La ferme de la Forêt à Bruyères-le-Châtel
Cette chronique est le troisième volet d'un lieu que l'on connaît avant la Révolution sous le nom de "fief de la Forest". Ce lieu existe encore de nos jours. Nous nous étions arrêtés à la fin de l'occupation par les Rousselet et Angoulian.
J.P Dagnot - Décembre 2012
Plan de 1847.
Le fief sous les seigneurs de la Roue
En 1740, Louise Rousselet, veuve du sieur Antoine Angoullian , receveur de la seigneurie de Wuissous, demeurant à la Forest, vend à François Pinot Tournière de la Cossière, escuyer, conseiller secrétaire du roy maison couronne de France et de ses finances, receveur en la généralité de la Rochelle, demeurant à Paris rue Coquillière paroisse Saint Eustache, une maison et ferme appelée la Forest consistant en plusieurs bâtiments jardins et enclos, terres labourables, friches, bois tant anciens que nouvellement plantés...Les biens sont en commun avec Gabriel Rousselet son frère, sieur du Plessis acquis par retrait lignagé de Barbe Bernard veuve de Louis Martin, seigneur de Marivaux... Ladite vente faite moyennant 66.000 livres.
Peu de temps après, François Penot de La Cossière, seigneur de la Roue à Linas, baille à Claude Rathuy, voiturier demeurant à la Ville-du-Bois, la ferme de la Forest se consistant en maison manable, granges, écuries, estables et volière, cour, parterre, jardin potager, verger, avenue d'ormes, 132 arpens de terre labourables , ledit bailleur se réservant les bois taillis. Le présent bail fait moyennant la somme de 925 livres... Passé au château de la Roue...
En 1749, de nouveau le seigneur de la Roue baille pour neuf années à Charles Bessein, laboureur et Catherine Chevalier sa femme demeurant à Fretay, la ferme et métairie appelée La Forest... moyennant le prix de 1.200 livres. Les terres doivent être de bonne qualité.
Le seigneur de la Roue décède l'année suivante. En 1758, à l'expiration du bail précédent, sa veuve Marie Geneviève d'Honneur renouvelle le bail au couple Bessin aux mêmes conditions.
Notons en 1760, à Wissous, le décès de Louise Rousselet.
L'histoire de cette ferme est banale en 1767, Marie Geneviève Dhonneur, de présent en son château de la Roue, laquelle par ces présentes a donné à titre de ferme et prix d'argent, pour neuf années, à Charles Bessin, laboureur, et Catherine Chevallier sa femme, demeurant en la ferme de la Forest, présents et acceptant, la ferme et métairie consistant en:
- une maison manable, granges, escuries, étable & volière,
- cour, parterre, jardin potager,
- canal, vergers, avenue d'ormes,
- une pièce de terre de 132 arpents à la mesure de 18 pieds pour perche & cent perches pour arpent
- plus environ 8 arpents de prez situez à Bruyères et Fontenay.
La dame bailleresse se réservant tous les bois taillis de ladite ferme. Le présent bail fait moyennant le prix et somme de 1.200 livres de loyer...
En 1768, le couple Bessin marie leur fille Marie-Jeanne à Thomas Feuilleret. Le contrat de mariage stipule le transport du bail de la ferme de la Forest aux jeunes époux. Deux années après, sont présents:
- la dame de la Roue,
- Charles Baessein et sa femme Catherine Chevalier, demeurant à Montlhéry,
- Thomas Feuilleret et Marie Jeanne Baessein demeurant à la ferme de la Forest,
Lesquels entérinent l'état de fait.
En 1773, Marie Dhonneur, renouvelle le bail à Thomas Feuilleret et Marie Baessin,... moyennant 1.400 livres. En fin d'année une déclaration de la ferme est réalisée par la dame de la Roue, en tant que vassale, d'André Haudry, seigneur de Soucy. Passons sur le détail de la description et ne retenons que:
- logement du fermier par bas, chambres hautes et grenier au dessus, étables, granges, écuries et autres bastimens joignant, grande cour au milieu diceux, le tout couvert de tuilles,
- jardin clos de murs derrière la maison dans lequel est un grand vivier...
Ces biens chargés envers le seigneur dominant de six poules, trois chapons et 37 sols de cens, avec permission de construire un pressoir en ladite ferme anciennement accordé par Jacques de la Rochette en 1524...
- terres... bois... ... dans lesquels bois et friches était autrefois construite une ferme et ses dépendances dont on trouve encore aujourd'hui quelques vestiges de cave voûtée, appelés les bois de la Challerie. Malgré quelques recherches sur le terrain ces vestiges n'ont pu être trouvés.
En 1783, la dame de la Roue décède en son château, âgée de 84 ans. Elle sera inhumée dans la chapelle de la Roue. Sa fille également veuve se séparera deux ans plus tard de ses biens à Linas et Bruyères-le-Châtel.
La ferme aux Laideguive
En 1785, lors de la vente de la terre et seigneurie de la Roue, la ferme de la Forest est incluse, consistant en terres labourables et friches, prés et bois, une maison pour le fermier, grange et autres bastimens en dependant, jardin, canal et vignes... la vente faite moyennant 365.000 livres pour l'ensemble, y compris l'hostellerie des trois pigeons.
Le nouveau propriétaire, Jean Baptiste Laideguive, conseiller du roy en sa cour des aydes, seigneur de la Rouë, la Pellerine, Mauvinet, demeurant à Paris rue Pierre Sarasin paroisse Saint-Benoist, reprend le bail de la ferme comme à l'accoutumée pour neuf années à Alexis Joseph Laperche, fermier à Bruyères,... le texte habituel moyennant 2.000 livres, quatre journées de voitures attelées, 200 poires d'été & 200 d'hiver.
La Révolution arrive et début 1793, le citoyen Alexis Laperche, laboureur demeurant en la ferme de la Forest, cedde volontairement au citoyen Pierre Mongrolle, laboureur à Villejust, le droit du bail fait par M Jean Baptiste Laideguive, ... manoir grange ...132 arpents moyennant 2.000 livres ...
La famille Laideguive à Linas.
En messidor an 3, le citoyen Jean Baptiste Laideguive, propriétaire demeurant à Paris rue de Sarrazin, actuellement en sa maison de la Roue, en son nom & comme tuteur de ses enfans, baille pour 3,6,9 années, au citoyen Pierre Mongrolle, laboureur actuel en ladite ferme, le corps de logis composé d'un logement pour le fermier, .... cour, jardin, parterre, potager verger & canal, le tout clos de murs,... Suivent les terres. Le bail fait moyennant 4.000 livres , 400 poires d'été, 400 d'automne. Le bailleur se réserve le logement de son garde bois dans les bâtiments de la ferme. Le loyer est doublé; l'inflation durant cette période en est probablement la cause.
En l'an 5, le citoyen Laideguive, en son nom se portant fort du citoyen Jean-Philippe Camet-Labonnardière et la citoyenne MarieLouise Laideguive son épouse, la citoyenne Marie Paule Laideguive fille majeur, et Marie Françoise Laideguive fille mineure, lequel baille pour neuf années à Jacques Laurent Paupe cultivateur demeurant à "Vilsiers", la ferme de la Forest, ... moyennant 4.000 livres en numéraire métallique, or ou argent, douze poullets biens nourris bons à rotir, soixante livres de beurre frais bien lavé & épuré et 800 oeufs et six journées de voitures attelée de trois chevaux...
La ferme aux Camet de la Bonnardière
En 1808, Jean Baptiste Laideguive décide de vendre la nue propriété de ses biens à Linas et Bruyères-le-Châtel. Il propose à son gendre Jean Philippe Camet de la Bonnardière, le domaine de la Roue et la ferme de la Forest. Il se réserve néanmoins l'usufruit sa vie durant. La vente se fait moyennant la somme de 240.000 frs. Le gendre est, à cette époque, maire du 11e arrondissement. La gestion des bois est confiée à Etienne Mercier, régisseur qui demeure à la Forest comme l'atteste un bail de terres en 1812.
Nous retrouvons de nouveau un bail de la ferme en 1823. Le baron Jean Philippe Camet de la Bonnardière, maître des requêtes au conseil d'état, membre du conseil général des hospices de Paris et du Mont de Piété, demeurant à Paris rue Pierre Sarrazin, de présent au chateau de la Roue, se portant fort pour Jean Baptiste Laideguive, ancien magistrat, lequel par ces présentes fait bail & donne à loyer pour neuf années à Etienne Chevallier, cultivateur fermier, demeurant à Bellebat, la ferme dite la Forêt consistant en :
- bâtiments, ...., parterre, jardin potager, verger, canal, contenant 2 hectares,
- 52 hectares de terres ...
- ...
N'est point compris au bail, la maison du garde. Le bail fait moyennant 4.000 frs, 12 poulets vifs, 30 kilos de beurre, et 8 cents d'oeufs, le paiement en monnaie d'or ou d'argent ou 200 hectolitres de bled... La Révolution a laissé des traces...
En 1828, Etienne Chevallier, cultivateur demeurant en la ferme de la Forêt, résilie purement et simplement, en plein accord avec le baron de la Bonnardière, le bail fait en 1823...Le même jour , un nouveau bail est conclu par le baron Jean Philippe Gaspard Camet de la Bonnardière, ..., membre du conseil des hospices & du Mont de Piété, de présent au château de la Roue avec Jean Billard, cultivateur de Villeziers,... moyennant 3.000 frs...
Le temps passe , notons le mariage de Rémi Camet de la Bonnardière en 1833.
En 1835, le baron Camet de la Bonardière baille pour 18 ans à Jean Pierre Bellan, fermier demeurant à la grange aux moines, la ferme de la Forêt, selon la description classique et inchangée, moyennant 3.600 frs de fermage, au cas où l'on changerait de monnaie autre qu'or, le bailleur convertira en 186 hectolitres de blé froment. Notons toujours l'exception de la maison du garde attenant les bâtiments de la ferme avec les bâtiments, cour, jardin, aisance dépendant de ladite maison, plus les écuries nouvellement construites par le bailleur, avec droit de passage dans la ferme et droit de prendre l'eau du puits, à la citerne et au canal.
Signalons en 1843, le dépôt d'un bornage fait en 1838, à la requête d'Eugène Camet de la Bonnardière, auditeur au conseil d'état, propriétaire du domaine de la Forêt, demeurant à Paris rue Pierre Sarrazin, avec les propriétaires du domaine du Déluge, les consorts Héluis... Cet acte comprend un plan, et pour les amateurs de vieilles pierres, une piste pour retrouver quelques unes des quarante constituant le bornage.
L'année suivante, le baron de la Bonnardière vend à Ernest Louis Henri Hyacinthe Arrighi de Casanova, marquis de Padoue, demeurant à Paris rue de la victoire, la pleine propriété de 147 hectares de bois à Fontenay et la jouissance pendant 20 ans d'une maison à la forêt, moyennant 25.000 frs. Déjà propriétaire du domaine de Courson, ce bonapartiste va pouvoir chasser sans problème dans la région.
La ferme aux Arrighy de Casanova
En 1847, Rémi François Eugène Camet, baron de la Bonnardière, propriétaire demeurant à Paris rue Garonnière ce jour au chateau de Courson, lequel vend à Louis Henri Hyacinthe Arrighi de Casanova marquis de Padoue, propriétaire, demeurant à Paris, la ferme de la Forêt située commune de Bruyères et Fontenay:
- le corps de ferme, ..., volière, cour, jardin, enfermé dans un clos entouré de murailles dans lequel est un canal servant d'abreuvoir, y compris la maison et jardin du garde,
- pré de 6890 m2 formant verger,
- l'avenue d'entrée plantée d'arbres,
- suivent des terres pour 54 hectares,
- la maison du garde occupée par les vendeurs attenant au corps de ferme, ... fournil,
- bois pour 56 hectares,
La vente faite moyennant 220.000 frs, fait à Courson, au château de Mr le duc de Padoue.
Notons en 1860, le bail de la ferme de la forêt fait par le mandataire du duc de Padoue à Jules Baldé pour 15 ans ... les terres pour 69 hectares, moyennant 7.000 frs payable au château de Courson. Une allusion est faite pour la maison du garde et ses dépendances et du droit de passage dans la cour, entérinant les deux activités liées à ce lieu ferme et chasse.
En 1873, le bail ci-dessus est transporté à Mr et Mme Mercier. Un pot de vin de 11.000 frs est payé par Mercier. en raison du bon état des cultures. Le bailleur, Ernest Louis Henri Hyacinthe Arrighi de Casanova, duc de Padoue, ex-ministre de l'intérieur, accepte...
La ferme au XXe siècle
Comme à l'accoutumée les minutes notariales n'étant pas versées, l'histoire se fait de manière indirecte.
Généalogie simplifiée d'Ernest Arrighy à Nicole de Curel.
L'examen du tableau ci-dessus montre que les lieux fermes et chasses sont restés dans la famille. Le château de Saint-Jean-de-Beauregard est passé à Bernard de Curel et les matrices cadastrales actuelles mentionnent Nicole de Curel, épouse Froissart, comme usufruitière de la ferme de la Forêt. La ferme et les bois sont devenus la propriété de ses quatre enfants.
Détail curieux, l'eau courante n'est arrivée à la ferme que depuis une douzaine d'années. Le fermier actuel, Vincent Sytsma, exploite 75 hectares. Des gardes s'occupent toujours des bois qui représentent plus de 200 hectares de chasse.