Origine de l'ordre du Déluge 1060-1350
Cette chronique, est le troisième volet de l'histoire d'une région qui a vu des personnages notamment Anglais occuper des positions dans des offices religieux en France.
J.P Dagnot - Juillet 2013
Pour essayer de proposer une hypothèse de fondation de la commanderie du Déluge commençons par rappeler l'origine des deux ordres Hospitaliers et Templiers, ceci en France et en Angleterre. Les biens de ces ordres étaient administrés par langue. La langue de France, chez les Templiers formait une région analogue à celles des Hospitaliers.
Rappelons également la chronologie des rois d'Angleterre
- Période normande
Guillaume le Conquérant, 1066-1087. Puis son fils Guillaume le Roux, 1087-1100. Puis le quatrième fils de Guillaume le Roux Henri I, 1100-1135. Etienne de Blois, petit fils de Guillaume le conquérant 1135-1154.
- Période Plantagenet
Henri II, 1154-1189. Richard Coeur de Lion, 1189-1199, troisième fils d'Henri II. Jean sans Terre, 1199-1216, cinquième fils d'Henri II. Henri III, 1216-1272, fils aîné de Jean sans Terre. Edward I, 1272-1307, fils aîné d'Henry III. Edward II, 1307-1327, deuxième fils d'Edward I. Edward III, 1327-1377, fils aîné d'Edward II et d'Isabelle de France, par ses prétentions au royaume de France, déclenche la guerre de Cent Ans.
Ce rappel historique montre la présence des dynasties françaises sur le trône d'Angleterre.
Hospitaliers en France
On peut considérer que cet ordre à l'origine composé de simples hospitaliers qui secouraient dans leurs maisons les pèlerins pauvres et malades, ne devint militaire en 1099, qu'après la prise de Jérusalem par Godefroy de Bouillon. Comme il concernait les chrétiens, plusieurs pays d'Europe étaient engagés, et à l'époque, ils étaient regroupés par langue. Pour la langue française, trois établissements existaient, en Aquitaine, en Champagne et le Grand-prieuré de France à Paris.
Le grand-maître de l'Hôpital résidait à Jérusalem et avait sous ses ordres le prieur de l'Hôpital en France. Ce dernier avait des subalternes par région. Pour établir des commanderies, ces frères recevaient du roi, des seigneurs, et des ecclésiastiques, des revenus de villes, des droits religieux, prébendes, dîmes, ainsi que des terres. Le Saint-Siège de plus, affranchit ces ordres de toute juridiction. À partir de ces dons, les frères bâtissaient église ou chapelle et avec d'autres biens, formaient des commanderies avec privilège royal de haute, moyenne et basse justice.
Le plus ancien document mentionnant l'Hôpital parisien remonte à 1171, c'est une charte de Maurice évêque de Paris qui fait connaître que Philippe de Villa Escoblen et Mathieu son frère, ont cédé aux frères Jocelin et Gérard, procureurs de la maison de l'Hôpital à Paris, les terres, les hommes et la justice seigneuriale qui leur appartenaient à Bièvres.
Voyons maintenant de manière chronologique les évènements retrouvés pour la région de Montlhéry qui dépendait du Grand-prieuré de France. Au milieu du XIIe siècle, ces commanderies commencèrent à s'organiser. À la fin du XIIe, celle de Corbeil apparaît. Au milieu du XIIIe c'est le tour de Melun. On n'a pas trouvé la fondation d'un certain nombre d'entre elles notamment celle du Déluge.
Précisons qu'une commanderie portait à cette époque le titre de chambre prieuriale et était attachée à la dignité du Grand Prieur de France. Le siège de ce grand prieuré fut d'abord installé à Paris, puis transféré à Corbeil au commencement du XIIIe siècle, au prieuré de Saint-Jean en l'Isle fondé par la reine Alix, mère de Philippe Auguste. Il y resta jusqu'au jour de 1311 où il retourna à l'ancienne maison du Temple de Paris, à la suite de la dévolution faite au profit des Hospitaliers de tous les biens des Templiers par le concile de Vienne. Néanmoins nous pouvons relever la chronologie suivante pour cet ordre:
- En 1175, une doantion faite par Robert d'Arpenty à la maison de l'Hôpital à Paris, de terres à la Norville, le frère Gérard, qui accepte cette donation, est qualifié de gardien et d'économe de cette maison. Cette qualification équivaut à celle de maître ou commandeur
- En 1185, frère Anselme, prieur de l'hospistal de Saint Jehan de Jérusalem en Gaulle, fait un échange et acquiert l'église de Villeconin.
- Deux ans après, les frères de l'Hôpital possèdent à Paris une maison ... on y trouve un frère nommé Garnier de Naples qui cumule deux dignités, prieur de l'hopital en Angleterre (prior hospitalis in Anglia) et maître de l'ordre en France ( preceptor ejusdem in Francia), pour les affaires de l'ordre ( vicem prioris gerentes in Gallia). Dans cette même charte figurent les frères Jacques et Anselme qui le représentait en France "vicem prioris gerentes in Gallia."
- En 1205, Philippe Auguste, roi de France donne aux frères de l'Hôpital de Paris tout ce qu'il avait à Bruyères près de Chastres , en échange d'une rente de trente sous que le feu comte Robert leur avait donné à Poissy.
- Trois ans après, Hugues Barchelier, chevalier, et Gila son épouse, vendent aux frères de l'Hospital, un fief à Bruyères. Philippe, roy de France, approuve la vente ... Les biens se trouvent à Loppigny.
- Vers le début du XIIIe siècle, notons la découverte d' un sceau en cuivre retrouvé au XIXe dans le potager du Déluge portant l'inscription SIGILLUM FRATRIS NICOLAI DE AUDELUGIA . Le frère Nicolas porte-t-il ce patronyme ou plutôt relève-t-il de ladite commanderie?
- Notons en 1219 l'acquisition des dixmes de Villeconin par les frères de l'Hospital de Jerusalem de Chauffour...
- Rappelons l'accord de 1232 entre, le maistre du Déluge de l'ordre de l'Hospital de Jérusalem, le chapelain du Plessis, Richaude de Mulleron et Thomas de Chantecoq concernant les dîmes de Briis. traduit des actes de l'abbaye de Saint-Magloire.
- Quatre ans après Pierre de Castris, chevalier, et son épouse vendent aux frères de l'Hospital de Jerusalem une partie du moulin vulgairement appelé Fancherel assis à Chastres...
Nous arrivons en 1242 et reprenons un vidimus de 1347. A tous ceux que ces présentes lettres verront, moi, frère Guillaume [d'Upton], commandeur de la maison du Déluge de l'Hôpital de Jérusalem , au diocèse de Paris... Savoir faisons qu'il y a un échange (amodiation) avec les religieux et l'abbé et couvent de Saint-Magloire de Paris qui tiennent et possèdent la moitié de toute la dîme sur le territoire du Déluge, de Pampuce et de Marivaux et perçoivent chaque année dans notre grange du Déluge, et de deux setiers de blé obtenus après battage (nobis tractu et trituracione) pour notre grange, c'est à savoir un setier d'avoine et un autre de blé d'hiver…
En 1243, plusieurs achats de pièces de terres au Buisson (Ollainville), sont faites par les frères de l'Hospital parisien, au dos des documents un résumé en français mentionne "Déluge". Ces terres seront peut-être rattachées au Déluge après la guerre de Cent Ans.
L'année suivante, Frère Simon, maitre de l'Hôpital de Jérusalem à Paris, magister humilis domus Hospitalis Jerusalem parisienis, fait connaître qu'il satisfait à la réclamation de Guillaume, prêtre de Bruyères agissant comme procureur du prieuré de Saint-Didier au nom de maistre Simon de Langueton, " de languetanno", qui prétendait percevoir deux setiers d'avoine, sur la dîme des terres de Buissum en la paroisse de Bruyères. Il n'est pas question du Déluge.
L'année suivante, Thierry de Nussa, prieur de l'hopital en Angleterre, ratifie l'amodiation par les religieux de Saint Magloire à Guillaume d'Upton, chapelain, maître de la commanderie du Déluge. Ce document vient également d'un vidimus de 1347, religieux homme frère Terricus de Nussa humble prieur des frères de lospital de Jerusalem en Angleterre ... frère Guillin de Upton chapelain et maître de la maison du Déluge et ses frères Acte passé en nostre Déluge en présence de ..., Robert chapelain de Marcocys...
En 1246, l'acte ci-dessus est réitéré et bien que semblant anodin, il va nous donner la solution de la dépendance de la commanderie du Déluge. Ce document est rédigé à Melchbourne comté de Bedford.
Le temps passe nous arrivons en 1290, devant Jehan Blondel, prévost de Montlhéry, salut, sachent que par devant nous , Jehan Lablanche .... confesse avoir vendu à religieux homme frère Baudoin commandeur de ladite meson du Déluge ... acquisition de deux arpents et trois quartiers tenant à Guillaume de Bellejambe, mouvant de ladite maison du Déluge... Les dirigeants anglais se sont effacés au profit de français. Néanmoins, il n'est pas fait mention du supérieur du frère Baudoin.
En 1297, un bail à rente du moulin de Guisseray par Thomas de Bruyères à de l'ordre st Jean de Jérusalem: Thomas sires de Bruyères, chevalier recongnut & confessa que il avoit pris et reçu à toujours, à lui & à ses hoirs, de religieux homes frère Ychier de Mantueil prieur et des frères de la sainte meson de lospital Saint Jehan de Jérusalem en France , le moulin que lesdits religieux avoient à Guisseroy et trente soulz parisis de cens ou de rente que le commandeur de Chauffour prenoit chacun an sur leur meson du Déluge pour ce que la meson du Déluge tient de la meson de Chauffour au terrouer de Bruyères ... Là, le problème ne se simplifie pas, on sait que les grands prieurs se réservent les moulins mais il semble qu'il y aurait un lien entre les deux ordres hospitaliers Chauffour et le Déluge..
Suivent plusieurs actes en 1298, ne retenons que la qualité de frère Baudoyn, commandeur à ce tems de la saincte meson de l'Hospital de Jérusalem du Déluge en l'évéché de Paris. Le seul terme ambigu, l'évêché de Paris, probablement pour situer le lieu.
En 1303, Jehan de Soissy, seigneur du Brunay, vend à Jehan de Louvet, trésorier de la maison de l'Hospital Saint Jehan de Jérusalem à Paris, de nombreuses parties de droits sur Linois. L'affaire ne se simplifie pas c'est maintenant le trésorier parisien qui est partie prenante.
En 1307, un acte met en présence le seigneur de Bruyères-le-Châtel et un aréopage du côté hospitalier, à toux ceux qui verront Frémin de Coquerel, garde de la prévosté de Paris, salut; nous faisons à scavoir que par devant nous personnellement établi en jugement frère Guillaume de Sanscerre commandeur de Hesfend, frère Jehan de Montlhéry, commandeur du Déluge, et Roger de Gildesbourg clerc procureur de frère Guillaume de Tothale, prieur de la sainte maison de lospital de saint Jehan de Jerusalem en Angleterre. Si come il appert par lettres de procuration dont la teneur en dessoubz transcrite et recongnut en droit, que eux, au nom dudit prieur et aux frères de l'Hospital de Saint Jean de Hierusalem en Angleterre et de la maison du Déluge et pour le proffit dicelle, avoit eschangé et en nom de pur eschange et permutation, but à but, sans nulle soulte, baillé octroyé quitté et délaissé, désormais à toujours, à Monseigneur Thomas de Bruyères, tous les héritages qui sensuivent que le prieur et maison de nous dit et les frères dicelle maison avoient lieux cy après desclairés :
- 32 sols parisis de cens ou de rente sur plusieurs maisons assises en la ville de Bruières,
- derechef environ 17 sols sur des terres au terroir de Soucy,
- derechef dix sols six deniers sur plusieurs maisons assises en la ville de Loppigny,
- derechef, une pièce de bois à Marivaulx qui souloit estre tenu de la maison du déluge à deux deniers de cens , ...
contre des héritages à Chastres...
avec amortissement par lettres de Philippe roy de France. Le document est une copie collationnée au greffe des requestes du palais de l'année 1638. D'une manière générale tous les actes où les anglais interviennent son des copies collationnées; d'ou viennent-elles? probablement de la commanderie du Déluge qui a été ensuite pillée pendant la guerre de Cent Ans, les guerres de religion fin XVIe siècle et la Fronde en 1650.
Nous arrivons en 1345, fratus Richard Bernard, militem ordinus hospitalis sancti Johanes Jerusalem, dominus de Diluvio ... dans un procès contre Thomas de Meulan: confirmation de la sentence du prévost de Paris déclarant subreptices les lettres royaux qui subordonnaient à la restitution des ornements liturgiques saisis à la chapelle du Déluge, l'exécution sur les biens de cette maison jusqu'à 400 livres . Dans cet acte français écrit en latin, il n'est pas fait mention du supérieur du commandeur.
Hospitaliers en Angleterre
L'ordre fit son apparition en 1101, il y grandit et s'y étendit jusqu'à la Réforme. Leurs biens furent confisqués en 1540 par Henri VIII. Au XIIe siècle le prieur est dénommé Jerosolimitani hospitalis servus et fratum qui in Anglia sunt prior. Avec le XIIIe siècle le mot servus tend à disparaître et la formule devient magister fratus S. Hosp. Jerusalem in Anglia. Elle tend à se simplifier au fil du temps pour la trouver en 1272, réduite à ces mots R. prior Hospitalis in Anglia. Souvent aussi le titre de praeceptor est employé comme synonyme de prior ( Præceptor : en latin celui qui donne un ordre, celui qui commande. On peut traduire par prévôt qui est le responsable laïque).
La liste des prieurs anglais donnée par Dugdale commence par Garnier de Naplouse, néanmoins on peut penser qu'avant ont existé Gauthier et Raoul de Dina mentionnés dans des actes non datés du XIIe siècle. La liste des prieurs successifs n'apporte pas d'informations pour notre chronique.
En 1086, l'évêque de Coutances possède le manoir de Melchbourne. Il passe ensuite à Alice de Clermont.
Notons avant 1117, la fondation de la commanderie de Melchbourne par Alice de Claremonte comtesse de Pembroke.
Garnier de Naplouse figure dans un acte de 1185 en qualité de prieur d'Angleterre . Le siège de l'ordre était-il à Clerkenwell ou à Melchbourne?
En 1199, la commanderie de Melchbourne a été confirmée par le roi Jehan (sans terre), et cette commanderie est restée hospitalière jusqu'à sa dissolution vers 1540.
Notons en 1219 des lettres de Philippe II, roi de France, portant confirmation de toutes les donations, concessions et privilèges accordés par Richard roy d'Angleterre aux frères de l'Hôpital de Jérusalem. « Philippus Dei gratia francorum rex omnibus senescalis Ballivis, castelanis prepositus, justiciariis et fidelibus suis Normannis, Andegavenibus, Cenomantibus, Turomesibus, Pictavientibus et universis sancte Matris ecclesie fillis ad quos presens carta pervenerins salutem ». Moi, Philippe, roi de France par la grâce de Dieu, à tous les sénéchaux, les baillis, les prévôts des châtellenies et officiers de justice tant en Normandie, Anjou, Touraine, Poitou, et province du Mans, au nom de la sainte Eglise et de notre Seigneur, à tous les présents que ces lettres verront, salut. Nous faisons savoir que nous voulons et concédons et approuvons, par les présentes lettres nous confirmons toutes les possessions, aumônes et donations pieuses consenties par Richard, roi d'Angleterre, au temporel du Saint Hôpital de Jérusalem et aux frères et aux chevaliers qui servent ce Saint Hôpital, tous ce qui a été accordé, consenti et confirmé et voulons fermement et souhaitons que tout ce qui appartient aux frères et aux chevaliers soit respecté pour continuer l'œuvre de ce roi . Cet acte a été fait à Paris, l'an de grâce mil deux cent dix-neuf, au mois de novembre et scellé du grand sceau de cire verte en las de soye rouge. Il semble que ce roi français confirme une donation aux prieurs anglais de l'Hôpital de Saint Jehan de Jérusalem accordée par Richard d'Angleterre.
En 1246, l'acte de 1245, fait par Thierry de Nussa est réitéré et bien que semblant anodin, il nous donne la clef de la dépendance de la commanderie du Déluge. Ce document est rédigé à Melchbourne comté de Bedford.
Acte passé à Melchbourne.
Templiers en France
L'ordre du Temple est moins ancien que celui de l'Hôpital Saint-Jean-de-Jérusalem. Il fut fondé en 1118 à Jérusalem par plusieurs seigneurs français qui s'étaient croisés, notamment le bien connu Hugues de Payns. Ces fondateurs apportèrent d'entrée des domaines importants qui devinrent des commanderies.
Parmi les commanderies qui prirent naissance dans notre région, citons Balisy en 1188. Cet ordre jouissait des mêmes droits et privilèges que ceux accordés aux Hospitaliers.
À l'origine ces chevaliers du Temple appelés "les pauvres Chevaliers du Christ", étaient parvenus à accumuler au milieu du XIIIe siècle, d'immenses richesses qui suscitèrent la jalousie. Ils allèrent jusqu'à ignorer le roi Saint-Louis prisonnier des infidèles et refusèrent de contribuer au paiement de sa rançon.
Templiers en Angleterre
L'ouvrage d'Albon sur l'ordre des Templiers de 1119 à 1150, permet d'affirmer qu'au cours de cette période de multiples actes sont consignés retenons
- une donation faite à Londres confirmée par le roi Etienne,
- donation parielle de revenus à Lewes,
- mention du respect de franchise pour l'église de Weston,
- donation de terre à Middletown,
- don de la terre de Cowley par le roi Etienne, confirmé par la reine Mathilde,
- mention par la reine Adélaïde de la donation de la moitié de son manoir de Stanton,
- don de terre par Milon comte de Hereford de terre relevant de l'église de Gloucester
- mention de justice au comté de Hereford,
- donation de terre au manoir d'Hensingtown, à Sparshot, rente à Tarenford, de revenus à Dynnesley, terre à Ingeflod,
- donation par Etienne roi d'Angleterre du manoir de Witham, confirmé par la reine
Malheureusement pour nous les noms des grands prieurs n'apparaissent pas ni les lieux où ils sont attachés.
La famille Langton
Intéressons nous à une famille anglaise, les Langton. Henry Langton est un propriétaire terrien, seigneur d'un manoir à Langton dans le Lincolnshire. Il a eu trois fils :
- Étienne Langton (1150 - 1228) serait né dans une ferme entourée de douves dans le village de Langton. Ce personnage est connu en Angleterre sous le nom "Stephen Langton".
Il a étudié à l'Université de Paris et est devenu l'ami du cardinal de Conti, futur pape sous le nom d'Innocent III. Il devient professeur, toujours à Paris; en 1180, il donne des conférences sur la théologie jusqu'à 1206. Le Pape Innocent III, , l'appelle à Rome et le fait cardinal-prêtre de San Crisogono. Sa piété lui a permis par ailleurs d'obtenir des prébendes à Paris.
En 1205, à la mort de Hubert Walter, archevêque de Cantorbury , Innocent III consacre le théologien anglais pour succéder au défunt. Langton a été choisi et consacré par le pape à Viterbo le 17 Juin 1207.
Le 15 Juillet 1207, le roi Jehan expulse les moines de Canterbury, qui étaient à l'unanimité en faveur d'Etienne (Stephen). Le 23 mars 1208, le pape Innocent III jette l'interdit sur le royaume d'Angleterre, paralysant ainsi toute la vie religieuse du pays. Il excommunie le roi (Jean sans Terre) quelques mois plus tard. Le roi Jean riposte en confisquant les biens du clergé. Privé de service religieux, le royaume est au bord de la révolte.
Étienne Langton s'exile en France, à l'abbaye de Pontigny en Bourgogne, où on suppose qu'il passe la plus grande partie de ses six ans d'exil. En 1212 le roi Jean agrée la nomination de Stephen archevêque de Canterbury.
En mai 1213, le roi Jehan est obligé de se soumettre à une humiliante capitulation. Stephen avec ses compagnons exilés revinrent en Angleterre. Étienne Langton est alors admis comme archevêque, et Jean sans Terre doit payer des dédommagements au clergé et se reconnaître vassal du pape, tout en acceptant de lui verser un tribut de mille marks par an, soit environ un soixantième des taxes directes du royaume. Son premier acte épiscopal fut d'absoudre le roi.
Stephen est maintenant devenu un chef de file dans la lutte contre le roi Jean. Lors d'un conseil des hommes d'église à Westminster le 25 août 1213, à laquelle certains barons ont été invités, il a lu le texte de la charte d'Henri Ier et a appelé à son renouvellement. Par la suite, le leadership énergique de Stephen et la force militaire des barons contraint le roi à signer la Magna Carta (15 Juin 1215).
Depuis que le roi Jean tient maintenant son royaume comme un fief du Saint-Siège, le Pape a épousé sa cause et excommunie les barons. Pour avoir refusé de publier l'excommunication Stephen a été suspendu de toutes fonctions ecclésiastiques par les commissaires pontificaux et le 4 novembre, cette peine a été confirmée par le Pape, bien que Stephen fasse appel à lui en personne.
Stephen Langton a continué sous le règne de Henry à travailler pour l'indépendance politique de l'Angleterre. En 1223 il a de nouveau apparu comme le leader et porte-parole des barons, qui exigeaient que le roi Henry confirme la charte. Il est allé en France pour le compte de Henry faire appel à Louis VIII de France pour la restauration de la Normandie, et plus tard il a soutenu Henry contre les barons rebelles. Il est mort à Slindon, Sussex, le 9 Juillet 1228.
- Simon Langton ( ?-1248). Simon a probablement fait ses études à Paris, quand son frère Stephen était précepteur. Ceci est vérifié en 1199 dans l'acte suivant : À tous présents que des lettres verront, moi Thomas de Moult, clerc, au nom du Seigneur salut. Que tous sachent que Adam l'Anglais, partant pour la Terre Sainte, demande avec insistance au gouverneur et aux frères (de l'Hôtel Dieu de Paris) d'accepter une somme de 50 sols sterling qui a été déposée, avant son départ pour le voyage (en Palestine), et les susdits gouverneur et frères pour le temps de son absence dont le susnommé Adam l'Anglais ne connaît pas la durée ; moi je me porte garant du remboursement du présent pécule en argent, indistinctement comme il est convenu dans cette convention faite par le gouverneur et les frères de l'Hôtel-Dieu qui rendront ladite somme du susnommé Adam l'Anglais ; et quiconque viendrait ensuite le leur réclamer, il sera condamner en justice à rendre tout ce dont il est évoqué ci-dessus. Et de ce qui vient d'être convenu, le doyen Symon de Longueton, chanoine de l'église de Paris se constitue en tant que plège (caution). Pour que présent acte soit permanent, nous appliquons notre sceau, témoignage de la vigueur de ce qui est écrit.
Simon a été employé par son frère Stephen lors des négociations avec le roi Jean en 1210. Il apparaît également au concile de Winchester en 1208 pour présenter la demande du pape d'autoriser Etienne Langton à entrer dans l'archevêché de Canterbury.
Le 20 novembre 1214, Simon a obtenu la prébende de Strensall au diocèse d'York. Il a été élu archevêque d'York en juin 1215. Simon ne fut jamais consacré ni intronisé dans ce poste. Il succédait à Geoffrey Plantagenet. Le roi Jean voulait l'élection de Walter de Gray, chancelier et évêque de Worcester (qui succéda à Simon à l'archevêché d'York). Toutefois, les chanoines d'York pensaient que Walter n'était pas éduqué, et choisirent Simon. Le roi Jean fit opposition et écrivit au pape Innocent III se plaignant de l'élection du frère d'un de ses pires ennemis. Innocent tomba d'accord. Il fut d'abord interdit à Simon de rejoindre son office puis l'élection de Simon fut validée par le pape le 20 août 1215.
Simon avait rejoint le prince Louis de France (futur Louis VIII) qui préparait l'invasion de l'Angleterre en 1215 et devient le chancelier de Louis , une fois encore contre la volonté du pape. Pour cela, il fut excommunié en 1216 et privé de ses bénéfices. Il fut absout et devient un officier de la Cour pontificale et fut autorisé à posséder une prébende en France.
Ceci se vérifie en 1220, Michel, abbé par la grâce de Dieu, et les moines et le monastère de Saint-Florent de Saumur rattifient l'accord passé entre maître Simon de Langeton « clericus noster » pourvu par eux du prieuré de Bruyères, sa vie durant, et dame Jeanne de Lices « J. de Lices » et Renaud de Chauffour « Regnald de Chaufor » sur les dîmes de Venant conformément aux termes de la lettre écrite à ce sujet par frère Simon. Acte fait et passé en l'an 1220.
L'année suivante, il apparaît avec Etienne, archidiacre de Paris « Stephanus parisiensis archidiaconus » à ceux que ces présentes lettres verront, salut. Nous faisons savoir que Clément Fournier de Ballainvilliers « Clemens Fornarius de Balemviler » a engagé par devant lui une partie de sa dîme de Bruyères à maître Simon de Langeton « magistro Simoni de Languetonno, nomine prioratus sancti Desiderii de Brueriis ». Ledit Clément Fournier reconnaît devoir une somme de 110 sols parisis audit prieur et un demi muid de grains, moitié blé d'hiver, moitié d'avoine « dimidio modios bladi medietate hybnagy, medietate avene in decima sua de Balemviler » que ledit Clément Fournier tenait comme un bien inféodé provenant du testament de Hubert de Ballainvilliers « Hubertus de Balemviler ». Acte passé en l'an de grâce 1221 au mois de mai, le jour suivant la quatrième fête de la crucifixion du Seigneur (7 mai 1221).
Notons la présence dudit Simon en 1223: Je, Thibault archevêque de Rouen en présence du seigneur Louis, roi des Français (Louis VIII, père de Saint-Louis), reconnais être à Gisors où nous respectons et observons la coutume du duché de Normandie (depuis Philippe Auguste la Normandie est rattachée au royaume de France). Les témoins sont : l'évêque de Senlis chancelier de France, le comte de Boulogne Robert de Courtenay, bouteiller de France, Barthélemy de Roia chambrier de France, Ours chambrier, Guillaule Menere, Hugues de Athies, Jean de Roboret, Geoffroy de Chapelle, Pierre Malevoisin, Robert d'Yvry, …. Les clerc de l'archevêché : Jean d'Abbeville, doyen d'Amiens, maître Alano official de Rouen et Robert de Hangest. Les clercs du seigneur roi : Vincent chapelain du seigneur roi, Simon de Langueton , Guillaume Pullo, Jean de Mont, Giles, maître Thomas de Grandpont, maître Jacob, Nicolas, Alnoult de Melun, Guillaume de Corbeil. Les serviteurs : Gervais Tristan, Thibault de Carnot, Jean de…, Hellouin de Mellan, Tatin, Adam de Mellan.
Le 14 mai 1227, il fut nommé archidiacre de Canterbury et a possédé cet office jusqu'à sa mort en 1248. En janvier 1235, il est ambassadeur du roi Henri III d'Angleterre pour négocier un nouveau traité avec les Français. Il a aussi représenté l'archevêque Edmond Rich à Rome dans des affaires de chicanes. À côté du renouvellement du traité de paix, Simon fut l'ambassadeur du Roi Henri dans plusieurs missions. Il fut aussi le patron des Franciscains en Angleterre et a laissé sa bibliothèque à l'Université de Paris.
- Walter Langton, dernier frère fut un homme de loi et sans enfant en 1234, son frère Simon hérita des terres et des dettes. Notons qu'il participa à la croisade contre les Albigeois, fut capturé et rançonné.
Analyse des documents précédents
De tout ce qui vient d'être exposé, On peut retenir:
- que les ordres hospitaliers français et anglais ont eu un même grand prieur avec Garnier de Naples,
- qu'en France on n'a pu remonter l'origine de la commanderie du Déluge,
- que l'évêque de Coutances possédait le manoir de Melchbourne en 1086, qu'il fut ensuite rattaché à la couronne, puis acquis par Alice de Claremont,
- qu'avant 1117, Alice de Claremont a fondé une commanderie Hospitalière à Melchbourne,
- qu'en 1199, Jean sans Peur confirme la commanderie de Melchbourne,
- qu'en 1245, Thierry de Nussa, prieur de l'Hôpital en Angleterre ratifie une admodiation faite à Guillaume d'Upton, maître de la commanderie du Déluge, des dîmes ... et l'année suivante réitère cet acte à Melchbourne,
- qu'en 1307, un grand prieur anglais Guillaume de Tothalle achète des héritages à Linas, au nom des frères de l'Hôpital en Angleterre et du Déluge.
On peut conclure avec certitude que l'administration et la possession du Déluge est d'origine anglaise entre 1245 et 1307. Qu'avant cette période la commanderie hospitalière anglaise fondée par Alice de Claremont a peut être possédé ces biens et a pu les faire administrer par des subalternes tels les frères Langton qui ont vécu des deux côtés de la Manche. Qu'après 1345, l'ordre hospitalier anglais a préféré délaissé ce bien de peu d'importance qui est revenu après la Guerre de Cent ans à l'ordre hospitalier français. La chapelle du Déluge a été probablement bâtie entre 1100 et 1242.