Les carrières des Fonceaux à Marcoussis |
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Chronique du Vieux Marcoussy -------------------------------------- _----- ------------- --------- août 2011
Extrait du plan terrier de Marcoussis.JP. Dagnot
Cette chronique est la quatrième d'une série consacrée aux carrières de Marcoussis et sort prématurément à la demande d'un lecteur ayant quelques problèmes de construction dans ce lotissement. Comme à l'habitude, situons ce lieu. Du carrefour du baillage prendre "l'escargot" conduisant aux laboratoires de l'ancienne CGE. Au sommet de la côte tourner deux fois à droite.
Préambule L'exploitation des carrières au XVIIIe et début du XIXe siècle se faisant sans autorisation, la localisation des concessions n'a pu être réalisée pour un certain nombre d'entr'elles. Ainsi pour celles situées entre le Grand Parc de Marcoussis et le Houssay, dites des Fonceaux, du Rocher, des Sorts et de la Roche Garnier, nous ne rapporterons que les informations collectées au fil du temps. Précisons que la route en lacet dite de l'escargot n'existe pas et sera réalisée fin XIXe siècle . Ajoutons que au-dessus de ce banc de grès se trouve celui dit du Ménil Forget. Faisons un point en regardant le plan terrier de Marcoussis. Le bois de Monsieur, appartient avant la Révolution à la comtesse d'Esclignac. Au début du XIXe siècle, Antoine Hyacinthe de Puységur (1), de retour d'exil, propriétaire à Paris, passe à Marcoussis et vend à Jean Dioudonnat, entrepreneur des routes nationales, treize hectares de bois, dits les bois de Monsieur, lui étant échus du partage de la succession de la comtesse d'Eclignac, moyennant 5.000 francs payés comptant. Cet entrepreneur de travaux publics, est titulaire d'un bail d'entretien de la "route nationale de Paris à Chartres" et de ce fait utilise des pavés en grès. Pour se les procurer deux méthodes sont utilisées l'extraction autorisée dans son bail, du grès existant dans les bois proches la route nationale, la seconde plus originale, consiste à dépouiller les biens nationaux. En général ce sont des bâtiments mal entretenus durant la Révolution qui ont été bien souvent considérés comme des carrières où il n'est pas besoin de dégager le banc de grès. Le sieur Dioudonnat commence par la destruction de l'église et des communs du monastère des Célestins, continue probablement avec le château de Marcoussis, passe ensuite avec la démolition de la ferme du Ménil Forget pour terminer par celle du château de Crosnes.
Les premières carrières début XIXe siècle L'exploitation à cette époque se fait par demande au près de l'administration et c'est ainsi que l'on apprend qu'en 1817, les citoyens Chimbeau père, carrier de Marcoussis et Potier de Linas, ont ouvert une carrière de grès dans le chemin vicinal de Nozay à Marcoussis, sans autorisation, et de plus, ont forcé les eaux pluviales à prendre une autre direction. Comme dit précédemment, ce seul chemin pour se rendre de Marcoussis à Nozay, part du Baillage et monte en ligne droite jusqu'au plateau via un sentier pentu le long du grand parc. Un orage testé célèbre cette année-là, occasionne de grands dommages en ensablant les terres de plusieurs particuliers situées sous cette carrière... Le conseil municipal envisage trois ans plus tard de faire rétablir le chemin qui est dégradé depuis 1815. Ils vont s'adresser au conseil de préfecture pour poursuivre les deux carriers devant les tribunaux. Nous verrons que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets, l'eau qui passe dans les couches sableuses entraînent ces dernières ... C'est ce qui se passe actuellement au lotissement des Fonceaux! Décidemment la nature est obstinée !!
Auguste Macé de Bagneux Nous arrivons en 1823, Jean Dioudonnat décède à Crosnes sans héritier direct, une succession complexe se déroule... Ne retenons que le bois de Monsieur, compris dans cette dernière, est adjugé deux ans après à Auguste Macé de Bagneux dans une vente sur licitation moyennant 12.750 frs de prix principal. Le premier maire de la Ville-du-Bois, révolutionnaire peu glorieux, décède en 1812. Ses quatre enfants se partagent ses biens, et par le renoncement de ses trois soeurs, Auguste Joseph Macé de Baigneux devient le propriétaire de la Grand Maison. Cet homme est un fin stratège financier, et Dioudonnat lui sert d'exemple. Il va donc acquérir des parcelles de friches ou bois où les roches ne sont pas très profondes. Ainsi en 1826, a lieu une vente faite par un entrepreneur des ponts et chaussées de Montrouge, Pierre Boursier, audit Macé de Bagneux , chantier du Rocher ou de la Roche Garnier, deux pièces représentant 4.038 m2. Dans les tenants et aboutissant on apprend ainsi qu'il est mitoyen avec les friches et roches du bois de Monsieur. Le même jour, il procède de même avec le notaire Boudier pour 3.418 m2 au chantier du Rocher au dessus des Ouardes. Ces friches sont également mitoyennes du bois de Monsieur. Apparemment son but est d'acquérir un banc de roches le plus étendu possible. Comme nous le verrons par la suite, plusieurs exploitants de carrières vont exercer sur ce banc.
Charles Tourillon Le premier ne nous est pas inconnu, nous l'avons déjà rencontré à Orsay exploitant une carrière dans les bois de l'exilé Grimod, dernier seigneur d'Orsay. Comme pour les carriers de Marcoussis cette information provient de documents de justice où le tribunal de la Seine le condamne ainsi que Lemoine et Baron en 1807, 1820 ... L'activité de cet entrepreneur se fait en notant les concessions ou les acquisitions qu'il a conclu au fil du temps:
Adolphe Lemoine et Joseph Baron Voyons maintenant les acheteurs de l'activité de Charles Tourillon. Ces entrepreneurs commencent leur exploitation des grès sur Orsay. En 1835, nous voyons apparaître un dénommé Joseph Baron qui crée avec Adolphe Lemoine la société Entreprise générale du pavé de Paris, sous signatures privées . Quatre mois après, les choses se précisent, un bail à ferme important est conclu entre Auguste Joseph Macé de Bagneux, propriétaire, maire de la Ville-du-Bois, François Lemoine, entrepreneur de ponts et chaussées, et Joseph Baron également entrepreneur. Il s'agit principalement du droit d'exploiter toutes les roches de grès qui se trouvent au domaine du Ménil Forget, dans les terrains cy après désignés se consistant en :
Plan du domaine baillé par Macé de Bagneux.
A partir de cette époque, ces deux entrepreneurs parisiens vont systématiquement acquérir des parcelles afin d'exploiter le banc au dessus de l'église de Marcoussis contigu au domaine du Ménil Forget. Citons: Que se passe-t-il? début 1842, la nouvelle société est liquidée. Deux ans après, Baron cède à Lemoine ses parts du Ménil Forget. De ce fait Lemoine reste seul propriétaire du domaine du Ménil Forget. Reprenons ce que dit Malte-Brun au sujet de la carrière du grand banc: Cette carrière aurait vu son activité cesser vers 1853. De juin 1854 à août 1855 des essais furent réalisés par la ville de Paris dans cette carrière. La ville fut ensuite quelques mois locataire de cette exploitation.
La ville de Paris Fin 1855, Adolphe Lemoine, ancien entrepreneur de travaux publics demeurant à Villebouzin, et sa femme Mélanie Sadourny en vertu d'un décret impérial vendent leur carrière à la ville de Paris. Il faut régulariser tous les actes sous seing privé et ventes déguisées. Début 1856, une quittance est faite par Auguste Joseph Macé de Baigneux, propriétaire, demeurant à la Ville-du-Bois, à la société du Comptoir d'Escompte de 140.000 frs. Auguste Thion de la Chaume, liquidateur de la société commerciale sous la raison Estienne de la Chaume & compagnie, dénommée Comptoir d'Escompte, et ledit Macé de Bagneux : La situation éclaircie, la vente de la carrière de Marcoussis est officialisée. Le mandataire de François Lemoine, ancien entrepreneur de travaux publics et de Mélanie Sadourny son épouse demeurant à Villebouzin, lesquels vendent à la ville de Paris, ce qui est accepté par Georges Eugène Haussmann, préfet de la Seine: Les services techniques de la ville de Paris prennent en main l'exploitation. Monsieur Chiquet, régisseur des carrières demande l'autorisation de faire passer les voitures chargées de pavés venant de la carrière de Marcoussis par le chemin des Petits Champs débouchant sur la route impériale N°20, à la maison Champeaux. Rappelons que Malte-Brun est arrivé à Marcoussis depuis peu, il a donc tout observé : Le Grand banc est attaqué à ciel ouvert par plus de 150 ouvriers terrassiers et carriers partagés en escouade et batterie. Une machine fort ingénieuse, mise en mouvement par la vapeur, de l'invention de Mr Laudet, ingénieur civil, vient en aide aux ouvriers en leur évitant la partie la plus dangereuse pour leur existence, de leur pénible et dur travail; elle fend les gros blocs de grès, transporte les pavés façonnés du fond des formes au niveau du sol, et les déblais provenant de la masse, sur les cavaliers .
Machine de Laudet utilisée pour l'extraction des roches.
Pour actionner la machine ci-dessus, l'utilisation de la vapeur est nécessaire. Un ingénieur du service municipal de Paris fait une demande au service des machines à vapeur de Seine-et-Oise pour utiliser : Malte-Brun continue: Il a été fabriqué par la ville de Paris sur la carrière du grand banc de Marcoussis depuis le 1er mars 1856 jusqu'au 20 octobre 1866, 5.967.107 pavés. Mais le grand banc s'épuise la longueur dur du banc passe de 800 m en 1856 à 400m en 1866. La roche qui autrefois affleurait le sol, et qui à l'origine de l'exploitation, on rencontrait à une petite profondeur, il faut maintenant l'aller chercher à 7 ou 10 mètres de la surface. Bien que l'on n'ait pas retrouvé de document, un registre de délibérations de Montlhéry nous apprend que le grand banc de Marcoussis et le banc du Grand Parc fournissent annuellement 500.000 pavés. À Saulx c'est 800.000 pavés. La ville de Paris fabriquant et utilisant les pavés, les actes concernant son exploitation sont inexistants. Nous arrivons en 1876, l'exploitation est terminée, il faut déblayer le terrain. Deux étapes sont prévues: On peut penser qu'à l'époque le remblaiement a été fait très succinctement laissant certaines parties sans roches dans leur état initial, donc stable.
Plan des lots de l'adjudication.2°) l'adjudication de la carrière . Pour être aisément vendu l'ensemble est découpé en 33 lots comprenant maison d'habitation, bâtiments divers, terrains boisés, terres labourables, roches & carrières, sur Marcoussis et Nozay le tout pour 15 hectares . Notons le lot 1qui est une partie non exploitée composé d'emplacement de bâtiment, réserve d'eau, lavoir, contenant 3 hectares. L'adjudication s'est faite en deux temps, en effet à la première, ne se sont présentés que trois acquéreurs: Suite à ces adjudications, un échange entre la ville de Paris et la commune a lieu. Le conseil municipal réclame le rétablissement de l'ancien chemin de la ruelle des bois ou une indemnité représentée par le chemin de sable de l'ancienne carrière des lots 31,32 et 33 (chemin aboutissant au feu tricolore de l'Etang Neuf. Un bon siècle s'écoule... Des arbres enracinés stabilisent les lieux. Nous sommes dans les années 74. Un ingénieur cherche à construire sur cet endroit (3) et fait une demande pour une vingtaine de pavillons sur l'ensemble des Fonceaux, donc une faible densité de construction. Sa demande est rejetée la D.D.E. déclarant cette zone inconstructible. Quelques années passent, la municipalité change de couleur. Un promoteur propose de faire un lotissement en accordant à la mairie une zone pour faire du logement social... Curieusement un permis est accordé. Le promoteur fait alors venir un scrapper énorme pour niveler le terrain et arracher les arbres qui maintiennent le terrain. Un lotissement est construit et les eaux usées et pluviales passent dans une canalisation de plusieurs m2 de section, entourée de sablon! Un violent orage arrive. Sachant que les carrières de grès de Marcoussis servent ensuite de carrières de sable... Les bouleversements de terrain et leur aplanissement aboutit à un phénomène classique: dans un terrain en pente l'eau s'infiltre et entraîne le sable d'où des affaissements de terrain et des maisons lézardées. À la suite de cet incident, la municipalité change le trajet des eaux usées, ces dernières changent d'itinéraire et rejoignent la canalisation sur le chemin du Moulin. Les eaux pluviales doivent s'écouler dans des puisards ... Donc à l'évidence elles s'enfoncent toujours en terre, et dès qu'elles trouvent un écoulement propice, elles entraînent le sable... C'est pourquoi on peut observer une rotation de propriétaires qui, avant d'acheter, voient une maison dont les fissures ont été bouchées, et qui, quelques années après, constatent que ces dernières réapparaissent (4).
Carrière du Ménil Forget Revenons en 1851 une demande venant de l'administration, nous apprend que Joseph Nourrie, entrepreneur de routes nationales et départementales demeurant à Montrouge, demande l'autorisation d'exploiter, à ciel ouvert, une carrière de grès qui lui appartient au Ménil Forget à Marcoussis. L'ingénieur des mines dans son rapport note que le banc de grès exploité a une puissance de 3,5 m recouvert par 5,5 m environ. Au moment de l'adjudication de 1876, une dernière concession d'extraction de grès est accordée par les héritiers de la famille de Bagneux. Le mandataire d'Emmanuel Lalain Chomel, avocat demeurant à Paris, rue de l'Université, loue pour six années à Joseph Seguin, maître carrier demeurant au Petit Ballainvilliers le droit d'extraire le grès servant à la fabrication de pavés, dans une parcelle de bois à Marcoussis, lieudit le Ménil Forget, tenant au nord par le chemin de Montlhéry aux roches qui la sépare du surplus de bois de Mr Lalain Chomel , à l'est par le chemin du Houssay, à l'ouest par les bois de la ville de Paris, et dans une autre parcelle de l'autre côté du chemin du Houssay, le tout pour environ un hectare.
Notes (1) Ce personnage, possède un château à Beugney et y réside. A son retour d'exil, il réalise tous les biens de Marcoussis qui lui reviennent par la succession de la comtesse d'Esclignac, et à cette époque il fait détruire le château de Marcoussis pour tirer profit de cette "carrière idéale". (2) Chronique à venir. (3) informations verbales recueillies récemment. (4) Les architectes n'ont-ils jamais appris que construire sur des terrains non stabilisés, sur d'anciennes carrières, sur des terres inondables et, même, sur des terrains situées au-dessous du niveau de la mer était extrêmement dangereux ? Des exemples récents ont coûté la vie à plusieurs personnes !!!
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