La Commanderie des frères du Temple à Balisy (1234-1619) |
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Chronique du vieux Marcoussy ________________________________ajout février 2013_ Août 2011 Extrait de l'atlas terrier de Longjumeau. JP. Dagnot C. Julien
Dans la chronique, nous avons esquissé la manière avec laquelle les frères chevaliers du Temple de Paris constituèrent leur Commanderie de Balisy (1). En fait, il n'y eut ni legs, ni fondation d'obit, mais simplement une acquisition moyennant 1.400 livres parisis en « monnaie sonnante et trébuchante » qui nous montre la grande richesse des chevaliers du Temple. À l'origine ces chevaliers du Temple appelés " les pauvres Chevaliers du Christ", étaient parvenus à accumuler au milieu du XIIIe siècle, d'immenses richesses qui suscitèrent la jalousie. Pour de plus amples informations sur la présence dans le Hurepoix des chevaliers du Temple et aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, le lecteur se rapportera aux chroniques introductives (cf. Les Frères de la milice du Temple et Les Frères de l'Hôpital de St-Jean-de-Jérusalem ). Le domaine de Balisy est une « seigneurie non fieffée » nous dit un juriste du XVIIIe siècle. Afin de bien comprendre le rôle des censiers au Moyen-Âge, il est nécessaire de rappeler le fonctionnement de la société féodale à cette époque. Le domaine de la Commanderie de Balisy avait le statut de seigneurie ecclésiastique puisque appartenant à une communauté religieuse. Il s'agit d'une entité économique et sociale régie, comme toutes les autres, par le modèle : « réserve plus tenures ». On parle aussi de domaines fieffés et non fieffés. La réserve, le domaine non fieffé , est exploitée directement par le seigneur. Dans ce cas, les terres sont mises en valeur par des esclaves, des salariés. Par contre, le domaine fieffé est la partie de la seigneurie occupée par les tenures (2).
L'implantation des chevaliers du Temple en Île-de-France Dans cette brève introduction, nous n'avons pas la prétention de décrire la façon dont les Templiers e sont installés en Île-de-France, mais nous voulons esquisser simplement par deux exemples, le mécanisme de constitution de leur temporel. Dès leur fondation de leur Ordre, au début du XIIe siècle (1118), les chevaliers du Temple « pauvres Chevaliers du Christ » reçurent en aumône de nombreux biens constituant un temporel considérable ; mais leur énorme richesse leur permettait également d'acquérir d'innombrables d'héritages : terres labourables, vignes, bois, prés, etc. Dans les paroisses immédiates de Paris et notamment sur les coteaux de la vallée de la Seine, ils possédaient de nombreuses vignes. Plus loin, dans le Hurepoix central, les templiers firent l'achat de terres labourables et de prés, ce fut le cas à Balisy au XIIIe siècle. Au moment de reconstituer les terriers, nous trouvons dans les papiers du XVIIIe siècle, des extraits de 148 titres concernant le domaine de la Commanderie du Temple de Paris à Meudon, Sèvres, Saint-Cloud, Fontenay, Bagneux, Clamart, Châtillon, Montrouge, Ménil, Fleury, Montreuil et la Villette Saint-Lazare qui étaient égarés depuis longtemps parmy les titres de la commanderie de Saint-Jean de Latran qu'il sera nécessaire d'ajouter à la Commanderie dudit Temple. Nous en donnons deux extraits. Les premières lettres se rapportent à des vignes à Meudon où les chevaliers du temple constituaient leur vignoble. Au mois de juin 1234, les lettres d'Etienne de Meudon, chevalier portant amortissement par luy donné aux frères de la milice du Temple de trois quartiers de vignes assises au vignoble de Meudon au lieudit Grois en la censive dudit chevalier. Laquelle vigne leur avoit été donnée par Richard du port et Aelide sa femme, bourgeois de Paris pour en jouir par lesdits frères paisiblement à toujours et en main morte, à condition néanmoins que lesdits frères luy payeront 6 deniers de cens chacun an à la Saint-Rémy. Les lettres écrites en avril 1235 donnent confirmation par l'Official de la cour de Paris de la vente faite par Pierre Segrain et Emengarde sa femme à Richard du Port de trois arpents de vignes moins un quartier situés au terroir de Meudon au lieu dit des Grois, la vente faite moyennant le prix et somme de 26 livres tournois payées comptant audit vendeur. En mars 1239, approuvant pour lui et son frère Renaud, archidiacre d'Orléans, des libéralités faites aux Hospitaliers de Jérusalem par Adeline de Balisy , le chevalier Jean du Donjon, seigneur d'Yerres « Johannes de Donjon, miles dominus Hedere », scelle la charte d'un écu chargé de trois besans ou tourteaux. « Ego Johannes de Dongionno dominus Hedere… concessi totam elemosinam quam domina Adelina de Balisiaco… fecit fratibus hospitalis Jerosolimitani apud Gerciacum et in territorio ejusdem ville in pratis, vineis, terris et aliis… et garentizare creantavi erga fratem meum Renaudum archidiacorum Aurelianesem et erga omnes alios rectos heredes meos. Actum anno Domini M° duc° trincesimo neno, manse marcio ». Vers 1235, du consentement de sa femme Clémence, le même chevalier avait rendu un aveu à l'abbé et au couvent de Sainte-Geneviève pour un bois dit Cornovalle à Épinay-sur-Orge « Spinolium » chargé d'un cens de treize deniers parisis.
Le dernier seigneur laïc Revenons un moment sur la famille qui vendit la terre de Balisy aux Templiers. Au milieu du XIIIe siècle Guillaume de Balisy en était le seigneur. Ce personnage possédait de nombreux fiefs dans la région parisienne dont un vignoble à Saint-Cloud qui était dans la mouvance de l'évêque de Paris. Comme l'exige la coutume féodale à chaque mutation de suzerain ou de vassal, Guillaume « dominus Guillelmus de Balisis » rendit foy et hommage le 13 avril 1269 devant Etienne II Tempier nouvellement intronisé sur le siège épiscopal de Paris « homagium domino Stephano, episcopo Parisiensi » . Quatre ans plus tard, le chevalier Guillaume de Balizy meurt en mai ou juin 1273. Sa veuve, dame Marguerite « relicta defuncti Guillelmi » rend foy et hommage à l'évêque de Paris de manière identique pour sa vigne de Saint-Cloud. En cela, la dame de Balisy respecte le délai règlementaire des quarante jours « Et debet tradere partes feodi in scriptis indra XL dies ». Damoiselle Isabelle, fille des susdits Guillaume et Marguerite hérite de la seigneurie de Balisy, puis meurt subitement sans postérité. La terre et seigneurie de Balisy tombe dans les mains du nommé Guillaume Bataille, neveu de Guillaume de Balisy. Nous savons que Guillaume Bataille ne garda pas Balisy puisqu'en 1288, il vendit le domaine aux chevaliers du Temple de Paris, représenté par frère Jehan de Tour, trésorier de la maison parisienne du Temple. À partir de ce moment Balisy devient une seigneurie ecclésiastique où le régime de la main morte a cours. Toutefois, la famille garda des biens à Longjumeau. Les lettres de l'official de la curie parisienne données en juin 1299 indiquent que Jean dit Bataille « Johannes dicta Bataille » et demoiselle Jeanne, sa femme, étaient en affaire avec frère Jehan Bonnet, trésorier de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem à Paris. Ce diplôme atteste d'un accord « touchant ledict droict de motage ou gazon pour la quatrième partie dudict moulin de Gravigny sur les bords de la rivière Yvete ».
Quelques vieux documents En août 1236, Hugues de Balisi a vendu un pré aux Hospitaliers « A tous ceux que ces lettes liront, l'official de la curie de Paris et archidiacre, en notre Seigneur salut. Qu'on sache qu'en notre présence Hugues de Balizy et Laura sa femme « Hugo de Beligniaco et Laura uxor sua » reconnaissent avoir vendu pour six livres parisis une pièce de pré au territoire de Balisy dans la censive de Nicolas de Catugathe ( ?), lesquels confessent garantie de ladite vente par la coutume de France… ledit Hugo et sa femme tenait ladite pièce de pré moyennant 10 sols Paris. En témoignage de quoi, nous avons apposé notre scel sur les présentes lettres. Donné l'an de grâce 1236 au mois d'août « anno Domini M°CC°XXX° sexto, mense augusto ». En mars 1248, nous trouvons une vente par Dreux de Hanchis « Moi Droco de Hanchis, chevalier, à ceux que ces lettres verront, faisons savoir que j'ai vendu et quitté le droit de pressurage sur deux arpents de vignes « duobus arpentis vinearum » que les frères ont au terroir de Vaulx au territoire nommé Bamenfez, au profit des religieuses personnes les frères des chevaliers du Temple « religiosis viris fratribus milicie Templi » pour 43 sols parisis que nous avons reçu présentement en numéraire… Et cette vente est faite sans aucune réclamation. Ma femme Ada « Ada uxor ducti Droconus » approuve et accepte de céder aux frères tout ce qui est compris dans cette vente, de même Simon de Beufemont, écuyer qui est possesseur du droit féodal de cette chose accepte et moi et Ada faisons cela en toute bonne foi. Encore une fois cette transaction concerne Balisy, elle nous montre l'appétit des Templiers pour l'achat de terres, moyen le plus sûr de pérenniser le capital amassé en Terre Sainte. Un parchemin en vieux français daté du mardi 25 février 1360 mentionne « À tous ceulx que ces lettres verront, Guillaume prévost de Chailly et de Lontjumel salut. … lequel de bon gré et de bonne volonté… pour la vendition d'une masure située à Balisi à la charge du payment de la huitième partie de droiture en la manière acoustumée ». Les lettres du 19 mai 1447 données par Robert de Frontenille, « très hault seigneur de Stym, conseiller et chambellan du Roy nostre sire et garde de la prévosté de Paris, commissaire d'iceluy » sont celles d'une sentence et commission pour le paiement de dix années d'arrérage de cens sur la « maison du Signe à Longjumel ». Voici l'extrait de ces lettres écrites en vieux français, style du XVe siècle : « Il nous est apparu Robert de Saulx, écuyer, avoit esté condamné et tenu de paier au commandeur de Balisy les Longjumel, 60 sols parisis tant qu'il seroit détenteur et propriétaire d'une maison, estables, cour, jardin et appartenances si come tout le lieu de comporte et extend contenant environ ung arpen assis en la ville dudict Longjumel en la grant rue lequel hostel jadis se nommoit et appeloit le Cochet et depuis se nomme hostel du Signe… desquelles en censive de monseigneur le grand prieur de France à cause de sa commanderie de Balizy, membre de la commanderie du temple à Paris, il nous ait esté donné à cause de 60 sols parisis de cens luis dix-huict fois 15 sols… pourquoy à sa requeste… requi diligemment ledit Pierre de Saulx par prinse vendu de ses biens meubles immeubles le plus exploitable à faire audit grand prieur… »
Le terrier de la commanderie de Balisy Nous avons relevé quelques titres issus d'un registre conservé aux A.N., terrier de la commanderie de Balisy daté de 1511 . Nous sommes à une époque où les seigneurs reconstruisent les dégâts des guerres et désordres du siècle précédent pour la constitution de terriers, registres afférents aux droits féodaux, cens et rentes dans leurs censives:
Les déclarations du XVIe siècle Le jeudi 1er avril 1507 avant Pasques. « Guillaume Delaistre, chevaulcheur du roy, demeurant à Longjumeau confesse avoir vendu à toujours à religieuse personne frère Jehan Vedasy, religieux et procureur du Temple à Paris : Plusieurs laboureurs demeurant paroisse de Longjumel confessent avoir vendu à toujours à Guillaume Delaistre chevaulcheur ordinaire de l'escurie du roy demeurant à Paris: Le 1er janvier 1552, par devant Henri Sergeon et Charles Maheut, notaires du Roy, les frères chevaliers du Temple à Paris passent un bail à ferme de « ung arpent de terre assiz au Grand Balizi paroisse du Long Jumieau et trois quartiers de pretz » à un laboureur du Grand Balizy nommé Guillaume Audoy ( ?) moyennant le prix et somme de cent dix sols tournois payables le jour de Saint-Martin d'hiver. Un bail identique est passé le 6 juin 1585 pour la terre du Grand Balizy, au lieu-dit Lormoye et « troys quartiers de pré tenant d'une part à Janet Martin et d'autre part à Lhospital dudit Balizy, d'un bout à la Morteaux et d'autre bout au chemin qui tend de Gragny à la Morteaux , le tout en la Cousture du commandeur dudit Balizy pour en jouir par ledit preneur… moyennant la somme de deux cents sols et quarante sols de loyer par chacun an… ». Le preneur s'engage à payer son loyer le jour de la Saint Jean-Baptiste à la charge de labourer, fumer les terres et de garder les prés en nature de fauche « et pourra ledit preneur bailler, cedder et transporter son droit de ce présent bail et pruisé à aultre personne sans le consentement du bailleur… ».
Le terrier de Balisy de 1619 Un nouveau registre fut confectionné sous le règne de Louis XIII commencé en 1619 et fini en 1624 « papier terrier du membre et seigneurir de Ballisy faict en 1624 par les soings et diligence de hault et puissant prince frère Alexandre de Vendosmes, grand prieur de France ». Notons que le personnage dont il est question est le second fils légitimé qu'Henri IV eut avec Gabrielle d'Estrées. Il devint chevalier de l'Ordre de Malte (Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem) en 1604 alors qu'il n'avait que quatre ans. Il servit le roi Louis XIII, son demi-frère, comme ambassadeur en cour de Rome auprès de Paul V. La conspiration avec ses frères César de Vendôme et Gaston d'Orléans le conduisit en prison à Vincennes où il mourut en 1629. Dans ce qui suit nous donnons un extrait de ce terrier dont l'introduction est la suivante « Ensuict la déclaration de la maison et hostel seigneurial appartenance de la commanderie de Ballisy appartenant à Monseigneur Alexandre de Vendosme, frère naturel du Roy, chevallier de l'ordre Sainct Jehan de Hiérusalem, grand prieur de France, commandeur du Temple à Paris à cause que seigneur de la terre et seigneurie dudict Ballizy ».
Ensuit, les déclarations des héritages tenus en roture: Nicollas Dartois vigneron demourant à Louans en son nom tient et advout tenir à tiltre du cens annuel et perpétuel portant lods, vente, saisine et amende quand le terme y eschept à Messire Alexandre de Vendosme, chevallier de l'ordre de Sainct Jehan de Hiérusalem, grand prieur de France, commandeur du Temple à Paris à cause de la terre et seigneurie de Ballisy-lez-Longjumeau l'héritage cy après déclaré tenu en censive dudit seigneur à cause de la terre et seigneurie dudict Ballisy. Demy quartier ou environ de vigne en une pièce comme elle se comporte assis au vignol de Gravigny, chantier dict les Gravières pourtant ou autrement sur le taillier audict advouant appartenant de son propre tenant d'une part au sieur Dujardin, d'autre part (blanc) au lieu de Jehan Degournay, d'un bout au chemin tendant de Longjumeau à Corbeil et d'autre bout audict sieur Dujardin… À suivre…
Notes (1) Nous n'avons pas pris de parti pris en ce qui concerne l'orthographe du toponyme que l'on écrira indifféremment « Balisy » ou selon la manière moderne « Balizy ». (2) T. Cormier, Le Code du très-chrestien et tres victorieux roy de France et de Navarre (chez Jean du Bosc, Rouen, 1615). Et plus récemment : M. Feuilloley, Gouvernance et système comptable : un questionnement contemporain à l'époque médiévale ( Université du Havre).
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