Chansons populaires sur la bataille de Montlhéry |
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Chronique du Vieux Marcoussy --Marcoussis--------------- _------------------------------- Novembre 2011 La bataille de Montlhéry (miniature du XVe s.).C. Julien
Cette chronique emprunte à Adrien Le Roux de Lincy les textes des chansons populaires du XVe siècle que l'auteur a mis à jour dans un manuscrit acquis lors d'une vente de la collection M. Bottin en 1853 « Recueil de chansons et balades sur les évènements qui se sont passés en Flandres à la fin du XVe siècle, petit in 4°, demi-sel ». Parmi les pièces comprises dans un espace de temps de soixante-dix années, de 1407 à 1472, celles « sur la guerre du Bien Public et sur la bataille de Montlhéry » sont au nombre de six (1). Empruntons l'introduction du professeur Michel Rimboud pour résumer cette fameuse bataille de Montlhéry : « Montlhéry a été la seule bataille rangée de la guerre civile dite guerre du Bien Public qui a opposé le roi Louis XI à l'essentiel de la haute noblesse du royaume entre mars et octobre 1465. Elle a mis face à face l'armée du roi de France, commandée par Louis XI en personne, et l'armée du duc de Bourgogne Philippe le Bon, commandée par son fils Charles, comte de Charolais, futur Charles le Téméraire, le 16 juillet 1465. Traditionnellement, cette bataille a été considérée comme indécise, tant sur le plan tactique que pour ce qui concerne l'issue de la guerre civile. Elle n'en est pas moins l'une des rares grandes batailles livrées dans le royaume de France dans la deuxième moitié du XVe siècle, après celles qui ont achevé la reconquête du territoire sur les Anglais à la fin de la guerre de Cent Ans ».
La chanson satirique au temps de Louis XI Dans ces chansons, Louis XI joue un rôle très important et les principales actions de sa vie y sont jugées avec la sévérité qu'elles méritent : ses sourdes menées contre le duc de Bourgogne, sa conduite ambiguë à la bataille de Montlhéry. Il s'agit avant tout de chants satiriques . Consacrées au récit d'un fait d'armes de quelque importance, comme, la bataille de Montlhéry, ces chansons mettent en relief certaines circonstances qui ne sont pas les plus importantes peut-être, mais qui ont le plus frappé ceux qui les ont faites. La mémoire des guerriers morts en combattant y est toujours exaltée ; ceux qui ont déserté le champ d'honneur, au contraire, ou commis quelque félonie, y sont flétris justement. L'usage de composer ces sortes de chansons dans nos armées est fort ancien. On pourrait presque en constater des exemples à toutes les époques de la monarchie. On connaît des pièces de ce genre en langue latine, relatives aux rois de la première race. Charlemagne avait pris soin de réunir celles que ses soldats répétaient entre eux, mais dans la langue franque qui leur était familière. Ainsi de tout temps des chansonniers ont raillé le pouvoir. Villon (il aurait eu trente-quatre ans en 1465) n'aurait-il pas commis plusieurs de ces chansons ? Le Roux de Lincy présente sa découverte de la façon suivante concernant les chansons que nous allons citer « Elles sont extraites d'un manuscrit qui faisait partie de la bibliothèque de feu Bottin. Ce manuscrit contient trente-six pièces environ du même genre ; ces pièces sont principalement relatives aux guerres qui éclatèrent en France, en Bourgogne, dans le pays de Liège et en Flandre. Les rois Charles VII et Louis XI, les ducs de Bourgogne, Jean sans Peur, Philippe le Bon, Charles le Téméraire, en sont les personnages principaux. Autour d'eux viennent se grouper plusieurs capitaines et chevaliers français qui ont joué un rôle dans ces événements. Sur les trente-six pièces comprises dans le recueil, je compte quinze chansons historiques populaires ».
La simple « assonnance » Depuis le décret rendu le 13 septembre 1852 par l'empereur Napoléon III, la chanson populaire en France a été l'objet de recherches incessantes et de nombreux travaux. Un des trois comités institués près le ministère de l'instruction publique, a recueilli et centralisé toutes les recherches. Il en a résulté, la publication d'un recueil, aussi complet que possible, de ces chants si curieux, dont les textes, après avoir passé par la mémoire de plusieurs générations, s'altèrent sensiblement chaque jour, ou même disparaissent entièrement. Dans les études entreprises à ce sujet, on s'est appliqué à définir quels étaient les signes principaux qui pouvaient faire reconnaître qu'une chanson avait été populaire. Le rapporteur de la commission, chargé de tracer les règles à suivre sur ce point, les a résumés en quelques lignes. Il dit en terminant : « La rime est remplacée souvent par la simple assonnance, c'est-à-dire par la présence de la même voyelle dans les syllabes finales des deux vers ». On croit pouvoir ajouter que les chants populaires riment toujours par assonnances , et que c'est principalement à ce signe très distinctif qu'il est facile de s'assurer si une chanson du XIVe ou du XVe siècle, historique ou narrative, a été populaire. «J'appelle assonnance, dit M. Raynouard, la correspondance imparfaite et approximative du son final du dernier mot du vers avec le même son du vers qui précède ou qui suit, comme on a appelé rime la correspondance parfaite du son identique final de deux vers formant le distique ». Pour mieux faire comprendre cette définition, Le Roux de Lincy cite ces vers bien connus: Si le Roi m'avoit donné
Les chansons populaires de la guerre du Bien Public Un grand nombre de chansons populaires sont des œuvres de soldats. Consacrées au récit d'un fait d'armes de quelque importance, comme la bataille de Montlhéry, ces chansons mettent en relief certaines circonstances qui ont le plus frappé leurs auteurs; la mémoire des guerriers morts en combattant y est toujours exaltée, ceux qui ont déserté le champ d'honneur, au contraire, ou commis quelque félonie, y sont flétris avec raison. Juges passionnés et sévères, ces hommes ont parfois raillé le dévouement à des causes malheureuses et perdues; mais, le plus souvent, ils ont été justes; l'histoire, qui doit enregistrer avec soin leur opinion, ne peut rien faire de mieux que de la ratifier. L'usage de ces chansons historiques et populaires est fort ancien dans nos armées; on peut eu constater des exemples à toutes les époques, et je ne doute pas qu'aujourd'hui encore il ne soit resté très en vigueur. La guerre du Bien public et la bataille de Montlhéry, qui en fut un des plus sanglants épisodes, ont eu assez de retentissement pour devenir les sujets de chansons populaires. Les six pièces suivantes, relatives à ces événements remarquables, sont d'autant plus curieuses, qu'elles ont été composées par des témoins oculaires. En les comparant avec les récits des principaux chroniqueurs, on en reconnaît, non seulement la véracité, mais encore l'importance. Les deux premières chansons sont consacrées à la guerre du bien public. On y reproche à Louis XI sa tyrannie, on y exalte le comte de Charolais, comme le héros chargé de l'en punir. Le quatrième couplet de la seconde chanson commence par l'énumération des villes dont le comte de Charolais s'est emparé à son entrée en Picardie. Jacques Duclerc, livre V, chapitre XXVIII de ses Mémoires, donne quelques détails qui s'accordent parfaitement avec cette énumération. Au deuxième couplet de la première chanson il est question de ceux qui ont à régir la couronne. Ces paroles ont rapport à un des faits les plus curieux de la guerre du Bien public, fait qui jusqu'à présent, n'a été signalé par aucun des historiens de Louis XI, c'est que les seigneurs confédérés avaient pris la détermination de détrôner le roi de mettre la couronne en tutelle et de nommer un régent. Ce fait est confirmé par le couplet suivant d'une chanson satirique qui se trouve dans le même recueil que les pièces sur la bataille de Montlhéry: Le quart souhaite autant d'argent
Dans des pièces relatives à la guerre du Bien public publiées par Jules Quicherat nous lisons : Dans un interrogatoire du seigneur de Crevecœur, fait prisonnier la bataille de Montlhéry, on trouve la réponse suivante : « Plusieurs et souventes fois, il a ouy dire à plusieurs du conseil du dit seigneur de Charolles, en devisant avec les chevalliers, escuyers et autres de l'hostel du dit seigneur, que ledit seigneur de Charolles et autres avec lesquelz il estoit allié, estoit délibérez, eulx assemblez, faire un régent, ensemble un connestable, au dit royaulme, et donner ordre, provision et police au gouvernement et régime du dit royaulme, à la conservation du bien publicq et descharge du pauvre peuple d'iceluy (et que ilz entendoient faire régent Monseigneur de Berry, mais du connestable ne sçait le nom), semblablement ou fait de la justice, pourveoir aux tailles, impôtz, aydes et autres menues souffrances mis et imposez sur le povre peuple et commun au royaulme.... ».
La Ballade La première chanson intitulée « La Ballade » exprime le ressentiment du peuple pour le roi Louis XI. C'est par conséquent un panégyrique au duc de Bourgogne et plus spécialement à son fils Charles, comte du Charolais, plus tard connu sous le nom de Charles le Téméraire (2). Il est question des gens de Picardie, car à cette époque le duché de Bourgogne comprenait les Flandres et le nord de la France jusqu'à la Somme. On se souvient de la célèbre entrevue de Péronne (14 octobre 1468) où le roi tomba dans un traquenard et échappa de peu à un mauvais coup de son cousin « Charolloix ». O Roy Loys qui de Franche se nomme Car ceulx qui ont à régir la couronne
As tu sentu la force et la puissance T'as eu aulcums des biens de Picardie
En vieux français « Malle mesquance ou meschéance », signifie mauvaise chance, dommage. « Nuittie » est employé pour nuitée, nuit. L'éloge s'adresse au comte de Charollais, âgé de 32 ans, jeune et fringant chevalier alors que son vieux père, le duc âgé de 69 ans, est proche du tombeau. On remarque que l'auteur parle de « villonnye » pour faire allusion aux ruses de Louis XI surnommé « l'universelle aragne ». La Ligue dite « du Bien Public » était menée par Charles rendu furieux par la vente au roi des villes de la Somme par son père Philippe le Bon. Le roi est invité à mettre son « hault volloir en bas ». Dans cette ballade, il est patent que les deux armées, royale et féodale n'osaient en venir aux mains. « On préludait au combat par des manifestes et des cartels en prose et en vers. Du côté des confédérés, on exalte, on glorifie le comte de Charolais, le grand redresseur des torts, le sauveur du royaume », dit Charles Lenient (3). En revanche on attaque fort le roi « le tyran » en lui reprochant sa déloyauté et les impôts (la gabelle).
La seconde « canson » Le chansonnier en appelle « au Seigneur » pour la réussite de la coalition menée par les princes sous la conduite de Charles qui se met en « dangier » pour le bien de la couronne. Dans cette poésie patriotique, le roi est clairement appelé « Gannelon » ayant arraché les villes de Bray, Montdidier et Roye, et le château de Beaulieu au vieux duc de Bourgogne. L'appel aux armes est lancé aux Picards, Flamands, Artésiens et Boulonnais. Jhesus voeulle conduire Pour le bien de la couronne, Il s'est boutté en France, Bray, Mondidier et Roye, Il est passé la Saine; C'est le piller et masse En luy maint courtoisie Galans de Picardie,
La marche des confédérés Fin juin 1465, la guerre devient inévitable et les armées des Ligueurs se mettent en route pour combattre l'armée royale. Trois armées s'avancent à la fois sur Paris : l'une de Bretagne, l'autre du Bourbonnais, la troisième de Bourgogne. « Entre les deux partis, la bourgeoisie gardait une attitude douteuse et indécise, bien que Paris fut longtemps attaché à la faction bourguignonne » nous dit Charles Lenient. Le comte de Charolais, avec son insolence et son humeur aventureuse, inquiétait les Parisiens imprégnés « d'un vieux levain démocratique ». Le duc de Berry (âgé de 18 ans), frère du roi, suivant à son tour l'exemple du « ci-devant dauphin » s'était réfugié chez le duc de Bretagne et devenait l'espoir de la coalition féodale. Il fut proposé pour devenir le « régent » du royaume. Nous donnons quelques couplets de la troisième chanson : Chantons et se nous esbatons Il fault pour batillier En son avènement Ravestain, de plain vol, Hames fut mys à mort, Le bastard Bourguignon, Monseigneur de Blassy Le Roy est bon veneur Bien XXIIIe lanches
La chanson est une des plus curieuses : écrite dans le style populaire, elle rime par « assonnances » et renferme plusieurs traits d'une poésie mâle et fière. On y exalte les chevaliers bourguignons ou français qui se sont distingués dans la bataille, ceux entre autres qui ont payé de leur vie l'honneur d'être cités. Du côté des Bourguignons, ce sont le seigneur de Ravestain, le comte de Saint-Paul, le sire de Hautbourdin, le bâtard de Bourgogne et enfin Philippe de Lalain qui fut tué. Du côté des Français, ce sont le seigneur de Hames, Pierre de Brezé, sénéchal de Normandie, que le chansonnier nomme Blassy, et le capitaine Floquet, fils du bailli d'Evreux, tous trois morts en combattant.
Le château de Montlhéry (gravure par Georges Brawn (1582).
La bataille du 16 juillet 1465 La première des quatre chansons relatives à la bataille de Montlhéry n'est pas favorable à Louis XI. On y reconnaît cependant que le combat fut terrible, chaudement soutenu, et même, au cinquième couplet, on avoue que les Bourguignons ne doivent pas trop s'enorgueillir, car plusieurs d'entre eux ont pris la fuite; mais au septième couplet il est dit que le roi, qui s'est vanté d'avoir gagné la bataille, n'en a pas moins perdu sept coulevrines. Le chansonnier ne ferait-il pas ici allusion à ce qui eut lieu peu de jours après la bataille de Montlhéry, quand le roi, de retour à Paris. Selon la Chronique scandaleuse de Leuglet-Dufresnoy (1747) « le roi vint souper à l'hôtel de son lieutenant-général, Charles de Melun, en compagnie de plusieurs seigneurs, demoiselles et bourgeoises; il leur lit un récit tellement pathétique des dangers qu'il avait courus, que tous ceux qui l'entendirent pleurèrent bien longtemps ». Ni Philippe de Commynes, ni Jacques Duclerc n'ont fait mention de ces coulevrines perdues par Louis XI. Mais, au cinquième couplet de la chanson n° 5, on parle des soldats du Dauphiné qui s'étaient emparés de l'artillerie des Bourguignons, et qui furent contraints de l'abandonner. Olivier de la Marche dit que, le lendemain de la bataille, au point du jour, il fut envoyé avec le seigneur de Morneil, grand maître de l'artillerie, pour reprendre certaines pièces d'artillerie, au pied du château de Montlhéry. Sous le titre « Aultre canchon touchant le Mont-le-Hery » la chanson N°4 décrit la bataille. Entendés fleur de noblesse, Par ung mardi la battaille C'estoit bruyt espoentable Quant ce vint droit à l'aproche, Et adfin que on n'anoblisse Mais le preu et vaillant conte, Mais pour parler de l'istoire, Car en telle proppre nuittie Ainsy donc, sans cremir honte. Finablement, hommes d'armes,
Tandis que Pierre de Brézé se faisait tuer bravement en tête de l'armée royale, le comte du Maine, soit trahison, soit couardise, donnait le signal de la déroute. Au huitième couplet de la chanson n° 4, l'on reproche au roi d'avoir laissé pendant la nuit le champ de bataille, et d'avoir montré les talons. Mais le prince que je chante, ajoute l'auteur, et tous ses bons champions y restèrent pendant trois jours. Charles restait maître du terrain, où il provoquait en vain son adversaire. À la marge du manuscrit, en regard de ce vers : Et tous ses bons champions, on lit : Moy Gin . Est-ce le nom de l'auteur, ou le nom d'un de ceux qui prirent part à cette journée mémorable? On trouve à la bibliothèque de La Haye, parmi les manuscrits provenant du savant Gérard, un volume in-folio qui contient des copies faites par Gérard lui-même de chansons anciennes et d'autres poésies historiques. Entre ces chansons figure celle-ci; Gérard dit l'avoir copiée sur le manuscrit original de Jehan, sire de Hainin et de Louvignies, auteur d'une chronique qui s'étend de l'année 1465 à l'année 1466, et donne beaucoup de détails sur la bataille de Montlhéry, sur la prise de Dinant, et la guerre contre les Liégeois. M. A. Jubinal a imprimé en double (page 106 et page 245 de ses Lettres à M. le comte de Sahandy sur quelques-uns des manuscrits de la Bibliothèque royale de La Haye. Paris, 1846, in-8° ) le texte recueilli par le sire de Louvignies, et signé du nom de Jaquet Doget; n'est-ce pas l'auteur de la chanson? Ce texte est d'autant plus curieux qu'il présente avec celui de mon manuscrit des différences assez notables; nous avons là deux rédactions du même chant populaire. « Aussi me saurat-on gré de joindre au texte que je publie les variantes de celui que Gérard nous a conservé ? » se demande Le Roux de Lincy. Philippe de Commynes, Jacques Duclerc, Olivier de la Marche et deux témoins oculaires, auteurs de relations de la bataille, ont parlé de ces hardis champions. Notre chanson ajoute sur quelques-uns d'eux des traits dignes de remarque : au septième couplet, par exemple, il nous apprend que le bâtard de Bourgogne avait les fièvres, qu'il n'en cherchait pas moins le plus épais des rangs ennemis, disant que de se battre le guérirait de son mal. Le huitième couplet est consacré au capitaine Floquet, le bon vassal, qui, couvert de sa cotte aux armes du roi de France, fut tué, ainsi que son cheval.
La canchon V favorable à Louis XI Les deux dernières chansons, sont à fait dans le même style que la précédente, mais paraissent d'une facture encore plus grossière. Elles sont très favorables à Louis XI, et composées évidemment par quelqu'un de l'armée royale. Nous pouvons y remarqué plusieurs faits qui ne sont pas dans les chroniqueurs et qui complètent le récit de la bataille. Au troisième couplet de la chanson n° 5, le nombre des troupes françaises est porté de vingt à trente mille, celui des Bourguignons seulement à quatorze mille. Bien que l'exactitude de ces chiffres paraisse très douteuse, il n'est pas moins curieux de les signaler ici. Dans le quatrième couplet, on cite deux capitaines français, Salezart et Malortye, qui partagèrent avec Floquet et le sénéchal de Normandie l'honneur de cette journée. De nos jours, les historiens estiment les forces en présence : du côté de la ligue du Bien public on compte 5.600 hommes d'armes et archers du comte de Charolais, 500 hommes d'armes du duc de Bretagne et du maréchal de Lohéac, 500 hommes d'armes réunis par Dunois, le duc de Berry, Dammartin et Alençon et 120 Siciliens, soit un total d'environ 12.000 hommes, en comptant l'armée de Bourgogne arrivée tardivement. Du côté du roi Louis XI, on compte 2.200 hommes d'armes et 800 hommes du duc du Maine, plus une artillerie importante, au total 12.000 hommes. Dans les notes de Commynes, nous savons que Jean de Salazar, natif du pays d'Espagne, chevalier conseiller chambellan du roy, était capitaine de cent lances de son ordonnance et seigneur de Montagne, Saint-Just, Marcilly, Laz, Louzac et d'Issodun. « Il trespassa à Troyes le 12e jour de novembre, l'an de grâce 1479 ». Quant à Malortye, on lit dans la relation de Guillaume de Torcy, que : « Et au regard des gens du roy, sont prisonniers M. du Maine, Malhortie, blechié à la tête et en lu fâche et prisonnier, etc. ». Robert de Malortye était un chevalier normand, conseiller et chambellan du roy, comte de Conches et de Breteuil, seigneur de Quirieux et de la Tour du Pin. Dans cette même chanson, on y parle aussi du courage des Dauphinois qui, dès le commencement de la bataille, s'étaient emparés de l'artillerie des Bourguignons. Au sujet de cette chanson qui commence par ces mots : Je me levai hier au malin, on doit encore faire une remarque; c'est qu'elle est composée sur le même thème, presque avec les mêmes paroles qu'une des chansons relatives à la bataille de Brumpton, qui se trouve aussi dans le manuscrit de Le Roux de Lincy; les noms propres et quelques mots seulement ont été changés. Je my leva y hier au matin « Dy moy, gallant, à qui tu es, Bien y pert au Mont le Hery, Et sy estoit chi Salezart Du premier caup de l'aborder
L'expression de vieux français « S'yl n'estoient c'um pau » signifie : s'ils n'estoient que peu.
La fière attitude de Louis XI ( canchon VI ) La dernière chanson française prête à Louis XI une plus fière attitude et une généreuse protestation, quand son rival a ordonné de tuer sans merci, et de ne pas faire de prisonniers. Dans les troisième et quatrième couplets de la dernière chanson, nous trouvons un fait grave, qui n'a été apporté dans aucun des mémoires contemporains, c'est que le comte Charolais aurait défendu, sous peine de la hart, de faire des prisonniers, et que le roi de France, ayant eu connaissance de cet ordre cruel, se serait écrié, en levant la visière de son casque : « À moi saint Denis! à moi Notre-Dame de Senlis, venez à mon aide contre tous mes ennemis ». La chanson se termine par un juste reproche adressé au comte du Maine, qui le premier s'est enfui; par un souvenir aux capitaines Salezart et Malortye, ainsi qu'aux soldats de l'Ecosse et du Dauphiné, qui s'étaient bravement comportés. Mont le Hery, forte plache, Les Franchois s'y arrivèrent Quant les Franchois a choisi, Le très puissant Roy de Franche Ce fut le conte du Maine Cur ilz rompirent la battaille
L'expression « Soies en ayeue » signifie : soyez en aide. Loin de songer à fuir, le roi exhorte les siens à tenir bon « Tenés guerre, je vous pry » contre ceux qui gastent ou déshonorent la fleur de lys. Sur ce point Commynes, qui se moque des fuyards, justifie complètement le roi : « Sa présence estoit grant chose', et la bonne parole qu'il tenoit aux gens d'armes : et croy véritablement à ce que j'en ay sceu, que si n'eust été luy seul, tout s'en fust fuy ». Si décidé qu'il soit à mourir « je voeul morir » Louis XI aime encore mieux vivre. Ainsi laissant à son cousin l'honneur de coucher sur le champ de bataille, il rentre à Paris pour narrer ses exploits aux bourgeois attendris.
Notes (1) A. Le Roux de Lincy, Chansons populaires sur la guerre du bien public et sur la bataille de Montlhéry, 1467 , in Revue contemporaine et Athenæum Français, Volume 29 (Bureau de la Revue Contemporaine, Paris, 1856) - Chants historiques et populaires du temps de Charles VII et de Louis XI (chez Auguste Aubry, Paris, 1857). (2) Les ducs de Bourgogne se rattachent à la dynastie royale des Valois par Philippe le Hardi, fils cadet de Jean II le Bon, qui, en récompense de sa conduite courageuse à la bataille de Poitiers, avait reçu en apanage de son père le duché de Bourgogne, autour de Dijon. Le duc épousa Marguerite de Male, héritière du comté de Flandre, autour de Lille et Gand, et du comté de Brabant, autour d'Anvers. La Flandre relève de la suzeraineté des rois capétiens, autrement dit français tandis que le Brabant relève du Saint Empire romain germanique. Jean-sans-Peur succéda à Philippe le Hardi, puis Philippe le Bon, père de Charles le Téméraire. (3) C.-F. Lenient, La poésie patriotique en France au Moyen âge (Paris, 1891).
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