Le prieuré Notre-Dame de Longpont

VIII. Relations avec l'abbaye des Vaux de Cernay

Chronique du Vieux Marcoussy --Marcoussis-------------- --_------------------------------------A Avril 2010

C. Julien

 

 

Cette chronique est le huitième volet de la série de textes qui présentent les chartes relatives au prieuré Notre-Dame de Longpont. Cette fois nous exposons quatre chartes qui sont tirées du cartulaire de l'abbaye Notre-Dame des Vaux de Cernay qui sont, en fait, pour trois d'entre elles des engagements écrits ou reconnaissances faites envers l'abbaye cistercienne des Vaux-de-Cernay sur des biens situés à Guiperreux dans la seigneurie ecclésiastique de Longpont et la troisième un contentieux entre les deux monastères sur le pressoir de Foz à Montlhéry (1).

Le temporel possédé par l'abbaye des Vaux-de-Cernay à Montlhéry « ecclesie sancte Marie de Vallibus de Sarnaio » a été évoqué dans une chronique précédente (cf. " Les fiefs de l'abbaye des Vaux de Cernay à Montlhéry "). Dès sa fondation le monastère cistercien avait été doté par des immeubles de toute sorte : terres, bois, vignes, moulins, dîmes, etc., libéralités des aristocrates du sud parisien attirés par la nouveauté de l'Ordre de Citeaux. En conséquence, il y eut une compétition entre les cisterciens, les moines blancs et les clunisiens, les moines noirs, bien que tous se prévalaient de la règle de saint Benoît (2).

Vers 1160, les moines blancs reçoivent des droits sur le moulin à farine de Biron, et dès lors les chevaliers de Montlhéry se montrèrent généreux avec la nouvelle abbaye tant en continuant les legs auprès des moines de Longpont. Le diplôme du roi Louis VII, charte XXIV «  Notitia multarum donationum  » énumère les libéralités reçues. Pour ne citer que les droits concernant le vin, mentionnons :

  • Gui, fils d'Aubert d'Etampes « Guido, filius Auberti de Stampiis » donna, avec le consentement d'Adèle, sa fille légitime, les vignes situées à Etréchy «  vineas quas habebat apud Estrecheium  »,
  • Payen Quinquenel «  Paganus Quinquenellus  » céda, avec l'accord de sa sœur et ses neveux, sa vigne et son potager de Fonte «  vineam, ortumque suum de Fonte  »,
  • Guillaume Roi « Willelmus Rex » était redevable d'un muid de vin «  per redditum unius modii vini  »,
  • Adèle de Vernon, femme d'Hugues Lupel concéda une vigne d'un demi-arpent près de la maison de Garin de Claromonte, et un demi-arpent et demi-quartier dans son clos de Folerva,
  • les moines possédaient le cellier de Soflet, terroir de Bryuères-le-Châtel, puis Mabile, épouse de Gilbert, vicomte de Corbeil et son fils Ancelin donnèrent dix-huit deniers de cens à prendre sur la vigne et un muid de vin à prendre au pressoir de Soflet.
  • De nombreux droits censuels avaient été cédés au couvent : quatre deniers par Reginald d'Ollainville à prendre sur la vigne de Rogi ; sept deniers par Gui Bore à prendre sur la vigne de Guessere à Breuillet ; six autres deniers sur la vigne d'Hugues Escurel ; un muid de vin à prendre sur la vigne de Durdos de Chastres.
  • Payen d'Alnet céda un muid de vin «  Paganus de Alneto vini modium I dedit perpetuo  », tandis que Foulques de Loers en donna deux et fonda un obit de deux arpents de vigne.

 

 

Le pré des bords de l'Orge

Bien que ne concernant pas directement le prieuré de Longpont, nous donnons la charte DI adressée par l'official de Paris, car elle se rapporte à un bien à Guiperreux, hameau de la paroisse de Longpont. Datée de juillet 1250, elle a pour titre" C. officialis Parisiensis, de VI arpentis pratorum apud Montem-Letericum, ex dono G. de Trapis ". Original en parchemin (Inv., p. 3, l . 3, n o 1.).

Voici la transcription donnée par Merlet : «  Universis presentes litteras inspecturis, officialis curie Parisiensis, in Domino salutem : Notum facimus quod Guillelmus de Trapis 1 , burgensis de Monte-Letherico, et Odelina, uxor sua, legaverunt religiosis viris abbati et conventui monasterii Vallium Sarnaii quandam peciam prati, ad opus anniversarii ipsorum Guillelmi et ejus uxoris, continentem, ut dicitur, sex arpenta vel circiter, sitam in ripparia de Ourge , inter molendinum de Basset et molendinum de Grootel , contiguam pratis militum de Sancto Michaele, ut dicebant, in censiva dominorum Philippi de Linais et Gilonis, patrui ipsius Philippi, ac Robini, nepotis ipsius Gilonis, armigeri, ad duodecim denarios capitalis census, ut dicebant. Promittentes, etc.

Dictus autem dominus Philippus et nobilis mulier domina Petronilla, uxor sua, voluerunt et concesserunt expresse legatum hujusmodi, et quod dicti religiosi in perpetuum teneant et possideant dictum pratum, cum ad eos fuerit devolutum, post mortem dictorum Guillelmi et ejus uxoris, in manu mortua, sine coactione vendendi seu extra manum suam ponendi, salvo eis solummodo dicto censu ; promittentes, fide data, contra hec non venire. Datum anno Domini millesimo ducentesimo quinquagesimo, mense julio  »

Nous donnons une traduction sommaire : « À tous ceux que ces présentes lettres verront, l'official de la cour épiscopale de Paris, au nom du seigneur, salut. Nous faisons savoir que Guillaume de Trappes, bourgeois de Montlhéry, et Odeline, sa femme, léguèrent aux vénérables religieux, abbé et couvent des Vaux-de-Cernay, une pièce de pré, pour fonder un obit en faveur de Guillaume et sa femme. Cette fondation est constituée par six arpents situés aux environs des bords de l'Orge, entre le moulin de Basset et le moulin de Grotteau, proche du pré des chevaliers de Saint-Michel ; ce bien est placé dans la censive du seigneur Philippe de Linas et Gilon son père, des écuyers Philippe et Robin, les neveux de Gilon, chargé d'un cens de 12 deniers. Ils assurent, etc…

Tandis que le seigneur Philippe et dame Petronille, sa femme, nos suzerains, veulent et acceptent la donation susdite, pour que lesdits religieux possèdent à perpétuité ledit pré, avec une clause de dévolution après le décès de Guillaume et son épouse, le pré sera tenu en mainmorte ; le susdit cens sera conservé sans aucun encaissement en cas de vente ou bien s'il est mis entre d'autres mains ; ils garantissent que ces faits ne surviendront pas.

Fait en l'an 1250 de l'incarnation de notre Seigneur, au mois de juillet.

La donation de la prairie des bords de l'Orge à Guiperreux constitue la fondation d'un obit, célébration d'anniversaire de la mort des donateurs. Notons que les suzerains sont des seigneurs de Linas qui préservent leurs droits seigneuriaux en cas de transport de propriété. Ainsi nous apprenons que Guiperreux n'était pas entièrement placé dans la seigneurie ecclésiastique du prieuré de Longpont, puisqu'une partie était en censive de Linas.

Le bien donné est assez considérable pour le cas d'une fondation d'obit. Ce sont six arpents de prés qui font deux hectares. Situés dans la vallée de l'Orge, à un endroit où l'herbe était renommée pour sa haute qualité, la prairie de Guiperreux sera d'un bon rapport pour les moines des Vaux-de-Cernay. En effet, ces prés étaient donnés, le plus souvent, en fermage aux bouchers de Montlhéry qui y élevaient leurs animaux de boucherie.

Ce diplôme donne une indication sur la construction du moulin de Basset, antérieure à 1250 « inter molendinum de Basset et molendinum de Grootel  », le moulin de Grotteau étant antérieur à 1090. Guillaume de Trappes n'est pas un inconnu pour les moines. Nous le trouvons, en mars 1239, servir d'arbitre avec Regis de Plessis, prévôt de Corbeil, entre le seigneur de Molignon et l'abbaye des Vaux de Cernay, à propos d'un bois à Bouligneau (3).

 

Les bords de l'Orge à Guiperreux-Longpont (cadastre napoléonien).

 

Dans un registre des fiefs de la châtellenie royale de Montlhéry «  Feoda Castellaniæ Montis Leherici  » nous trouvons Guillaume de Trappes. L'acte où se trouvent les noms des possesseurs avec les devoirs auxquels ils étaient tenus, c'est-à-dire d'aller «  faire le Guet à Montlhéry  » fut dressé au temps de Philippe-Auguste. Parmi les chevaliers qui attestent par serment, qu'au temps d'Hugues de Gravelle, plusieurs villages avaient été distraits de la châtellenie, Guillaume de Trappes est en compagnie de nombreux chevaliers dont Jean de Brétigny, Milon de Chevreuse, Guy le Feron, Guillaume de Villebon, Hébert Gots et autres «  Guillelmus de Trapis, Johannes de Bretigni, Milo de Caprosa … ».

 

 

La donation de Guillaume de Trappes

Une seconde libéralité fut accordée en décembre 1250 à l'abbaye des Vaux-de-Cernay par le même bourgeois de Montlhéry. C'est la charte DX, intitulée " C. officialis Parisiensis, de duobus arpentis vinee et de XI arpentis pratorum, ex dono G. de Trapis ". Double original en parchemin scellé ( Inv., p. 3, l . 3, n o 4.).

Voici la transcription donnée par Merlet : «  Universis presentes litteras inspecturis, officialis curie Parisiensis, salutem in Domino : Notum facimus quod Guillermus de Trapis, burgensis Montis-Letherici, et Odelina, ejus uxor, dederunt et concesserunt, in puram et perpetuam elemosynam, abbati et conventui Vallium Sarnaii, quedam prata que habebant in riparia de Ourge, subtus villam que dicitur Vadum-Petrosum , prope molendinum quod dicitur Basset continentia, ut dicitur, sex arpenta vel circiter, in censiva dominorum de Linais, ut dicitur, in una pecia, onerata duodecim denariis, ut dicitur, capitalis census ; et duo arpenta vinee site in territorio de Foens, in duabus peciis, videlicet unum arpentum in censiva dictorum religiosorum, et aliud arpentum in censiva domini de Guillervilla, militis, onerata de duodecim denariis census, ut dicitur, capitalis ; que omnia movebant de conquestu eorum facto, constante matrimonio inter eos, ut dicebant. Insuper quittaverunt, etc...

In cujus rei testimonium, presentes litteras sigillo curie Parisiensis duximus sigillandas. Datum anno Domini millesimo ducentesimo quinquagesimo, mense decembri  ».

Nous donnons une traduction sommaire : « À tous ceux que ces présentes lettres verront, l'official de la cour épiscopale de Paris, au nom du seigneur, salut. Nous faisons savoir que Guillaume de Trappes, bourgeois de Montlhéry, et Odeline, sa femme, donnèrent et concédèrent, en pure et perpétuelle aumône, à l'abbé et au couvent des Vaux-de-Cernay, un pré qu'ils possédaient sur les bords de l'Orge, sous le village nommé Guiprreux , proche du moulin de Basset, contenant six arpents ou environ dans la censive du seigneur de Linas, en une pièce, chargée de 12 deniers de cens, et deux arpents de vigne situé au terroir de Foens , en deux pièces dont un arpents est situé dans la censive desdits religieux et l'autre arpent dans la censive du chevalier, seigneur de Guillerville, chargé de 12 deniers de cens. Les donateurs déclarent que tous les héritages avaient été achetés, qu'ils les avaient constamment possédés pendant leur mariage…

Et pour conforter ces présentes lettres, nous avons posés le scel du la curie épiscopale de Paris. Fait en l'an 1250 de l'incarnation de notre Seigneur, au mois de décembre ».

Cet acte rédigé cinq mois avant le précédente (charte N° DI) semble être une confirmation de la première donation de la prairie de Guiperreux « subtus villam que dicitur Vadum-Petrosum », et ajoutant toutefois le legs d'une vigne à «  Foens  », lieu que nous traduisons par Le Fay. De nouveau, l'official épiscopal parisien est appelé pour rédiger l'acte de donation qui dorénavant est placé sous la protection de l'évêque.

Nous notons la complexité du droit féodal. Les prairies, supposées être dans la directe de la seigneurie de Longpont, sont situées dans le fief du seigneur de Linas. La vigne du Fay est à cheval sur la censive des moines de Vaux-de-Cernay et celle du seigneur de Guillerville. Par cette donation les moines devenaient les vassaux de Guillerville.

En mars 1252, le chevalier Gilo Griodovarz et dame Haouysis son épouse, viennent aux Vaux de Cernay pour concéder leur droiture féodale de la prairie des bords de l'Orge à Guiperreux. Ce Gilles est l'oncle de Philippe de Linas qui possédait avec ses neveux, Philippe et Robert, la censive de laquelle dépendaient les prés donnés à l'abbaye par Guillaume de Trappes. En mai de la même année, c'est l'écuyer Robert de Linas qui se présente devant Nicolas, le doyen du Gâtinais pour les mêmes raisons.

 

 

L'amortissement de la prairie de Guiperreux

Une troisième charte du cartulaire des Vaux-de-Cernay concerne cette fameuse prairie de Guiperreux. Portant le numéro DXXIII dans l'édition de Merlet, l'auteur en donna pour titre «  C. decani de Lynais, de pratis nostris in Vado Petroso sub Monte-Leterico, ex dono Guillelmi de Trapis  ». Ce titre comporte une erreur : il ne s'agit pas du doyen de Linas, mais du doyen du Gâtinais, par contre le pré est bien situé dans le fief du seigneur de Linas.

Voici le texte en langue latine : «  Universis presentes litteras inspecturis, Nicholaus, decanus Wastinensis, salutem in Domino : Notum facimus quod dominus Gilo, dictus Griodovarz , miles, et domina Haouysis, ejus uxor, nobilis mulier, talem donationem quam Guillelmus de Trapis, burgensis de Monte-Leherico, fecit abbatie de Vallibus de Sarnay de pratis de Vado Petroso, voluerunt, concesserunt, et, fide in manu nostra corporaliter prestita, dicte abbacie ad manum mortuam laudaverunt, salvo tamen censu prius habito, ratione pratorum predictorum : promittentes, etc........ In cujus rei memoriam et testimonium, presentes litteras, ad petitionem dicti militis et domine, sigilli nostri munimine duximus roborandas. Actum anno Domini M o CC o L o primo, mense martio  ».

Voici une traduction sommaire : « À tous ceux que ces lettres verront, Nicolas, doyen du Gâtinais, au nom du Seigneur, salut. Nous faisons savoir que le seigneur Giles surnommé Griodovarz, chevalier et dame Hayouysis, sa femme, de naissance noble, ont voulu de leur plein gré et ont concédé la donation de la prairie de Guiperreux telle que Guillaume de Trappes, bourgeois de Montlhéry avait faite à l'abbaye des Vaux de Cernay et selon la parole donnée est possédée entre nos mains, la dite abbaye fait valoir la mainmorte, conservant le cens qu'elle avait jadis, retenu sur la prairie susdite, ils promettent, etc… Pour conforter et attester de cette chose, à la demande du chevalier et de la dame, nous avons apposé notre scel sur ces présentes lettres en signe de permanence et de garantie. Fait au mois de mars de l'an 1251 de l'Incarnation du seigneur » (4).

Cette charte est explicite : le seigneur dont le pré est dans la mouvance accepte que l'abbaye possède le bien en mainmorte, mais garde le droit seigneurial de cens. Gilles Griodovarz, chevalier de Linas, doit être le même qui est désigné au No. DI (voir ci-dessus) comme oncle de Philippe de Linas, et qui possédait avec ses deux neveux, Philippe et Robin, la censive de laquelle dépendaient les prés donnés à l'abbaye par Guillaume de Trappes

 

 

Contentieux sur le pressoir de Foz

Comme toute maison religieuse qui se respecte, le couvent des Vaux de Cernay possédait plusieurs vignobles, à Athis et Ablon, et plus au sud à Montlhéry et à Bruyères-le-Châtel. Geoffroy de Villemoisson «  Gaufridus de Villa Moison  » avait légué un muid de vin tandis que Vulgrin Le Riche «  Wlguerinus Dives  » avait fait la donation de deux muids de vin de son clos d'Athis «  apud Ateias  ». Le produit était destiné à la consommation des moines mais également pour la vente dans la taverne de la place du marché de Montlhéry (5). Par un arrêt du Parlement de Paris de l'an 1265, nous apprenons que les moines du « couvent de Vaulx-Cernay » vendaient le vin de leur récolte dans leur taverne à Montlhéry lorsque dame Thésauraria ("la bien nommée") fermière du lieu, envoya ses sergents saisir les mesures et arrêter la vente, faisant valoir que « quiconque vendoit du bled ou vin à Montlehéry avoit l'habitude, de temps immémorial, de venir prendre la mesure au château » (6).

La charte MXLIV donnée le 11 octobre 1321 est écrite en vieux français. Elle porte le titre "Pressoir de Foz où les religieux de Longpont ont aussy droit". Voici le texte transcrit par Merlet et Moutié : «  À touz ceus qui ces lettres verront et orront, le prieur de Sainte Katherine du Val des Escolliers de Paris, salut en Nostre Seigneur : Comme contens et descort feust meu entre monsieur Bérengier de Saint-Martial, moinne de Martelle en l'église Saint Victor, procureur de religieux hommes et honestes, le prieur et le couvent de Nostre Dame de Loncpont, ou dyocèse de Paris, d'une part, et frère Gile d'Abluis, procureur de religieux hommes et honestes, l'abbé et le couvent de Nostre Dame des Vaus de Sarnay, d'autre part, pour cause d'une quantité de vin que lesdiz religieux de Loncpont disoient avoir chascun an en vendenges, sus le pressouer du Foz, qui est ausdiz religieux des Vaus de Sarnay ; duquel contens et descort lesdites parties, ou non de eus et desdis religieux se estoient mis, compromis et descenduz de haut et de bas, en nous prieur de Sainte Katherine et sous nous, comme arbitre arbitrateur ou amiable compositeur, à prononcier, dire, ordener et sentencier à nostre plainne volenté, à jour foirié ou non foirié, à painne de dis livres parisis à paier de la partie désobéissant, si comme il est plus plainement contenu ès lettres du compromis, faictes sur ce, scellées du seel de la prévosté de Paris, parmi lesqueles cestes présentes lettres sont annexées : Sachent tuit que nous, de l'autorité et du povoir à nous donné desdites parties, deismes et prononçames, disons et prononçons par nostre sentence et adjugons audit prieur et couvent de Nostre Dame de Loncpont, que il aura et prendra, em pes, franchement, sanz contredit, desores en avant, chascun an perpétuelement, un mui de vin ou dit pressouer de Fos, tel comme il li vendra, et se il avenoit que audit pressoer de Fos il ne veinst point de vin, riens ne peut ne ne pourra demander ledit prieur et couvent de Loncpont ausdiz religieux de Sarnay. En tesmoing de laquele chose, nous avons donné audit prieur et couvent de Loncpont ces présentes lettres seellées de nostre propre seel. Ce fu fait l'an de grace mil trois cens vint et un, le dimenche après la saint Denis  » .

L'acte par lequel le prieur de Longpont et l'abbé des Vaux de Cernay choisissent pour arbitre le prieur de Sainte-Catherine du Val des Écoliers, est passé devant Gilles Haquins, garde de la prévôté de Paris, en 1321, le mercredi 26 août après la Saint-Barthélemy. Sur un fragment d'un sceau de cire brune, on distingue un personnage debout devant la Vierge assise. La légende a disparu.

Il s'agit bien de la réponse du prieur de Sainte-Catherine-du-Val-des-Ecoliers qui prononce son arbitrage sur le contentieux entre les deux monastères. Le prieuré de Longpont est représenté par un docteur en droit romain et canonique, Bérengier de Saint-Martial, moine à l'abbaye Saint Victor à Paris. Les moines de Longpont gagnent leur procès en étant déclarés être en possession d'un muid de vin sur le pressoir de Fos à Montlhéry. Cette décision semble être la conséquence logique du droit seigneurial de banalité de la seigneurie ecclésiastique de Longpont.

En effet, nous venons de voir que Guillaume de Trappes avait fait, en décembre 1250, une donation pieuse. Il s'agissait d'une vigne de deux arpents en deux pièces au chantier de Foens ou Fos « … et duo arpenta vinee site in territorio de Foens, in duabus peciis, videlicet unum arpentum in censiva dictorum religiosorum, et aliud arpentum in censiva domini de Guillervilla, militis, onerata de duodecim denariis census…  ». La seconde pièce était située dans la censive du seigneur de Guillerville qui recevait un cens de douze deniers. Il semble que cette vigne fut cédée plus tard aux religieux de Longpont soit par échange soit par vente, de telle sorte que les moines percevaient le cens et le droit d'amortissement de pressoir, redevance de la seigneurie ecclésiastique à Montlhéry.

En effet, nous venons de voir que Guillaume de Trappes avait fait, en décembre 1250, une donation pieuse. Il s'agissait d'une vigne de deux arpents en deux pièces au chantier de Foens ou Fos « … et duo arpenta vinee site in territorio de Foens, in duabus peciis, videlicet unum arpentum in censiva dictorum religiosorum, et aliud arpentum in censiva domini de Guillervilla, militis, onerata de duodecim denariis census…  ». La seconde pièce était située dans la censive du seigneur de Guillerville qui recevait un cens de douze deniers. Il semble que cette vigne fut cédée plus tard aux religieux de Longpont soit par échange soit par vente, de telle sorte que les moines percevaient le cens et le droit d'amortissement de pressoir, redevance de la seigneurie ecclésiastique à Montlhéry.

 

Le foulage du raisin (Heures à l'usage de Rome).

 

Dans son dictionnaire géographique, Merlet désigne «  Foens, Foes, Fos  » par un canton de vignes dans la commune de Longpont-sur-Orge (7). Revenons sur les actes qui ont précédé cette sentence arbitrale. En 1247, Arnulf, le bourreau de Montlhéry avait fait une aumône en donnant deux arpents et demi de vigne à Montlhéry sur le chantier de Foux, dans la censive des chevaliers Pierre et Bouchard de Brétigny. Tous les droits féodaux à la donation sont concédés par Pierre de La Grange et sa femme Aalipdis qui sont les seigneurs éminents. Finalement, Pierre de Brétigny et son frère reçoivent 20 livres parisis pour acquit. L'année suivante le même Pierre de Brétigny vend une autre vigne, d'une contenance d'un arpent et demi, avec le droit de pressurage et 60 sols de cens, et la dîme de vin et le droit de pressoir sur 28 arpents au terroir de « quod vocatur Foes juxta Montem Lethericum ». Cette vente est également accordée par sa femme Isabelle moyennant 120 livres parisis. Le jour de cette vente, une convention est signée devant l'official de l'évêché de Paris, par les frères de Pierre de Brétigny ; ce sont Bouchard, le commandant Philippe, Ferry, le curé Johannes et Thomas. L'accord des suzerains est aussi obtenu ; ce sont le chevalier Pierre de Linas et sa femme Aalipdis, d'une part, et Gui de Lers, d'autre part.

En 1257, le chevalier Pierre de Brétigny intervient comme arbitre du contentieux entre les moines des Vaux de Cernay, le curé de Saint-Philibert-de-Brétigny et le recteur de Saint-Pierre-de-Montlhéry pour la possession du droit de pressoir de deux muids de vin sur le terroir de Fous « duos modios vini pressoragii, de quibus habendis et percipiendis in pressorio seu torculari dictorum religiosorum de Fous ». Le différend porte notamment sur le montant de la redevance en temps de mauvaise récolte.

En 1260, le prêtre Gui, fils du bourreau Arnulf reconnaît et recommande la donation « in puram et perpetuam elemosinam » que firent ses parents Arnulf et Floria, des deux arpents et demi de vigne à Fous. La même année, Béatrice de Montlhéry veuve de Jeubert dit Monachi-Albi, et sa fille Odeline lèguent « in puram et perpetuam elemosinam, religiosis viris abbati et conventui Vallium Sarnay » six arpents de vigne dont trois arpent au lieu-dit la Flote et les trois autres au terroir de Luisant . L'usufruit retenu par Jeubert est éteint moyennant 20 livres parisis. L'état du temporel du couvent au XIIIe siècle fait mention des revenus du cellier de Montlhéry et notamment des deux arpents et demi de vignes du bourreau Arnulf rendant un cens de 17 deniers et obole. La censive de Fous rapporte un revenu de 17 sols et 7 deniers et obole « hec omnia predicta pertinent ad cellarium de Monte-Leherico ».

Enfin, mentionnons la vente du mois d'avril 1234 passée devant l'official de l'évêché de Paris, du vignoble de Luisant à Montlhéry «  de censivis vinearum de Luisant apud Montem Lethericum  » parle chevalier André de Chenanville. La transaction concerne le fief de Luisant, la censive, la dîme de vin, le droit de pressoir moyennant la somme de 40 livres parisis. Baudouin de Vaugrigneuse, seigneur dont la vigne est dans la mouvance et Philippe, frère d'André, approuvent la vente tandis que Guillaume de Mesnil, Thomas Malingre et Jehan Bonet donnent leur caution et garantissent ladite vente en tant que plèges .

À suivre…

 

 

Notes

(1) L.Merlet et A. Moutié, Cartulaire de Notre-Dame des Vaux de Cernay de l'ordre de Citeaux au diocèse de Paris , tome I (chez Henri Plon, Paris, 1858).

(2) Fondée au début en 1118 par Simon de Neaulphe, l'abbaye des Vaux de Cernay connut rapidement une grande prospérité et fut à l'origine d'autres abbayes, dont celle de Port Royal à quelques kilomètres. Elle fut dirigée par des abbés de grande influence, amis et conseillers des Rois de France. Thibault de Marly, ami de Saint Louis, fût canonisé en Saint Thibault. Au XVe siècle, l'abbaye subit des pillages de bandes armées et perd peu à peu de son lustre jusqu'à un abandon complet à la Révolution Française. En 1792, elle est vendue à un général qui fait sauter les bâtiments à la mine. Elle restera en ruines jusqu'à son rachat à la fin du XIXe siècle par la baronne de Rothschild qui sauva ce qui reste de l'église et restaura une partie des constructions. Aujourd'hui le domaine abrite un hôtel et un restaurant de prestige dans le cadre d'un parc magnifique propice à de calmes promenades autour de l'étang. On peut encore y admirer la rosace de l'église et une partie de la nef ainsi que la salle des Moines du XIIIe siècle et sa voûte en ogive.

(3) Sous l'Ancien régime, la qualité de «  bourgeois  » était donné aux aristocrates qui occupaient des fonctions dans le commerce ou l'industrie, profession interdite aux nobles. Les bourgeois possédaient les privilèges identiques à ceux de la noblesse : titre nobiliaire, armoiries, port de l'épée et exemption de la taille. Il semble que la coutume de Paris ait été appliquée également dans la châtellenie royale de Montlhéry.

(4) Le Gâtinais, «  pagus Wastinensis  » est le territoire d'entre Loire et Seine coupé du sud au nord en deux parties quasi égales par le cours de la rivière du Loing. On place d'ordinaire sa capitale à Château-Landon dans le Gâtinais français ; Pithiviers et Montargis sont les deux villes principales dans sa région orléanaise. Au Moyen Âge son statut était hybride : politiquement éclaté mais religieusement unifié dans le cadre d'un archidiaconé.

(5) À l'époque médiévale, le commerce du vin semble avoir été une activité régulière dans les abbayes cisterciennes. Alors que la consommation des moines en vin était strictement règlementée et les besoins pour la liturgie assez modérés, la production viticole des celliers des Vaux-de-Cernay devait très largement dépasser la quantité de vin nécessaire. Une bulle du pape Innocent III avait exempté les cisterciens de Signy « vinage, rouage et forage…  » afin de favoriser le commerce de leur vin.

(6) Le droit de mesurage, privilège de la châtellenie royale de Montlhéry était affermé tant pour les grains vendus sur le marché que sur le vin vendu dans les «  tavernes et hostelleries  ». Le prieur de Saint-Pierre de Montlhéry possédait également le droit de minage et mesurage exclusivement tous les onzièmes lundis sur le marché aux grains.

(7) Le mot « Fous , Foens, Foes, Fos  » désigne le hêtre en vieux français qui dérive du latin «  fagus  ». De nombreuses dénominations sont dérivées : faye, fau , faon , fayard , favinier , foutel , fouteau … Nous connaissons la «  ferme du Fay  » à Linas et les chantier des «  Hauts-de-Foux  » et «  Bas-de-Foux  » à Longpont-sur-Orge.

 

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