Le moulin de Basset à Longpont (4) (1778-1937)
Cette chronique est la quatrième et dernière partie de l'histoire du moulin à farine de Basset à Longpont-sur-Orge. Nous nous étions arrêtés au XVIIIe siècle quand le moulin était passé dans les mains de la marquise de Bréhant, dame très difficile « avec ses gens et ses voisins ».
Les relations de la dame de Lormoy devinrent plus aigues avec Mr de Juigné, seigneur de Brétigny, qui fit intervenir, en 1775, ces Messieurs de la Maîtrise des Eaux et Forêts de Paris pour le nivellement du moulin de Basset . En 1778, un nouveau meunier arrive à Basset qui entre dans les lieux après la classique « prisée et estimation des bâtimens, tournans et travaillans ».
JP. Dagnot
C. Julien Octobre 2013
Plan de situation du moulin de Basset en 1884.
Description technique du moulin de Basset
Ici, nous profitons d'avoir tenu un document complet de prisée et estimation, pour donner la description complète du moulin de Basset en cette fin de XVIIIe siècle avec les termes techniques de l'époque. Lors du changement de meunier la prisée du moulin de Basset fut organisée le mercredi 18 novembre 1778 par Thomas Laisné, meunier sortant du moulin de Basset et Antoine Robine le jeune, meunier entrant audit moulin. L'acte notarié est passé le lendemain à l'étude de maîtres Susane et Malherbe, notaires à Montlhéry.
Portons maintenant notre attention sur l'aspect technique du moulin.
- Premièrement, les deux grandes vannes servant de décharge garnies de leur vis et écroux et le petit pour de 10 pieds de long sur 2 pieds de large, prisées et estimées la somme de 15 lt.
- Item, deux pièces de bois servant de gris et le petit pour composé de trois morceaux de bois servant à mettre l'eau sur la roue, prisées et estimées la somme de 2 lt.
- Item, la vanne servant à mettre l'eau sur la roue garnie de six vis et écrous, prisée et estimée la somme de 6 lt.
- Item, la roue de 12 pieds de diamètre garnie de six embrasures, coins et lograux à fermeture avec deux planches de 10 pieds de long, prisée et estimée la somme de 67 lt.
- Item, le chevisier du dehors de 6 pieds de long sur 1 pied carré garni de 6 accotiers, prisé et estimé la somme de 4 lt.
- Item, l'arbre tournant de 13 pieds 8 pouces de long garni de 4 frettes, 2 tourillons, prisé et estimé la somme de 76 lt.
- Item, la roue de 6 pieds de hauteur garnie de six chevilles sur brasures, coins et fermetures, prisé et estimé la somme de 80 lt.
- Item, les chevisiers du dedans de 5 pieds de long de douze à treize bois blancs, prisés et estimés la somme de 3 lt.
- Item, deux chaises servant à porter le pastier de 5 pieds de long, de 7 à 10 pouces de gros, prisées et estimées la somme de 8 lt.
- Item, le pastier de 12 pieds de long, de douze à douze, garni de sa poillette et crapotins, prisé et estimé la somme de 28 lt.
- Item, la lanterne garnie de ses frettes, fuseaux et sa croisée, prisée et estimée la somme de 22 lt.
- Item, la nitte et le fer de 4 pieds de long sur la grosseur, prisée et estimée la somme de 40 lt.
- Item, six pièces de bois servant à porter la meule gisante de 6 pieds de long sur deux de quatre de quatre pouces, …, prisées et estimées la somme de 3 lt.
- Item, la huche et son dodinage de 7 pieds de long et 3 de large de dehors en dehors, prisée et estimée la somme de 36 lt.
- Item, les grande et petite blatteries garnies de leurs pivots crapotins, bourdonniers, battes et baguettes, prisées et estimées la somme de 7 lt.
- Item, l'escalier servant à monter aux meules composé de deux tenons de 9 pieds de long et de 12 marches, prisé et estimé la somme de 5 lt.
- Item, la roüe servant à monter le bled, garnie de ses deux tourillons, cables et trois frettes, prisée et estimée la somme de 6 lt.
- Item, le grand et petit engins garnis de leurs cables et vingtaines, prisés et estimés la somme de 45 lt.
- Item, les quatre pièces d'enchevêtrures de 7 pieds de long, de 5 à 7 pouces de gros, prisés et estimés la somme de 12 lt.
- Item, les deux trémies, augets, le frayou, les trémillons, portes trémillons, la cerce, la sonnette, l'âme et ses converneaux, prisés et estimés la somme de 24 lt.
- Item, la meule courante de 6 pieds 2 pouces de diamètre sur 9 pouces d'épaisseur, prisée et estimée à raison de 30 livres le pouce, la somme de 270 lt.
- Item, la meule gisante de 6 pieds 2 pouces de diamètre et 11 pouces 3 lignes d'épaisseur, prisée et estimée à raison de 30 livres le pouce, la somme de 337 lt. 10 sols.
- Item, la masse, le pipoire, trois marteaux à rabilles, coins de levée, un rouleau, l'orgueille, la pince, la corbille et le quart, prisée et estimée à raison de 30 livres le pouce, prisés et estimés la somme de 13 lt.
- Item, les varrins garnis de leurs semelles et écrous, prisés et estimés la somme de 5 lt.
- Item, la trempoire garnie de son épée de fer, cordages, son pisou et la levée servant à lever la meule et ses deux boulons de fer, prisé et estimé la somme de 85 lt.
- Item, le plancher de devant les meules de 6 pieds 8 pouces de large sur 8 pieds de long arrênures et languettes en bois blanc, prisé et estimé la somme de 10 lt.
- Item, le plancher d'à côté des meules en bois blanc arênures et langettes, de 21 pieds de long sur 10 et demi de large, prisé et estimé la somme de 52 lt.
- Item, le plancher de derrière les meules de 6 pieds de long sur 6 pieds de large, prisé et estimé la somme de 8 lt.
- Item, le plancher de la seconde chambre de 21 pieds de long sur 8 pieds 9 pouces de large, prisé et estimé la somme de 24 lt.
- Item, les six bluteaux et l'échelle à monter à l'anche, prisé et estimé la somme de 25 lt.
- Item, le plancher du poullailler, prisé et estimé la somme de 2 lt.
- Item, et le baillebled garni de son cordage, le mouton et la planche à monter à la huche, prisé et estimé la somme de 1 lt.
Ladite prisée s'est trouvée monter à la somme de 1.241 livres 10 sols tournois, sur laquelle faisant de foliation de celle de 821 livres à laquelle se trouve monter la souche dudit moulin restant au profit de Madame la marquise de Bréhant, propriétaire d'icelui , reste la somme de 420 livres revenante audit Thomas Laisné d'excédent de la souche, laquelle somme de 420 livres ledit Robine a présentement payée, comptée, nombrée et réellement délivrée en espèces sonnantes au cours de ce jour à la vue desdits notaires audit Thomas Laisné qui a pris et reçu ledite somme dont il quitte et décharge ledit Robine et tous autres. Seront les droits des présentes et des expéditions qui en seront délivrés, payées par moitié.
Qui sont tous les ustensiles, tournants et travaillants dudit moulin de Basset, la prisée et estimation desquels lesdits comparants experts ont déclaré avoir faites en leurs âmes et consciences par serment par eux fait et prêté es mains desdits notaires.
Antoine Robine et Marie-Anne Chalange, sa femme, sont installés comme meunier à Basset. Le registre paroissial de Longpont nous apprend la naissance de plusieurs enfants du couple au moulin. D'abord un garçon prénommé Antoine comme son père est baptisé le 15 janvier 1780 dont le grand-père François Robine, meunier à Remoulin est le parrain et Marie-Anne Victoire Boutroue, résidant à Villemoisson est la marraine. Une fille nommée Marie-Françoise est baptisée à Sainte-Marie de Longpont le 28 janvier 1781 en présence du parrain Louis François Divry, demeurant à Montlhéry et de la marraine Marie-Geneviève Clozeau, habitante de Guiperreux. Une seconde fille, Marie-Anne vient le 23 décembre de l'année suivante, baptisée le 30 en présence de l'oncle Thomas Bonnet, laboureur au diocèse de Chartres et la tante Marie-Louise Chalange, également Beauceronne.
Signatures des experts et notaires au bas du procès-verbal de prisée (1778).
Le 13 mai 1783, Antoine Robine transporte deux baux faits à son père par la marquise de Bréhant, à Guillaume Gillet, garde-moulin de Longjumeau. Il s'agit du bail du moulin de Basset avec dix arpents moyennant 940 livres et six bons canards, et quatre arpents moyennant 160 livres . Un accord fait sur une prisée de 1.822 livres est passé au château de Lormoy. Un garçon nommé François-Nicolas naît à Basset du couple Guillaume Gillet-Marie-Françoise Rousseau. Le baptême est célébré le 16 décembre 1783 en présence du parrain Nicolas Chevalier, meunier à Saint-Germain-lès-Arpajon et la marraine Marguerite Laumonier, épicière à Palaiseau.
Le bail d'affermage de 1786 est accordé à Louis Mainffroi par le receveur des terres de Lormoy, le sieur Dubourg avec tous les droits et devoirs des deux parties. La propriétaire s'oblige à tenir clos ledit moulin ainsi que les bâtiments. Le preneur s'engage à :
• entretenir les bâtiments de toutes les menues réparations locatives et maintenir en bon état les meules, tournant et travaillant dudit moulin,
• fournir, en cas de grosses réparations, les voitures pour assurer l'approvisionnement des matériaux et aller les chercher à deux lieues au plus du moulin,
• curer à ses frais la rivière qui donne l'eau au moulin et rendre la rivière en bon état en fin de bail,
• planter des peupliers et des saules autour des pièces de terre.
Le bail est accordé pour 9 ans moyennant un loyer de 187 livres 10 sols et six bons canards.
Le 26 juin 1786, la maîtrise des Eaux et Forest de la vicomté de Paris se transporte au moulin de Basset, appartenant à la marquise de Bréhant, retrouve le représentant du prieuré de Longpont, et vont jusqu'au moulin du Breuil à l'effet de faire faire le nivellement de la rivière et de constater d'où provient l'engorgement.
Louis Mainfroy, meunier à Basset
Avant la révolution de 1789, les seigneurs riverains de l'Orge, qui, seuls, avaient le droit de pêche, entretenaient les abords de la rivière. Leurs sujets en avaient la charge à titre de corvée. Cette fonction était d'autant plus importante qu'elle limitait les conséquences des inondations. Les meuniers devaient l'entretien de leur bief, morte-rivière et vannage. Après les évènements révolutionnaires, pendant quelques années, le cours d'eau n'est plus entretenu. C'est la loi du 14 floréal an XII qui établit la première réglementation des rivières non navigables, par la mise en place de syndicats de riverains, et régit leurs prérogatives et fonctionnement. Les attributions et fonctions de ces organismes portaient sur les curages, l'emploi des vases et l'entretien des berges ; ces travaux étaient exécutés tous les deux ans par les riverains, chacun sur l'emplacement de sa propriété.
Pendant la Révolution , c'est Louis-François Mainfroy qui tient toujours Basset avec Marie-Françoise Pescheux, sa femme. Au moulin, il leur viendra trois marmots :
• Marie-Françoise, baptisée le 20 janvier 1790 par le curé Dom Perret et tenue sur les fonts baptismaux par Pierre René Gouet, meunier résidant à Linas et Marie-Françoise Robin, épouse de Nicolas Finet, fermier du Mesnil-Forget à Nozay,
• Claude-Vincent, baptisé le 17 juin 1791 en présence du parrain Claude Pescheux résidant à Gometz, et de la marraine Marianne Mainfroy,
• Madeleine-Magloire, baptisée le 21 octobre 1792 par le curé de Longpont et tenue sur les fonts baptismaux par Jacques Durand, meunier à Linas et Magdeleine Mainfroy, résidant à Linas, lieu-dit de Guillerville. C'est l'avant dernier acte religieux avant la rédaction par l'officier publique de Longpont.
La marquise de Bréhant décède en janvier 1791. Dans son testament elle avait donné la nue-propriété de ses biens à Charles de Maillé, marquis de la Tour Landry , époux de sa belle-fille et l'usufruit à cette dernière (1), ce qui allait avoir une grande importance sous la Révolution quand les biens des émigrés étaient mis sous séquestres et vendus comme biens nationaux.
Un problème récurrent des moulins de l'Orge est la faible déclivité du lit de la rivière. Les hauteurs de chute doivent donc être limitées, d'où le système de repère inscrit dans l'œuvre du moulin. Profitant du changement de régime, le meunier de Basset avait voulu augmenter la puissance du moulin en augmentant la hauteur de chute. Ce qui provoqua inévitablement une chicane avec les usines en amont. Un extrait des minutes du greffe de la justice de paix de Montlhéry daté du 2 septembre 1796 mentionne : Jacques Alleaume, juge, après constatation de la hauteur du déversoir de la chaussée de Guiperreux, lequel se trouve entre les deux moulins, en présence des deux meuniers et de plusieurs autres, la hauteur a bien augmenté de 3 pouces . D'un commun accord, on la ramènera à un pouce et demi. Signé par le fameux Arranger.
Le meunier de Basset, Louis Mainfroy, meurt début 1799. Sa veuve, Marie-Françoise Pescheux reprend le moulin de Basset le 12 mars 1799. Le 10 novembre 1799, le juge de paix du canton, à la réquisition du citoyen Breton, meunier au Carouge, cite à comparaître la citoyenne veuve Maillé, propriétaire du moulin de Basset, demeurant à Lormoy, afin de faire baisser d'un pouce et demy le déversoir et le remettre tel qu'il était avant que Louis Mainfroy précédent meunier se soit permis d'en changer la hauteur. Le citoyen Breton comparait cinq jours plus tard devant le juge.
Voici l'extrait des minutes du greffe du "bureau du juge de paix et conciliation du canton de Montlhéry". « Aujourd'huy, 24 brumaire de l'an VIII de la République française, une et indivisible, devant nous Louis Pochonnet, juge de paix du canton de Montlhéry, département de Seine-et-Oise, assisté des citoyens Antoine Rémy Rondel et Jean-Pierre Richard Boudau, nos assesseurs assemblés en bureau de paix et conciliation. Est comparu le citoyen Breton, meunier propriétaire du moulin du Carouge, commune de Brétigny, y demeurant, lequel a dit que par cedula ( ?) à lui délivrée le 15 brumaire présent mois, notiffiée par Desplaces, huissier le 19, duement enregistrée, il a fait citer la citoyenne Maillé, propriétaire demeurante à Lormoy, commune de Longpont à comparoir ce jourd'huy en ce bureau, pour s'expliquer et se concilier si faire se peut sur la demande que le comparant se propose de former en justice contre elle comme propriétaire du moulin de Basset scitué en ladite commune de Longpont, afin de faire baisser d'un pouce et demy le déversoir qui se trouve sur la rivière d'Orge, entre la propriété du comparant et celle de la dite citoyenne Maillé ».
La veuve Mainfroy ne garde pas longtemps le moulin de Basset, puisque nous trouvons à partir de 1800 un nouveau meunier en la personne du citoyen Rainé. Le registre d'état-civil de Longpont nous informe que ce sont six gamins qui naissent au moulin de Basset de Mathurin Rainé, meunier à Basset et de Marie-Elisabeth Farges, sa femme.
• Mathurin Nicolas naît le 12 ventôse an VIII dont Marie-Madeleine Boirot, femme de François Brunot, meunier à Itteville eu lieu-dit Bruières, est la marraine,
• Denis naissait le 28 thermidor an IX. Les témoins qui le déclarent à la mairie de Longpont sont Denis Dormoy, marchand mercier à Linas, et Anne Fouquet, femme de Louis Noël Potel résidant à Montlhéry,
• Marie Élisabeth est enregistrée le 20 brumaire an XI par Louis Michel Etienne Josse, cultivateur, du lieu-dit Plessis, et Anne-Louise Denise Henault, femme de Louis Guyon résidant à Brétigny,
• Pierre est né à Basset le 21 ventôse an XII dont les témoins auprès de l'officier d'état-civil sont Pierre Peuvrier, et Francois Auclerc, tous deux vignerons à Guiperreux,
• Louis Edmond est le cadet de la famille qui naît le 12 janvier 1806. Il est déclaré par Louis Paul Le Touzé, régisseur du château de Lormoy, et Jean Chrétien Géoffroy John, homme de confiance, du lieu-dit Lormoy.
• Louis Marie naît le 18 avril 1807. Ses parrain et marraine sont Louis Nicolas Duval, jardinier à Lormoy, et Marie Madeleine Cossonnet, demeurant à Longpont,
Le 23 messidor an XI (12 juillet 1803) Mathurin Rainé, meunier, certifie que Jean Joseph Martinet, maître charpentier à Linas, est chargé de l'entretien des réparations éventuelles de son moulin. Le même jour, le citoyen Dubourg, maire de Longpont certifie l'authenticité de la signature du meunier de Basset. Au bas de cette lettre, le chef du bureau de police de la préfecture a écrit « d'après les nouvelles instructions du Ministre, les charpentiers occupés à des bâtiments ruraux comme moulins, granges, sont dispensés d'aller à Paris ».
La lettre du sous-préfet de Corbeil datée du 30 messidor an XI, reçue le 2 thermidor par le citoyen Divry , maire de Linas est écrite dans les termes « Je ne puis qu'approuver citoyen maire les mesures détaillées dans votre lettre pour l'exécution de l'arrêté préfectoral à la réquisition du charpentier. Il y a apparence que le citoyen Menoret vous a dit la vérité quoique ni vous ni moi n'en ayions été instruit par le Préfet, attendu que d'après mes instructions générales la mesure a été modifiée. J'ai l'honneur de vous saluer ». Signé Bénan.
Le 10 septembre 1809, l'officier d'état-civil de Longpont enregistre la naissance du fils de Pierre Auboin, nouveau meunier au moulin de Basset, « Henri Denis Auboin, fils légitime de Pierre Auboin, meunier à Basset et de Catherine Suzanne Legros ». Les témoins sont Henri Sébastien Chartier, âgé de 49 ans, marchand résidant à Antony, et Pierre Peuvrier, âgé de 50 ans, propriétaire du lieu-dit Guiperreux. Un autre enfant naît le 8 novembre 1815 : François Félicité, déclaré par Pierre Veron, 50 ans, marchand grainetier résidant à Montlhéry, et Philippe Mathurin Auboin, 44 ans, fermier résidant à Wissous.
En 1814, Mr le duc de Maillé, propriétaire de Basset, dépose une plainte contre Mr Dufosse, meunier de Grotteau, qui « retient les eaux produisant des effets nuisibles pour le fonctionnement de Basset ». La décision préfectorale du 22 décembre 1814 concerne les difficultés subsistantes entre le duc de Maillé propriétaire du moulin de Basset et Mr Duffossé celui de Grouteau. Il a été convenu de construire un déversoir à cette dernière usine dont la hauteur serait celle de la fausse vanne. Le propriétaire de Grotteau rétorque : « qu'ayant acquit du gouvernement le moulin de Grouteau dans l'état où il est ne peut et ne doive sujet à aucun changement et encore moins à construire un déversoir qui lui fera perdre son profit dans le temps des crues une partie des eaux ». Il demande que « la prise d'eau qui est en amont de son usine et qui alimente un grand canal dans le parc de M. le duc de Maillé soit supprimé » (4).
Plan d'alignement demandé par Mr Legault, locataire de Mr Say.
Le moulin de Basset au XIXe siècle
Au décès de la comtesse de Maillé, le domaine et le moulin passe dans les mains de son fils Charles-Armand, duc de Maillé et pair de France. Puis, les propriétaires suivants seront Jacques Paturle, industriel, ancien pair de France (2) et Constant Say et ses fils.
Le 7 décembre 1825, un bail est passé par Charles François Armand de Maillé, duc et pair de France, premier aide de camp de sa Majesté, maréchal de ses camps et armées, commandeur de l'ordre du roi et du Saint-Esprit, chevalier de Saint-Louis et de la légion d'honneur, demeurant en son château de Lormois, donne à loyer pour neuf années à Pierre Aubouin, meunier, demeurant dans le moulin qui va être désigné :
1°) le moulin de Basset sur l'Orge garni de ses ustensiles, avec deux corps de bâtiments, cour et jardin le tout pour 1.128 m2 ,
2°) une île en jardin contenant 3.827 m2 ,
3°) une pièce de 2.462 m2 ,
4°) une pièce de terre 28.879 m2 ,
5°) et un autre terrain 65.255 m2 .
Le bail fait moyennant 2.294 frs, 6 canards et 19 poulets, conduire 4 cordes de bois à l'hôtel parisien du bailleur, d'entretenir la rivière la boële quand l'autorité compétente le souhaitera.
En 1827, le duc de Maillé envisage la reconstruction du déversoir du moulin ; le courrier du préfet de Seine-&-Oise du 19 juillet autorise les travaux. Le repère sur la clef du pont est vérifié le 31 septembre de la même année le rapport mentionne « le repère gravé sur la clef du pont décrit en juin 1827 est intacte ». Deux ans plus tard, le duc de Maillé, propriétaire du moulin de Basset, doit réparer le déversoir de cette usine située sur la commune de Brétigny.
Extrait de l'acte de vente du domaine de Lormoy ( 10 septembre 1862 ).
En 1841, Mr Paturle, le nouveau propriétaire du moulin Basset, se plaint du manque de moyen pour l'écoulement des eaux. Après les expertises des ingénieurs des Ponts et Chaussées, des travaux importants sont entrepris en 1847 ; on note la construction du déversoir de Grotteau qui permet de contrôler le niveau des eaux, source de conflit permanent entre les meuniers. Le règlement des Ponts et Chaussées de 1841 donne indication des deux repères qui règlent le fonctionnement de ce moulin. Le nivellement de 1846 définit la hauteur de la vanne de décharge ainsi placée à 1m786 par rapport au repère Té inversé du pont. Le système hydraulique de Basset comprend un déversoir de 9m10 de longueur, une vanne de 2m55 de largeur et une autre vanne de 1m80 de largeur placée sur le moulin. Ces trois ouvrages sont sur la rive droite de l'Orge. La roue du moulin de Basset possède un rayon 2m639.
Le moulin de Basset est affermé le 31 octobre 1854 par le bail passé par Jacques Paturle, propriétaire du château de Lormoy, ancien pair de France, demeurant à Paris rue Paradis, au profit d'Auguste Ladurée, meunier, demeurant au moulin de Grouteau : « le moulin à eau faisant de bled farine dit de Basset, lequel sera garni de deux paires de meules et tous les tournants travaillants, vannes, ustensiles servant à son exploitation, le tout sera monté par le bailleur qui s'oblige de dépenser à cet effet 14.000 frs ». Les modifications seront faites sous la surveillance de Mr Decourt, ingénieur mécanicien à Essonne et les indications de Mr Ladurée suivant le devis fixé à 10.690 frs. Le meunier Ladurée payait un loyer de 2.325 frs pour Basset et 6.500 frs pour Grouteau près duquel il est fait mention d'un jardin fleuriste.
Le propriétaire de Lormoy décède au château le 23 juin 1858. Le 10 septembre 1862, la terre de Lormoy est vendue par Madame Claudine Lupin, veuve de Jacques Paturle et par les héritiers Paturle à Constant André Say demeurant à Paris, place Vendôme. Le domaine comprend les deux moulins sur l'Orge « qui traverse le parc » : le moulin du Grouteau, contigu au parc et le moulin de Basset, bâtiments, terres et prés en dépendant. Les vendeurs déclarent que suivant acte passé devant Me Foulon, le 31 octobre 1854, Mr Paturle a loué et donné à bail pour dix-huit années qui ont commencé à courir, le 1er novembre de ladite année à Mr Auguste Ladurée, meunier et à Mme Henriette Levasseur sa femme, demeurant ensemble au moulin de Grouteau, commune de Longpont :
• le moulin dudit Grouteau, situé sur le territoire de Longpont et sur la rivière d'Orge avec bâtiments, cour et jardin en dépendant,
• le moulin dit de Basset situé sur les mêmes territoire et rivière, deux corps de bâtiments, cour et jardin contenant ensemble 11 ares 28 centiares, plus une île formant jardin contenant 38 ares 27 centiares,
• une pièce de terre contenant 24 ares 60 centiares,
• quatre pièces de pré sur les communes de Saint-Michel et Brétigny contenant ensemble 2 hectares 80 ares 47 centiares,
• etc.
Fin de la meunerie à Basset
Alexandre Leclerc est le dernier meunier travaillant à Basset en 1872. Ayant cessé toute activité, le moulin n'est plus habité en 1876. En 1886, Mr Legault, locataire de Mr Henri Say au moulin de Basset. Dans sa monographie de 1899, l 'instituteur de Longpont décrit une fabrique de ferblanterie nouvellement installée dans l'ancien moulin de Basset dont les bâtiments avec la roue motrice ont été conservés. Dans les ateliers dirigés par Monsieur Bar et son contremaître Mr Lemaire, sept ouvrières et apprentis sont occupés au découpage, au tour, à la soudure et au polissage de milliers de pièces en fer blanc et en cuivre, pour la confection d'appareils d'éclairage et d'objets divers. Même reconverti, le moulin continue d'être sous l'autorité de l'Administration à qui le propriétaire demande « l'autorisation de réparer la roue du moulin Basset sise sur la rivière d'Orge à Longpont, de consolider le grillage et la vanne de la dite roue, et de faire à cette usine les rejointoiements en maçonnerie de mur de berges ».
Une fabrique de peignes en celluloïd s'installe à Basset en 1907. Elle est créée par Messieurs Petit et Poupard. Devenant la propriété de la famille Say, le propriétaire demande le déclassement du moulin en 1932 pour ne plus être assujettie à une imposition qui touche les utilisateurs de la force motrice.
La proposition du déclassement du moulin de Basset fut attentivement étudié par le Conseil municipal de Longpont en 1935 « la question de la suppression des barrages, consécutif au déclassement des moulins est une question des plus complexes devant être examinée sous différents aspects ayant des intérêts diamétralement opposés ». Les arguments ne manquent pas pour émettre des réserves et demander la seule démolition du vannage. Pour le propriétaire, obtenir le déclassement du moulin et la suppression des barrages c'est obtenir la suppression des charges pécuniaires y afférentes, c'est aussi la surveillance et l'entretien des ouvrages, sa quote-part dans le budget du garde-rivière et dans les frais de curage.
En ce qui concerne le moulin de Basset la quote-part annuelle dans le traitement du garde-rivière est de 1.232 francs et celle du dernier curage de l'Orge de 8.816,90 francs. Pour les cultivateurs riverains, c'est espérer que l'eau s'écoulera plus facilement et que les inondations seront peut-être moins fréquentes, ce qui n'est pas certain vu la rapidité actuelle de l'arrivée des eaux. Au point de vue de l'hygiène et du bien-être public, c'est la crainte de voir, en raison du mince filet d'eau s'écoulant dans le lit de la rivière, la transformation de l'Orge en un cloaque, en raison des égouts, des eaux résiduelles des usines s'y déversant, des roseaux, des arbrisseaux qui ne tarderont pas à croître dans le lit même de la rivière, rendant son entretien impossible, c'est la suppression de la pêche, des baignades si fréquentes, des lavoirs, etc. Pour les riverains et les communes traversées par l'Orge, c'est la certitude de voir augmenter leur participation pécuniaire à l'entretien de l'Orge, d'autant que le propriétaire de ce moulin ne paiera plus une part qui logiquement ne lui incombe plus. Le Conseil fait aussi remarquer « que le règlement prévoit qu'en cas de déclassement le propriétaire du moulin déclassé devra remettre la rivière dans son lit naturel, c'est-à-dire dans le thalweg, et qu'en ce qui concerne Basset, cette clause ne peut-être remplie puisqu'il existe des usines en dessous de ce moulin » (3).
La commission exécutive de l'Orge se réunit le 23 mars 1937 après examen des demandes de Monsieur Albinet, propriétaire du moulin Basset et Laval du moulin Cholet transmet au préfet un avis favorable pour le déclassement du moulin. Conformément au règlement du 12 septembre 1842 modifié par un décret du 18 mai 1850, le moulin fut déclassé le 27 août 1938, la vanne amont fut supprimée et le déversoir arasé à 0m70 en contre-haut du fond de la rivière.
Notes
(1) La comtesse de Maillé était demoiselle Madeleine Angélique Charlotte de Bréhant, fille unique du marquis de Bréhant qu'il avait eu de son premier lit avec Jeanne Angélique Delpech morte à l'âge de 26 ans. Arrêté en 1793, la comtesse échappa à la guillotine pour un défaut d'écriture. Elle mourut à Paris en 1819.
(2) En 1837, le domaine de Lormoy fut acquis par Monsieur Jacques Paturle, un riche industriel et homme politique originaire de Lyon, un manufacturier de l'industrie lainière, filature et tissage, implanté dans le Cambrésis à Fresnoy-le-Grand et au Cateau Il fut élu député du Nord (1830), puis député du 8e arrondissement de Paris (1831 et1834). Paturle accéda à la Pairie de France (Sénat) en 1837 privée. Il fut conseiller municipal de Longpont lors des élections du 26 août 1848 « le citoyen Paturle Jacques a répondu à l'appel et a déclaré qu'il acceptait les fonctions de Conseiller municipal » sous l'autorité du citoyen Cossonnet Jean-François, maire.
(3) Thalweg [all. Thal «vallée», et weg «chemin»]. Ligne de plus grande pente d'une vallée, suivant laquelle se dirigent les eaux.