Chamarande (de 1789 à 1850)

Chronique du vieux Marcoussy_______________________________________--____---_ Mars 2012

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Généalogie des Talaru de Chamarande.

JP. Dagnot

 

 

Cette chronique est le troisième volet consacré à ce lieu qui sera appelé de nouveau Bonnes durant la Terreur. Nous nous étions arrêtés à l'aube de la Révolution.

 

 

 

La fin de César de Talaru

La première phase de la Révolution fut de s'attaquer au culte catholique. Pour les Talaru, Ange François, évêque de Coutances refuse donc de prêter serment début 1791 et est, de ce fait, destitué par la Nation. Ce proche du roi va s'exiler en Angleterre.

Son frère César, ci-devant comte de Chamarande n'a pas encore réalisé que sa position vis-à-vis de la famille royale et ses qualités militaires vont contribuer à sa fin. En juin 1791, la famille royale s'enfuit et est arrêtée à Varennes.

Le mois suivant, César reçoit un brevet de récompense nationale fait à son profit n°997, venant du département de la guerre , délivré en exécution du décret de l'Assemblée nationale du 7 avril 1791, lui donnant droit à une pension de 10.000 livres. Ce document est un intitulé provenant de l'inventaire après décès dudit César.

Le roi est suspendu en août 1792. Le mois suivant la belle-soeur de César quitte son appartement au château de Versailles. Le roi est guillotiné en janvier 1793.

Ledit César se plie aux exigences révolutionnaires et dépose ses décorations militaires comme le demande la Convention nationale.

Justine Sassenage, épouse de César, décède en mai 1793 dans l'hôtel de Talaru rue de Richelieu. Cette dernière par son testament, cède à son mari 125.000 livres, ses diamants et le portrait de sa fille. L'inventaire est demandé par les Sassenage, César n'étant pas commun en biens avec son épouse. Le lieu est la fameuse maison rue de Richelieu. César est présent ainsi que cinq domestiques de la défunte. Notons que ses soeurs viennent de Rouen, Grenoble, et que l'une d'elles est ci-devant abbesse du monastère supprimé de Sogon ... Dans l'inventaire relevons une pièce servant de cabinet d'histoire naturelle avec des oiseaux pétrifiés, serpents, roches ... Dans les titres la défunte était dame de compagnie de feue madame la Dauphine en 1780.

En juin, les Talaru sont sur la sellette, le procureur général du district d'Étampes écrit : l'administration m'invite à prendre des renseignements sur la résidence du citoyen Talaru (César), propriétaire à Chamarande, elle a été informée que le citoyen vicomte (Louis Justin) et le ci-devant évêque (Ange-François) étoient suspectés d'émigration… Joint à ce document est une demande de César qui d'une écriture tremblante réclame justice et soumet un mémoire non retrouvé.

Nous arrivons en octobre, suite à un procès sans preuve, Marie-Antoinette est décapitée. Le mois suivant le citoyen César Talaru verse 50.000 livres sur le grand livre de la dette. Également en novembre il verse 9.000 livres au titre de l'emprunt volontaire.

N'oublions pas que nous sommes sous la Terreur, que le quartier Lepelletier où se trouve le grand Hôtel Talaru est sous la férule de commissaires, qui d'après leurs écritures et leurs propos, peuvent être considérés comme incultes et sectaires. Or en novembre, César de Talaru a la fâcheuse idée de bailler au citoyen Pierre François Gense, traiteur et à sa femme Marie Rosalie Schaff, pour 9 années, une grande maison rue de Richelieu, section LePelletier paroisse Saint Augustin, laquelle a son entrée au n°278. Laquelle consiste au rez de chaussée, en une grande cour avec grande écurie à droite, logement de suisse à gauche, avec plusieurs remises et divers pièces au dessus du logement du suisse, un grand corps de logis en face de la porte cochère, un vestibule en entrant au rez-de-chaussée, et dans lequel en l'escalier, une antichambre un premier salon à gauche, un grand sallon, cabinet à cheminées avec sortie sur le jardin, chambre à coucher et cabinet en garderobbes, et autres petites pièces de commodités ; au premier antichambre, salon, chambre à coucher et autres pièces , plusieurs petits appartements au second étage, chambres de domestiques, au troisième étage et grenier au dessus des bastiments cave sous ladite maison. La plupart desquelles pièces sont garnies de lambris marbres et glaces. Il est expliqué que la petite maison située à côté de la grosse n'est pas comprise au bail. La jouissance sera à partir du premier janvier et moyennant 7.000 livres payables trimestriellement à terme échu. Dans les conditions notons que Talaru envisage de faire des boutiques donnant sur la rue de Richelieu! Ayant perdu son épouse, il loue donc sa dernière résidence...

Un tel évènement ne passe pas inaperçu... César baille également en janvier 1794, sous seing privé, un appartement dans la petite maison rue de Richelieu. Notons qu'il habite également dans cette maison.

À Chamarande, le même mois, les officiers municipaux, l'agent national les membres du conseil de la commune, se sont réunis à l'effet de vendre une table de marbre blanc servant à couvrir le mausolée du ci-devant caveau des ci-devants seigneurs du ci-devant Chamarande... Cette table a été adjugée après plusieurs enchères au citoyen Michaut pour la somme de 130 livres. On retrouve la plaque décrite par l'abbé Lebeuf . César à Paris ne pouvait ignorer ce fait et que l'on détruisait le caveau familial. La monographie de l'instituteur complète: l'église fut pillée, les statues brisées, l'instituteur va même jusqu'à citer la déesse de la Raison en la personne d'Angélique Victoire Crespin qui était âgée à cette époque de 38 ans. Le citoyen Crespin arpenteur juré fut dans cette commune, un des plus épris des idées nouvelles et le chef du mouvement révolutionnaire. L'église servit de Temple de la Raison et on y célébrait les mariages civils. En mars la belle-soeur de César est emprisonnée à Paris.

Durant cette période trouble la République cherche des maisons d'arrêt... Raffy, commissaire du quartier Lepelletier, connaît bien Talaru, ex-militaire et premier maître d'hôtel de Marie-Antoinette... L'hôtel de Talaru devient une maison d'arrêt avec son premier locataire César Talaru, âgé de 69 ans. Sans preuve, il payait 18 livres par jour pour une chambre de son propre hôtel qu'il avait loué en entier 19 livres! D'après un interrogatoire de Boutin, la maison d'arrêt a ouvert en janvier ou février 1794.

Citons Girault de Saint-Fargeau qui dit que l'hôtel fut converti en maison de détention où furent enfermés des personnes recommandables parmi lesquelles trois victimes seulement furent moissonnées par l'échafaud révolutionnaire : Boutin, ancien trésorier de la Marine, Laborde valet de chambre de Louis XV, ancien fermier général et Talaru propriétaire de l'hôtel

Nous sommes le 10 juillet 1794, voyons la déclaration du citoyen Raffy contre Talaru :

le cidevant marquis de Talaru, ancien cordon rouge et cidevant maître d'hôtel de la Reine demeurant rue de la Loix dans la maison darais de la section Lepelletier, tout le temp que la cidevant reine a été aux Thuileries, il ne l'a point quité jusqu'au 10 aoust , il était un de cais grand defenseur , jait signé cette déclaration dans mon ame et contiance.

signé Raffy, commissaire du comité civil de la Section Lepelletier.

Une seconde déclaration analogue est faite contre le citoyen Boutin qui de plus est revenu d'émigration!

Le 18 juillet, le comité arrête que les nommés Talaru, cidevant marquis, ex cordon rouge, et maître d'hôtel de la cidevant Reine,  et Boutin, ancien trésorier de la marine, détenus en la maison d'arrêt de la Section Le Pelletier, seront transférés es prison de la Conciergerie pour être jugés par le tribunal révolutionnaire comme prévenus tous les deux d'intelligence contre révolutionnaire avec la cidevant Reine et ledit Boutin d'émigration et de rentrée depuis la loi contre les émigrés ; que les dénonciations faites contre les sus nommés par le citoyen Raffy, commissaire du comité civil de la section Le Pelletier du 22 messidor, seront avec les autres pièces à leur charge remis à l'accusateur public près ledit tribunal qui poursuivra leur jugement ; charge le citoyen Martin de l'expédition du présent et l'autorise pour cet effet à faire toute réquisition nécessaire.

Les représentants du peuple, membres du comité de sûreté générale de la convention nationale

Le 22 juillet, le jugement n°963 concerne 25 prévenus dont Talaru. Le lendemain le comité de sûreté générale de la convention nationale contre les nommés Talaru, ex marquis et cordon rouge et maistre d'hôtel de la ci-devant Reine et Boutin ancien trésorier de la marine sont condamnés à mort. Le seul document du dossier de condamnation est la déclaration de Raffy.

 

Document qui a condamné à mort César de Talaru.

 

 

Vente des biens de César Talaru

Quatre jours après l'exécution, en exécution de la loy du « en blanc » du  10 germinal  qui met en séquestre les biens des condamnés à mort pour crimes contre révolutionnaires et de l'arrêté du district d'Etampes, nous ... commissaire et un accesseur sommes transportés à Bonnes commune, en l'habitation qu'occupoit le ci-devant César Marie Talaru condamné à mort... à l'effet de procéder à l'inventaire des meubles et effets garnissant l'habitation et séquestre sur ledit Talaru et parlant au citoyen Crespin père régisseur des propriétés de Talaru, … en présence des citoyens Vatier officier municipal et Mauny agent national de cette commune... Listons les pièces visitées pour se faire une idée du château avant la Révolution:
- cuisine,
- lavoir, charbonnier,
- office,
- boucherie,
- salle à manger des domestiques,
- office, serre dans l'office,
- chambre au dessus de l'office,
- salle à manger des gens d'office,
- corridor au dessus des cuisines,
- chambre n°1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9,
- vestibule au bout du corridor du bas,
- garde robe n°1
, chambre attenante,
- bibliothèque,
- chambre de domestique,
- salon des portraits, chambre attenant ledit salon,
- vestibule du grand escalier,
- salle de billard,
- sallon boissé,
- sallon d'été,
- bibliothèque (2140 volumes),
- chambre n°4 attenant la bibliothèque, vestibule du petit escalier, chambre de domestique,
- chambre n°11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 8 gardes robes, chambre à la suite, 2 chambres à la suite,
- chambre n°20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, ...
- chambre de domestique en mansarde n°1, 2, 3, 4, 5,
- chapelle,
- pavillon parallèle avec celui de la chapelle, 4 chambres 2 garde robes, chambre au dessus de la cuisine appelée l'infirmerie, farinier,
- sallon à manger,
- grenier attenant à la lingerie,
- hors le château: colombier, remise , magazin, 2 écuries, sellerie, salle des archives, serre orangerie, glacière, pavillon de brique, pavillon de l'isle, maison du jardinier, audience, prisons, maison du chapelain, ferme..., pressoir...
Cette énumération montre à l'évidence le château d'un personnage important de la région. Six mois après, les objets sont transportés au magazin militaire d'Etampes. Notons que 60 matelas, couchettes, sommiers, ont été enlevés pour les prisonniers de guerre à Gravelle.

  En septembre 1794, un procès-verbal est réalisé pour consigner les effets demandés par la commission des revenus nationaux du 27 fructidor dernier, pour le rassemblement de tous les objets de luxe et mobiliers qui peuvent être exportés et servir d'échange avec l'étranger, et qu'elle vient d'authoriser Florentin, commissaire expert, à se transporter dans la maison de Talaru, condamné pour y faire l'examen de tous les objets qui se trouveront de nature a être exportés , j'ai Pierre Gaudion administrateur du district d'Etampes, me suis transporté dans la maison de Bonnes , commune ci-devant Chamarande, avec Elie Levigneur, commissaire nommé par la commission du commerce et approvisionnements de la République…

Le mois suivant, la belle-soeur de César est libérée et sort de la maison d'arrêt rue de Sèvres où elle était détenue. La Nation va trouver un opposant dans la famille Talaru pour enrayer l'appropriation des biens de l'ancien comte de Chamarande. Néanmoins, la machine est lancée, le premier brumaire an 3 a lieu, au château de Bonnes, la vente par adjudication des meubles.

À cette époque un certain nombre de personnes présentent des factures pour prestations faites à Chamarande, vigneron, serrurier, jardinier, commissaire ayant fait l'inventaire des meubles, réparation du pressoir. Les demandes sont examinées avant d'être réglées par le bureau des domaines d'Étampes.

Vient ensuite le travail préparatoire à la vente par adjudication de biens sur Villeconin. Nous arrivons fin octobre 1794, le district d'Etampes va s'occuper des biens confisqués sur César Talaru, condamné. Nicolas Choner, cultivateur de la Briche et Antoine Ruzé maire de Villeconin, nommés commissaires experts, nous sommes transportés accompagnés des officiers municipaux, sur un bien appelé la ferme du château, habité, un corps de ferme en ruine dite les mazures de la Grange , et un bâtiment avec un pressoir... Après examen ils ont considéré que cet ensemble serait divisé en 59 lots… Fin décembre, les deux fermes et les parcelles sont vendues. Une seconde et dernière vague de vente aura lieu en pluviôse an 3.

Enfin en février 1795, arrive une décision attendue depuis plusieurs mois, Henriette Becdelièvre obtient pour sa fille Césarine, que son nom soit rayé définitivement de toutes listes d'émigré, que le séquestre apposé sur ses meubles immeubles sera levé et qu'elle sera réintégrée dans la possession et jouissance d'iceux... Également, cela veut dire que la vente des biens de César est arrêtée.

Sa mère vient de gagner la première manche de la récupération des biens de César dont Césarine et Justin sont héritiers. Méfiante, elle obtient de nouveau un certificat de résidence à Versailles, rue du Commerce.

Nouvelle importante en mars, un arrêté du comité de législation de la Convention nationale, arrête que le nom de la citoyenne Henriette Jeanne Elie Becdelièvre, veuve de Louis François Talaru sera rayé définitivement de toute liste d'émigrés , en outre qu'attendu l'émigration présumée de ses enfants, le séquestre sur ses biens sera maintenu...

 

 

Césarine et la Nation propriétaires de Chamarande

Le mois suivant , le district d'Etampes délibère qu'il y a lieu de prononcer la levée du séquestre et confiscation des biens de César Marie Talaru et d'en faire jouir la mineure. Les biens meubles et immeubles lui seront rendus et il en sera de même du prix de la vente d'iceux. Les scellées apposées sur les archives seront levées. La phase excessive de la Terreur est passée, Bonne commune redevient Chamarande .

Également, sa fille doit confirmer de nouveau sa présence en France. Henriette, libre, agit de nouveau comme tutrice de Césarine et réclame les biens de Césarine venant de son père à Authon et Paray. Pour étayer sa demande Henriette adresse une supplique disant de prendre en considération ma longue captivité, la dispersion de tous nos biens me laisse depuis longtems privée, ainsi que ma fille, du nécessaire. L'administration, du fait de l'absence de Justin, déclare que les biens seront indivis et partagés entre Césarine et la Nation.

Reste maintenant à obtenir officiellement les biens provenant des oncles César, guillotiné comme conspirateur, et ceux d'Ange, déporté, dont la loi de fructidor an III confisque les biens et les remet à la Nation.

Pour ce faire Césarine doit être héritière ce qui est fait par un acte de notoriété rédigé à Versailles devant Ricbourg. En juillet 1795, le bureau des émigrés du district d'Etampes fait un projet d'arrêté qui remet la veuve et sa fille dans les biens provenant de Louis François et de César Talaru . À partir de cette époque , à l'exception du fils Louis Justin dont la Nation conserve les biens, les Talaru ont retrouvé leur patrimoine.

En août 1795, le directeur national de l'agence d'enregistrement par son avis confirme la levée du séquestre. Que la mère de la mineure doit être mise en jouissance des biens à charge par la citoyenne Becdelièvre de fournir une caution à définir. Rappel que César a été condamné comme conspirateur, que les droits de Césarine sont justifiés, que néanmoins l'un des cohéritiers est prévenu d'émigration… que les objets détenus dans les magasins de la République seront rendus… En septembre, le projet d'arrêté est confirmé .

Fin septembre, le fondé de pouvoir de Henriette Jeanne Elie Becdelièvre, s'est présenté au secrétariat du district, et a déclaré que pour satisfaire à l'arrêté du département de Seine et Oise du quatrième jour complémentaire an III, et à celui du district de ce jour, que ladite veuve Talaru se rendoit caution et répondante envers la Nation de la valeur des objets mobiliers indivis ainsi que des fruits à percevoir des biens dépendants de la succession de Cezar Marie Talaru  ; en conséquence elle y a affecté spécialement:
- la somme de 271.485 livres , montant des adjudications d'immeubles faites à ce jour par le district
- la somme 62.562 livres de la vente des meubles,
- 6.900 livres de la vente de bois.

En marge du document, vu et accepté conformément à la délibération du district du 24 vendémiaire an 4. Le district considère que Louis Justin est prévenu d'émigration et la Nation prend ses biens. Nous voyons que ce document ne concerne que le district de Dourdan.

Le mois suivant, Henriette se rend à Paris pour procéder à l'inventaire des biens dépendant de la succession de feu César de Talaru, dans la petite maison rue de la Loy (Richelieu), où demeurait le défunt :
- à sa requête, représentant sa fille Césarine, comme tutrice,
- plus à la requête du commissaire du bureau du domaine national du département de Paris,
- pour l'absence d'Ange François Detalaru, cydevant évêque de Coutances, habile à succéder par moitié à feu César Detalaru son frère,
- et encore pour l'absence de Louis Justin Detalaru,
lesdits Louis Justin et Césarine, frère et soeur germain, habiles à se dire héritiers conjointement pour l'autre moitié de leur oncle paternel. sans que les qualités prises par lesdites parties puissent leur nuire ni préjudicier ...
Méfiante Henriette se fait représenter par son procureur général Jacques Delider. Le problème se pose pour valoriser normalement ou en assignats ! finalement l'inventaire est fait sans prisée. Au cours de l'inventaire se présente la citoyenne Franqueville, soeur de l'épouse du guillotiné qui vient affirmer que des biens de sa sœur non commune en bien sont présents. Egalement on apprend que l'argenterie et les bijoux ont été mis au magasin général…D'après Henriette, Françoise de Sassenage, belle sœur du défunt aurait retiré des objets du magasin général... Les relations entre ces deux femmes amène une dispute de chiffonniers... De suite nous nous sommes transportés dans la grande maison à côté de celle où nous procédons, ladite maison appartenant au deffunt et par lui louée au citoyen Gense, principal locataire dicelle et delaquelle maison, servant cydevant de prison, ledit deffunt de Talaru a esté transféré pour estre mis en jugement au tribunal révolutionnaire et dans laquelle maison il a esté laissé différents effets. Durant cette visite notons que le citoyen Gens à qui César avait loué la grande maison, réclame la somme de 120 livres dûs par le deffunt au jour de son décès pour 10 jours de logement dans ladite maison. Cela revient à dire que la gestion de la maison d'arrêt était du ressort de ce personnage. Notons l'inventaire de la bibliothèque comportant 65 postes, et représente plus de 1000 volumes.
L'analyse des papiers décrit toutes les propriétés en France sur laquelle nous ne nous étendrons pas. .. Cet inventaire va permettre de connaître en détails ce qui peut être réclamé. Une procuration donnée à Perier pour représenter Henriette Becdelièvre-Talaru et récupérer les biens de César .

 

 

Le retour de Louis Justin Talaru

En juin 1797, un extrait du registre des délibérations de l'administration centrale du département de Seine-et-Oise rapporte les faits suivants:
- le 23 avril 1794, le nom de Louis Justin Talaru a été porté sur la neuvième liste des émigrés de Seine et Oise, ses biens mis sous le séquestre national.
- La pétition de sa mère, réclamant contre l'inscription sur la liste de son fils.
- Un certificat à neuf témoins de février 1795, délivré par le maire et membres du conseil général de la commune de Sully-sur-Loire attestant la résidence dudit Talaru depuis le 22 avril 1792, jusqu'au dit jour.
- Un autre certificat, aussi à neuf témoins constatant la résidence dudit Talaru à Orléans, depuis février 1797 jusqu'au 23 avril 1797.
- Un extrait délivré par l'administration centrale du Loiret pour une demande en radiation de la liste des émigrés présentée au district de Gien le 17 février 1795 , par Louis Justin Talaru, sous le n°285 .
- une délibération de l'administration du département du Loiret par laquelle elle déclare que les certificats de résidence sont authentiques et qu'il n'est parvenu contre ledit citoyen Talaru aucune réclamation ou opposition.
- Une lettre du ministre des finances du 3 octobre 1796, mentionnant que la résidence sur le territoire de la République est prouvée d'une manière légale et non équivoque, qu'il n'avait été porté sur la liste des émigrés que par défaut de soumission aux lois sur la résidence qu'il y a lieu de prononcer sa radiation provisoire et que par conséquence sa mère ne peut plus être présumée mère d'émigré, et qui avait occasionné le séquestre dont elle réclame la main levée.
De tous ces éléments l'administration déclare qu'elle nomme un commissaire pour lever sans délai les séquestres sur les biens des susdits.
Cet épisode montre à l'évidence l'habileté et la pugnacité d'Henriette Becdelièvre, elle a volontairement éloigné son fils de Paris, lorsque son oncle et elle ont été emprisonnés.

En mars 1798, Louis Ange François de Talaru décède à Londres âgé de 70 ans. L'administration qui connaissait l'exil de l'évêque de Coutances avait argué suite à la réapparition de Louis Justin, qu'Ange était héritier pour moitié de son frère César, et que, du fait de son exil, la Nation jouissait de ses droits. La mort du religieux va faire tomber cette dernière tentative de la Nation. Césarine avait fait une nième pétition provoquant auprès du département le partage de la succession de César, d'Ange déporté, et de Louis Justin, rayé de la liste des émigrés, demandant qu'il soit sursis audit partage. La République reconnaît enfin que Louis Justin et Césarine sont héritiers de leurs oncles.

À Chamarande en 1800, pour fêter la fête de la Concorde du 14 juillet , il est encore fait mention de l'arbre de la liberté qui n'a pas été arraché, du Temple décadaire (église) et de chanter une invocation à l'être suprême, ce qui est passé de mode dans la région depuis quelques années.

En juin 1800, une lettre est adressée au citoyen préfet de Seine et Oise par Louis Justin Talaru , en surveillance dans la commune de Belleville (département de la Seine), vous présente qu'il a été rayé provisoirement de la liste des émigrés, par l'administration centrale du département de Seine et Oise, le 26 prairial an V, il a le droit de jouir de son bien, cependant ses revenus sont séquestrés actuellement et ses fermiers sont poursuivis par les receveurs des domaines nationaux... Le citoyen Talaru, sollicite sa radiation définitive... En fin de note est écrit : à Versailles ce quinze prairial an VIII, Becdelièvre veuve Talaru pour mon fils. La mère est le chef incontesté de la famille, Justin est majeur depuis quelques années.

En 1801, Louis Justin va, devant le préfet de la Seine, promettre fidélité à la constitution, bénéficier d'un arrêt des consuls ordonnant sa radiation définitive et la levée du séquestre sur ses biens non vendus, dans la jouissance desquels il sera réintégré, concernant les successions de son père et de son oncle.

Le 24 mai, le grand jour arrive, Grégoire Charles Aviat, procureur d'Henriette représente Louis Justin, avec le sous-préfet, ils se rendent en la maison et principalle d'habitation du citoyen Louis Justin Talaru, scise à Chamarande où avons trouvé la citoyenne veuve Crespin, garde séquestre établi,... et avons déclaré que tout séquestre sur la totalité des biens et revenus tant meubles qu'immeubles était levé...

 

 

En août, le ministère de la Guerre raye définitivement de la liste des émigrés Talaru (veuve Louis François) de Authon, département de Seine-et-Oise. En octobre, c'est au tour de Talaru le jeune, de Versailles, département de Seine-et-Oise.

Nous avons pu voir que durant la Révolution, Louis Justin pour éviter la région parisienne s'était réfugié dans l'Orléanais. Curieusement le partage des biens entre Césarine et Louis Justin se passe à Varize (Eure et Loir). Furent présents Louis Justin Talaru, demeurant à Belleville, département de la Seine d'une part, et Demoiselle Césarine Talaru majeure, demeurante à Versailles rue de Lille, département de Seine-et-Oise, d'autre part, tous deux frères et soeurs seuls et uniques héritiers de :
- chacun pour moitié, sauf les portions avantageuses déférées audit citoyen Talaru par les coutumes des biens de Louis François leur père,
- chacun aussi par moitié de César Marie Talaru aussi leur oncle,
- et chacun pour moitié de Ange- François Talaru aussi leur oncle,
Lesquels ont dit vouloir sortir de l'indivision dans laquelle ils se trouvent ...
Lot du citoyen Talaru
- les biens dépendant de la succession de son père dans l'Allier et le Puy-de-Dôme...
- rentes ...
- les biens dans le département de la Loire,
- ceux du département des Deux-Sèvres,
- enfin les biens de Chamarande et Villeneuve en Seine-et-Oise aux communes de Chamarande, Étrechy, Brières-les-Scellées, Morigny, Villeneuve-sur-Auvers, Auvers, Mauchamps, Souzy-la-Briche, Saint-Sulpice, Villeconin, et autres, exception faite néanmoins des fermes de l'ancienne et nouvelle Poellée et de Malassis.
Lot de mademoiselle de Talaru
- le domaine de Saint-Germain-les-Étampes,
- rentes ...,
- le domaine de Gravelles et l'ancienne ferme de l'écu à Authon,
- ...
- deux maisons contigües à Paris rue de la Loy
(la fameuse prison de César).

Bien que ce soit un acte de famille, on voit les précautions employées, le fils réside dans la Seine, sa soeur en Seine-et-Oise, le partage est réalisé en Eure-et-Loir dans un village de 300 habitants.

En 1802, le directeur de la régie décharge la mère de Justin du compte de la jouissance des biens de son fils.

À Chamarande l'année suivante l'église retrouve sa fonction première, parmi les présents notons Monsieur de Talaru réintégré dans ses biens.

 

 

Louis Justin de Talaru maire de Chamarande

En 1809, le marquis de Talaru fut nommé maire de Chamarande et il prêta le serment: je jure obéissance et fidélité à l'Empereur. Il conserva ses fonctions de maire pendant 40 ans jusqu'à sa mort. Le marquis avait épousé en premières noces Delphine Rozières de Soran et en secondes noces la nièce de la précédente (2). De ces unions le marquis n'eut pas d'enfant.

Début 1816, Césarine décède. Un acte de notoriété est fait à Paris, laissant pour héritiers:
- Henriette Jeanne Becdelièvre sa mère, pour un quart,
- Louis Justin son frère, pour le reste.
Par contre le partage se fait toujours à Varize devant Yvon notaire. Les temps ont changé, les intervenants sont la vicomtesse de Talaru et Monsieur le marquis de Talaru son fils, pair de France, demeurant à Paris. Cette fois ce sont des fondés de pouvoir qui représentent les parties, Jacques Sevin, laboureur à Varize, représentant Henriette Jeanne Becdelièvre Cany, demeurant à Paris rue du Bac... et Louis Bignon avocat représente Louis Justin marquis de Talaru, demeurant à Paris rue des Saints pères. Le partage n'offre pas d'intérêt pour cette chronique notons que la fameuse prison échoit à Louis Justin. César devient abandonataire des fermes de Poelée et de Malassis. Ce notaire sera couché sur le testament de Louis Justin par la donation de la terre de Varize à la comtesse de Brissac à charge par elle de payer 5.000 frs à Mr Yvon père notaire à Varize et d'acquiter deux rentes viagères de 300 frs chacune aux deux gardes de ladite terre. Cet article est suivant les désirs de ma mère. On peut penser que la récompense faite au notaire et aux gardes ne serait pas étrangère à la garde du jeune Justin pendant les périodes troubles.

À cette époque Louis Justin, pair de France, devient ambassadeur en Espagne.

En 1820, il revend la fameuse maison rue de Richelieu où son oncle fut emprisonné.

En 1826, ministre d'état, il termine ses démêlées avec la spoliation de ses biens vendus immédiatement après l'exécution de son oncle César. C'est l'époque où les émigrés rentrés en France demandent le remboursement de leurs biens vendus par la Nation. Justin, de ce fait réclame le prix de la vente des deux fermes ainsi que d'un certain nombre de parcelles aux environs de Villeconin. Ces biens correspondent à 93 adjudications réalisées entre nivôse et pluviôse an 3.La demande est faite en son nom et comme mandataire de sa mère. Compte tenu du décès de Césarine, Justin réclame 7/8 pour lui et 1/8 pour sa mère. Ainsi il perçoit la somme de 56.311 frs.

Fin 1838, le marquis de Talaru perd sa seconde épouse Ernestine. Très affecté il rédige son testament: La mort de ma bien chère Ernestine m'ayant arraché toute espérance de bonheur et ayant détruit tous les rêves d'avenir que j'avais formé pour elle, il ne me reste plus qu'à changer mes précédentes intentions et à disposer d'une fortune dont j'avais espéré qu'elle aurait joui longtems. Je déclare que ceci est ma dernière volonté:
- je demande à être ramené à Chamarande le plus simplement possible et placé auprès de tout ce qui m'a été cher,
- il sera remis la somme de 2.000 frs aux curés des paroisses dont les noms suivent , Chamarande, ... , Varize, ...
(42 paroisses dans les départements de Seine-et-Oise, Eure-et-Loir, Calvados, Deux-Sèvres, Loire, Haute-Saône) soit 84.000 frs pour dire des messes pour le repos, de mes chères Delphine et Ernestine, de mes parents et de la mienne.
- pareille somme de 2.000 frs pour l'usage personnel des curés et de leur église,
- somme de 3.000 frs pour être distribuée aux pauvres,
- aux archevêques et évêques de Lyon, Bezançon, Versailles, Chartres, Poitiers et Bayeux, chacun 25.000 frs pour leurs maisons religieuses
- à l'archevêque de Paris 30.000 frs pour les orphelins du choléra dont ma chère Ernestine avait quété pendant trois ans,
- aux soeurs de bon secours 20.000 frs...
- aux frères des écoles chrétiennes d'Etampes 40.000 frs pour leur école,
- ...
suit une longue énumération de legs à la famille, aux amis, aux domestiques,
- à l'Hôtel Dieu d'Etampes 80.000 frs à charge d'établir des lits pour recevoir et soigner les malades des communes où sont situées mes propriétés,

La même année il fonda dans la commune l'école congréganiste des filles qu'il installa dans sa maison de la place de la mairie (2).

En 1848 un codicille est ajouté au testament de Louis Justin ... Je lègue à la congrégation des soeurs de Portieux, dont j'ai établi une maison à Chamarande la somme de 50.000 frs,

En 1850 Louis Justin décède. Vu l'importance de la succession un dépôt judiciaire est fait du testament olographe du marquis de Talaru de 1839 et du codicille de1848.

À suivre...

 

 

Notes

(1 ) Mahaux, le domaine de Chamarande, 1980 .

(2) Monographie de l'instituteur Commune de Chamarande , AD91.

 

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