniers pour la seconde fois, si le susdit Bernard voulait renoncer. Les témoins de cela, de la part d'Hugues : Radulf Baudus, Thomas, son fils, Girold, le porcher, Herbert Rasicot, Thibaud, fils d'Aymon ; de la part de Sainte Marie : le régisseur Geoffroy, le charpentier Gui, Rainier d'Orsay, l'aumônier Rannulf, le serviteur Raimbaud».
Plusieurs faits attirent notre attention. La présence à Longpont du charpentier Gui signifie que les bâtiments conventuels et l'église prieurale sont toujours en construction.
Legs de terres à Fontaine et Cossigny
Dans la charte CLII, dont l'objet est la réception, par les moines de Longpont de biens dans les hameaux du territoire de Brétigny, toute la famille d'Hugues Chamilli est évoquée et notamment celle du côté de sa femme Letelde. « Galterius, cognomento Paganus, et mater sua, Hersendis, et sora sua Leteldis, cum marito suo, Hugone Chamilli, donaverunt et optulerunt Deo et sancte Marie de Longo Ponte totam terram in integro, sicut Galterius de Castris habere in vadimonio visus est ; scilicet, alodium de Fontanis et de Cotiniaco, et hospitem de Fertada qui de ipso vadimonio est. Hujus doni sunt testes : Oylardus Barba ; Gaufredus, major ; Oylardus, famulus ; Hugo, filius Araudi ; Georgius, filius Josboldi ; Rannuldus, famulus ; Humbertus, famulus ».
La traduction est la suivante : «Gautier, surnommé Payen, et sa mère Hersende et sa sœur Letelde avec son mari Hugues Chamilli donnèrent somptueusement à Dieu et à Sainte Marie de Longpont l'intégralité de la terre comme Gautier de Châtres avait fait promesse de céder avec clairvoyance ; c'est-à-dire l'alleu de Fontaine et de Cossigny, et l'hostise de Ferté qui avait été également promise. Les témoins de ces dons sont : Oylard Barba, le régisseur Geoffroy, le serf Oylard, Hugues, fils d'Araud, Georges, fils de Josbert, les serfs Rannulf et Humbert».
Avec le consentement d'Hugues, mari de Letelde, Gautier Payen et sa mère lègue la terre qui avait été promise aux moines par Gautier de Chastres. Ce personnage semble être le mari d'Hersende, et serait décédé au temps de la donation, début du XIIe siècle. Ne serait-ce pas le sénéchal Gautier ? La donation consiste en une terre alodiale « alodium » ou franc-alleu, terre en pleine propriété affranchie de toute obligation ou redevance, à l'opposé du fief.
Donations à Brétigny, Etréchy et Villeneuve
Non seulement Hugues Chamilli, sa femme et ses enfants fréquentent l'église de Longpont mais en tant que premier seigneur (suzerain) approuvent les donations faites par des propriétaires de biens situés dans leur fief. Au début du XIIe siècle, la famille Chamilli est présente devant l'autel de la Vierge à Longpont pour consentir et approuver le legs d'Hersende, femme de Landry et fille de Thibaud d'Athis. Par cette donation, cette dame fonde un anniversaire et demande aux moines de prier pour le salut de son âme « pro anima sua » (charte CLIX).
Voici la transcription de Jules Marion. « Sciendum est quod Hugo Chamilli et Letholdis, uxor ejus, et Thomas, ipsorum filius, affirmaverunt et concesserunt Deo et Sancte Marie de Longo Ponte, et monachis ejusdem loci, quicquid Heinricus, Milo, Hersendis et Gauterius, cognomento Paganus, supradicte ecclesie et monachis ejusdem loci dederant ; videlicet; terram de Fontanis, sicuti Galterius, dapifer, illam habuerat in vadimonio et monachi tunc temporis eandem tenebant ; hospites de Britiniaco ; terram de Terciaco ; terram de Villa Nova ad unam carrucam, ficut fratres in illo die habebant ; terram de Plesseiz, ad hospitandum in illam hospites ubicumque vellent ; et catenam nemoris, sicuti fossatum dividit; et tres arpentos terre ; et XVIeim denarios et obolum de censu, quos Hersendis, uxor Landrici, filia Tebaldi de Atiis, pro anima sua, Deo et Sancte Marie de Longo Ponte dedit. Ex his omnibus que suprascripta funt testes funt hii, ex parte Hugonis : Arnulfus Malviel ; Burchardus de Valle Grinosa ; Willermus de Maciaco; Durannus, prepositus ; Balduinus, filius Rainardi; ex parte [Sancte] Marie: Petrus, miles, de Maciaco ; Durannus, prepositus; Arroldus, major; Stephanus de Longo Ponte ; Tebaldus, filius ejus; Ansellus, corveserius; Gaufredus, major; Arnulfus et Josbertus, filii ejus ; Oylardus, famulus; Ascelinus et Johannes, filii ejus ».
Voici la traduction succincte. «Nous faisons savoir que Hugues de Chamilli et sa femme Letholde et Thomas leur fils affirment et acceptent le don fait à Dieu et à Sainte Marie de Longpont et aux moines de ce lieu, par Henri, Milon, Hersendis et Gautier surnommé Payen ; c'est-à-dire la terre de Fontaine, que le sénéchal Gautier avait engagé et que les moines tenaient à cette époque, les hostises de Brétigny, la terre d'Étréchy; la terre de Villeneuve qu'une charrue laboure, en un jour, la terre de Plessis et des bois divisés par des fossés, et trois arpents de terre, et seize deniers et obole de cens que, pour le salut de son âme, Hersendis, la femme de Landric, fille de Thibaud d'Athis, donne à Dieu et à Sainte Marie de Longpont. Les témoins de tout ce qui vient d'être dit, de la part d'Hugues : Arnulf Malviel, Burchard de Vaugrigneuse, Guillaume de Massy, le prévôt Duran, Baudouin, le fils de Rainard. De la part de [Sainte] Marie : le chevalier Pierre de Massy, le prévôt Duran, Arrold, le régisseur, Étienne de Longpont, Thibauld, son fils, Ansel, le cordonnier, Geoffroy, régisseur, Arnulf et Josbert, ses fils, le serviteur Oylard, Ascelin et Jean, ses fils».
En tant que premier seigneur, nous apprenons que le domaine féodal d'Hugues de Chamilli s'étendait sur les paroisses de Brétigny, Plessis-Pâté, Étréchy et Villeneuve-le-Roi. En cela, la donation d'Hersende est considérable comprenant des terres, bois, hostises et droits censuels. Nous reparlerons de la terre d'Etréchy « Estrichiacus, Estrichium, Terciacum » qui jouxtait le fief des seigneurs de Montlhéry. À Villeneuve, la surface agraire est celle que peut labourer un attelage en une journée, c'est-à-dire une charruée ou un journal soit à peu près un arpent. Nous savons, par d'autres chartes, qu'Hugues et Lethode ont eut deux fils Thomas et Gui. Dans cet acte, seul Thomas est cité, nous pouvons donc conjecturer que Gui n'était pas en âge de donner son consentement. Il serait né au plus tôt après 1083.
Concordat suite à la dispute sur la terre d'Étréchy
Vers 1105, du vivant du seigneur Gui Troussel, le chevalier Hugues de Chamilli entra en conflit avec les moines de Longpont au sujet d'une terre située à Étréchy (charte CLXV).« De terra de Terciaco, quam Milo pro anima Guidonis, fratris sui, sancte Marie de Longo Ponte habendam concesserat et Hugo Chamilli calumpniabatur, coram domno Guidone Trossello et aliis pluribus, inter monachos et supradictum Hugonem, ita res concordata est ; ut. scilicet monachi in terra, quam pro anima defuncti, dimidie videlicet carruce, requirebant, modios Vquo annone seminarent et ibi, fixis terminis, terram suam, sine aliqua perturbatione, deinceps possiderent. Hujus rei testes sunt isti : Guido Trossellus ; Galterius, dapifer ; Amulfus Malviel ; Arnulfus, frater ejus ; Godefredus Gruel, Stephanus et. Guncelinus de Longo Ponte ; Gaufredus, major ; Oylardus, famulus, et. Georgius ; Guido, carpentarius ».
La traduction sommaire donne : « De la terre d'Étrechy, que Milon avait consentit à Sainte Marie de Longpont pour le repos de l'âme de son frère Gui, et que Hugues Chamilli avait chicanée ; devant le seigneur Gui Troussel et beaucoup d'autres, entre les moines et le susdit Hugues, un concordat est établi. À savoir, les moines, pour le repos de l'âme du défunt, réclamèrent la terre d'une demi-charruée, cinq muids d'annone et dans ce lieu fixer des bornes, tel que la querelle soit terminée, pour prendre pleine possession à la suite. Les témoins de cela sont : Gui Troussel, le sénéchal Galtier, Arnulf Malviel, Arnulf, son frère, Godefroy Gruel, Étienne et Guncelin de Longpont, le régisseur Geoffroy, les serviteurs Oylard et Georges, le charpentier Gui».
Cette charte fait valoir que la terre d'Étrechy avait été donnée par Milon 1er le Grand, seigneur de Montlhéry, sans doute avant son départ pour la croisade en 1096, en fondant un obit pour l'anniversaire de son frère Gui le Rouge, seigneur de Rochefort. Hugues de Chamilli chicana ce legs devant le seigneur Gui Troussel, le neveu de Gui le Rouge. Il semble que le seigneur de Brétigny possédait un fief contigu de la terre des moines. Ceux-ci exigèrent le bornage de la terre d'une demi-charruée (surface qu'un attelage peut labourer) en rappelant qu'ils percevaient une redevance de cinq muids de grains. Nous retrouvons le charpentier Gui signifiant que les bâtiments conventuels et l'église prieurale de Longpont sont toujours en construction. Nous rencontrons cet artisan dans les chartes CVIII, CXLIV, et CXLVI.
Carte de l'Île-de-France par J.-B. Nolin
Le fief de Hugues Chamilli
Dans la charte CLXVIII, Hugues de Chamilli intervient une nouvelle fois en tant que premier seigneur. Vers 1100, c'est un certain Eudes qui fait un legs important, puisqu'il s'agit d'une surface agraire de douze arpents au Plessis-Pâté. « Odo, filius Roberti et Godeve, dedit Deo et sancte Marie de Longo Ponte, atque monochis ejusdem loci, XIIeim arpenta terre in Plesseio Hugonis Chamilli, concedentibus filius suis ; testante Pepun de Fluri, et Oylardo, et Garnerio arque Bernardo ».
Voici la traduction : « Odon, fils de Robert et Godeve, donna à Dieu et à Sainte Marie de Longpont et aux moines de ce lieu, douze arpents de terre au Plessis dans le fief de Hugues Chamilli dont ses fils renoncèrent ; en présence des témoins Pipun de Fleury, Oylard, Garnier et Bernard». Nous notons le consentement des fils du suzerain. Il faut également remarquer le texte concis et seulement la présence de quatre témoins dont trois personnages qui peuvent être des hommes au service des moines.
Donation d'un cens de 12 deniers
Dans la charte CCVI, souscrite vers 1110, Hugues de Chamilli vient à Longpont avec sa femme et son fils aîné pour léguer un cens annuel de 12 deniers. « Sciendum est quod Hugo Chamillis et uxor ejus, Letheldis, et filius ejus, Thomas, terram que est juxta bruciam Guidonis, de feodo Bernardi de Athiis, quem in manu sua habebat, concessit monachis sancte Marie de Longo Ponte ad censum XIIcim denariorum par unum quemque annum. Hujus rei sunt testes : Balduinus, filius Rainardi ; Buchardus de Castris ; Galterius, frater ejus ; Guido Andegavensis ; Rogerius de Saviniaco ».
« Il faut savoir qu'Hugues Chamilli et sa femme Lethelde et son fils Thomas concédèrent aux moines de Sainte Marie de Longpont douze deniers de cens à prendre chaque année sur la terre située à côté du buisson de Gui dans la mouvance féodale de Bernard d'Athis. Les témoins de cette chose : Baudouin, fils de Rainard, Bouchard de Châtres, Gautier, son frère, Gui Angevin, Roger de Savigny».
Dans son dictionnaire géographique Jules Marion désigne « Brucia » comme le nom primitif de La Brosse, hameau de la commune de Janvry. Nous en sommes moins certain pour les raisons suivantes : il y a de nombreux lieux autour de Montlhéry appelés Brucia pour nommer des lieux en friche alors que ce toponyme venant du bas latin « broca » ou « brossa » désigne une " broussaille " ou un " buisson ".
Parmi les témoins, Gui Angevin « Guido Andegavensis » est connu des moines : il les avait assistés, à la même époque, lorsque Milon de Linas légua le quart de la dîme de bois dans la paroisse Saint-Méry de Linas (charte LXXII) ; quand Gaudry de Chouanville donna deux arpents de terre contigu du fief de Lormoy, chargés d'un cens annuel de dix deniers (charte LXXIII) . En 1105, il est assiste la famille Château d'Orsay donnant de l'église de Pecqueuse avec l'atrium et le cimetière (charte CCXCVI). Quant à Roger de Savigny « Rogerius de Saviniaco », ce personnage apparaît dans les chartes du début du XIIe siècle (charte CXXII). Il nommé en tant que régisseur « Rogerio, majore de Saviniaco » dans les chartes CCXLVI, CCLXVIII, sachant que les moines possédait la moitié des dîmes de Savigny. En ce qui concerne Bouchard de Châtres « Buchardus de Castris » le scribe de Longpont le cite plusieurs fois (chartes LIV, LXXX, LXXXVII, XC, XCI, CLIII) et être le fils de Bernier et frère de Gautier (charte LIV). Vers 1100, il contesta la donation d'Hugues Basset à cause de sa femme Odeline qui était héritière du fief.
Chicane de la donation de Guillaume Cochevi
Dans la charte CCXXV souscrite vers 1110, le nom d'Hugues Chamilli apparaît en tant que contestataire de la donation par Guillaume Cochivi de deux hostises situées dans sa mouvance. « Guillelmus, filius Guillelmi Cochivi, mutuavit et dedit in tuicione contra omnes calumpniantes, pro animabus patris et matris sue, Deo et sancte Marie de Longo Ponte, et monachis ejusdem loci, quicquid pater suus apud Champlant habuerat et ipse post eum habuit, videlicet in hospite, in terris, in vineis, in paagio, in roagio, excepto feodo molendini quem Radulfus Baudus tenebat de eo; et pro hoc dederunt ei prior Heinricus et monachi, similiter in tuicione, IIIIor hospites censuales apud Britiniacum, Tescelinum et fratrem ejus, Helinvisam et Holdeburgem, quos habebant de Aymone, filio de Donjone, et unum equum in precio Lta solidorum. Hoc autem concessit Hugo, frater ipsius Guillelmi, Aymo de Norvilla, avunculus ejus, Guido et Thomas, filii ipsius Aymonis, Ursus, filius Normanni de Stampis, nepos jamdicti Guillelmi. Hii itaque omnes de hoc miserunt donum super altare sancte Marie. Quod viderunt et audierunt hii testes: Thomas Taxellus; Fromundus, filius Goncelini; Ebrardus, frater ejus; Hugo, frater Bernoardi; Robertus de Larzi; Guido, nepos prioris; Robertus, famulus. Postea autem, Hugone Chamilli calumpniante duos hospites, Tescelinum et fratrem ejus, quia servi illius erant, nolui concedere ut Guillelmus eos haberet. Quamobrem, prefati monachi iterum dederunt ipsi Guillelmo XXti solidos, et pro eisdem hospitibus quos sibi retinuerunt duos alios hospites, Hermerium de Sancto Philiberto et Fredericum, clientem, qui de duobus arpennis terre solvebant monachis unusquisque eorum XIIcim nummos de censu, quos amodo reddent Guillelmo, et de ipsis arpennis hostites ejus erunt: reliquam vero terram, quam de monachis tenent, semper tenebunt ipsi et successorum eorum et jus debitum eis solvent. Si autem hosticium suum dimittere voluerint, monachi eos alicubi ad hospitadum nullo modo recipient. Hujus rei sunt testes hii: Hugo, frater supradicti Guillelmi; Aymo de Norvilla, Fromundus, filius Guncelini; Burchardus de Valle Grinosa; Gaufredus, cognomento Paganus, de Alneto; Aszo de Villa Bona; Johannes, filius Giroldi de Coldriaco; Georgius de Atrio » .
La traduction sommaire est la suivante : « Guillaume, fils de Guillaume Cochevi, changea d'opinion et donna à Dieu et à Sainte-Marie de Longpont et aux moines de ce lieu, amicalement contre toutes les calomnies, pour le salut de son âme et celle de sa mère, ce que son père possédait à Champlan et qu'il avait eu après lui, à savoir en hostise, en terre, en vignes, en village, en bois, excepté les droits féodaux sur le moulin que Radulf Baudus tient de lui ; et il donna cela au prieur Henri et aux moines, de la même manière amicale, les droits censuels de quatre hostises, à Brétigny, acquittés par Tescelin et son frère, Helinvis et Holdegurge, qu'il avait de Aymon, fils d'Hervé de Donjons, et un cheval du prix de cinquante sols. Ce don fut approuvé par Hugues, le frère du susdit Guillaume, Aymon de Norville, son oncle maternel, Gui et Thomas, les fils d'Aymon ; Urfus, fils de Norman d'Étampes, le neveu du susdit Guillaume. Tous posèrent l'acte de donation sur l'autel. Les témoins qui ont vu et entendu cela: Thomas Taxel, Fromont, fils de Goncelin, Évrard, son frère, Hugues, fils de Bernard, Robert de Larzi, Gui, le neveu du prieur, le serf Robert. Mais après cela, Hugues de Chamilli chicana deux hostises tenues par Tescelin et son frère, qui étaient ses serfs et qu'il ne concédait pas à Guillaume pour qu'il les tienne. C'est pourquoi, Guillaume donna aux moines susdits, pour la seconde fois, une somme de vingt sols, et à cause des deux hostises retenues par Hugues Chamilli, il en donna deux autres, celles de Hermier de Saint-Philibert [de Brétigny-sur-Orge] et celle de Frédéric, ses tenanciers, qui pour deux arpents de terre acquittaient douze sols de cens aux moines, que l'affectionné Guillaume rendit ; et de ces arpents de terre composant les hostises, il advient que le reste de la terre que tenaient les moines, sera tenue par eux et leurs successeurs pour toujours, et par là-même justice leur est faite. Mais, si les moines veulent abandonner l'hostise, cette hostise ne peut lui revenir d'aucune manière. Les témoins de cette chose : Hugues, frère du susdit Guillaume, Aymon de Norville, Fromont, fils de Guncelin, Burchard de Vaugrigneuse, Geoffroy de Launay, surnommé Payen, Aszo de Villebon, Jean, fils de Girold du Coudray, Georges de Atrio».
Dans cette affaire, Hugues de Chamilli considère que les hostises de Brétigny sont tenues par ses serfs Tescelin et son frère. Il refuse que son vassal Guillaume Cochivi en dispose pour les offrir aux moines de Longpont. Afin de compenser la perte des deux hôtes, le monastère reçoit une somme de 20 sols, et deux autres hostises, celles de ses tenanciers situées sur la paroisse Saint-Philibert de Brétigny, Hermier et Frédéric. Nous pouvons nous étonner que la compensation ait été acceptée par le prieur de Longpont, qui, d'ordinaire, exige le repentir du chicaneur.
La fondation d'un obit par Gui Chamilli
Vers 1150, le fils cadet d'Hugues Chamilli fonde un obit alors qui sent la mort venir (charte CLI). « Guido Chamilli, moriens, dedit Deo et sancte Marie de Longo Ponte, et monachis ejusdem loci, unum hospitem apud Plesseium, Paganum nomine, et duo arpenta terre. Reddidit etiam duo alia arpenta terre, que mater ipsius, Letaldis nomine, eidem ecclesie contulerat, que ipse calumpniabat, attestante Christiano, eo tempore presbitero de Britiniaco. Quod donum concessit uxor illius ac donum super altare sancte Marie cum libro posuit, videntibus et audientibus istis : Gisleberto de Valle Grinosa ; Garino de Masci ; Guidone de Alneto ; Guillelmo Cuchivi ; Galterio de Boolun ; Hungerio de Castris ; Johanne, famulo ; Holdeberto, asinario ».
Cet acte peut se résumer de la façon suivante : « Gui Chamilli, mourant donna à Dieu et à Sainte Marie de Longpont et aux moines de ce lieu, une hostise au Plessis-Pâté, tenue par le nommé Payen, et deux arpents de terre. Il donna à tout jamais deux arpents de terre à un autre endroit que sa mère nommée Lethelde avait apporté à l'église, que lui-même avait chicané, comme il est attesté par Christian, en ce temps prêtre de Brétigny. Sa femme consent à cette donation en posant l'acte sur l'autel de Sainte Marie. Ceux qui virent et entendirent cela : Gilbert de Vaugrigneuse, Garin de Massy, Gui de Launay, Guillaume Cuchivi, Gautier de Bullion, Hunger de Châtres, le serf Jean, et l'ânier Holdebert».
Alors que la vie le quittait, le donateur lègue l'hostise de Payen situé dans le fief patrimonial du Plessis-Pâté. Proche du jugement dernier, le mourant regrette d'avoir chicané et calomnié la donation de deux arpents par sa Lethelde, sa mère. Ne pouvant venir à Longpont, Gui Chamilli envoie sa femme (dont nous ignorons le nom) poser l'acte de donation sur l'autel de la Vierge et demander aux moines de prier pour le salut de son mari.
À suivre…
Notes
(1) J. Marion, Cartulaire du Prieuré de Notre-Dame de Longpont de l'Ordre de Cluny (Impr. Perrin et Marinet, Lyon, 1879).
(2) Jusqu'au XIe siècle, les personnes ne portaient qu'un nom de baptême. Au XIIe siècle, l'explosion démographique oblige les populations à donner des surnoms aux individus afin d'éviter les confusions. C'est la naissance du nom de famille.