Le fief de Bellejambe (1) les origines (1260-1530)

Cette chronique est la première d'une série qui va retracer l'histoire de ce lieu (1) situé à Marcoussis (Essonne). Plusieurs récits ont déjà été publiés dans la Chronique du Vieux Marcoussis concernant Bellejambe : la pierre de la chapelle Sainte-Catherine de Guillerville, le moulin de Guillerville et le ruisseau de la Flotte, le dernier seigneur de Bellejame, l'exil de son fils en Allemagne, la ferme du petit Bellejame à Nozay, enfin le fief du même nom existant à Longjumeau.

 

J-P Dagnot Janvier 2011, Ajout Janvier 2014.

 

Extrait d'un plan terrier du XVIIIe siècle .

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Préambule

Il y a une dizaine d'années, votre auteur, ne disposant pas de moyens d'expression, s'était adressé à un hebdomadaire local pour faire connaître une partie de ses recherches. Bien mal lui en pris, d'une part ses articles ont été tronqués, les images associées croisées... Bref ne retrouvant l'original des récits, la confusion entre le château de Marcoussis et celui de Bellejame, j'ai préféré arrêter ce type de présentation.

De plus, un historien ayant rédigé un mémoire sur Bellejame a cru devoir défendre l'histoire locale en envoyant un courrier à la directrice des AD91 et aux maires de la région disant qu'il fallait faire cesser mon affligeante histoire de Marcoussis et en particulier de Bellejame, mon incompétence et mon individualisme... Également, j'étais accusé d'avoir copié une de ses phrases disant que «  la fontaine de la Flotte coulait depuis plus de cinq siècles...  » .

En 2000, l'installation du Centre National du rugby (CNR) de la Fédération Française de Rugby (FFR) sur le site de Bellejame a occasionné des fouilles archéologiques... (2) . Sachant ce qui allait se passer j'ai néanmoins ouvert le contenu de mes travaux à un chercheur de l'AFAN qui était chargé des recherches historiques. Ses collègues ont produit un mémoire avec références bibliographiques, ce qui a permis à d'autres de publier un mémo historique reprenant une partie de mes travaux et contenant ces références, sans évidemment citer mon nom. Néanmoins, je me suis réservé quelques documents pour piéger les copieurs.

 

 

Les documents anciens

Comme à l'accoutumée, nous trouvons les premières informations en recherchant dans les archives des ordres religieux. Ainsi, au mois de septembre 1260, Béatrice de Montlhéry et sa fille Odeline «  Beatricis de Monte-Letherico et filie ejus  » font une transaction avec les religieux de l'abbaye des Vaux de Cernay (Charte DCVI) . La veuve de Jeubert surnommé le Moine-Blanc «  dicti Monachi-Albi  » conteste la donation avec clause d'usufruit faite au monastère «  conventui Vallium Sarnay » en pure et perpétuelle aumône de trois arpents de vigne au terroir que l'on dit la Flotte et trois autres arpents au terroir que l'on dit Luisant... La contestation porte sur le fait que ces terres provenaient du patrimoine matrimonial de Béatrice. Finalement, une somme de 20 livres parisis est donnée à la veuve pour éteindre la chicane.

Trente ans après, Frère Baudoyn, commandeur du Déluge acquiert des vignes de Jehan Blanche l'aisné et de Mahault sa femme, dont ung arpen au Pont-fermé, tenant à l'aunoy de Guillaume Beljambe... ces héritages mouvant de ladite maison du Déluge.

 

Généalogie "plausible" de la famille Bellejambe.

 

Pour les initiés, les deux toponymes Flotte et Pont-fermé sont les termes caractéristiques donnés à ce lieu, et existent déjà au XIIIe siècle. Nous verrons qu'ils sont attachés à la terre de Bellejambe. Vu le peu d'informations concernant ces époques, la première partie du récit incluera sans discernement, les personnages, les habitations, les lieux, terres, prés, ruisseau, etc.

 

Bellejambe au XIVe siècle

En l'an 1358, un acte spécifique met en scène Symon Bellejambe escuyer qui vend à maistre Loys Chatinel, chanoine de Chartres, 10 droitures appartenant à lhostel de Lourme, dont chacune des droitures comprend troys mynes d'avoyne deulx chappons ... Le reste de l'acte ne nous apporte rien sur la famille Bellejambe.

Référons-nous toujours aux déclarations classiques en commençant par celle de 1367, où Guillaume des Préaux, seigneur de Marcoussis dans son aveu et dénombrement de la terre de Marcoussis , cite dans ses arrière-fiefs, item ung arrière fié que tient Guillaume Bellejambe près de Chenanville. Nous verrons également dans la suite de ce récit que la dénomination Bellejambe ne remplacera celle de Chenanville, qu'à partir du XVIe siècle. Un autre aveu rendu au roy met en scène Lyénord Dormoy, dame de Villiers, qui tient du roy à cause de son chastel de Montlhéry ... ung arrière fié séant à Lonjumel que tient Guillaume Bellejambe ... Les deux lieux Marcoussis et Longjumeau sont donc cités et appartiennent au même personnage.

Un second acte est donné au chasteau du boys de Vincennes en 1379. Cette fois l 'information vient d'une fondation de messe demandée par un docteur en loys et en décrets. Ce personnage s'adresse aux religieux de Sainte-Katherine du Val des Escolliers, et, pour obtenir ce service annuel et perpétuel, délaisse un certain nombre de biens situés dans notre région, retenons celui qui nous intéresse: quatre arpens de pré en une pièce, tenant à Raoul Lavenant, et d'autre à Guillaume Belle Jambe, séant au terroir de Marcoussis et mouvant en fief à une seule foy et hommage de Bernard de Montlhéry, trésorier en Dauphiné...

En 1381, nous allons connaître le suzerain du lieu qui nous intéresse: les frères de Montmort, seigneurs de Briis, rendent leur aveu de Vaugrigneuse et mentionnent dans leurs arrières-fiefs : ... Guillaume Bellejambe, escuier, à Chenanville les Montlhéry... Ce type d'acte se répètera plusieurs fois nous permettant de confirmer les propriétaires du fief de Chenanville, donc du futur Belllejambe.

Dès l'échange de la terre de Marcoussis réalisé entre le Roi et Ferry de Cassinel en 1387, Guillaume Bellejambe rend aveu au roy: «  Sachent que je, Guillaume de Chenanville dit Bellejambe, escuier , confesse et advoue tenir en fief à une seule foy & homage du roy nostre sire, à cause du chastel ou maison fort de Marcoussis, les bois terres & fiefs qui ensuivent, c'est à savoir 7 arpens de bois ou environ que jay à la Broce, tenant à Jehan le Breton, seigneur de la Bretonnière d'une part, et aux hoirs feu & saige Raoul Lavenant, deux pièces de 9 arpens de terre dont sept sont en friches ... item 7 arpens de prés en friche sous le Déluge au lieudit Hercepot .... item le fief que Jehan Lecourtillier tient de moi assis au Mesnil Froger ... ». Ledit Jehan Lecourtillier fait de même pour ses biens relevant de Guillaume Bellejambe. Cet acte va être à l'origine de méprises dans les siècles suivants, en effet le roy va se défaire de Marcoussis, et "certains" vont continuer de demander de rendre compte au roy ...

Après la donation de Marcoussis faite par Ferry de Cassinel à Jehan de Montagu, ce dernier achète en 1398 les biens de Guillaume Bellejambe: devant Jehan Giroust, prévost de Montlhéry, vint présent en jugement Guillaume Bellejambe, escuier demeurant à Chenanville, si comme il disoit, en ma présence, affirma qu'il possédoit les héritages, cens, rentes et possessions qui ensuyvent assis à Chenanville, c'est à scavoir:
- 7 arpens de boys à la Broce...,
- item 9 arpens tant terre que friches audit lieu de la Broce,
- item ung fief que tient Jehan le Courtiller changeur et bourgeois de Paris contenant 38 arpens de boy et 10 de gastines mouvant du seigneur de Marcoussis,
- item 4 arpens d'aunois assis audit lieu de Chenanville avecques lhostel, jardin, coulombier, fosses à poissons, et autres appartenances dudit hostel, ...,
- item le champart de 7 arpens de terre, assis audit terroir de Chenanville,
- item le pressoirage de de 3 arpens de vigne, assis iceulx audit Chenanville,
- item 12 livres parisis de menus cens, ..., au terroer de Chenanville,...,
- item 2 arpens de vigne devant ledit hostel, ...,
tout ce que dit est mouvant et tenu en fief de Jacques de Montmor, seigneur de Briis et Vaugrigneuse, à cause dudit lieu de Vaugrigneuse, ..., ledit Guillaume Bellejambe avoit et a vendu,..., audit Monseigneur de Marcoussis, ...,
sauf et réserve:
- ung arpent d'aunoy séant audit lieu de Chenanville à la fontene, tenu à cens de lhostel du Déluge qui n'est pas compris en cette vente,
- et sauf aussi audit Guillaume Bellejambe, le jouissement de tout ce présent dit est, de maintenant jusques à tant & si longuement sa vie durant, avecques ses proffits et revenus, ..., et est tenu ledit seigneur de soustenir ledit hostel en bon estat à ses despens la vie dudit Guillaume durant, ...,
- et est toute ladite terre chargée de 4 septiers de vin de pressoir envers par an dosmosne à lhostel Dieu de Montlhéry,
- de 4 sextiers de vin de pressoir dausmosne envers le prieur de Marcoussis chacun an,
Ceste vente aussi faicte pour la somme de 500 livres tournois francs audit Guillaume Bellejambe, ..., dont il s'est tenu bien comptant ...

Cet acte est important, il confirme que le lieu que l'on appelle de nos jours Bellejame, a appartenu à Guillaume Bellejambe, qu'il relevait du seigneur de Vaugrigneuse, et que la fameuse source relève du Déluge et ne fait pas partie de la déclaration. Au dos de l'acte mentionné: aveu de Guillerville sous Montlhéry.

 

 

Bellejambe au XVe siècle

Au début du XVe siècle, l'appétit de Jehan de Montagu, seigneur de Marcoussis, est toujours intact, il a déjà acquit la seigneurie de Guillerville, il lui manque un moulin digne de ses acquisitions dans la région, celui du Guay est de capacité insuffisante en raison du peu de débit de la Sallemouille. Donc il acquiert le moulin de Guillerville à Jehan Labbé. Notons dans cet acte que: ledit moulin est chargé de 12 deniers de cens à lostel de la flote à cause & pour raison d'un ruissel de fontene appelé le ruisseau de la Flotte qui eschoit en la rivière et cours dudit molin ...

Rappelons nous que la famille Bellejambe avait soustrait de ses biens vendus à Montagu, ung arpent d'aulnoy. Trois ans après la première vente, Jehan Bellejambe, demeurant à Marcoussis, en son propre nom, et comme tuteur et curateur de Guillaume de Bellejambe, son frère, fils de feu Lucas de Bellejambe et de feu Jeannette, vend un arpent d'aunoy assis à Chenanville, tenant d'une part à la Fontaine, et de toutes autres parts au vidame, en la censive de lostel du Déluge, chargé de douze deniers de cens... Les autres héritages vendus ne nous intéressent pas, ils se trouvent à Longpont ... Après cet achat le seigneur de Marcoussis détient l'hôtel de Guillaume Bellejambe, l'aulnoye tenant à la Fontaine et le ruisseau qui permet d'alimenter le moulin de Guillerville. Montagu acquiert également des vignes en censive de lhostel de Chenanville:
- demy arpen à Robinette, femme de Hayes de Luarque, moyennant 14 lt,
- demy arpen à Mariot Cordonier, tenant à celle de Hayes de Luarques au dessus de celle qui fut à Guillaume Bellejambe pour la some de 30 escus d'or.
- demy arpen de vigne à Maciet Cordeau cordonnier à Chenanville, au dessus de la vigne de feu Guillaume Bellejambe, moyennant 30 escus d'or.
Le locataire Guillaume Bellejambe n'aura pas joui longtemps de son bail à cens, la vente ci-dessus faite en 1402. Rappelons pour mémoire l'achat par Montagu deux ans avant sa triste fin de l'hôtel de Bellejambe à Longjumeau en 1407.

La guerre de Cent Ans passe dans la région avec ses dégâts... Nous reprenons le récit avec l'aveu rendu; en 1468, par les Célestins de Marcoussis, pour leur pièce de bois de 38 arpents au Mesnil Fruger, à Monseigneur Jehan de Graville seigneur de Marcoussis et de Chenanville, à cause du fief de Chenanville qui fut à feu Guillaume Bellejambe... Pour la petite histoire, dans cet acte, le procureur du seigneur agit au nom de son épouse, Marie de Montauban.

Le commandeur du Déluge revient sur ses terres pour estimer ce qui reste de la commanderie et en faire l'inventaire. Ainsi, il note en 1473 les censitaires de Chenanville:
- Jehan Dumons, pour une pièce de terre d'ung arpen tenant à la fontaine aboutissant à la rivière, et par en hault à Noel Peuvrier,
- luy mesme pour, un aultre arpent tenant à Jehan de Vennes, et par en bas au seigneur de Marcoussis,
- ledit Jehan Dumons pour ung aultre arpen au ruisseau de la Flote, qui tient à Jehan Fichet et par en hault à nous mesmes
- item ledit Dumons, pour la moitié de deulx arpens contre son nepveu, tenant à Jehan Baudry, dito à la Flotte,
- Herry de Vennes, pour l'autre moitié de deulx arpens, tenant audit Dumons,
- Luy mesme pour ung arpen de la pièce des sept qui furent à Jehan Nicolas,
- Guyot Oppinel pour l'autre partie des sept arpens,à la Flote,
- Jehan Fichet un arpen daunoy à la Flote, tenant à Jehan Dumons d'une part et de l'autre à Hervy de Vennes, ...,
- Jehan Pinoy à cause de sa femme pour ung arpen assis à la Flote tenant à Guyot Oppinel aboutissant au chemin royal par hault et par bas à Noel Peuvrier,
- Guillaume Chaumon, pour ung arpen d'aunoyes tenant à Jehan Lepage ...,
- Michel Lenormand pour ung arpen de friche séant à la Flote, tenant à Jehan Baudry,
- Simon Peuvrier pour ung arpen et demy assis au chantier de la Flote, ... aboutissant à la rivière,
- Jehan de Vennes laisné pour 4 arpents assis à Chenanville, ...
- Jehan Dumon le jeune pour le tiers de 4 arpens, ...
- Jehan Legrant pour 2 arpens daunoy à Chenanville tenant au seigneur de la Roe, d'autre au seigneur de la Norville, par hault à lourmoy de Chenanville, ....
- Gervaise Boynoeuf pour 9 arpens de pré au chantier de la Flote tenant à Michault Peuvrier, ...
- Noel Peuvrier, pour ung arpen tenant à ..., item pour 3 quartiers au chantier de la Flote, ...
- Martin Haudry pour deux arpens daunoy assis à la Flote tenant au chemin du roy, d'autre à la rivière, aboutissant à Jehan Nicolas,
- Gallerin Durant pour demy arpen assis à la Flote, tenant à Phelipot Boulart, ...
- Didier Giboys pour ung arpen de pré assis à la Flote, tenant à Noel Peuvrier, ...
- Michau Goez pour deulx arpens daunoys assis à la Flote, tenant à la rivière, ... item 3 autres aunoyes ,
- Jehan Dumas pour deulx arpens d'aunoys séant à la Flote, ...
- Jehan Legay pour deux arpents d'aunoyes assis prez du ruisseau de la Flote, .. et d'autre au chemin du roy ,
- Didier Boucher pour ung arpen daunoye séans à la Flote, ...,
- Jehan de Vennes , ..., item pour 3 quartiers d'aunoys séans au moulin neuf,
- Gasselin Duran pour deux arpens et demy de pré séant à la Flote ...,
Cette longue énumération, qui ne comprend pas les déclarations propres au hameau de Chenanville, montre à l'évidence que Montagu n'avait sélectionné que les lieux dignes d'intérêt.

En 1490, un bail est fait par Amagnon de Garlande, seigneur de la Roue, à Yvonnet Hubert, de l'hostel de Chenanville, appelé l'hostel du coullombier. L'examen des terres louées: 40 arpents de prés en trois pièces montre qu'à Chenanville, deux hôtels portent le même nom, et qu'il est clair qu' il ne s'agit pas de l'hostel des Bellejambe.

 

Bellejambe à Estienne Le Prévost

Nous arrivons en 1493 pour retrouver le lieu qui nous intéresse. L'homme de confiance de l'amiral de Graville, Jehan Despinay, évêque de Nantes, agissant comme procureur général dicelluy seigneur de Graville (3) , fait venir le tabellion au château de Marcoussis pour rédiger un bail à tiltre de pur cens, portant lods et ventes, par le seigneur de Graville à Estienne Le Prévost, marchand cousturier demeurant à Marcoussis. C'est à savoir une masure, cour, jardin, avec onze quartiers de terres, prez Chenanville anciennement nommé lostel de Bellejambe, Lesdites masures contenant troys quartiers et demy, tenant d'une part à la rivière, et d'autre part au chemin tendant de Chenanville au pont fermé, aboutissant d'un bout au chemin tendant de Chenanville au Fay & d'autre bout au carrefour du pont fermé... Ce présent bail fait moyennant le prix et somme de deux sols parisis de cens pour lesdites masures et jardins dessus dits et pour lesdits 11 quartiers de terre au prix de ung denier parisis par arpent aussy de cens... et sera tenu ledit preneur faire bastir et édifier sur lesdites masures & icelles avec les terres dessus dites.

Ce document est d'une grande importance. D'une part, il correspond, à quelques quartiers près, à l'hôtel de Guillaume Bellejambe vendu un siècle plus tôt à Jehan de Montagu ; d'autre part, il sera réutilisé au XVIIIe siècle par le seigneur de Bellejame pour attester de sa mouvance. On peut admettre que ce bail récompense le serviteur de l'amiral.

 

 

Bellejambe aux Célestins puis à l'amiral de Graville

Donc depuis 1493, le propriétaire de "Bellejambe" est Estienne Le Prévost, couturier de Marie de Balsac, épouse de l'amiral. Le personnage doit avoir plusieurs cordes à son arc, nous le retrouvons comme homme honorable, taillandier, chez deux notaires parisiens. Il demeure à Bellejambe . En 1503 il perd son épouse et conclut un contrat avec les Célestins pour qu'elle soit inhumée en leur église.

Trois après, il retourne au monastère et devant deux notaires parisiens, il rédige ses dernières volontés: aucumement infirme de corps, toutefois saint de pensée et de bon vray propre mémoire et entendement, ... désirant faire oeuvre méritoire de ses biens, ordonne et dispose ce qui ensuit:
- son corps estre inhumé et enterré en l'église des Célestins de Marcoussis, au lieu où est enterré sa feue femme et pour ce faire délaisse deux arpens assis au Marchais,...
- ... également dire des messes un de profondis pour ses parents et feue mademoiselle ladmirale, ...
- item, les autres biens meubles et immeubles assis en Normandie donnés à son frère,
- item donne auxdits religieux, tout et chacun des autres biens meubles et immeubles rentes et autres dettes quelconques qui sont situés et assis en la vicomté de Paris et spécialement à Marcoussis et Montlhéry pour dire des messes jusqu'à la valeur desdits biens,...
- item à ses nièces, la somme de 20 livres tournois,...

Les messes à l'intention de Marie de Balsac montrent à l'évidence ses rapports privilégiés avec la famille de Graville. Il décède dans les mois qui suivent. Son frère, Richard Leprévost, demeurant en Normandie, se rend à Marcoussis. Seul héritier, de feu Estienne Leprévost, en son vivant serviteur de l'amiral, en son nom et se portant fort pour toutes ses nièces, confesse avoir reçu la somme de 40 lt avec une robe de drap noir, consent que tous les biens, meubles, immeubles, soient délaissés aux Célestins. Ces derniers deviennent ainsi propriétaires de Bellejambe. Que se passe-t-il ensuite?

Un écrit sans date mentionne: en la présence de moy, Anthoine Jacquart, clerc sustitué, come juré, en l'absence de Gérard Guérin, tabellion juré en la prévosté de Montlhéry , fut présent hault et puissant seigneur Monseigneur Loys de Graville, admiral de France, lequel a voulu et consenty que les religieux, prieur, et couvent de la Sainte Trinité de Marcoussis, recoivent tous et chacun les arrérages consentis par transaction et transport à luy fait, ce jourd'hui, par lesdits religieux, ..., du fief terre et deppendances de Bellejambe, ensemble des terres acquises de feu Estienne Prévost selon le contenu d'icelluy transport et transaction en promettant par luy leur baillé et céder les lettres et titres que les religieux lui ont baillé. Les Célestins ont clairement hérité de Bellejambe et l'ont cédé au seigneur de Marcoussis. Cette affirmation est confirmée par l'analyse du registre en langue latine des fondations du couvent des Célestins de Marcoussis qui mentionne pour Estienne Le Prévost: « pour la fondation d'un obit et d'une messe basse chaque jour célébrée avec des oraisons en faveur des Serviteurs de la Croix et enfin un De Profundis et Fidelium, il nous donna le fief de Bellejame, qui par la suite de ce legs a été retiré de nos mains car le seigneur Louis de Graville ne nous permit pas de posséder ceci. Après, en retour, par un autre échange nous l'avons abandonné, vendu et transmis pour la somme de 300 livres tournois ».

Une confirmation de cette transaction est faite en 1508, par l'hommage de la terre de Bellejambe, enregistré dans les registres de la Chambre des Comptes, folios 717 & 512, liasse troisième. Ce document sera repris par Louis Lemaistre en 1652 pour justifier de la terre et seigneurie de Bellejambe: Scavoir faisons que nostre amé et féal cousin, conseiller et chambellan le sieur de Graville, admiral de France, nous a jourdhuy fait des mains de nos amis, les foy & hommage que tenu nous estoit faire pour raison de sa terre fief et seigneurie de Beljambe, tenu et mouvant de nous à cause de notre chastellenie de Montlhéry, auxquelles foy & homage nous l'avons reçu..., à luy appartiendra que pour cause dudit homage non fait, vous ne faites ne donnez à nostredit cousin aucun empeschement, au contraire reçoit sadite terre fief et seigneurie de Beljambe, estoit pour de prins saisit et arrestez ou aulcunement empeschez, ..., mettez les luy à pleine dellivrance, car tel est nostre plaisir , ...

Le résumé est simple, suite à la transaction et reprise aux Célestins de la terre de Bellejambe par Graville , les représentants du suzerain , mal à propos, ont demandé un hommage déclenché par une saisie. La suite de l'explication de cet hommage se déroule au XVIIIe siècle, en raison des chicaneries faites par le seigneur de Montlhéry à la dame de Marcoussis: il étoit inutile que Mr de Graville rendit foy et hommage de ce fief qui n'existait plus puisqu'il étoit éteint au moyen de la réunion opérée par la possession dans laquelle il étoit du domaine et du titre de ce fief, quoiqu'il en soit cette foy et hommage de 1508 ne nuit en lieu et droit de Mme d'Esclignac, puisque dans le vrai, elle ne sert qu'à prouver que la portion du domaine composant l'ancien fief de Bellejambe étoit mouvant de Montlhéry, comme la seigneurie de Marcoussis à laquelle ce petit domaine étoit réuni.

Mentionnons en 1507, l'achat par le fondé de procuration de Loys de Graville, des fiefs, terres et seigneuries de la Roue, Chenanville et dudit lieu de la Flotte , moyennant une rente en bled rachetable & évaluée à la somme de 55 livres tournois à Jeanne & Anne de Garlande espouzes de Pierre & Louis du Monceau, seigneurs de la Roue et Chenanville. Cet acte mal imprimé au XVIe siècle est aussi une source de confusion dans l'histoire de Bellejame. De tout ce qui vient d'être dit le seigneur de Marcoussis possède dorénavant tous les biens incluant: la Roue, Guillerville, Bellejambe, Chenanville et Marcoussis.

 

Bellejambe à Richard Hochet

Donc, l'amiral de Graville est redevenu propriétaire de cette terre. Cet état de fait est confirmé par le suzerain de Chenanville, Guillaume du Moulin, qui, dans son aveu de Briis et Vaugrigneuse, cite pour le fief de Chenanville les Montlhéry, Guillaume de Bellejambe et de présent Monseigneur lamiral. Quatre extraits concernant la seigneurie de Marcoussis et mentionnant Bellejambe peuvent décrire ce qui s'est déroulé:
- en 1512, Loys de Graville rédige un premier testament dans lequel il est mentionné à l'article xxiii, item donnons et lèguons à Richard Ochet, nostre vallet de chambre, oultre et par dessus le viager que luy avons faict par cy devant de nostre maison et lieu de Bellejambe, c'est assavoir 500 escus dor pour les bons et loyaux services qu'il nos a faict et espérons qu'il nous fera le temps advenir affin qu'il ayt de quoy se nourir et entretenir en vieillesse ...
- en juin 1515, un bail à cens, d'héritages scis à Bellejambe,
- un mémoire touchant le fief de Bellejambe donné par l'amiral à son valet de chambre nommé Richard Hochet et à la femme de chambre de Madame l'amiralle pour leur mariage.
- un état et mémoire de ce qui est en censive de Bellejambe.
Loys de Graville, à la fin de sa vie, est généreux. En 1515 il cède Bellejambe, par un bail à cens comme il l'avait déjà fait en 1493, cette fois les élus sont Richard Hochet et Jehanne Desmarez, son épouse, le serviteur et l'ancienne femme de chambre de Marie de Balsac.

L'amiral décède l'année suivante. Commence alors une succession longue et complexe. Extrayons ce qui nous intéresse:
- en juin 1519, trouvé au chapitre des dépenses de la succession: item lesdits commissaires ont baillé à à noble homme Richard Hochet, seigneur de Bellejambe, serviteur dudit seigneur, la tonture des prez qui tiennent prez des estangs pour la somme de 8 x 20, 19 livres (179 livres).
- la même information se trouve au chapitre des recettes: une somme de 234 livres restant, pour la tonture des prez dudit Marcoussis, venant d'une vente aux enchères au plus offrant et dernier enchérisseur, à la chandelle, en la manière accoustumée aux personnes quy s'ensuivent, c'est à savoir à Richard Hochet, seigneur de Bellejambe, pour la somme de huit vingts dix neuf livres tournoy et à Guillaume Charpentier pour la somme de trente cinq livres tournoy qui font le total de deux cens trente quatre livres.

Les informations se trouvent cette fois dans un document de 1541, très délicat à déchiffrer, retenons que : en juing 1521, devant le prévost de Montlhéry, Richard Hochet seigneur de Bellejambe prez Chenanville paroisse de Marcoussis et dame Jehanne de Graville, dame de Marcoussy, Guillerville, la Roue & Chastres prez Montlhéry et autres lieux, lesquels ont fait permutation & eschange ... Ledit seigneur de Bellejambe est encore vivant.

Devant les multiples versions concernant Bellejambe, ce récit ne prend que les faits réels. Nous arrivons en 1527, Richard Hochet est décédé l'année précédente, son épouse également selon l'acte qui suit. Nous sommes à Marcoussis, Estienne Petit, fils de Jehan Petit du Housset, laboureur, demeurant en la paroisse de la Magdelene de Marcoussis, pour lui en son nom d'une part, et Katherine fille de feu Richard Ochet, aussi pour elle et en son nom, d'autre part, lesquelles parties, pour la bonne et vraye amour naturelle qu'ils ont dit avoir l'ung à l'autre, de leur bonne volonté et et par le conseil , déclaration et advis de leurs proches parties et amis, recongnoissent avoir faict entre eulx les traités accords promesse et convention de mariage quy sensuyvent: ... Suit un texte classique ... Jehan Petit père dudit Estienne, promet par ces présentes de bien honnestement le vestir, chausser et habiller, selon que son estat le requiert... Iceulx futurs mariés font don égal et pareil de tout et chacun des biens meubles et immeubles qu'ils ont de présent, ... Il n'est pas question de Bellejambe!

L'année suivante, Jehan Mautrot et Jehan Petit du Housset, commissaires de par le roy au trésor, au régissement et gouvernement des biens fruits revenus du fief de Bellejambe, reconnaissons avoir baillé et délaissé à tiltre de loyer d'argent, jusqu'à ung an à Loys et Jehan les Blanchard, frères vignerons demeurant à Marcoussis, ung arpen de vignes en deux pièces...

Pour terminer cette première partie du récit mentionnons en l'année 1527: René d'Illiers, chevalier, seigneur de Marcoussis, d'une part, Jehan Lefèvre & Vincent son fils, marchans demeurant à Montlhéry, lesquelles parties font de leur bon gré, à savoir René d'Illiers baille à cens 4/5 à Jehan, 1/5 à Vincent, les héritages cy après déclairés venant du contrat de mariage avec Jehanne de Graville:
- une maison cour granche estables & jardins avec huit vingts arpens de terre appelés Troux, assis au terroir de Bruyères...
- une maison, cour, granche, estable, masure, jardin, 4 arpens de boys derrière la maison, 5 arpens de pastils et 86 arpens de terre appelés Chenanville...
Il s'agit de l'hôtel du Colombier à Chenanville déja baillé par les commissaires en 1518.

La suite de cette chronique va traiter de la prise de possession de Bellejambe par la famille Lemaistre. Rappelons la première version faite par Perron de Langres dans l'Anastase de Marcoussis qui a été ensuite recopiée ... Au XIVe siècle, Symon de Beljambe père de Guillaume , c'est une erreur, le père est Lucas de Bellejambe. Ensuite Amagnon de Garlande cède le fief de Bellejambe à Estienne Leprévost c'est également une erreur il s'agit de Loys de Graville au travers de son homme de confiance. Reste l'achat par Claude Lemaistre du fief de Beljambe à la veuve et aux héritiers de Richard Hochet ...

À suivre…

 

 

Notes

(1) La localisation satellite est centrée sur "la Fontaine de la Flotte". Rappelons que le domaine de Bellejame ( 43 hectares ) fut racheté en 2000 grâce à l'acquisition par la Fédération Française du Rugby de la partie nord et l'achat de la partie méridionale par le Conseil général de l'Essonne au titre des espaces naturels sensibles, La Salemouille faisant la limite de séparation des deux propriétés.

(2) La réalisation d'opérations d'archéologie préventive (diagnostics, fouilles) est régie par le code du patrimoine (Livre V, Titre II) et le décret n° 2004-490 du 3 juin 2004 relatif aux procédures administratives et financières en matière d'archéologie préventive. En vertu de la loi, la réalisation de ces opérations peut-être confiée soit à l'Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP), établissement public administratif crée à cet effet par la loi du 17 janvier 2001, soit à des opérateurs, publics ou privés, dont la compétence scientifique est garantie par un agrément délivré par l'État (d'après la notice du Ministère de la Culture).

(3) Jean d'Espinay était le cousin germain de l'amiral Louis de Graville (cf. la chronique « Louis Malet de Graville, seigneur de Marcoussis (XIX) Les cousins bretons »).