Le moulin de Biron (3) (1751-1891) |
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Chronique du Vieux Marcoussy --Marcoussis--------------- _------------------------------------- Avril 2010 Plan d'ensemble du cadastral napoléonien de Longpont (1811).JP. Dagnot C. Julien
Cette chronique poursuit l'histoire du moulin de Biron que nous avons commencée dans les textes précédents. Nous nous étions arrêtés quand le moulin était abandonné par la famille Coignet pour être laissé à Jacques Guignard, meunier au moulin à vent du Boulay. Nous avons également vu que la technique de la meunerie hydraulique héritée des savoir-faire de l'antiquité s'était développée tout au long du cours de la Sallemouille. Bien que la production céréalière augmente depuis 1720, l'exploitation d'un moulin de Biron reste traditionnelle avec de lourdes charges féodales (1).
Le moulin de Biron au XVIIIe siècle Au XVIIIe siècle, la Sallemouille traverse le territoire de Longpont en entrant par la Chartre en coulant en vive dite « rivière suspendue » et morte rivière, la première pour alimenter le moulin de Biron, la seconde pour lui servir de décharge, se rejoignent en aval, sortent de la paroisse au Carouge, ce qui représente un parcours de 1.230 mètres sans rencontrer d'affluent. La rivière manque fréquemment d'eau, en sorte que le moulin de Biron chôme en été mais tourne jour et nuit quand il pleut à verse. La rivière est large en moyenne de trois mètres et n'irrigue pas les prairies. Dans le terrier de la seigneurie de Villebouzin établit en 1772 on peut lire : « un moulin à eau appelé le moulin de Biron et un arpent et demi de terre en dépendant en un tenant sis au terroir près le chantier de Biron, tenant d'un long du midy à la rivière de Linas, d'autre long du nord audit chantier de Biron en censive de Longpont, d'un bout du levant au chemin de Leuville à Guyperreux et d'autre bout au couchant au chantier de l'Etang de Biron et au chemin de Biron à la Croix-Rouge Fer ». Dans son Histoire du diocèse de Paris, l'abbé Jean Lebeuf mentionne que « le moulin dépend de la seigneurie de Vilbouzin et appartient vers 1750 à Mr Labbé seigneur du lieu ». La direction du moulin est alors confiée au maître-meunier Jacques Guignard dont la femme Marie Finet décède à Biron le 29 août 1748 à l'âge de 68 ans. Il était aidé par le garçon-meunier Jean Hanau, âgé de 45 ans, décédé en 1747 sur son lieu de travail au moulin de Biron. La jeune servante Madeleine Fédon décède à l'âge de 23 ans chez maître Jacques Guignard ; elle est inhumée à Longpont le 21 août 1748. En 1751, Jacques Guignard abandonne Biron au profit de Denis Brément, musnier du moulin de Trévoyes à Bruyères, qui se rend, le 18 août, à Villebouzin pour signer le bail fait par Pierre Helvin, régisseur de la ferme de Villebouzin, procureur du baron de Ballainvilliers, Messire Simon-Charles Bernard, écuyer, époux de Marie-Madeleine Labbé. La prisée du moulin est demandée par Jacques Guignard, meunier sortant, et Denis Brément, meunier entrant. Le même bail est reconduit en 1758, par Charles Helvin, régisseur de la terre et seigneurie de Villebouzin. Denis Brement ne garde pas le moulin de Biron dont le bail est transporté trois ans après à Lhéritier moyennant 300 livres de souche au seigneur. C'est le meunier Jacques-Michel Mainfroy aidé de sa femme Marie Vaillot qui afferme le moulin de Biron vers 1765. Laissant le moulin à son beau-frère Simon Lecuyer, Mainfroy prendra le moulin de Basset en 1768 (2). Les affaires de Biron sont-elles prospères ? Malgré la montée du prix des farines, il semble que le moulin soit capable de faire vivre une famille en cette fin du XVIIIe siècle. En 1769 « Dame Louise Debernage, veuve de Messire Simon-Charles Bernard, baron de Ballainvilliers, seigneur de Villebouzin, conseiller du Roy en ses conseils, maître des requestes ordinaire de son hotel, ....., de présent au château de Ballainvilliers, tutrice de Messire Charles-Bernard, son fils mineur, seul et unique héritier de son père, laquelle a baillé à ferme loyer et prix d'argent pour neuf années, à Simon Lécuyer de l'état de meunier demeurant à Linois, le moulin à eaûe de Biron ». Le document nous apprend avec de nombreux détails la consistance du moulin de Biron : En 1776, le meunier du moulin de Biron confesse devoir à Claude Hariveaux 172 livres pour le prix d'une meule que ce dernier leur a vendu. Simon Lécuyer et sa femme Marguerite Mainfroy, fille des Mainfroy meuniers à Arpajon ont de nombreux enfants dont les aînés Simon et Angélique. L'été 1771 fut terrible pour ce couple qui perdit deux jeunes enfants, un bébé de 4 mois prénommé Louis et Marie-Denise, une fillette de 22 mois. Un garçon, Guillaume-Simon, naîtra le 8 février 1774 et deux jumeaux viendront le 12 juin 1775 : une fille prénommée Elisabeth dont le parrain est Jacques Lamy, meunier à Linas, et un garçon Denis-Gabriel dont le parrain est son oncle Denis Lécuyer, garçon meunier au Breuil. Deux autres jumeaux vont venir au monde l'année suivante, le 10 août : Antoine Laurent et Marie Marguerite. Un nouveau marmot arrive au moulin de Biron, c'est Jean-Baptiste, né le 27 octobre 1778 dont Louis Cahouet, marchand de blé à Montlhéry est le parrain. Des jumelles, Marie-Angélique et Catherine-Denise, naissent à Longpont le 2 avril 1780 (3).
Les Guignard, meuniers à Biron La famille Guignard constitue le témoignage que la meunerie reste bien une affaire de famille et que les deux types de moulins ne sont pas incompatibles. Depuis 1782, les fils de Jacques Guignard, l'ancien meunier de Grotteau (4), exploitent les moulins de la seigneurie de Villebouzin. Jean-Julien et sa femme Geneviève Malherbe sont à Biron pendant que Jean-Jacques et sa femme Marie-Catherine Nizet tiennent le moulin à vent du Boulay (5). Le 13 avril 1784, c'est le baptême de Jean-Jacques Julien, fils de Jean-Jacques Guignard, meunier au moulin à vent de Longpont et de Marie Catherine Nizet. Le parrain est son oncle, Jean-Julien Guignard, meunier au moulin de Biron. Se trouvant chez Loret, pâtissier à Francval, ci-devant Arpajon, le 8 germinal an II (28 mars 1794), Julien Guignard, âgé de 40 ans, meunier à Biron fut témoin d'une triste affaire. Pris de vin, un nommé Guenot, âgé de 58 ans, vigneron à Yon-la-Montagne, ci-devant Boissy-sous-Saint-Yon, proféra des propos anti-révolutionnaires contre Marat et Lepelletier qui n'étaient pas de mise en cette époque de la Terreur. Il fut envoyé devant le tribunal révolutionnaire à Paris. Le meunier de Biron fut convoqué devant le comité de surveillance d'Arpajon, puis à Paris, le 8 floréal (27 avril), pour témoigner en compagnie du citoyen Lupereaux lors du procès de Guenot. Malgré les nombreuses interventions en sa faveur, ce dernier fut condamné à mort et guillotiné le même jour pour le motif « complots tendant à la dissolution de la représentation nationale et au rétablissement du despotisme et tout autre pouvoir attentatoire à la liberté ». En l'an X, Charles Bernard de Ballainvilliers et demoiselle Marie-Henriette Blondel, son épouse, demeurant quai Voltaire à Paris, lesquels ont baillé à titre de rente foncière annuelle héréditaire dès maintenant et à toujours au citoyen Jean-Julien Guignard et sa femme demeurant audit moulin :
En 1820, Jean-Julien Guignard, Marie-Antoinette et Geneviève-Elisabeth Guignard ses filles héritières pour un tiers de Geneviève Malherbe leur mère décédée (6), ont loué et affermé à Anne-Elisabeth Guignard, demeurant chez son père aussi héritière du dernier tiers, le moulin à eau faisant de bled farine appelé moulin Biron, à la réserve d'une chambre. Le bail moyennant 700 frs en déduction de la rente de 290 frs au baron de Ballainvilliers. La prisée est estimée à 2.630 frs.
Les héritiers de Jean-Julien Guignard procèdent au partage de la succession la même année.
François Margat, meunier de Biron Anne-Elisabeth Guignard garde un temps le moulin de Biron, puis le vend en 1832 au sieur François Margat, meunier propriétaire demeurant au moulin de la Chartre (7), à Longpont. L'acte de vente reprend la désignation de 1824 :
Plan cadastral montrant le moulin de Biron sur la Sallemouille.
Dans son rapport de visite de 1838, l'ingénieur des Ponts et Chaussées conclut que la rivière est en bon état et ne bénéficie pas de règlement de curage. Le 21 février, le moulin de Biron appartenant à Mr Margat est toujours autorisé à moudre du blé. En 1846, le François Margat possède le moulin de Biron et le moulin de l'Étang à Linas. En 1847, le système extérieur comprend une vanne de décharge à 9 mètres en amont du moulin, sur la rive droite. Tout comme les lavoirs de Linas et le moulin de l'Etang en amont, le moulin de Biron est alimenté par la rivière suspendue et envoie, dans la rivière morte, ses vannes de décharge dont le seuil est réglé par le repère porté par un écoinçon de grès. Le système n'a donc pas encore de déversoir. Le procès-verbal du 21 janvier 1849 relatif au règlement du moulin mentionne que l'enquête diligentée par le maire de Longpont dudit moulin appartenant à Mr Margat, n'a fait l'objet d'aucune réclamation de la part du public. Le procès-verbal de recollement de travaux du 11 octobre 1853 décrit le système hydraulique du moulin (3): « sur la rive gauche de la rivière en face le milieu du déversoir nous avons fait sceller au ciment romain dans un mur de berge solide et anciennement bâti un repère en fer de la forme ordinaire dont le talon formant zéro a été placé à 0m217 en contrebas du repère provisoire. [le propriétaire] devra construire un déversoir en bonne maçonnerie de moellon avec mortier de chaux et ciment de 4m00 de longueur entre dosserets dont la couronne fourni par une assise de gresserie sera dévasée à 0m217 en contrebas du repère provisoire en forme de Té renversé ( ^ ) gravé sur la face nord de l'angle nord-est du bâtiment d'habitation dans son point apparent et accessible à tous lequel repère est décrit en procès-verbal de visite des lieux du 28 octobre 1847 ». Le règlement de l'eau de 1850 exige la construction d'un déversoir sur la rive droite , immédiatement après la vanne de décharge « en bonne maçonnerie de moellons de chaux et de ciment, de 4 mètres de long, dont le couronnement sera formé d'une assise de gresserie dérasée en contrebas du repère ; la vanne de décharge sera élargie et rehaussée ». Les travaux sont exécutés et, lors de sa visite, l'Ingénieur déclare « le moulin de Biron conforme à la loi ». L'inventaire après décès des biens du meunier de Biron est dressé en 1858 à la requête de Marie Jeanne Gilbert, veuve de François Margat, demeurant à Linas, rue Mauvinet. L'année suivante, le conducteur des Ponts et Chaussées constate la dégradation de la berge droite de la morte rivière en aval du moulin causée par la violence des eaux provenant de l'usine. Le mois suivant, le syndicat de l'Orge demande à « la dame veuve Margat de construire un mur de soutènement en maçonnerie de chaux et ciment le long de la berge droite de la morte rivière au point de débouché du canal de décharge ».
La fin du moulin Louis-Marie Charpentier est meunier à Biron en 1861. En 1872, le meunier Pierre Evre prend possession du moulin qui est détenu par Augustin Desrue en 1891. Cette même année, le propriétaire du moulin de l'Etang renonce à utiliser son moulin parce que « le nettoyage du bief occasionnerait une dépense supérieure à la valeur du moulin ». C'est l'effet de la crise de la meunerie qui se fait sentir en cette fin du XIXe siècle. En supprimant le rivière suspendue, on n'alimente plus le moulin de Biron, par contre les terres seront assainies. Le syndicat se prononce en faveur de la suppression. Le bief est vendu ; tous les ouvrages de retenue sont supprimés, enfin le bief est comblé pour cause d'insalubrité. Finalement, l'installation du moulin de Biron a été déclassée avant 1939.
Notes (1) Les guerres provoquées par la politique du Roi Soleil sont terminées sur tous les fronts européens et le réchauffement du climat de la décennie 1720-1730 ont permis l'amélioration de la conjoncture économique des paysans. La production céréalière n'a cessé d'augmenter entre 1715 et 1789, tout autant que les prix. Pour le froment, la hausse connaît une croissance de 55% entre 1771 et 1789, surtout sensible jusqu'en 1775. (2) La meunerie reste bien souvent une affaire de famille comme l'évoquent la propriété de plusieurs moulins par la famille Mainfroy. (3) L'étude des registres paroissiaux montre que la mortalité infantile est encore très élevée au XVIIIe siècle. Les accouchements restent des épreuves pour les mères entre les mains de matrones qui n'entendent rien aux nouvelles méthodes développées et enseignées en milieu urbain aisé. Sur les 12 enfants de la famille Lécuyer, 5 bébés seulement atteindront l'âge de deux ans. (4) Jean-Jacques Guignard, meunier à Grotteau, a épousé Madeleine Boutry qui lui donna une fille Madeleine mariée à Jean Couturier, meunier au moulin de Guillerville ; puis en secondes noces à Marie-Elisabeth Laval qui lui donna ses deux fils Jean-Julien et Jean-Jacques. (5) Plusieurs enfants du couple Guignard-Malherbe sont nés au moulin de Biron : Élisabeth-Geneviève (2 novembre 1783), Denys Julien (5 octobre 1785), Louise-Angélique (6 janvier 1787), Marie-Antoinette (22 janvier 1789), Jean-Pierre (29 nivôse an III) et Anne-Élisabeth (18 Brumaire an VII). (6) Geneviève Malherbe née en 1759 décède à l'âge de 61 ans le 14 février 1820 ; son mari Jean-Julien Guignard décède le 18 juin 1820. (7) Cf. Chronique " Le moulin de la Folie à Longpont ".
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