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Le prieuré Notre-Dame de Longpont

XXXII. Les privilèges pontificaux

 

Cette chronique est le trente-deuxième volet de l'histoire du prieuré Notre-Dame de Longpont décrivant les chartes relatives aux privilèges du couvent donnés au XIIIe siècle (1). Nous avons évoqué précédemment l'existence de trois cartulaires rassemblant principalement les titres du prieuré de Longpont avant le XIIIe siècle.

 

C.Julien __Juin 2014

 

 

Cluniacum

La fondation du prieuré de Longpont fut un acte politique, notamment par le choix de son emplacement, pied de la tour de Montlhéry, dans le village où Guy 1er, seigneur de Montlhéry et à Hodierne, sa femme, avaient commencer la construction d'une église sur le site marial des bords de l'Orge. Les documents anciens montrent que l'élévation n'était pas très avancée et les fondateurs décidèrent de donner l'autel de Longpont à des moines qui en termineraient la construction finale. La fondation du prieuré de Longpont fut également un acte religieux par son contenu. En appelant les moines de Cluny «  … tantum districtio regularis maneret penes abbatem Cluniacensis monasterii, de cujus monachis predicta ecclesia… » , le seigneur de Montlhéry faisait entrer Cluny dans la province d'Île-de-France, suivi une dizaine d'années plus tard par la fondation du prieuré Saint-Martin-des-Champs par le roi Philippe 1er. Lorsque Geoffroy l'évêque de Paris «  Gaufredus, Parisiorum episcopus  » , et Josselin archidiacre de Josas accordèrent leur bénédiction (charte LI), il fut décidé que le prieuré aurait l'exemption seigneuriale avec la moyenne et la basse justice donnée au prieur claustral.

Fondée en 910, l'abbaye de Cluny fut érigée en modèle par le renforcement les exigences strictes de la règle bénédictine qui fut introduites dans toutes les succursales ; cette règle fut appliquée à Longpont «  pretaxato respectu Cluniacensis monasterii regulam sancti Benedicti servantibus  ». Dès lors, le prieuré fut dirigé par un prieur claustral sous l'autorité de l'abbé de Cluny, chef de l'Ordre. L'arrivée de Longpont dans l'Ordre clunisien est la conséquence de l'œuvre de l'abbé Saint Odon, qui un siècle auparavant avait sollicité le pape pour accorder des privilèges. C'est grâce au premier privilège que lui accorde en 931 le pape Jean X, que l'abbé garde sous son autorité les monastères qu'il réforme, permettant la création de l'Ecclesia cluniacensis . En 935, les clunisiens obtiennent même de pouvoir d'admettre à Cluny des moines ayant rompu leurs vœux avec d'autres monastères.

Lorsque des moines bénédictins s'installent à la fin du XIe siècle à Longpont, la place joue un rôle de premier plan dans les affaires tant spirituelles que temporelles dans le royaume de France. C'est sans compter également sur la situation géographique de Longpont, première étape après Paris sur le chemin de Compostelle. L'ascension du prieuré est également due aux privilèges obtenus des papes.

 

Les moines de Cluny (miniature du XVe).

 

 

Le trésor de Longpont

Il est évident que le trésor du prieuré de Longpont (c'est-à-dire les chartes de fondation) fut disséminé au cours des siècles, notamment au cours des guerres de religion quand, en 1562, les Huguenots de prince de Condé vinrent saccager Longpont. Les moines, autorisés à fuir et à se réfugier dans le prieuré de Saint-Julien-le-Pauvre n'eurent que le temps de sauvegarder que quelques pièces des archives. Il en advint de même sous la Fronde. Une autre raison de la disparition des archives dut la mise en commende du prieuré. À chaque prise de possession, les avocats ou fondé de pouvoir du nouveau prieur disposaient des titres pour établir soit l'état du temporel soit les concordats avec les moines. Bien souvent, ces titres n'étaient jamais restitués. Nous savons que le cartulaire édité par Jules Marion rassemblant les chartes primaires avait été extrait du Trésor et était tombé, au XVIIIe siècle dans les mains de l'académicien Foncemagne, ancien oratorien qui le légua par testament à la bibliothèque royale. Il devint le n° 9968 du fonds latin de la Bibliothèque Nationale.

Dans l'introduction au cartulaire de Notre-Dame de Longpont, Jules Marion écrit : «  Notre Cartulaire était-il le seul de son espèce que possédât le monastère de Longpont ? Il est de si mince dimension et l'espace de temps qu'il embrasse si court que cette hypothèse nous paraît difficile à admettre. Nous inclinerions plutôt à voir dans notre petit manuscrit le premier tome d'une collection plus ou moins nombreuse, que le temps et les révolutions ont dispersée ou détruite. À l'appui de cette opinion, et lui donnant presque le caractère de la certitude, nous relevons un argument de valeur incontestable, on pourrait même dire une preuve, dans l'Inventaire des Titres de 1713, dont nous avons déjà parlé plusieurs fois et qui est la pièce la plus importante des anciennes archives du prieuré de Longpont conservées au dépôt départemental de Versailles  ».

L'inventaire des titres du prieuré de 1713, fut établi à la demande de l'abbé Jean-Paul Bignon, doyen de Saint-Germain l'Auxerrois et prieur commendataire de Longpont. En 1792, toutes les archives furent transportées au district de Corbeil par le commissaire Jubien, commissaire à terrier, demeurant à Montlhéry. Après la Révolution, tous ces titres constituèrent le fonds 13H des archives départementales. Sur le procès-verbal de dépôt des titres, on peut lire ce qui suit.

« L'an mil sept cent quatre vingt douze, le jeudy vingt six janvier vers midy, est comparu au Directoire du District de Corbeil le sieur Jean Etienne Jubien, demeurant à Montlhéry, cy devant commissaire à terrier du chapitre de Linois et de l'abbaye de Notre-Dame de Longpont. Lequel a dit qu'en exécution des décrets de l'Assemblée Nationnale et sur l'invitation qui lui en avoit été plus particulièrement faite par MM. les administrateurs dudit district, il avoit fait charger sur une voiture tous les titres qui étoient par devant lui appartenant au cy devant chapitre de Linois, qu'il les avoit accompagnés et qu'il étoit prêt à les remettre à l'administrationsi elle jugeoit à propos de les recevoir et de lui en donner décharge…

 … Comme aussi ledit sieur Jubin a remis à mesdits sieurs administrateurs dix volumes de terriers du prieuré et petit couvent de Longpont, deux ceuillerets, un inventaire général de tous les titres et deux registres d'ensaisinement, le tout relatif à la maison de Longpont et ont été pareillement remis au secrétaire pour être déposés dans les archives et ledit sieur Jubien en demeure également déchargé. Le tout fait en la présence et sur le réquisitoire de Monsieur le procureur syndic  ».

 

 

 

La charte de fondation

Le premier acte est constitué par la charte LI du cartulaire dans laquelle Guy 1er de Montlhéry obtint de Geoffroy de Boulogne, l'évêque de Paris «  Gaufredus, Parisiorum episcopus  » , et de Josselin, archidiacre de Josas «  Joscelini, archidiaconi », la cession de l'église de Longpont aux moines de Cluny, pour y fonder un prieuré sous l'évocation de la Vierge. « … un de nos chevaliers (quidam noster miles) nommé Guy est venu, demandant instamment et humblement pour le bien de notre âme et de celles de nos prédécesseurs et successeurs, de céder l'église située dans le bourg de Longpont, fondée en l'honneur de la sainte mère de Dieu et à elle dédiée, aux moines qui serviront Dieu sous la règle de saint Benoît, sauf nos droits et ceux de notre église. Ces moines devront rester sous l'autorité de l'abbé de Cluny. Nous donnons pour toujours cette église à ces moines. Nous confirmons les dons de notre chevalier et de ses successeurs. Si quelqu'un déchire cet écrit ce sera en vain  ».

L'évêque de Paris accueille favorablement la requête du seigneur de Montlhéry et accorde l'investiture sollicitée aux moines nouveau-venus et au monastère de Cluny, dont ils dépendront, en réservant soigneusement, suivant l'usage, tous les droits et privilèges de l'évêque diocésain (droits de synode et de visite de la sacristie) et en particulier ceux de Joscelin, son archidiacre, dans la juridiction de qui Longpont était placé, et qui souscrit la charte à son rang. Nous apprendrons par la suite que le prieuré avait été doté, dès l'origine, de l'atrium, du cimetière et des droits féodaux associés à une «  seigneurie ecclésiastique  ».

Notons que la fondation du prieuré de Longpont eut lieu sous le règne de Philippe 1er (roi de 1060 à 1108) et sous le pontificat d'Alexandre II (pape de septembre 1061 à avril 1073). Le chef de l'ordre clunisien était Saint-Hugues, abbé de Cluny, de 1049 à 1109. Ni l'un, ni l'autre n'ont confirmé cette fondation, le seul diplôme délivré fut celui de l'évêque de Paris. Plus tard, plusieurs papes se sont intéressés à Longpont, sans doute à la demande du prieur claustral, sous l'autorité de l'abbé de Cluny.

 

 

Reconnaissance des papes

Selon Denyse Riche, les souverains pontifes sont attachés à l'unité de l'ordre clunisien, symbolisée par la personne de l'abbé, et ils confortent les liens de dépendance . En 1188, Clément III maintient que «  les maisons qui ont gardé leur titre d'abbaye sont tenues de recevoir leur supérieur de l'abbé de Cluny, qu'aucun évêque ne peut procéder à la consécration s'il n'y est autorisé par lettre de ce même abbé  ». Les papes Alexandre III et en 1204, Innocent III, abondent dans la même direction. En 1247, Innocent IV aida Guillaume de Pontoise à lutter contre la désobéissance de certains prieurs dont ceux de Longpont et de Saint-Martin-des-Champs. Les résistances ne cessant pas complètement, l'abbé de Cluny requiert l'intervention de Grégoire X en 1272.

En 1297, les prieurs de La Charité-sur-Loire et de Longpont assistés du chambrier de Saint-Martin-des-Champs sont chargés de veiller à ce que la levée d'imposition des 4.000 livres autorisées par Boniface VIII soient réparties équitablement, sans nuire à l'hospitalité ou à l'aumône, ni contraindre à restreindre l'effectif des couvents. Le chapitre général de la même année précise que la charge s'ajoute aux «  cens anciens, autres redevances coutumières et pensions pour les écoliers  » (Dom Charvin, t. II, p. 118-119).

Nous connaissons les diplômes de privilèges des papes Urbain II (12 mars 1088-29 juillet 1099), Eugène III (18 février 1145-8 juillet 1153, Anastase IV (12 juillet 1153-3 décembre 1154), Alexandre III (20 septembre 1159-30 août 1181), Lucius III (), Alexandre IV (12 décembre 1254-25 mai 1261). Il convient de vérifier les dates des pontificats car la datation des chartes de Longpont comporte des erreurs de transcription.

 

 

Les fausses chartes

Dans son Histoire de France (t.XIII, p.88), le père Daniel traite de l'authenticité des diplômes et chartes produites par les monastères au Moyen âge «  car pour peu que l'on puisse douter de la vérité de ces monumens, leur témoignage ne sauroit être d'aucun poids, et les lumières qu'on en tire ne seroient plus d'aucune utilité… Mais il y en a un si grand nombre de fausses et supposées, qu'il est extrêment difficile, pour ne pas dire impossible, d'en faire le discernement d'avec les véritables » (2). En 1681, le fameux père Mabillon prétendit donner des règles sûres pour discerner les chartes vraies et authentiques de celles qui sont fausses ( de Re Diplomatica ). Le père Daniel précise que «  les faussaires ont souvent infecté par des chartes supposées les archives de plus célèbre monastères  ». Guernon, moine de Saint-Médard de Soissons, se voyant prêt de mourir, s'accusa publiquement d'avoir parcouru un grand nombre de monastères, et d'y avoir fabriqué des fausses bulles en leur faveur.

M. Meyer juge convenable d'établir une distinction entre les actes faits après coup, afin de suppléer à la perte de documents authentiques, et des pièces fabriquées pour couvrir une fraude ou faire triompher une mauvaise cause ( Bibl. de l'école des chartes , t. 23 (1862) pp. 125-138). Les premiers sont fondés sur les faits dont les documents perdus constataient l'existence, s'ils ne sont pas toujours véridiques, ils ont au moins l'intention de l'être, et les erreurs qu'ils contiennent sont plus souvent le résultat des altérations involontaires de la tradition que de la mauvaise foi.

Les médiévistes ont relevé jusqu'à une douzaine de fausses chartes dans le cartulaire de l'abbaye cistercienne de Vaux-en-Ornois. La grande abbaye de Cluny n'échappa pas à ces chartes refaites . Joseph Depoin releva deux diplômes de confirmation du pape Urbain II à la fin du XIe siècle : l'une daté du 1 er nombre 1088 relevée dans le cartulaire de Saint-Martin-des-Champs, l'autre du 15 mars 1095 relevée dans le cartulaire de Cluny où il est question de N.-D. de Longpont.

 

 

La charte d'Urbain II

Le pape Urbain II, de son nom Eudes de Châtillon, d'origine Champenoise était issu de l'abbaye de Cluny où il avait pris le froc de moine en 1067 (à l'âge de 25 ans). Il en devint grand prieur en 1073 sous l'abbatiat d'Hugues de Semur. Il y demeura une dizaine d'années en se formant à la «  politique ecclésiastique européenne  », arriva à Rome où il fut nommé cardinal-évêque d'Ostie par le pape Grégoire VII. En devenant pape, Urbain II continue la réforme grégorienne en continuant de s'appuyer sur l'Ordre clunisien et institue «  l'exemption  » qui place les abbayes sous la responsabilité pontificale. Urbain II applique les valeurs clunisiennes en étant proche d'Hugues de Sémur. Il protège Cluny et toutes ses dépendance tant celles situées dans l'Empire que celle du royaume de France.

Peu de temps après son élection (12 mars 1088), le 1er novembre 1088 , le pape Urbain II confirme l'abbaye de Cluny dans ses privilèges, ses possessions et ses dépendances, comprenant Saint-Martin-des-Champs, et confère à l'abbé Hugues l'usage, à cinq solennités principales de l'année, des ornements épiscopaux : la mitre, la dalmatique, les gants et les sandales ( Bullarium Cluniacense , p. 22, col. 2). « Urbanus episcopus , servus servorum Dei, Hugoni sanctissimo abbati Cluniacensi , ejusque successoribus in perpetuum. Cum omnibus sanctæ filiis Ecclesiæ, etc. .... Quidquid igitur libertatis, quidquid inmunitatis, quidquid auctoritatis tibi, tuisque successoribus, tuoque cœnobio, per antecessorum nostrorum privilegia concessum fuisse constat, nos quoque hujus notri decreti pagina conferimus, tradimus, confirmamus. Hoc insuper adjicientes, ut monasterium Sanctæ Mariæ de Charitate , Monasterium Sancti Martini de Campis apud Parisios , monasterium Sancti Dionysii apud Nungentum , Sanctæ Mariæ de Nazara , Sancti Gervasii de Exis , Sanctæ Mariæ de Arulis , Sancti Petri de Camporotundo , Sancti Genesii in Elnensi episcopatu, Sancti Pauli in Valle-olei , Sanctæ Mariæ de Cubaria , Sanctæ Mariæ de Salella , Sanctæ Mariæ de Tolosa , Sanctæ Trinitatis in Marciniaco quod tu in alodio proprio ædificasti, nunquam tuo tuorumque successorum regimini ordinatione subtrahantur. Datum Romæ per manum Joannis diaconi sanctæ Romanæ ecclesiæ , prosignatoris domni Urbani II papæ , Kal. Novemb. indict. xi , anno Dominicæ Incarnationis 1088 pontificatus vero ejusdem domni Urbani papæ primo   ». Dans cette charte les principales dépendances sont citées dont La Charité-sur-Loire, Saint-Martin-des-Champs, etc.

Selon Joseph Depoin, éditeur du cartulaire de Saint-Martin-des-Champs, la simple inspection du préambule, où le Pape qualifie Hugues, de son vivant, " sanctissimus abbas ", suffit pour juger de la valeur de ce document. La souscription est non moins insolite. La qualification donnée au diacre Jean ne se rencontre avec une variante, " praesignatoris " au lieu de " prosignatoris ". Partout ailleurs la formule est " Datum... per manus Johannis, sanctæ Romanæ ecclesiæ diaconi cardinalis, ... anno Dominice Incarnationis..., pontificatus autem domni Urbani pape II. .. " où le nom du pape n'est jamais répété. Il s'agirait d'une fausse charte rédigée ultérieurement par des copistes.

Il existe à la Bibliothèque nationale (Orig. 151, copie ancienne, coll. Baluze, vol. 380) une autre bulle datée du 15 mars 1095 adressée par Urbain II à l'abbé de Cluny « reverendissimo fratri Hugoni monasterii Cluniacensis abbati  » correctement expédiée «  per manum Johannis sanctæ Romanæ ecclesiæ diaconi cardinalis  » où sont confirmés à l'ordre de Cluny un grand nombre de prieurés. Dans l'énumération figurent deux églises du Beauvaisis : Saint-Leu d'Esserent et Saint-Christophe-en-Halatte ; une du Meldois, N.-D. de Nanteuil ; une de l'Amiénois, Saint-Pierre de Lihons ; une du Soissonnais, Saint-Pierre de Cuissy ; deux du Parisis : N.-D. de Longpont et Aulnay-lès-Bondy «  in Parisiensi ecclesiæ Sancte Marie de Longoponte, de Alnes  ». Il n'y est pas dit un mot de Saint-Martin-des-Champs. Une si grave omission rend à son tour ce diplôme quelque peu suspect. Urbain II étant à Cluny, dont il consacra la nouvelle église le 25 novembre 1095, accorda le 18 de ce mois une bulle confirmative qui n'a pas été conservée ou n'a peut-être pas été expédiée, mais dont l'obtention est constatée par un document clunisien.

 

 

 

Privilège de Louis le Gros

Un diplôme de confirmation des privilèges de l'abbaye de Cluny fut donné par le roi Louis le Gros à l'abbé. Voici la traduction de cette charte donnée à Orléans en 1119 scellé du sceau de ce prince . «  Privilège concédé à l'abbaye de Cluny pat le roy Louis le Gros, par lequel ce prince met sous sa protection et sauvegarde spéciale de la couronne de France laditte abbaye qu'il qualifie le plus noble membre de son royaume, laissant l'abbé d'icelle l'entière disposition des bénéfices de son ordre, dont y en a 45 de spéciffiez, savoir, la Charité, Saint-Martin-des-Champs, Lehons, Mondidier, Abbeville, Crespy, Nanteuil, Auteuil, Grandchamps, Sainte Margueritte, Coinsy, Gaye, Vaudemare, Tours-sur-Marne, Saint-Thibault, Sainte-Margueritte de Fleury, Vergey, Truand, Mesvres, Longpont , Nogent, Gagieour, Pluviers, Pont-aux-Moines, Donzy, Le pré Saint-Estienne, et Saint-Lambert de Nantes , Saint-Reverain, Lurcy, Bourbon, Paroy, Ambierle, Charlieu, Marcigny, Rumilly, Wast, Bourg-de-Langet, Dompiere, Souvigny, Ris, Souxilanges, La Voulte, Saint-Flour et Saint-Saturnin de Port, tous lesquels il déclare avoir esté donné ausdits abbez ou par eux acquis, avec pouvoir d'instituer ou destituer les prieurs quant il leur plaist et d'en disposer comme de leurs propres chose, promettant ledit sieur roy de maintenir et deffendre laditte abbaye et ses deppendances envers et contre tous, ledit privilège original, donné à Orléans, l'an 1119  » (4).

 

 

La charte d'Eugène III

Un nouveau prieur, Thibaud, entra en fonction à Longpont en 1150, et resta trente ans en place. Son homonyme Thibaud, évêque de Paris, confirma la même année (charte II du cartulaire de Longpont), les biens du prieuré : églises de Forges, Orsay, Pecqueuse, Champlan, Bondoufle, Orangis, Nozay et Saint-Julien-le-Pauvre de Paris, dîmes à Montlhéry, Viry, Jouy-en-Josas, Montéclin, Athis, Savignv, Saint-Médéric, Brétigny, Plessis, Villabé, Lisses, Vert-le-Grand, Lardy, Villejuif, Fresnes.

Un ancien moine de Clairvaux, disciple de saint Bernard, avait été élu pape en 1145, sous le nom d'Eugène III ( Bernardo Paganelli di Montemagno, pape du 4 mars 1145 au 8 juillet 1153). Il soutint les efforts de saint Bernard en faveur de la seconde croisade, voyagea en France. Il confirma les biens de Sainte-Marie de Longpont (charte I du cartulaire de Longpont) tels qu'ils avaient été énumérés en 1150 par l'évêque Thibaud de Paris (charte II) et y ajouta les biens du prieuré situés hors du diocèse de Paris: le tiers des dîmes de Mondeville dans l'archevêché de Sens, le monastère d'Auffargis dans le diocèse de Chartres, le monastère de Touques dans le diocèse de Lisieux. Cette charte est datée " VIII Kalendas Marcii, indictione XV, incarnationis Dominice anno M°C°L°I°, pontificatus vero domni Eugenii tercii pape anno septimo ". La chancellerie d'Eugène III plaçait parfois le début de l'année au 25 mars et la septième année du pontificat d'Eugène III se terminait avant le 25 mars 1152, ce qui fait penser que la date de cette charte correspond au 21 février 1152 nouveau style (édition 1879 du cartulaire de Longpont). Ce document fut signé par le pape et onze cardinaux: Gregorius, cardinal prêtre de Saint-Calixte, Julius, cardinal prêtre de Saint-Marcel, Ubaldus, cardinal prêtre de Sainte-Croix de Jérusalem, Imarus, évêque de Tusculum, Nicolaus, évêque d'Albano, Hugo, évêque d'Ostie, Bernardus, cardinal prêtre de Saint-Clément, Otto, cardinal diacre de Saint-Georges au Vélabre, Gregorius, cardinal diacre des Saint-Anges, et les cardinaux diacres Guido et Johannes.

La traduction succincte du diplôme d'Eugène III est la suivante. «  «Eugène, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à ses chers fils, Teobald [ Thibaud 1er, dixième prieur conventuel de N.D. de Longpont de 1150 à 1180 ], prieur du monastère de la bienheureuse Marie de Longpont, et ses frères, tant présents et futurs, qui ont professé la vie régulière, à perpétuité. Toutes les fois qu'il nous est fait une requête reconnue en accord avec la religion et l'honnêteté, il nous convient d'y consentir volontiers, et d'octroyer une réponse conforme au désir des requérants. C'est pourquoi, chers fils dans le Seigneur, nous accédons bien volontiers à vos demandes et nous prenons ledit monastère, où vous êtes soumis à l'obéissance divine, sous la protection de Saint-Pierre et la nôtre, et nous le confirmons par le privilège du présent écrit, décrétant que toutes les possessions et tous les biens que ledit monastère possède présentement selon le droit canonique ou qu'il pourra acquérir à l'avenir par concession des pontifes, générosité des rois ou princes, dons des fidèles ou tous autres justes moyens, avec la faveur de Dieu, demeurent fermement et intégralement en vos mains et celles de vos successeurs. Dans ces possessions nous avons jugé devoir désigner en propres termes les suivantes : dans de l'évêché de Paris, la propriété de Longpont avec la dîme et l'atrium ; la chapelle de Saint Julien, à Paris, sise près du Petit Pont, avec son cimetière ; l'église de Forges avec la dîme et l'atrium ; l'église d'Orsay avec la dîme et l'atrium ; l'église de Pecqueuse avec la dîme et l'atrium ; l'église de Champlan avec l'atrium et le tiers de la dîme ; l'église de Bondoufle avec la dîme et l'atrium ; l'église d'Orangis avec la dîme et l'atrium ; l'église de Nozay avec la dîme ; les dîmes de Montlhéry ; la moitié de la dîme de Viry, les dîmes de Jouy-en-Josas, la moitié de la dîme de Montéclin ; la moitié de la dîme de Savigny ; le quart de la dîme de Saint Médéric [ Sanctus Medericus, Saint-Méry de Linas]; la dîme de Brétigny et du Plessis ; le quart de la dîme de Villabé [ Villa Abbatis ] ; le village appelé Savigny ; le village appelé Vert et la sixième partie de la dîme ; la moitié du village de Marolles avec la moitié de la dîme ; la moitié du village appelé Champlan ; dans les villages de Villejuif et Fresnes, le tiers de la dîme et la sur-dîme [ tractus ] tous les trois ans. Le tiers des dîmes de Mondeville dans l'archevêché de Sens [Senonensis]. Le monastère Saint-André d'Auffargis et la dépendance de Papinville [ Papinivilla , Paponville, comm. de Sainte-Escobille] dans le diocèse de Chartres. Dans le diocèse de Lisieux, le monastère de Touques avec ce qui lui appartient ; les dîmes d'Auffargis. Nous décrétons donc qu'il ne soit permis à nulle personne de jeter témérairement le trouble dans ledit monastère, de lui enlever ses biens, de les retenir, des les amoindrir ou de les détériorer par quelque dommage ; mais qu'ils soient tous conservés intacts, pour servir à tous les usages de ceux à la gestion et à la maintenance desquels ils ont été confiés dans le respect de l'autorité du siège apostolique et de l'obédience des abbés de Cluny, et de la juridiction canonique des évêques diocésains. Si donc à l'avenir quelque personne ecclésiastique ou séculière connaissant cette page de notre décret tente témérairement d'y contrevenir, si après un deuxième et un troisième avertissement elle ne s'est pas amendée en y satisfaisant comme il convient, qu'elle soit privée de la dignité de sa puissance et de son honneur, et qu'elle sache qu'elle est accusée devant le jugement de Dieu par l'iniquité qu'elle aura perpétrée, et qu'elle soit privée du très saint corps et sang de notre Dieu et Seigneur rédempteur Jésus-Christ, et qu'elle soit reléguée dans les rangs les plus extrêmes voués à la plus rigoureuse vengeance. Mais tous ceux qui servent la justice en ce même lieu, que la paix de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec eux, jusqu'à ce qu'ils reçoivent ici-bas le fruit de leur bonne action et trouvent auprès du sévère juge les récompenses de l'éternelle paix. Amen. Amen. Amen.

Moi Eugène, évêque de l'église catholique (8). Moi Grégoire, cardinal prêtre titulaire de Saint Calixte. Moi Julius, cardinal prêtre titulaire de Saint Marcel. Moi Ubalsus, cardinal prêtre titulaire de Sainte Croix de Jérusalem. Moi Imarus, évêque de Tusculanensis. Moi Nicolas, évêque d'Albano. Moi Hugues, évêque d'Ostie. Moi Bernard, cardinal prêtre titulaire de Saint Clément. Moi Otto, cardinal diacre de Saint Georges (9) au Vélabre. Moi Grégoire, cardinal diacre des Saints Anges. Moi Gui, cardinal diacre de Sainte Marie de Porticu. Moi Jean, cardinal diacre de Saint Serge et Bachi.

Donné à Signia, par la main de Boson, secrétaire de la Sainte Eglise romaine, le neuvième jour avant les calendes de Mars, indiction 15, de l'année MCLI de l'Incarnation du Seigneur, l'an septième du pontificat du seigneur Eugène III» (5).

Notons que le droit qualifié “ tractus ” ou “ tractus decimae ” serait, d'après Ducange, une dîme levée sur la dîme elle-même ( redecima ), sans doute au profit du collecteur. En avant de la signature du Pape est dessiné la fac-similé du sceau de plomb, portant, suivant la forme consacrée, les mots SCS PERTVS, SCS PAVLUS, EVGENIVS PP. III, disposés dans quatre cantons de la croix centrale, et, en exergue, la devise d'Eugène III : “ Domine, signum in bonum fac mecum ”. Toutes les signatures des témoins sont précédées de grandes croix, tracées alternativement à l'encre rouge et à l'encre verte.

 

 

Les diplômes de confirmation

Dans la charte II, datée de 1150, l'évêque de Paris (de 1143 à 1157) confirme le diplôme du pape Eugène III. «Thibaud, évêque de Paris par la grâce de Dieu, à son vénéré et aimé fils Thibaud, prieur de Longpont, et à ses frères serviteurs de Dieu en ce même lieu, à perpétuité. Il incombe à la fonction épiscopale de prendre soin de l'église qui lui a été confiée, et surtout de pourvoir avec attention à la paix et à la tranquillité des frères religieux. C'est pourquoi, nous, par notre soin attentif et notre abondante piété, nous plaçons sous notre protection et celle de l'église parisienne et nous confirmons de notre autorité tous les biens légitimement acquis au temps de nos prédécesseurs et au nôtre : l'église de Longpont avec la dîme et l'atrium ; l'église de Saint-Julien, à Paris, sise près du Petit Pont, avec l'atrium ; l'église de Forges avec la dîme et l'atrium ; l'église d'Orsay avec la dîme et l'atrium ; les églises de Pecqueuse, Champlan, Bondoufle, Nosay avec l'atrium ; les dîmes à Montlhéry, Viry, Jouy-en-Josas, Montéclin, Lisses, Vert-le-Grand, Lardy, Villejuif, Fresnes. Ces biens, et ceux que vous possédez ou posséderez selon la justice et le droit canon, nous les confirmons de notre autorité pontificale et nous les fortifions par l'opposition de notre sceau, décrétant que nul n'ose vous enlever vos biens, les amoindrir ou infirmer le présent décret. S'il le transgresse, et si, après un deuxième et troisième avertissement, il n'y satisfait pas, qu'il se sache lié à la chaîne d'un anathème perpétuel. A ceux qui observent ces prescriptions, honneur et salut. Amen. Fait à Paris, l'année MCL de l'Incarnation du seigneur, VIIIe de notre épiscopat».

L e roi Louis VII rattacha en 1154 à Sainte-Marie de Longpont les églises de Saint-Pierre et de Sainte-Marie, du château de Montlhéry, avec le consentement de Jean de Chatenay, abbé de Saint-Pierre de Montlhéry et de tous les chanoines. Le pape Anastase IV approuva ce rattachement la même année, puis confirma les biens de Longpont énumérés par l'évêque Thibaud de Paris en 1150 et le pape Eugène III en 1152, portant promesses de protection et détails du temporel du prieuré. Anastase IV avait été élu pape après la mort d'Eugène III, en juillet 1153. Il était très âgé et mourut en décembre 1154. Les dates de 1150 et 1158 parfois avancées pour les deux actes qu'il signa au sujet de Longpont sont donc erronées puisqu'il n'était pas encore pas encore pape en 1150 et qu'il était mort en 1158. La date de 1164 parfois indiquée pour le rattachement de la collégiale Saint-Pierre de Montlhéry au prieuré de Longpont est également erronée puisque toutes les sources concordent pour en attribuer l'approbation à Anastase IV, qui était mort en 1154. La copie détenue dans les archives du presbytère de Longpont indique : Latran, VII Kalendas Decembris 1154 . Le pape Alexandre III confirma en 1164 les biens de Longpont.

En 1164, le privilège du pape Alexandre III, reprend les termes des bulles susdites. Une autre bulle du pape Alexandre porte confirmation de la donation faite par Louis VII, dit le Jeune, au prieuré de Longpont de certains droits de péage et d'affirmation. La même année, des lettres du pape Alexandre III confirment la sentence rendue par Estienne, évêque de Meaux, et Odo, abbé de Saint-Denis, au sujet de la contestation qui était entre les religieux de Longpont et les prêtres de Linois, au sujet du cimetière des Lépreux.

En 1185, une commission du pape Lucius III est adressée aux doyens de Paris, de Saint-Germain et d'Autun, pour régler le partage de quelques biens et revenus, entre les religieux de Longpont et les seigneurs de Leudeville. En 1206, une commission du pape Innocent III, la douzième année de son pontificat, adresse l'instruction à l'official de Paris pour terminer le différend touchant le patronage d'Auffargis. La même année, un bref du pape est adressé au chantre de Saint-Wulfran d'Abbeville pour réunir au couvent de Longpont les biens qu'il en avait aliénés. En 1261, le pape Alexandre IV adresse une commission à l'archevesque de Sens, pour régler les religieux du grand couvent et ceux de Longpont, sur les eaux détournées de leur ancien lit, à cause du nouveau moulin.

À suivre…

 

 

Notes

(1) J. Marion, Cartulaire du Prieuré de Notre-Dame de Longpont de l'Ordre de Cluny (Impr. Perrin et Marinet, Lyon, 1879).

(2) Le père Gabriel Daniel, Histoire de France depuis l'établissement de la monarchie françoise dans les gaules , tome XXIII (chez Arkstee et Merkus, Amsterdam, 1758).

(3) Joseph Depoin, Recueil des chartes et documents de l'abbaye de Saint-Martin des Champs, monastère parisien (éd. Ligugé, 1913-1921).

(4) A. Bénet et J.-L. Bazin, Inventaire général de l'abbaye de Cluny , t.I (Impr. Protat, Macon, 1884).

(5) La date de 1152 (nouveau style). La chancellerie d'Eugène II fait partir le commencement de l'année, tantôt du 1er janvier, tantôt du 25 mars. C'est d'après le dernier de ces deux usages qu'est datée la présente bulle. En effet, elle porte la double indication de l'année 1151 et de la septième année du pontificat. Or, la septième année d'Eugène III court du 4 mars 1151 au 3 mars 1152. Le 21 février de la septième année (date de la bulle) est donc évidemment le 21 février 1152 (nouv. style) ; et, pour que ce 21 février porte en même temps le millésime de 1151, il faut de toute nécessité que l'année 1151 ait commencé seulement le 25 mars et se soit prolongée jusqu'à la même date de l'année suivante.