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Le prieuré Notre-Dame de Longpont

XXXIV. Les illustres prieurs de Longpont au temps des Valois

 

Cette chronique relate une page d'histoire du prieuré Notre-Dame de Longpont «  conventu sancte Marie de Longo Ponte  » au cours du XIVe siècle et plus précisément au temps du roi Philippe VI de Valois. Dans cette notice, il s'agit des deux prieurs appartenant à l'illustre famille de Chanac, venue du Bas-Limousin, qui a donnée de grands Hommes à l'Église du Moyen Âge.

 

C.Julien. Juin 2014

 

 

Préambule

Notre chronique commence en avril 1328 quand Philippe, premier roi de la branche de Valois monta sur le trône de France, deux mois seulement après la mort de Charles IV, son cousin, parce qu'on attendit la naissance de l'enfant posthume dont la reine demeurait enceinte, et qui fut une fille nommée Blanche (1). Déjà, on avait rejeté les prétentions d'Édouard III, roi d'Angleterre, qui aspirait à la couronne de France en qualité de parent le plus proche, par sa mère, de feu le roi. Ce fut l'une des causes de la guerre de Cent ans.

Le roi s'appuya sur les officiers du royaume, les légistes et les prélats, dont les prieurs de Longpont faisaient partie. Toutefois, des germes de discorde existaient entre ces deux ordres de l'état touchant les innovations et les usurpations qu'ils se reprochaient mutuellement. En 1329, un arrêt du Parlement confirma une sentence du prévôt de Paris pour le procureur du roi contre le prieur de Longpont au sujet du droit de justice sur certaines terres du prieuré. Il s'agissait de l'arrestation et de la détention de deux individus pour cause criminelle.

Depuis le règne de Philippe le Bel, les papes ont élu résidence à Rome et le XIVe siècle a vu des papes français assis sur le trône de saint Pierre. Élu le 7 mai 1342, Pierre Roger (1291-1352) devient pape sous le nom de Clément VI le 19 mai suivant, succédant à Benoît XII (2). Fils d'un chevalier limousin et moine bénédictin à la Chaise-Dieu, il fit ses études à Paris. Il devint abbé de Fécamp en 1326, deux ans plus tard, évêque d'Arras, archevêque de Sens en 1329 puis de Rouen l'année suivante. Ambassadeur du roi Philippe VI, chargé par Jean XXII de prêcher la Croisade, il fut cardinal du titre des Saints-Nérée-et-Achillée en 1338.

À la mort du fastueux Clément VI, le 6 décembre 1352, le corrézien Étienne Aubert fut élu pape le 18 décembre suivant sous le nom d'Innocent VI. Le nouveau Saint-Père, fils cadet d'une vieille famille limousine avait fait ses études en droit canonique à la faculté de Toulouse. Après avoir été archidiacre de Cambrai, prieur de Rouvignac, évêque de Noyon, il fut appelé au siège épiscopal de Clermont d'Auvergne en 1340, puis cardinal-évêque d'Ostie deux ans plus tard.

Ajoutons que la période considérée a vu plusieurs catastrophes : à partir de 1314, une grande crise économique à cause du déficit de la production céréalières, la peste de 1348, la catastrophe financière suite de la rançon du roi Jean, dont on versera encore les arriérés en 1400 (3).

 

 

Armoiries du cardinal Guillaume de Chanac et l'église de Longpont avec, au premier plan, l'ancienne fontaine alimentée par la source d'Hodierne (carte postale vers 1900).

 

 

L'illustre famille de Chanac

Dans son histoire du diocèse de Paris, l'abbé Lebeuf précise «  Presque dans tous les temps ce prieuré a été possédé par de grands personnages. Plusieurs prieurs réguliers sont devenus évêques, tels que Guillaume de Chanac, qui après l'avoir été sous le règne du roi Jean fut fait évêque de Chartres, puis de Mende et enfin cardinal. Foulques de Chanac son frère lequel lui succéda et fut élevé au siège d'Orléans vers l'an 1383. L'imprimeur de Gallia Christiana, a défiguré leurs noms dans le catalogue des prieurs de Longpont, en les appelant Guillelmus de Chamaïo, Fulco de Chamaïo. Ils étoient parens des deux Chanac, qui dans le même siècle ont gouverné l'Église de Paris  ». Il est donc évident que, tout au long du XIVe siècle, les Limousins jouèrent un rôle primordial à la tête de l'Église et de la Chrétienté. Nous allons esquisser l'éminente position des " de Chanac " au sein de l'épiscopat français et à la cour d'Avignon. La famille Chanac est originaire du Bas Limousin à Allassac (Corrèze, arr. Brive-la-Gaillarde) sur les bords de la Vézère. La terre de Chanac est située à une lieue de Tulle et a été le berceau de cette illustre famille. Le chevalier Foulques de Chanac vivait dans le XIe siècle. Un ancien donjon est le seul vestige d'une forteresse probablement construite vers 1220, par Guillaume IV de Peyre.

Succédant à l'évêque Hugues II de Besançon, Guillaume V de Chanac fut évêque de Paris de 1332. Né à Allasac avant 1250, il mourut le 3 mai 1348 âgé de près de cent ans. Une lutte assez vive se manifesta entre une reine et un évêque, entre les prérogatives de la couronne et les droits féodaux d'un seigneur ecclésiastique. La reine est Jeanne d'Évreux, qui épousa, en 1326, le roi Charles IV le Bel à qui elle apporta en dot la terre de Brie-Comte-Robert. L'évêque est Guillaume de Chanac, titulaire du siège épiscopal de Paris, possédant Brie-Comte-Robert en partie auquel les seigneurs devaient foi et hommage pour leur château. Jeanne voulut faire hommage à Guillaume, mais il lui répugnait de figurer en personne dans une cérémonie humiliante pour une reine : l'évêque exigeait qu'elle vint elle-même à la maison épiscopale lui rendre de devoir de vassalité. L'évêque, après plusieurs refus, consentit enfin, en faisant des actes de protestations pour que sa déférence ne nuisit ni à lui, ni à ses droits, ni à ceux de ses successeurs, à recevoir cet hommage par le ministère de Jean de Soisy, chevalier, seigneur de Brunoy, fondé de pouvoir par la reine. Son âge très avancé l'obligea de se décharger du poids des affaires et en 1342 il abdiqua pour laisser le siège épiscopal à son neveu Foulques II Chanac. À cette date à laquelle, il fut fait patriarche d'Alexandrie, titre plus illustre, mais dégagé de toutes fonctions.

Ce Guillaume de Chanac avait trois neveux. L'aîné Gui de Chanac était chevalier et servait déjà avec quatre écuyers du 2 au 19 juillet 1339, en la compagnie de Pierre de Marmande, sénéchal de Périgord, dans une expédition qui se fit contre Bordeaux. Le frère puîné, Bertrand de Chanac adopta également une carrière ecclésiastique.

Foulques de Chanac, neveu du précédent était le fils de Pierre et de Dauphine. Il prit le siège épiscopal de Paris le 27 septembre 1342. Le 10 février 1343, Foulques de Chanac rendit une sentence pour éteindre la chicane entre les curés et l'évêque au sujet de la chapelle de N.-D. de Boulogne-sur-Seine qui avait été érigée en paroisse, et démembrée de celle d'Auteuil. Selon Dulaure, en cette même année, le mercredi des Rogations, suite à une altercation entre le chapitre Notre-Dame de Corbeil et le curé de la paroisse de Saint-Yon, l'évêque visita ce village et se fit ouvrir la châsse du patron de l'église «  beati Yonii martyris  », qui, suivant l'opinion générale contenait le corps entier du saint.

 

 

 

Foulques de Chanac était un homme qui ne s'en laissait pas compter par les gens du Roi. En 1344, il s'opposa au prévôt de Paris, Guillaume de Gourmont, à qui il réclama Henri de Malestroit accusé, avec d'autres chevaliers bretons, de conspirer contre le Roi. L'accusé étant ecclésiastique fut mis dans la prison de l'évêque où il y mourut au bout de neuf semaines après avoir été exhibé sur le parvis Notre-Dame où le peuple lui jeta des œufs et de la boue. Le 29 juillet 1344, l'évêque de Paris érigea la chapelle Saint-Julien des Menestriers située dans l'enclos de l'Hôpital de la rue Saint-Martin et la conféra à Jean de Villars, présenté par l'administration. Cette chapelle était dotée d'une rente amortie de 20 livres sur le domaine de Corbeil pour entretenir un chapelain «  qui y célébreroit perpétuellement l'Office Divin  ».

Se déplaçant à Champeaux le 9 octobre 1346 «  accedentes ad ecclesiam beati Martini de Campellis in Bria nostre diacesis canonici…  », l'évêque Foulques de Chanac changea les reliques de saint Dôme et saint Heracle de châsses et ordonna que l'anniversaire s'en ferait le lendemain de la saint Denis. Foulques était très vigilant et défenseur «  de la simplicité de la Foi  ». Il entra en conflit à ce sujet avec Jean de Mercœur, moine de l'ordre de Citeaux, docteur en théologie, qui enseignait à l'Université de Paris. En 1347, le moine fut condamné par l'évêque assisté du Conseil des maîtres en théologie. Enfin en 1348, Foulques de Chanac approuva et confirma la fondation faite par Jean de Thélu, d'une chapelle perpétuelle à Saint-André-des-Arts. La vénalité de ce bénéfice était Sainte-Madeleine.

À la même époque une lettre de Foulques de Chanac «  In Dei nomine, ego Fulco, Parisiorum episcopus  » érige en paroisse la chapelle Saint-Lambert de Vaugirard «  Villa Vallis Gerardi  », qui faisoit partie de la paroisse d'Issy « Yssiaco  ». Les habitants de Vaugirard furent contraints à payer 10 livres parisis de rentes au curé d'Issy, et 2 livres de rentes à la fabrique de cette église. Pour la garantie de paiement de ces rentes, on acheta une maison à Montlhéry, que l'on céda à bail à deux habitants de cette ville, Jacques Rose et Guillelmine sa femme, Pierre Rose et Jeanne sa femme . Cette acquisition et les frais engendrés montèrent à plus de 800 livres . Le roi permit aux manants de Vaugirard d'acheter un fonds de 32 livres de rente sur les terres de son domaine pour aider leur église, et leur fit remise des droits d'amortissement (4).

Pendant son épiscopat, Foulques de Chanac changea l'administration de l'hôpital Saint-Gervais devenu depuis hôpital des Filles de Saint-Anastase en y plaçant quatre religieuses avec un directeur qualifié de maître proviseur. Passant par Graçay en Berry, Foulques y tomba malade et y mourut de la peste le 25 juillet 1349. Il fut enterré dans l'église de Notre-Dame de Grançay à laquelle il légua 300 francs d'or à condition que deux choristes sacristains aient une prébende entière. Selon le nécrologe la collégiale bérichonne dans laquelle il a été enterré, il est marqué au 31 juillet, «  Reverendus Pater Dominus Fulco de Canaco, insignis Ecclesiae Parisiensis olim Pontifex, transitum per hoc oppidum faciens, vita functus, apud hanc Basilicam sepulitur sub tumba marmorea Pontificali representatione decorata. Pro cujus anniversario, vigimi solidos super furno possidemus, quos debet Capitulum  » (5). Bertrand de Chanac fut archidiacre d'Agde, docteur en droit canonique et civil «  utroque iure  », chanoine de Poitiers, évêque de Comingues, archevêque de Bourges en 1374 pendant 12 ans, patriarche de Jérusalem et enfin le 12 juillet 1385, il fut créé cardinal du titre de Sainte-Pudentienne, par le pape Clément VII. Bertrand de Chanac possédait, à Paris, une vaste propriété circonscrite par les rues Mouffetard, de l'Épée-de-Bois, Gracieuse et d'Orléans. Il mourut à Avignon le 21 mai 1404 et fut inhumé dans l'église des Dominicains de cette ville. Il fut exécuteur testamentaire de son frère le cardinal Guillaume de Chanac, le 29 décembre 1383 et du cardinal Guillaume d'Aigrefeuille, le 24 septembre 1394. Son épitaphe résume sa vie «  Hic jacet Reverendissimus in Christo Pater Dominus Bertranus de Canhiaco, Lemovicensis Dioecesis, genere nobilis, qui Doctor utriusque Iuris, Archiepiscopus Bituricensis, postmodum Patriarcha Hieroslymitanus, & Administrator Ecclesiæ Abrincensis extitit, & deinde in Sanctæ Romanæ Ecclesiæ, titulus S. Pudentiana Presbyterum Cardinalem assumptus, & demum Sabinensis Episcopus effectus, obdorminust in Domino, die XX. May anno D. 1404  ».

Dans son Histoire du Beauvaisis, le conseiller Simon (1704) donne Robert de Chanac, doyen de la cathédrale en 1350. Ce prélat était l'un des oncles du cardinal Guillaume de Chanac.

 

 

Le prieuré de Longpont au XIVe siècle

Nous savons que le prieuré de Longpont, dépendance de la grande abbaye de Cluny «  apostolis Petro et Paulo Cluniacensi ecclesie  », était un centre religieux de premier ordre dans le sud parisien. Depuis 1320, le couvent était commandé par le prieur Pierre de Saint-Martial qui garda son bénéfice pendant près de seize ans. Ce prieur continua l'œuvre de ses prédécesseurs, assurant le rayonnement de Longpont par l'organisation des pèlerinages à la Sainte Vierge «  sancte Marie de Longo Ponte  ».

L'organisation de la foire de septembre accordée par le roi Louis VII en 1142 était également un élément pour le rayonnement de Longpont. Le marché de Montlhéry qui arrivait durant l'Octave de la Nativité de la Vierge y était transporté. En 1334, suite à un contentieux avec le prévôt de Montlhéry, le Parlement de Paris examina si ce droit appartenait aux religieux de Longpont.

 

 

L'église de Longpont est à la fois sanctuaire paroissial au titre de Saint-Barthélemy et église prieurale sous l'invocation de Sainte-Marie «  ecclesiam sive parrochiam sancti Bartholomei, fundatam in monasterio sive prioratu Beate Marie de Longoponte  ». De ce fait, les responsabilités sont partagées et croisées. Selon la charte de fondation de 1061, le curé de Longpont est présenté par le prieur du lieu, mais il doit la collation à l'évêque de Paris par l'intermédiaire de l'archidiacre de Josas «  archidiaconi ecclesie parisiensis de Josayo  » qui possède ainsi le droit de visite. Le prieur conventuel possède la garde des sacrements et des fonts baptismaux, il détient également les droits sur le cimetière et toutes les dîmes perçues sur la paroisse de Longpont. Cette situation complexe a été à plusieurs reprises une source de chicane entre le vicaire de l'évêque et le prieur et le sacristain de Longpont.

Suivant l'exemple de ses prédécesseurs, le roi Philippe de Valois vint à Longpont le 4 décembre 1337 pour y honorer de sa présence le fameux pèlerinage. Sans doute le roi venant à Longpont pour prier Marie et lui demander son aide dans ses entreprises futures contre le roi d'Angleterre, son cousin et ennemi.

C'est au cours du XIVe siècle que la position des prieurés clunisiens déclina. Longpont n'échappa pas à la crise. Avec une population monacale de 28 individus en 1304, il ne reste plus que 8 moines en 1395 ; le rôle des épidémies est manifeste. La peste noire et la guerre de Cent ans ont eu raison du prieuré. Dès 1334, les visiteurs signalent une aumône mal faite et une petite dette de 120 livres alors que huit moines ont déjà quitté le couvent. En 1341, le prieur de Longpont se retrouve avec une dette de 100 livres pour avoir laissé les gens du roi prendre du blé, du vin et du foin sans rien payer. À partir de 1350 les chapitres généraux de Cluny font continuellement référence aux gens de guerre.

 

 

Le vingt-troisième prieur de Longpont

Guillaume de Chanac, vingt-troisième prieur de Longpont, fut un prélat exceptionnel qui fut élevé au plus haut rang de l'Église catholique romaine. Né à Paris vers 1320, issu de la noblesse du Limousin, il est le fils du chevalier Guy de Chanac et de dame Isabelle de Montroux «  Domini Guidonis de Chanaco militis, & Domina Isabelle de Monteradulpho  ». Il est le petit-neveu de Guillaume de Chanac, évêque de Paris, patriarche d'Alexandrie, et neveu de Foulques de Chanac, aussi évêque de Paris qui nous venons de rencontrer.

Guillaume fait son éducation au monastère Saint-Martial de Limoges où, dès l'âge de sept ans, il y prend le froc de moine bénédictin. Puis, il vient étudier à Paris, où il obtient le grade de docteur en décret. Attiré par son oncle, l'évêque Foulques, Guillaume professa pendant quelques temps le droit canonique à la Sorbonne. Fréquentant le prieuré Saint-Julien-le-Pauvre, il fut nommé prieur de Longpont en 1350 et garda ce bénéfice pendant deux ans. Il quitta Longpont en 1352 pour occuper de hautes fonctions dans l'Église et devenir en premier lieu abbé de Vézelay, monastère soumis également à Cluny.

Guillaume de Chanac fut nommé abbé de Saint-Florent de Saumur le 30 avril 1354 et résigna cette charge en 1358 pour être chancelier du diocèse d'Angers en 1360. Il devient successivement abbé de Fontaine de Bèze en Bourgogne en 1362, auditeur à Sainte Rote à Avignon en 1367, élu évêque de Chartres le 22 septembre 1368 par le pape Urbain V, et retenu à la Cour pontificale d'Avignon, Guillaume de Chanac ne prit possession de son siège que le 4 février 1369. Il fut transféré de ce siège à celui de Mende le 7 février 1370 (6). La notice du père Du Chesne donne «  Religieux de l'Ordre de Saint Benoist en l'abbaye de Saint Martial de Limoges, licencié en droit canon, abbé du monastère de Beze au diocèse de Langres, puis de Saint Florent sur Loire, au diocèse d'Angers, successivement évesque de Chartres & de Mende en Givaudan, cardinal prestre de Saint Vital au titre de Vestine, puis évesque de Tusculane  ».

Lors du consistoire du 30 mai 1371, qui fut le vendredi des Quatre-temps après la Pentecôte, le pape Grégoire XI fit une promotion de douze cardinaux, huit prêtres et quatre diacres. Guillaume de Chanac cité «  d'une très-noble famille de Limousin  » fut promu au cardinalat sous le titre de Saint-Vital (7). Enfin il devient cardinal-évêque de Frascati le 21 novembre 1383. Louis, duc d'Anjou, lieutenant en Languedoc, l'avait choisi pour son chancelier, et le traitait, dans ses actes publics, de «  très-cher et spécial ami le cardinal de Mende  ». Le roi Jean II lui avait confié diverses missions importantes.

Le prieur de Longpont fut considéré comme un prélat habile dans le maniement des affaires. Il avait toute la confiance du pape Grégoire XI, Limousin d'origine, qui lui confia le gouvernement du Comtat-Venaissin. Sous Clément VII, dont il avait suivi le parti, il était à la tête de toutes les délibérations délicates, surtout quand elles regardaient le parti du duc d'Anjou, auquel ce cardinal était attaché.

Ce prélat, qui avait hérité des biens de son frère, seigneur de Chanac, évalués 25.000 florins d'or, les laissa à l'église de Mende et mourut à Avignon le 30 décembre 1383 , surnommé " cardinal de Mende ". Enterré dans l'église collégiale de Saint Martial de Limoges, il fit graver son épitaphe sur un tombeau de marbre blanc «  Hic jacet bonae memoriae Revetendissimus in Christo Pater & Dominus, Dominus Guillelmus de Chanaco episcopus Tusculanus, sanctae Romanae Ecclesiae Cardinalis, alias dictus Mimatensis, quondam filius Domini Guidonis de Chanaco militis, & Domina Isabelle de Monteradulpho Lemouicensis diocesis, decretotum Doctor, qui primo in praesenti monasterio monachus effectus, nutitus & educatus suit a pueritia…  ». L'obituaire de la même église indique « … inter alia fundauit duas missas, vulgonuncupatas de Bulla singulis diebus sine glorlis & Nota, & duodecim anniucristia solemnia, unumsingulis mensibus cum vigilia, missa & absulutione  ». Le monument funéraire de Guillaume de Chanac fut détruit pendant la Révolution française.

Les armes du cardinal Guillaume de Chanac portaient «  Burelé d'argent & d'azur de douze pièces, au lion d'or brochant sur le tout  ». Devenu évêque de Chartres, Guillaume avait été seigneur de Chauvigny de 1369 à 1370.

Le nécrologe du prieuré de Longpont mentionne au 6 septembre à l'occasion de la Nativité de la Vierge «  Dompnus Guillelmus de Chanaco, prior loci hujus Beate Marie de Longoponte, dedit huic ecclesie quedam ornamenta seu indumenta eccesiastica, de serico dupplicia, ex una parte crocei coloris et ex alia nigri, pro officio mortuorum, scilicet casalam, dalmaticam et tunicam, cum stolis et manipulis coloris ejusdem. Oretur pro ipso ; anno Domini M°CCC° quinquagesimo primo, in festo Nativitis beate Marie ».

 

 

Le vingt-quatrième prieur de Longpont

Foulques de Chanac, frère cadet de Guillaume devint le vingt-quatrième prieur de Longpont en 1352 quand ce dernier devint abbé de Bèze au diocèse de Langres. Son priorat qui dura 41 ans fut le plus long du XIVe siècle. Ce prélat jouissait d'un véritable crédit au sein de l'Église et reçut de nombreux autres bénéfices tout en gardant le bénéfice de Longpont. Foulques de Chanac était devenu de ce fait prieur commendataire . Sous son autorité étaient Olivier, sous-prieur et Aymeric, sacristain à Longpont.

Comme son frère Guillaume, Foulques fut moine à Saint-Martial de Limoges. Par la suite, il fut pourvu de l'évêché d'Orléans et fit son entrée dans sa ville épiscopale le 19 juillet 1384. Il occupa ce siège un peu plus de dix ans. Le 14 avril 1375 nous le trouvons à la tête de l'abbaye de Saint-Lucien de Beauvais quand il reçoit, avec le cardinal Jean de Blandiac, Milon de Dormans venant prendre le siège épiscopal de cette ville et lui demander l'hospitalité d'usage. Après le passage d'Édouard III et les destructions causées par les Anglais, l'abbaye royale de Saint-Lucien fut reconstruite par les soins des abbés Pierre Boran, Aimery Fulcant et Foulques de Chanac.

Foulques de Chanac est mort le 1er mars 1395. Quelques mois plus tard, nous trouvons, signée par le conseiller Pierre de La Mote, une lettre de rémission accordée à Jean Chanceau, «  né dou païs de Poytou  » qui étant geôlier du château de Meung-sur-Loire (le palais épiscopal d'Orléans) et y ayant trouvé une tasse d'argent, l'avait gardée par devers lui pendant plus d'un an, bien qu'il sût parfaitement qu'elle appartenait à feu Foulques de Chanac «  jadis évesque d'Orléans  ». Et le conseiller de conclure « … voulans misericorde preferer à rigueur de justice, au dit suppliant ou cas dessus dit avons quietié, remis et pardonné, etc.  ».

Il semble que Foulques de Chanac avait un caractère impulsif. En 1375, le prieur de Longpont est allé trop loin dans sa punition corporelle infligée à son aumônier qu'il a emprisonné. Les définiteurs de Cluny s'insurgent sur la détention inhumaine «  in carceribus, in compedibus et ferris tandem tenuit ut articulos alterius pedis dicitur amisisse, quod quasi inhumanum est audire  ». La principale défaillance enregistrée relative à Foulques de Chanac lui-même concerne la non-résidence à Longpont.

En 1378, le prieuré de Longpont est en mauvais état «  propter fortalicium male ordinatum  ». Aux problèmes d'entretien importants s'ajoutent à quelques destructions brutales. Il semble que l'absence du prieur soit également la cause du "laisser-aller".

Peu de documents nous sont parvenus de la gestion de Longpont pendant le priorat de Foulques de Chanac. Le 3 novembre 1365, un bail à cens et rente est passé par le couvent de Longpont à Guilleme Lefèvre et Peronnelle, sa femme, d'une maison, cour, jardin et autres lieux, assis à Longpont devant l'église du lieu, d'un demi arpent d'Alnois, à Longpont, lieudit Sauloup et un quartier de terre au terroir de Villiers-sur-Orge. Le bail moyennant 4 sols parisis et 2 livres de rente.

Le 5 janvier 1379, une donation est passé devant maître Frandin entre vifs de 5 de arpents terre en une pièce sis au terroir de Montlhéry et Longpont en la censive du prieur et couvent de Longpont chargés envers eux de 5 sols parisis de cens par an, ladite donation faite par Pernelle, jadis femme de feu Jean Beuzé, demeurant à Montlhéry au profit dudit couvent de N.-D. de Longpont, ordre de Cluny aux fins de participer aux prières des Religieux dudit ordre. Le 6 novembre 1391, un bail à cens et à rente est passé par les religieux du prieuré de Longpont au profit de Émery Bourdaur de 4 arpents sur le chemin qui va de la Croix dudit lieu à Montlhéry et Guiperreux. Moyennant 12 deniers parisis de cens, 1 livre 15 deniers de rente.

L'acte primordial fut passé le 9 avril 1383 : c'est l'aveu et dénombrement du temporel du prieuré donné à la Chambre des Comptes pour les fiefs, cens et héritages, maisons, droitures et justice appartenant au prieuré. La déclaration est présentée à Messire Charles de Monduchel, commissaire nommé par le roi à cet effet.

Le nécrologe de Longpont donne les obits suivants du XIVe siècle : Guillaume, prieur de Forges, prêtre et moine profès ; le chevalier Pierre de Guillerville ; Jean de Langres, chantre du prieuré de Longpont ; Guillaume, prieur de Saint-Julien-le-Pauvre ; Pierre Bernard, moine et prieur de Forges ; Guillaume, prieur de Montlhéry ; Hugues de Vaesco, frère sous-prieur ; le chevalier Simon le jeune, de Villemoisson ; Dom Jean Cocheren, doyen de Saint-Merry de Linas ; Guillaume Thybout..

Le 17 juin est l'anniversaire de Guillaume de Chanac dont l'obitaire précise «  Anno Domini 1352, die decima septima mensis junii, Guillelmus de Chanaco, doctor decretorum, humilis abbas Sancti Petri Besuensis, Lyngonensis dyocesis, nuper prior Beate Marie Longipontis, in capitulo ipsius ecclesie constitutas, hora capitali, dedit conventui dicti loci unam parvum missale et unum calicem ponderantem duas marchas argenti deauratum, ad opus magne misse, volens quod de cetero missa magna ipsius ecclesie cum eodem calice celebretur, sapplicavitque predictus abbas venerande religionis viris domno Fulconi de Chanaco, ipsius ecclesie tunc priori, Oliverio suppriori, Aymerico sacriste, quatinus unum missam de Spirita Sancto…etc.  ». Nous apprenons donc que le prieur de Longpont avait donné un petit missel et un calice d'argent doré pour qu'une grande messe soit dite pour le salut de son âme.

 

 

Le collège de Chanac

En 1342, le collège de Saint-Michel, dit aussi collège de Chanac , fut créé par Guillaume de Chanac, évêque de Paris «  limousin de noble extraction  ». Guillaume de Chanac donna sa maison située dans la rue de Bièvre , pour cette fondation, avec 100 livres de rente, des ornements pour la chapelle et des livres pour la bibliothèque. Sous l'invocation de saint Michel, dix ou douze bourses furent fondées, à la collation de sa famille. Un des boursiers y devait être chapelain, un autre remplir la fonctions de procureur, et il devait y avoir, outre cela, un principal ; il était dit enfin que les boursiers seraient choisis à perpétuité dans le diocèse de Limoges (8).

Dans son testament fait l'an 1348, il s'explique sur le nombre de boursiers «  les pauvres étudiants du Limousin, son pays, de la religion ancienne et catholicque de l'esglise romaine   » qu'il veut qu'il y ait dans ce collège «  Statuimus & ordinamus quod in domo nostra quam habemus Parisiis in vico de Bievrea, decem vel duodecim scholares habeant mansionem  ». Mais les sommes léguées par l'évêque de Paris étant insuffisantes (9). Ses petits-neveux, Guillaume de Chanac, évêque de Mende, et le cardinal Bertrand, patriarche de Jérusalem, sont venus s'associer à l'œuvre ; ils ont donné 500 livres chacun aux principal et écoliers, et il leur ont abandonné, en sus, le premier sa crosse, sa mitre et sa bibliothèque, le second une maison, dite du Patriarche, au faubourg Saint-Marcel .

Un arrêt du Parlement rendu le 23 septembre 1402 confirma les donations et ordonna que les boursiers soient nés en Limousin, conformément à l'intention des fondateurs «  qui étoient natifs de cette Province  ».

 

 

Epilogue

Nous venons de couvrir presque trois quarts de siècle où quatre rois valoisiens ont régné pour finir sous Charles VI, la treizième année de son règne. Nous n'avons pas évoqué dans cette chronique les malheurs qui arrivèrent aux habitants de Longpont au cours des priorats de Guillaume et Foulque de Chanac ; nous voulons parler de la peste et son cortège de deuils, de la guerre et des ravages par les Navarrais et leurs alliés les Anglais. Ces derniers attaquant Châtres (Arpajon) en 1360, tuèrent 1.200 habitants en incendiant la ville et continuèrent leur pillage dans tout le Hurepoix. En 1389, au prieuré de Longpont, les visiteurs clunisiens mentionnent que le silence n'est nullement observé à cause du manque de cloître détruit au profit de fortifications.

Le successeur de Foulques de Chanac fut le prieur Thibaut II qui prit possession du prieuré de Longpont en 1393. C'est l'époque de la réforme de la règle et de la reconstruction des bâtiments conventuels. En cette même année, le prieur de Longpont dépense plus de 1.000 francs pour les réparations.

 

 

Notes

(1) Le roi Philippe VI de Valois épousa Blanche de Navarre le 29 janvier 1349 au château de Brie-Comte-Robert. Philippe était âgé de 50 ans, et Blanche, destinée d'abord au fils de ce roi, n'avait que 18 ans. Ce mariage disproportionné abrégea les jours du vieil époux royal qui mourut l'année suivante.

(2) Au cours du banquet d'intronisation de Clément VI furent servis la bagatelle de : 118 bœufs, 1.023 moutons, 101 veaux, 914 chevreaux, .., 300 brochets, 1.500 chapons, 10.471 poules et poulets, 1.446 oies, douze canards, …, 13 quintaux de châtaignes grasses, 46.856 fromages frais pour les pâtés, …, 23 quintaux et demi de sucre, 38.980 œufs, 36.100 pommes, et 400 poires pour les 5.000 tartes.

(3) La fiscalité instituée au XIVe siècle repose essentiellement sur la trilogie :
• la gabelle , contribution sur le sel doublée d'un monopole,
• les maltôtes ou aides levées sur les objets de consommation courante,
• le fouage qui deviendra la taille .

(4) Jusqu'au XIIe siècle, le village de Vaugirard tira son nom Valboistron formé des mots vallis, bos, stare , avec bostar pour désigner une étable, lieu où se tient le bœuf. Vers 1250, Gérard de Moret, abbé de Saint-Germain, prit en affection ce lieu. Les habitants reconaissants, appelèrent leur village par le nom de leur bienfaiteur, Valgérard , Vaulgérard et par suite Vaugirard .

(5) Les auteurs de Gallia Christiana sont tombés dans l'erreur en avançant que, cet évêque avait son tombeau à l'abbaye de Saint-Victor à Paris. La méprise a été relevée par l'abbé Lebeuf et plus tard par l'avocat en Parlement Félix Pallet dans Nouvelle Histoire du Berry (chez J.B. Prevost, Bourges, 1785).

(6) Dans Gabalum Christianum ou Recherches historico-critiques sur l' Église de Mende (1853) l'abbé Jean Pascal corrige l'erreur sur la date de la montée de Guillaume VIII de Chanac sur le siège de Mende le 7 février 1370 sous Urbain V au lieu de 1371 sous Grégoire XI.

(7) C. Fleury, Histoire Ecclésiastique (chez Durand, Paris, 1750) ; A. Du Boys, Bibliographie des Hommes Illustres de l'ancienne province du Limousin (Impr. Ardillier, Limoges, 1854).

(8) F. Du Chesne, Histoire de tous les cardinaux françois de naissance (Paris, 1660).

(9) Parmi les nombreux biens du collège de Chanac, on comptait la ferme d'Arvigny à Moissy-Cramayel (Seine-et-Marne). La ferme abrite aujourd'hui un centre d'activités artisanales.