Pierre du Cambout de Coislin, prieur commendataire de Longpont

Chronique du Vieux Marcoussy --Marcoussis-------------- --_--------------------- ----------------AMai 2010

Pierre du Cambout, cardinal de Coislin par Robert Nanteuil.

C. Julien

 

 

Dans la série des prieurs de Longpont, nous présentons aujourd'hui, celui qui, semble-t-il fut le plus prestigieux, le plus éminent, puisqu'il était un intime du roi Louis XIV en tant que Grand Aumônier de France (1). Nous voulons parler de Pierre du Cambout de Coislin (parfois écrit " du Camboust " ou " du Camboust de Coaslin ") qui reçut de nombreuses charges ecclésiastiques dont nous donnons les détails dans le texte qui suit.

 

 

Le plus jeune abbé de France

Pierre-Armand du Cambout de Coislin est né au mois de novembre 1636 à Paris. Fils cadet de Pierre César de Cambout, marquis de Coislin, colonel-général des Suisses et Grisons, lieutenant général des armées du roi et Madeleine Séguier, comtesse de Crécy, fille aînée du chancelier Pierre Séguier. Son père étant mort le 28 juillet 1641 suite à des blessures reçues au siège d'Aire en Artois, le jeune Pierre, âgé de 4 ans, fut élevé par son grand-père Séguier. Les armes de la famille du Cambout sont «  De gueules, à trois fasces échiquetées d'argent et d'azur de deux tires  ».

Le marquisat de Coislin avait été érigé en 1634 au profit de Charles du Cambout, grand-père de Pierre, par la réunion des seigneuries de Coislin et Quilly et baronnies de Campbon, Pont-Château et La Roche-Bernard. Respectant la coutume, Armand, frère aîné de Pierre, hérita de la terre et seigneurie de Coislin. Par lettres patentes enregistrées le 8 octobre 1655 au Parlement de Bretagne, le marquisat fut érigé en duché-pairie de Coislin au profit d'Armand du Cambout. Le frère puîné, Charles-César fut chevalier non profès de l'Ordre de Malte, mort à Versailles en février 1699.

Du côté paternel, notre prélat est issu d'une illustre famille bretonne. Le trisaïeul, René du Cambout, chevalier de l'Ordre du roi avait été grand veneur et grand-maître des Eaux et Forêts de Bretagne. Il avait épousé Françoise Baye qui apporta les terres de Mérionnec et de Coislin dans sa corbeille de mariage. Le bisaïeul, François du Cambout, occupa les mêmes charges que son père et devint gouverneur de Nantes et chambellan du duc d'Alençon. François du Cambout avait épousé, le 24 avril 1565 , Louise Duplessis-Richelieu, tante du fameux cardinal (2). Ce lien de parenté ne nuisit pas sans doute à Charles du Cambout, leur fils, pour obtenir en 1634, l 'érection de la seigneurie de Coislin en marquisat, à une époque où l'édit du mois de juillet 1566 opposait encore d'assez grands obstacles à ces sortes de faveurs. Le second prénom de notre prieur nous rappelle ce lien de parenté avec Armand du Plessis.

Du côté maternel, ses ancêtres sont des parlementaires brillants originaires du Quercy. Son grand-père, Pierre Séguier, duc de Villemaur fut un juriste réputé, nommé garde des Sceaux en 1633 et chancelier de France en décembre 1635. Le bisaïeul, Jean Séguier, seigneur d'Autry fut conseil au Parlement et maître des requêtes et lieutenant civil de la prévôté de Paris au Châtelet. Le trisaïeul, Pierre 1er Séguier, seigneur de Sorel, fut avocat du roi à la Cour des aides, puis au Parlement, président du Parlement de Paris. Son oncle maternel par alliance, mari de Charlotte Séguier, n'est autre qu'Henri de Bourbon-Verneuil, le petit-fils d'Henri IV et d'Henriette d'Entragues.

Bien avant avoir reçu une éducation solide, il avait reçu d'importants bénéfices ; en 1641, il devient le soixante-dix-septième abbé de Jumièges à l'âge de six ans, succédant à Guillaume de Montaigu qui avait été nommé par le roi Louis XIII le 4 juin 1638. Monsieur du Becquet, lieutenant criminel au Bailliage de Rouen, en prit possession pour le jeune abbé. Dom Grégoire de Verthamont était encore prieur de Jumièges et il le fut jusqu'au 27 juin de l'année 1642.

On peut voir ici l'influence des relations familiales et notamment celle du chancelier Séguier. Avec des parents de la noblesse de robe comme de la noblesse d'épée qui fréquentent assidûment la Cour , en cousinage avec le cardinal de Richelieu, l'homme le plus puissant du royaume, il était facile d'obtenir un bénéfice ecclésiastique sous le régime de la commende. De nombreux exemples peuvent être donnés au XVIIe siècle parmi la haute noblesse. Le marquis de Coislin, père de Pierre, venant d'être tué, il fallait assurer la subsistance des orphelins, et c'est sur sa tête que reposèrent les revenus de la famille.

Pierre-Armand du Cambout de Coislin fit son éducation à la Sorbonne et obtint le grade de docteur en théologie de l'Université de Paris. Il fut ordonné prêtre en août 1665 par Hardouin de Péréfixe de Beaumont, archevêque de Paris.

 

 

Le cardinal de Coislin est un saint homme

Avant de décrire la carrière de Pierre du Cambout de Coislin, laissons le célèbre Saint-Simon donner son portrait (3). «  C'étoit un assez petit homme fort gros, qui ressemblait assez à un curé de village, et dont l'habit ne promettoit pas mieux, même depuis qu'il fut cardinal. On a vu en différents endroits la pureté de mœurs et de vertu qu'il avoit inviolablement conservée depuis son enfance, quoique élevé à la Cour et ayant passé sa vie au milieu du plus grand monde, combien il en fut toujours aimé, honoré, recherché dans tous les âges, son amour pour la résidence, sa continuelle sollicitude pastorale, et ses grandes aumônes  ».

Les titres et qualités cumulés par Pierre du Cambout de Coislin forment une liste interminable. Outre, l'abbatiat commendataire « commendatario  » de l'abbaye de Jumièges, il fut successivement chanoine du chapitre cathédral de Paris en 1647, abbé commendataire de Saint-Victor l'importante abbaye parisienne en 1653, premier chapelain du roi la même année. Il fut élu évêque d'Orléans le 29 mars 1666 et consacré le 20 juin suivant, il devient le 103e évêque sous le nom de Pierre IV. Il devint commandeur de l'Ordre royal de France, puis, il reçut la dignité de commandeur de l'Ordre du Saint-Esprit à la promotion du 31 décembre 1688.

 

 

Plusieurs autres bénéfices abbatiaux ou prieuraux tombèrent dans ses mains. Longpont lui fut donné, succédant à Michel Le Masle . À la mort de son oncle, l'abbé Sébastien-Joseph du Cambout, le bénéfice d'abbé de Saint-Gildas-au-Bois fut transféré sur sa tête, en 1670. Il détenait également les bénéfices d'abbé de Saint-Jean-d'Amiens, de Notre-Dame de Longchamp, de Notre-Dame du Guais, et prieur Saint-Pierre d'Abbeville. Il fut prieur et seigneur d'Argenteuil, et prieur de Longpont en 1661.

Il reçut le chapeau de cardinal lors du consistoire du 22 juillet 1697. Sa «  pourpre cardinalice  » lui fut décernée le 30 mars 1700 sous le titre de cardinal-prêtre des la Trinité-des-Monts «  SS. Trinità al Monte Pincio  », il participa au conclave de 1700, lequel a élu le pape Clément XI. Un second portrait de Saint-Simon disant qu'il fut nommé cardinal par surprise, le décrit: " ce prélat était dans une vénération singulière. C'était un homme de moyenne taille, gros, court, entassé, le visage rouge et démêlé, un nez aquilin, de beaux yeux avec un air de candeur, de bégninité, de vertu qui captivait en le voyant, et qui touchait bien davantage en le connaissant [...] De son évêché qu'il eut fort jeune, il n'en toucha jamais rien et mit le revenu entier tous les ans en bonnes œuvres ".

Sa nomination comme grand-aumônier de France en octobre 1700 fut l'occasion d'un conflit entre le cardinal de Bouillon et le Roi qui ne pouvait plus accepter l'éloignement de son confesseur qui vaquait aux intrigues à la Cour de Rome. Le roi excédé d'une «  désobéissance si éclatante  » ordonna au Parlement de lui faire un procès. Un arrêt rendu le dimanche 12 septembre ordonna la saisie de tous les biens laïques et ecclésiastiques du cardinal de Bouillon (4), en les partageant en quatre portions. Le même jour les provisions de la charge de grand-aumônier furent envoyées au cardinal de Coislin qui était à Rome, et celles de premier aumônier expédiées à l'évêque de Metz, son neveu Henri-Charles, qui n'en avait que la survivance (5).

Il faut dire qu'à la fin de son règne, imprégné de l'esprit de réforme, Louis XIV avait grand désir de côtoyer de saints hommes d'Église (6). Quelques jours après avoir reçu les barrettes de cardinal, étant au lever du roi, celui-ci lui demanda si on le verrait à cette heure avec des habits d'invention. «  Moi, Sire ? dit le nouveau cardinal [de Coislin], je me souviendrai toujours que je suis prêtre avant que d'être cardinal  ». Il tint parole. Il ne changea rien à la simplicité de sa maison et de sa table , il ne porta jamais que des soutanelles de drap ou d'étoffe légère, sans soie, et n'eut de rouge sur lui que sa calotte et le ruban de son chapeau. Le roi, qui s'en doutait bien, loua fort sa réponse, et encore plus sa conduite, qui le mit de plus en plus en vénération.

 

Mariage de Louis de France, duc de Bourgogne et de Marie-Adélaïde de Savoie, célébré le 7 décembre 1697 par le cardinal de Coislin.

 

 

Le prieur commendataire de Longpont

Succédant à Michel Le Masle sur le siège prieural de Longpont, Pierre du Cambout de Coislin, illustre prélat du XVIIe siècle, devient le cinquante-quatrième prieur commendataire , dont on a dit «  il avoit trois prieurés à la nomination du cardinal de Bouillon comme abbé de Cluny  ». Sans contestation, les vingt dernières années sa vie, il a été l'ecclésiastique le plus influant du royaume puisqu'il était un intime du roi Louis XIV.

Selon Gallia Christiania, le cardinal de Coislin serait devenu prieur de Longpont dès 1651. Millin et Marion ont opté pour 1661, ce qui est le plus vraisemblable puisqu'un bail à ferme fut passé le 1er septembre 1661 " par Michel Le Masle, prieur de Longpont, à Mathurin Lhéritier, notaire à Montlhéry, et Louis Asselin, sergent royal audit lieu, du revenu général du prieuré dudit Longpont. Ledit bail pour 7 ans moyennant 4.000 livres par an et autres charges ". Toutefois, nous avons trouvé deux actes antérieurs à 1661.

On ignore si le cardinal vint souvent à Longpont. En tant que prieur commendataire, il avait son homme d'affaire ; le tiers lot du prieuré, part revenant au prieur, était reçu par un fermier qui passait un bail d'affermage pour six ou neuf ans. Dom François de La Rochequiballe était prieur claustral lors de la prise de fonction de Pierre du Cambout. Le prieur commendataire habitait, à Paris, dans la rue Richelieu, l'ancien et bel hôtel du commandeur de Jars, qui passa à son neveu l'évêque de Metz. À la Cour , il occupait depuis 1701 l'ancien logement du cardinal de Bouillon. Le plus souvent, on trouvait Pierre Cambout de Coislin à Orléans «  au milieu du peuple de Dieu  », au château de Meung-sur-Loire qui était le palais épiscopal aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Nous donnons quelques actes de gestion du prieuré de Longpont au temps Monseigneur de Coislin. Le 20 décembre 1659, un titre nouvel est passé par messire d'Esclignac, seigneur de Plessis-Paté, Charcoix et autres lieux, de 60 livres de rente, au profit de messire Coislin, prieur de Longpont, à prendre et percevoir chacun an le jour Saint-Rémy sur lesdites seigneuries.

Le 14 janvier 1660, un bail à ferme du revenu général du prieuré de Longpont est passé par la mère de messire Pierre de Camboust de Coaslin, prieur commendataire de Longpont «  ladite mère fondée de procuration dudit prieur  ». Il s'agit bien évidemment de Madame la marquise de Coislin, Marie Séguier, qui, seule, avait élevé ses trois fils après la mort du marquis. Il semble qu'en cette année 1660, le prieur de Longpont n'avait pas été émancipé puisque sa mère gérait son bénéfice.

La confrérie Notre-Dame avait été fondée au XIIe siècle et fut ravivée par le pape Alexandre VII par l'intervention du nouveau prieur commendataire. Le souverain pontife donne, le 13 juin 1665, une bulle accordant des indulgences «  aux frères et sœurs de ladite Confrairie  ». Le diplôme du pape commence par : «  Nous avons appris que dans l'église du prieuré conventuel de Notre-Dame de Longpont, de l'Ordre de Cluny, diocèse de Paris, une dévote Confrairie de fidèles de l'un et l'autre sexe, de toutes conditions, a été instituée pour la plus grande gloire de Dieu, le salut des âmes et le soulagement du prochain sous l'invocation de la Sainte-Vierge , patronne dudit prieuré, et que les frères et sœurs d'icelle Confrairie s'appliquent à la pratique de bonnes œuvres…  ». Puis le Saint-Père invite les pèlerins à venir prier Marie «  Nous octroyons la rémission de tous leurs péchés à tous les frères et sœurs d'icelle Confrairie qui, représentant, confessés et communiés, visiteront dévotement l'église de Longpont, depuis les premières vêpres jusqu'au soleil couché de la fête de la Nativité de la sainte-Vierge et là prieront Dieu…  ». L'archevêque de Paris publia cette bulle dans toutes les églises du diocèse. Le cardinal de Coislin donna au prieuré de Longpont une relique de saint Mamert, évêque de Vienne au Ve siècle à qui l'on attribue l'introduction de la fête de Rogations.

Le 16 juin 1675, un bail à ferme est passé, devant Lhéritier, notaire, par le fondé de procuration de Messire Pierre du Comboust de Coaslin, prieur commendataire du prieuré de Longpont à Guillaume Charpentier, vigneron demeurant à Saint-Michel-sur-Orge de toutes les dixmes de grain et de vin de la paroisse de Bondoufle. Ledit bail pour 7 ans moyennant 430 livres tournois et 4 septiers d'avoine et 2 muids 8 septiers de bled méteil et 16 septiers d'avoine mesure de Montlhéry au curé dudit Bondoufle pour son gros. Le nommé Charpentier résilia son contrat puisque, le 5 juillet 1678, un bail à ferme est passé par le fondé de procuration de Messire Comboust de Coaslin, prieur de Longpont à Messire Raoult Boulanger, curé de la paroisse de Bondoufle, des dixmes de grains et vins de la paroisse dudit Bondoufle ledit bail pendant 3 années restantes à expirer du bail fait à Guillaume Charpentier qui y a consenti à charge de payer par ledit Raoult Boulanger 300 livres par an audit prieur plus à la charge de tenir quitte ledit de 2 muids 8 septiers de bled et les 16 septiers d'avoine que ledit curé a droit de prendre pour son gros, plus de payer à la fabrique dudit Bondoufle 50 gerbées au cas qu'elles soient dües. Signé Vallet, notaire, expédition par Decourehan, notaire.

Le 15 décembre 1681, un bail à ferme est passé par messire Louis Gervais de Salvent, fondé de procuration de messire Pierre du Camboust de Coislin, prieur commendataire du prieuré Notre-Dame de Longpont, à messire Jean de La Lande , bourgeois de Paris, y demeurant, rue des Fossés, paroisse Saint-Germain l'Auxerrois d'une grande partie du revenu temporel du prieuré de Longpont «  ledit bail pour sept ans, moyennant 1.010 livres aux religieux et 330 livres au prieur par chaque années; et autres charges  ». Le 3 juillet 1687, un bail à ferme est passé par le fondé de procuration de Messire Pierre du Comboust de Coaslin, prieur commendataire du prieuré de Longpont à Jean Lefevre, laboureur demeurant à Bondoufle de 63 arpents de terre au terroir dudit Bondoufle moyennant 300 lt par an. Signé Bailly et son confrères, notaires.

Vers 1685, la famille Cordeau louait des terres et des prés contenus dans le tiers lot du prieur. L'ancêtre Jean Cordeau, marchand boucher à Montlhéry, en 1514, cultivait la terre qui s'est appelé «  le Bout Cordeau  ». Simone Cordeau, veuve de Pierre Barrault était censitaire des Religieux de Longpont en 1610. Pierre dit le Jeune signa un acte de bail à cens en 1647. Le 24 août 1688, un bail à ferme est passé par sieur Louis Petit, écuyer, sieur de La Vaux , demeurant à Paris, procureur de messire Pierre de Camboust de Coislin, évêque d'Orléans, prieur de Longpont à Nicolas Cordeau, marchand demeurant à Montlhéry, «  ledit bail pour neuf ans, moyennant 180 livres par an  ». Le 20 novembre 1689, un bail à loyer est passé par le receveur de messire Camboust du Coislin, prieur de Longpont, à Claude Cordeau, marchand demeurant à Longpont «  ledit bail pour neuf années, moyennant 216 livres par an  ». Claude Cordeau était une grande figure de Longpont. Vers 1700, il se présente comme vigneron, fut aussi receveur des terres de la seigneurie ecclésiastique ; il habitait rue des Hôtes dans la maison « anciennement appelée La Gadarderie tenant à la ruelle allant à Villiers ».

Le 19 mars 1697, un bail à ferme passé par messire Louis Joseph Chalmette, écuyer, fondé de procuration de messire Pierre du Camboust de Coislin, prieur commendataire du prieuré Notre-Dame de Longpont, à messire Etienne Aubert, bourgeois de Paris et Marthe Tousson sa femme du revenu du temporel du prieuré moyennant 5100 livres , etc...; ledit bail pour neuf ans. En septembre de la même année, le bail général du temporel du prieuré de Notre-Dame de Longpont, par le fondé de procuration de messire du Camboust de Coislin prieur de Longpont, à Etienne Aubert, bourgeois de Paris.

L'arrêt du Grand Conseil du 14 juin 1700 fut obtenu par Messire Pierre du Cambout de Coislin prieur commendataire du couvent de Longpont, demandeur, contre Michel Bouzinard, Vincent Caille, Jean Didieuver, vignerons demeurant à Guiperreux, paroisse de Longpont, défenseurs, condamnés à payer la dîme à raison de 8 pintes par arpent.

Pendant le priorat de Pierre du Cambout de Coislin, le personnel ecclésiastique de Longpont a été le suivant. Don Etienne Rioland, curé de Longpont, résilia ses fonctions le 24 août 1667 à cause de son grand âge. Dom Claude Rocques lui succéda et resta curé pendant dix-neuf ans. Il fut également chambrier du prieuré, c'est-à-dire qu'il avait la charge des finances et des revenus du prieuré. Une mauvaise gestion lui fut reprochée et il fut démis de ses fonctions en septembre 1686 par un arrêt rendu par le Grand Conseil. En 1683, Dom Alexis David était prieur claustral à Longpont, Dom Nicolas Lesage, sacristain, François de La Rochequiballe , aumônier, Claude Rocques et Pierre Say, prêtres religieux.

 

 

Le XVIIe siècle est l'époque de la grande réforme clunisienne (7). En 1621, la scission de l'Ordre de Cluny en Étroite observance et Ancienne observance est consommée. Richelieu devient coadjuteur de l´abbaye en 1627, puis abbé commendataire de 1635 à 1642. Ces évènements seront d'une grande importance pour Longpont. Dès son entrée en fonction à Longpont, Michel Le Masle, ancien secrétaire de Richelieu, avait envisagé la réforme en introduisant l'Étroite Observance de Saint-Maur. Un concordat fut signé le 22 août 1643 avec les religieux dans lequel une somme de 3.000 livres à prendre sur les baux du prieuré était destinée pour les moines. Des aménagements furent acceptés par le traité du 19 février 1645 et ratifié par le 1er avril 1648.

Les troubles de la Fronde arrêtèrent l'action de réforme, s'en suivit une période de confusion, les clunisiens refusant l'arrivée des mauristes. Finalement, la réforme fut introduite un demi-siècle plus tard, par le cardinal de Coislin (8). Du 11 février au 26 juillet 1700, plusieurs concordats sont passés·entre le prieur commendataire et les anciens religieux réformés au sujet de l'introduction de la réforme dans le prieuré de Longpont.

Nous ne développerons pas ici la mise en place de la réforme qui fera l'objet d'une Chronique particulière (cf. " Installation des Bénédictins Réformés à Longpont "). Toutefois, il est utile de mentionner que toutes ces tergiversations furent néfastes pour les bâtiments conventuels. Bien évidemment, plusieurs facteurs sont à prendre en compte : la crise économique de la fin du XVIIe siècle avec ses famines et disettes, la baisse des revenus, le laisser-aller du prieur commendataire, la mauvaise gestion de Dom Rocques et l'attente de la réforme. Toujours est-il que le procès-verbal de la visite des lieux, le 9 mars 1700, par le prieur Dom Goutelle et Etienne Desnoyer, maître-maçon à Montlhéry, est édifiant : le cintre de la porte cochère est détruit, les anciens cloîtres sont ruinés, le chapitre est dégradé, le réfectoire sans vitrages est inutilisable, le bûcher est en ruine, une cave est comblée et un vieux bâtiment est écroulé, la toiture du dortoir est à refaire, la voûte de l'église est prête à s'effondrer, etc….

Bref, c'est un prieuré en ruine qu'il faudra relever au cours du XVIIIe siècle. La reconstruction se terminera vers 1750 au prix d'une dette considérable qui ne sera pas éteinte en 1790 au moment de la disparition du prieuré (cf. " La reconstruction du prieuré de Longpont au XVIIIe siècle ").

Pierre du Cambout de Coislin est resté prieur commendataire de Notre-Dame de Longpont pendant plus de quarante ans jusqu'à sa mort le 5 février 1706.

 

 

L'œuvre du cardinal à Orléans

L'église cathédrale d'Orléans est sous la dédicace de Sainte-Croix en raison d'une relique de la vraie Croix du Christ, qui y avait été déposée à la suite d'un don de l'empereur Constantin. L'édifice fut détruit pendant les tragiques guerres de religion, au cours desquelles les huguenots de Condé incendièrent la cathédrale dont il ne restera que les façades principales et latérales romanes, l'abside du XIIIe siècle, quelques chapelles collatérales et deux travées de la nef. En 1598, Henri IV, pour donner la preuve de la sincérité de sa conversion au catholicisme, s'engage à redonner à la cathédrale «  son ancienne splendeur  » ; les ruines sont déblayées et, le cardinal de Coislin continua l'œuvre de reconstruction.

L'épiscopat de Pierre du Cambout fut une période faste, car étant grand-aumônier de France, il obtint l'aide de Louis XIV. Les architectes de Versailles font travailler aux transepts «  selon l'ordre gothique  ». Les deux façades nord et sud sont abattues et l'on en élève deux autres, conçues par le jésuite Étienne Martellange. C'est enfin en 1690 que le vaisseau reconstitué est livré au culte dans sa totalité. Mais un clocher monumental en forme d'obélisque se révèle défectueux et doit être supprimé un an après. À la fin du XVIIe, sous la direction du cardinal de Coislin, de nombreuses œuvres d'art décorent la cathédrale : les portes latérales actuelles, un jubé en forme d'arc de triomphe dans le chœur par Le Brun et Mansart, des stalles et lambris, etc.

L'autre action, toute de charité aussi, fut moins publique et moins dangereuse, mais ne fut pas moins belle «  Outre les aumônes publiques, qui de règle consumaient tout le revenu de l'évêché tous les ans, Monsieur d'Orléans en faisait quantité d'autres qu'il cachait avec grand soin  ». Dangeau rapporte «  Il y donnoit tout le revenu de l'évêché, et faisoit d'ailleurs de grandes aumônes, quoiqu'il vécût partout fort honorablement  ».

Un article récent de la vie diocésaine d'Orléans précise «  Entré comme évêque à Orléans, le 19 octobre 1666, il administra son diocèse avec prudence et doigté alors que certains pensaient qu'il allait continuer vivre à la Cour  ». Il a créé un séminaire d'Orléans pour la formation des prêtres. Il a permis la construction de l'hôpital général. Il a accueilli les protestants afin qu'ils ne soient pas molestés et il a même reçu dans son diocèse quelques clercs aux convictions jansénistes.

En 1685, après la révocation de l'Édit de Nantes, un régiment de dragons avait été envoyé à Orléans pour forcer la conversion des Calvinistes. En logeant les officiers dans son palais Episcopal, l'évêque s'était opposé aux dragonnades dans son diocèse. Voilà ce qu'en dit Saint-Simon : «  Lorsque après la révocation [de l'édit] de Nantes on mit en tête au roi de convertir les huguenots à force de dragons et de tourments, on en envoya un régiment à Orléans, pour y être répandu dans le diocèse. Monsieur d'Orléans, dès qu'il fut arrivé, en fit mettre tous les chevaux dans ses écuries, manda les officiers et leur dit qu'il ne voulait pas qu'ils eussent d'autre table que la sienne; qu'il les priait qu'aucun dragon ne sortît de la gille, qu'aucun ne fît le moindre désordre, et que, s'ils n'avaient pas assez de subsistance, il se chargeait de la leur fournir; surtout qu'ils ne dissent pas un mot aux huguenots, et qu'ils ne logeassent chez pas un d'eux. Il voulait être obéi et il le fut  ».

Certains auteurs prétendent que Victor Hugo aurait puisé son évêque en veine de sauver Jean Valjean chez Saint-Simon. «  Le futur cardinal de Coislin recevait à sa table une sorte de seigneur fort pauvreteux, quand un matin «les gens de Monseigneur trouvèrent deux fortes pièces d'argenterie de sa chambre disparues […]. Au bout de quelques jours, il l'envoya quérir, et tête à tête il lui fit avouer qu'il était le coupable. Alors Monseigneur. lui dit qu'il fallait qu'il se fût trouvé étrangement pressé pour commettre une action de cette nature, et qu'il avait grand sujet de se plaindre de son peu de confiance de ne pas lui avoir pas découvert son besoin. » Et d'effacer la dette, en tirant qui plus est vingt louis de sa poche, et de le rasseoir à sa table, et de le prier de tout oublier  ».

 

Signature de Pierre du Combout de Coislin, prieur commendataire de Longpont (1662).

 

 

La disparition du cardinal de Coislin

Le cardinal de Coislin mourut le 5 février 1706 à Versailles âgé de 69 ans «  Tout à la fin de janvier, il fut arrêté au lit, et il mourut la nuit du 4 au 5 février  » dit Saint-Simon. Il fut inhumé dans la cathédrale d'Orléans. Toute la cour s'affligea de sa mort; le roi plus que personne, qui fit son éloge. Il manda le curé de Versailles, lui ordonna d'accompagner le corps jusque dans Orléans, et voulut qu'à Versailles et sur la route on lui rendît tous les honneurs possibles. Celui de l'accompagnement du curé n'avait jamais été fait à personne. «  On sut de ses valets de chambre, après sa mort, qu'il se macérait habituellement par des instruments de pénitence, et qu'il se relevait toutes les nuits et passait à genoux une heure en oraison. Il reçut les sacrements avec une grande piété, et mourut comme il avait vécu, la nuit suivante  ».

Trois oraisons funèbres de Pierre du Cambout, cardinal de Coislin, furent prononcées. La première dans l'église cathédrale d'Orléans, le 19 mars 1706, par Aleaume, la deuxième par Ambroise Pacori, directeur du petit séminaire de Meung. La troisième fut prononcée en l'église royale de Saint-Aignan d'Orléans le lundi 21 mars 1706 par Luc Lecoq, chanoine de Saint-Germain d'Orléans. L'un de ses successeurs fit retirer l'épitaphe du cardinal de Coislin, «  parce qu'on allait y prier Dieu, comme au tombeau d'un saint  ».

À Longpont, l'évêque d'Orléans fut remplacé par le neveu du cardinal de Bouillon, le prince Frédéric Constantin de La Tour d'Auvergne, qui ne resta prieur commendataire que pendant trois ans.

 

 

Notes

(1) L'abbé Lebeuf nous avait prévenu « Presque dans tous les temps, ce Prieuré [Longpont] a été possédé par de grands personnages ».

(2) De nombreux auteurs donnent le cardinal de Coislin comme étant le neveu ou petit-neveu du cardinal de Richelieu. Cela est donc impossible puisque son arrière-grand-mère était la tante d'Armand du Plessis. Le cardinal est donc le petit-cousin issu de germain de l'illustre ministre de Louis XIII.

(3) M. le marquis de Saint-Simon, Mémoires complets et authentiques du duc de Saint-Simon sur le siècle de Louis XIV et la Régence , t. IV (chez Sautelet et Cie, Paris, 1829).

(4) Le cardinal de Bouillon, Emmanuel-Théodose de La Tour d'Auvergne était le neveu du maréchal de Turenne. Il fut créé cardinal en 1669 à l'âge de 34 ans, grand-aumônier de France en 1671, abbé de Cluny en 1683, puis évêque d'Ostie. Après avoir perdu son procès contre les moines de Cluny, le cardinal insulta grossièrement le Roi-soleil et a été déclaré rebelle en 1710. Il s'exila à Rome où il mourut le 2 mars 1715.

(5) Henri-Charles du Cambout de Coislin, prince-évêque de Metz (1664-1732) était le fils d'Armand du Cambout, duc de Coislin et de Madeleine du Halgouët. Son oncle le cardinal fut très influant sur sa carrière ecclésiastique au temps de la disgrâce du cardinal de Bouillon. Premier aumônier du roi, homme aussi savant que pieux, il fut membre de l'Académie française et de l'Académie des inscriptions. Il légua à l'abbaye de Saint-Germain la riche bibliothèque qu'il avait reçue en héritage de son aïeul, le chancelier Séguier.

(6) Saint-Simon dit qu'à partir de 1700 le roi exigea que le Grand-aumônier assiste à tous les accouchements des princesses royales pour ondoyer chaque nouveau-né «  en cas de péril de mort  ».

(7) Jugeant que les monastères bénédictins étaient tombés dans le laxisme et la désorganisation, la congrégation de Saint-Maur, créée en 1621, proposa la réforme qui consistait à revenir à un régime monastique strict et à l'accomplissement fidèle de la vie conventuelle. L'office du chœur et les devoirs monastiques devaient être exécutés avant tout autre activité.

(8) Il convient de corriger, encore une fois, une des "fantaisies historiques" de Longpont. Ce n'est pas le prince Frédéric de la Tour d'Auvergne qui introduisit les Bénédictins réformés de l'Etroite Observance à Longpont en 1700, mais son prédécesseur le cardinal de Coislin. Le prince de la Tour d'Auvergne devint prieur commendataire à la mort de ce dernier, en 1706. Donc six ans plus tard, quand les réformés étaient déjà installés !!!

 

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