L'énigme de Guiperreux résolue par la charte du roi Robert |
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Chronique du Vieux Marcoussy ---------------------------------------- _------------------ ---- -------Mars 2011 Plan napoléonien de Guiperreux, hameau de la commune de Hermeray, arrosé par la petite rivière la Guesle (dressé le 11 avril 1832 par Delabroise, géomètre).C. Julien
Le sujet de cette chronique est la remise à plat du texte de l'abbé Lebeuf sur la prétendue possession du village de Guipereux « villam, sitam in loco Petrosivadi » par l'abbaye Saint-Barthélemy et Saint-Magloire de Paris. La méprise vient du fait que l'historien n'a pas vérifié sa source ; il n'a pas eu accès, semble-t-il, au cartulaire dudit monastère. Rappelons que le toponyme Guiperreux signifie un lieu situé sur une rivière que l'on passe à gué ( vadum ) construit de pierre ( petrosus ). Ainsi, il s'agit d'une erreur sur le lieu, objet de la donation du roi Robert II le Pieux, c'est-à-dire la confusion entre Guiperreux-Longpont et Guiperreux-Hermeray . Cette confusion est levée par la lecture du Cartulaire général de Paris transcrit par Robert de Lasteyrie, en1887 (1). À la décharge de notre érudit, accordons lui les circonstances atténuantes, car éminent spécialiste du diocèse de Paris, il n'a pas pensé à ce qu'un lieu nommé Guiperreux pouvait être dans le diocèse de Chartres. Le village d'Hermeray (cant. et arr. Rambouillet) se love au creux d'une grande clairière au sein du massif forestier de Rambouillet. Ce lieu « Hermolitum » était cité en 774 dans la charte de Charlemagne comme faisant partie de la grande forêt d'Yveline restée dans le fisc royal carolingien. Guiperreux est un hameau d'Hermeray situé au nord-est sur la rivière Guesle qui traverse la commune d'est en ouest. Le chemin des Piffaudières conduit à un moulin à eau, le moulin de Guiperreux. La paroisse Saint-Germain d'Auxerre fut donnée par Amaury de Montfort au prieuré de Saint-Thomas d'Épernon qui la garda jusqu'à la Révolution ; ce prieuré posséda des droits sur presque tous les hameaux qui dépendent actuellement de la commune.
Le discours de l'abbé Lebeuf Revenons au récit de l'abbé Jean Lebeuf qui décrivit les paroisses du diocèse de Paris (2). Dans le volume X consacré au doyenné de Montlhéry, l'historien parle de Longpont dans ces termes : « Pour ce qui est de l'étendue du territoire de la paroisse, rien n'empêche de croire qu'il étoit primitivement aussi grand qu'il est de nos jours, c'est-à-dire qu'il comprenoit tout le terrein où se trouve Guéperreux, l'Ormoy, Groteau qui étoit autre fois un hameau, avec le moulin Basset. Le village de Longpont, le Mênil, le Château de Villebousin et la moitié de Villiers, étendue qui va du midi au septentrion ; mais il faut observer une chose importante sur Guéperreux; sçavoir que ce village avoit été donné dès l'an 997 par le Roi Robert, encore tout jeune, à l'Abbaye de saint Barthelemi et de saint Magloire située à Paris proche le Palais ; et comme d'ordinaire les Abbayes entrant en possession d'une nouvelle terre y érigeoient une chapelle du titre patronal de l'Abbaye ; ce fut vraisemblablement cette chapelle de saint Barthelemi de Guéperreux , qui servit de paroisse aux habitans de ce vallon sur le rivage gauche de la rivière d'Orge ». Puis l'abbé poursuit en s'appuyant sur le « Chartul. S. Magl. », c'est-à-dire le cartulaire de Saint-Magloire, qu'il ne semble pas avoir analysé avec soin. « Mais depuis la construction d'un Prieuré à Longpont, sur-tout depuis qu'on y eût bâti une vaste église, le collatéral septentrional du chœur fut destiné à servir de paroisse sous le titre de saint Barthelemi, non-seulement aux paysans de Longpont et à ceux de Guéperreux qui étoient déjà sous la protection du saint Apôtre, mais encore aux habitans des autres lieux ci-dessus nommés. Telle est selon moi, l'origine du titre paroissial dans l'église priorale de Longpont ; je le crois emprunté de l'oratoire de saint Barthelemi de Guéperreux, lequel cessa de subsister lorsque l'abbaye de S. Barthelemi et S. Magloire échangea ou vendit Guéperreux. La possession de cette terre lui avoit été confirmée par le roi Henri nouvellement monté sur le trône, vers l'an 1031 en la personne de l'abbé Renaud, et par des Lettres de Louis VII de l'an 1159. Mais ou ce Monastère s'en défit sous Philippe-Auguste, ou bien ce prince voulut y rentrer en donnant d'autres biens, afin d'en disposer en faveur de quelques chevaliers. Ce qui est certain, c'est que sur la fin de son règne lorsqu'on dressa un registre des vassaux de Montlhéry, on y inscrivit un nommé Thomas Bibens en qualité d'homme lige du roi pour Guéperreux et Boisluifant « de Vado petroso et de nemore Lucenti ». Ainsi l'éminent historien utilisa principalement la source de l'abbé Dubois depuis l'Histoire Ecclésiastique de Paris (t. I, p. 636). Son analyse est inexacte, contredite par le Cartulaire des églises de Paris dans lequel, nous allons le voir, une charte de confirmation fut donnée par le roi Louis VI en 1131, donc soixante-dix ans après la fondation de Longpont. L'abbé Lebeuf s'en contenta car il y trouva la justification du titre paroissial de saint-Barthélemy. Comme toujours, cette erreur s'est propagée depuis lors. Ainsi on peut encore lire « Au cours du XIe siècle, l'église paroissiale de Longpont située à Guiperreux a été détruite » ou encore « L'abbaye·Saint-Barthélemy fit édifier une église paroissiale du même nom dans le hameau de Guiperreux, qui était le plus important de la paroisse de Longpont. Cette église pouvait se trouver à l'angle des chemins de Leuville et de Brétigny ».
Une situation contradictoire Examinons brièvement la chronologie des faits survenus à Longpont. Simone Lefèvre nous dit : « Les premiers Carolingiens et Pépin le Bref se montrèrent généreux envers l'abbaye de Saint-Denis, à laquelle ce dernier concéda "ladite forêt d'Yveline dans toute son intégralité". En réalité, seule la partie au nord d'une ligne d'Épernon à Cernay faisait l'objet de cette donation qui fut d'ailleurs annulée par Hugues le Grand et Hugues Capet. Ce dernier conserva l'usage de l'Yveline, construisit un château à Saint-Léger et rassembla aux Essarts-le-Roi les défricheurs dispersés dans la forêt ; il donna l'église de cette localité et celle de Poigny à l'abbaye de Saint-Magloire » (3). Ainsi, Hugues Hugues le Grand et son fils Hugues Capet, ayant coiffé la mitre d'abbé laïc de Saint-Denis avaient réintégré la forêt d'Yveline dans le fisc royal pour la redistribuer à leur « clientèle politique », non seulement des maisons religieuses mais aussi des seigneurs laïcs. Ceci se passait en septembre 768. Un procès-verbal du 17 août 1772 établi lors de l'aveu et foi-hommage par Jean Nau, écuyer, conseiller et secrétaire du roi, seigneur de Launay mentionne la donation de 991: « en l'année neuf cent quatre vingt onze Hugues Capet Roi de France pour récompenser Jean Labbé des services qu'il en avait reçu luy fit don des seigneuries des Marches et de Launay et de plusieurs autres domaines compris aux lettres du mois de juillet neuf cent quatre vingt onze dont voicy les termes : Nous Hugues Capet, Roi des Francs, donnons en bénéfice à Jean Labbé le pavillon forestier où il est né, le château des Marches, le district proche de la Seine , la partie de la vallée de l'Orge située à côté et au-dessous du mont Séquigny et de ses chênes, la forêt de Séquigny jusqu'au Mont-Lhéry avec tous les prés, pacages et aulnaies au bord de l'Orge ». Huit ans plus tard, en l'an 999, les lettres patentes du roi Robert donnèrent « permission de fortifier le château dudit Montlhéry à Thibaut File-Étoupe, comte de Montlhéry ». Cet acte royal, donné à l'un de ses feudataires, fixa la terre qui, après deux générations, allait devenir la plus puissante du sud parisien avant d'entrer dans le domaine royal. Le seigneur de Montlhéry était entré en possession d'un vaste territoire qui s'étendait depuis Villebouzin au nord jusqu'à Châtres au sud. Guiperreux comme Longpont était localisé dans la seigneurie laïque. Il n'y a aucune raison pour qu'une donation du roi Robert ait eu lieu à Guiperreux-Longpont au profit d'une abbaye parisienne, démembrant par là même la seigneurie de Montlhéry. Enfin, en 1031, le seigneur Guy 1er, l'héritier de Montlhéry « dominus de Monte Leterici » décide de créer un grand sanctuaire dédié à la Vierge « altare dedicatum in honore beate Marie in Longo Ponte villa situm » dans le village de Longpont. Cet acte est la preuve indéfectible de l'appartenance de Guiperreux-Longpont où les seigneurs de Montlhéry avaient fait construire le moulin à eau de Grotteau. Il faut donc envisager une autre solution à l'existence de Guiperreux, fief de l'abbaye de Saint-Magloire de Paris. Cette solution nous est donnée par la charte du roi Robert que nous présentons maintenant.
La donation du roi Robert Donation par le roi Robert, à l'église Saint-Barthélemy et Saint-Magloire de divers biens situés à Guipereux et à Meré. Donnée à Paris en 997 ou 998 (charte LXXIII) sous le titre « Carta quomodo Rex Robertus dedit ecclesie villam de Valle Petroso, cum pertinenciis et consuetudinibus, cum pluribus allis rebus », charte par laquelle le roi Robert donne l'église dans le village de Guiperreux avec tout ce qu'elle comporte et plusieurs autres choses. « Ego in Dei nomine R[obertus], gratia Dei Francorum rex, notum volo esse omnibus sancte Dei ecclesie cultoribus, nostrisque fidelibus tam futuris quam et presentibus, quia memor divini judicii et anime me precessorumque meorum salutis, per deprecationem gloriose genitricis mee, Adelaidis regine, et per exortationem domni Hugonis, educatoris et consiliatoris nostri, ad exaltandam et corroborandam congregationem Sanctorum Batholomei atque Maglorii, concedimus quandam villam, sitam in loco Petrosivadi, cum omnibus appendiciis et consuetudinibus, id est bannum et variam et omnes terras Mairiacum pertinentes ; super hec etiam omnia, concedimus prenominatis sanctis decimas omnium stirpetum silve, que dicitur Evline, et decimationem pasnatici totus saltus Evline. Si quis autem successorum nostrorum, quod omnino non credimus esse futurum, contra hunc traditionis et donationis cyrografum venire aut infringere temptaverit, divine maledictioni et perpetur dampnationi subjaceat, et sit pars ejus in inferno interiori cum Dathan et Abiron, Symone atque Pilato, et Juda, Domini traditore, in perpatuum. Fiat, fiat. Actum Parisius, regnante Rotberto rege, adolescentulo, in anno II, cum gloriosa matre sua, Adelaide regina. S. Rotberti regis. S. Adelaidis regine. S. Burchardi comitis. S. Hugonis comitis. S. Ansoldi. S. Hugonis Melletensis ». « Moi, Robert roi des Français par la grâce de Dieu, nous voulons que tous les fidèles de l'Eglise de Dieu tant présents que futurs, sachent que pour se souvenir de la justice divine et pour le salut de l'âme de mes ancêtres, suite à la sollicitation de notre glorieuse mère, la reine Adélaïde et à la demande du seigneur Hugues [de Beauvais] notre éducateur et conseiller, en vue d'élever et de fortifier la congrégation de Saint-Barthélemy et Saint-Magloire, nous concédons le village situé dans le lieu nommé Guiperreux avec toutes ses dépendances et appendances et tout ce qui appartient à la terre de Méré. En plus de cela, nous concédons les dîmes novales sur toutes les souches de la forêt que l'on nomme Yveline, les dîmes de panage de tous les essarts de cette forêt. Si l'un de nos successeurs, ne respectant pas cela dans l'avenir, s'opposant à la tradition et à ce diplôme, vienne et tente de le briser, il sera sujet perpétuellement à la malédiction et la damnation divine et promis à l'enfer comme Dathan et Abiron, comme Symon et Pilate et comme Juda selon la tradition du seigneur. Donné à Paris, la seconde année du règne du roi Robert, adolescent en présence de sa glorieuse mère la reine Adélaïde. Signé le roi Robert, la reine Adélaïde, le comte Bouchard, le comte Hugues, Ansoud, et Hugues de Meulan».
Un élément de cette charte est assez troublant. L'acte est daté de la seconde année du roi Robert, c'est-à-dire de l'an 997 ou 998 ; or Robert étant né, suivant l'opinion commune, en 970, comment donc admettre qu'il ait pu être qualifié d' adolescentulus , alors qu'il devrait être âgé de 27 ou 28 ans ? M. Boutaric qui a publié cette pièce tourne la difficulté en rejetant l'opinion des Bénédictins, qui fixent la naissance de Robert en 970. Mais si même on rejette cette date, il n'en est pas moins certain que Robert ne pouvait être appelé adolescentulus puisqu'il était déjà marié depuis deux ou trois ans. De ce fait l'auteur du Cartulaire de Paris écrit « Nous n'hésitons donc pas à partager l'opinion des auteurs du recueil des fac-similés à l'usage de l'Ecole des chartes, n°35, qui ont déclaré cette pièce fausse, sans malheureusement faire connaître les motifs de leur opinion.» Une seconde charte désignée sous le numéro LXXII dans le cartulaire de Paris, écrite vers 999, donne confirmation par le roi Robert « Robertus, Francorum rex augustus » en compagnie de la reine Berthe sa femme « cum nobilissima uxore, Berta nomine » des biens et privilèges de l'église de Saint-Magloire. Robert, à la prière de sa mère Adélaïde et de sa femme Berthe, confirme les biens que son père, le roi Hugues, et lui-même ont donnés à l'abbaye Saint-Magloire de Paris. Bien que ce diplôme fait l'énumération très détaillée des biens de Saint-Magloire, il n'est pas fait mention des terres de Guipereux et de Méré, qui furent données par l'acte de 997. Il est vrai que ce dernier est d'une authenticité contestable. En tout cas, la confirmation est au plus tard de l'an 1000, puisqu'on y mentionne la reine Berthe, dont Robert se sépara à cette époque. Par contre, plus d'un siècle plus tard, le roi Louis VI le gros confirme toutes les possessions de l'abbaye Saint-Magloire (4). La charte donnée à Paris en 1131, confirme au fidèle et vénérable Robert, abbé de Saint-Magloire de Paris « fidelibus quoniam Robertus, venerabilis abbas Sancti Maglorii Parisiensis » tous les dons et bénéfices offerts par le roi Henri 1er, grand-père de Louis. L'abbé l'ayant supplié de confirmer le temporel, le roi donne son diplôme pour le salut de son âme, celle de ses ancêtres et plus particulièrement celle de son fils Philippe qui avait été couronné roi, selon la tradition des premiers Capétiens, avant le décès de son père. Ce dernier venait de mourir le 13 octobre 1131, « nostri donni Philippi regis noviter defuncti » suite à une chute de cheval alors qui chevauchait dans Paris. Le roi fut inconsolable « Combien vifs, combien frappants furent la douleur et le deuil de son père, de sa mère, des grands du royaume, Homère lui-même ne suffirait pas à l'exprimer » , affirme l'abbé Suger. Parmi les biens de la charte de 1131 (charte CCXXXV), le roi évoque ceux de la forêt d'Yveline « concedimus itaque et confirmanus memorata Sancti Maglorii monasterio… villam quoque que dicitur Gueperros , cum terris et decemis », c'est-à-dire nous concédons et confirmons et rappelons que le monastère de Saint-Magloire possède… le village que l'on appelle Guipereux avec les terres et les dîmes . Puis le roi confirme que le couvent possède de nombreux droits dans la forêt d'Yveline dont la totalité les dîmes de panage sur le bois de construction et celui pour le chauffage « sed et decimam totam pasnagii totius Aquiline, cum decimis et factorum et faciendorum in ea exartorum seu crementorum ». Au XIIIe siècle, Hugues, abbé de Saint-Germain attesta l'authenticité du contenu de cette charte. Ces deux diplômes, la charte de Robert et la confirmation de Louis concernent des biens dans la forêt d'Yveline à l'oust du pays d'Hurepoix. La cohérence de la donation interdit la dispersion des biens en des endroits distants. Guiperreux est sans contestation le village de l'Yveline où le roi délaissait les dîmes novales et les droits sur les essarts. Le village de Méré est plus au nord dans le comté de Montfort-l'Amaury.
L'abbaye de Saint-Barthélemy et Saint-Magloire L'abbé Lebeuf évoque l'abbaye de Saint-Barthélemy et Saint-Magloire « sanctus Maglorius Parisiensis », monastère élevé près du palais du duc Hugues à Paris. Laissons à l'abbé Jean-Joseph Expilly, auteur d'un Dictionnaire historique et politique des Gaules le soin d'introduire ce couvent (5). « La paroisse de St. Barthélemy , rue de même nom, et près du palais, seroit très-ancienne, s'il étoit vrai, comme on le prétend, qu'elle eût été bâtie dès le règne de Clovis et de Ste. Clotilde, en ce lieu, ou la tradition porte que St. Denis avoit coutume d'annoncer la parole de Dieu. Ce qui est certain, c'est que c'étoit la chapelle des anciens comtes de Paris, ancêtres de Hugues Capet, qu'elle étoit desservie par des chanoines réguliers, que ce Prince, l'ayant fait rebâtir, y mit des religieux de l'ordre de St. Benoît, avant même que d'être Roi et qu'il obtint de Lothaire et de Louis, derniers rois de la seconde race, qu'elle fût érigée en abbaye , sous le titre de St. Barthélemy et de St. Magloire et qu'il y déposa alors le corps de St. Magloire. Son clos s'étendoit jusqu'au préau de la conciergerie, qu'il comprenoit aussi. Depuis, les religieux de St. Benoît, nommés Magloriens, s'étant retirés au lieu où sont à présent les filles-pénitentes de St. Magloire, le titre abbatial y fut transféré, et celui de cette église réduit en prieuré. L'église de St. Barthélemy fut érigée en paroisse en 1138 pour l'étendue du palais, où nos Rois logeoient alors, et dont le Roi étoit lui-même le premier paroissien » (6). Quoique les religieux de Saint-Magloire n'aient pas joui du droit de battre monnaie, ce couvent était puissant puisqu'il possédait une justice avec fourches patibulaires. Son temporel comprenait de nombreuses dépendances toutes dans l'archidiaconé de Pincerais ; tel le prieuré de Saint-Arnoult-en Yveline « sanctus Arnulfus de Equilina », les deux églises de Saint-Laurent et Saint-Nicolas à Montfort, celle de Saint-Denis à Méré, de Saint-Martin à Bazoches, de Saint-Pierre à Poigny. Le pouillé de la fin du XVe siècle désigne les églises présentées par l'abbé de Saint-Magloire : Autouillet « Autoilletum », Bazoches « Bazochie », Beynes « Bena », Boissy-sans-Avoir « Boissiacum Dine Censu », Bouafle « Boalpha », l'église des Essarts-le-Roi « Essarta-Regis » dénommée par « ecclesiam SS. Cornelii et Cypriani de Novalibus », Grosrouvre « Grossum Robur », Gallais « Galuicie », Montfort-l'Amaury « Montis Fortis », Mareil-le-Guyon « Marolium Guidonis », Méré « Meriacum ». En 1351, la taxatio de l'abbaye Saint-Magloire s'élevait à 200 lt dans le diocèse de Chartres. L'abbaye profita des premiers défrichements ou les essarts opérés par les premiers Capétiens. Nous trouvons plusieurs chartes relatives aux biens de Saint-Magloire en forêt d'Yveline. En 1196, Philippe de Lévis et Alexandre son fils tenaient de la libéralité du roi deux charrues de terre, dont l'abbaye de Saint-Magloire de Paris leur inféoda la dîme des Essarts et à la Ritoire , à la condition du service et de l'hommage. Ayant reçu la plus grande partie des dîmes novales dans la forêt d'Yveline, l'abbaye de Saint-Magloire possédait de douze à quinze églises appartenant toutes à l'ancien diocèse de Chartres. Dans le diplôme de confirmation de Henri 1er donné en 1033, nous lisons « … Ea insuper conditione ut de omnibus terris Aquiline de quitus dono mei patris hebebant pasnatici decimas, similiter omnium stirpetum, mossium et frugum de novalibus habeant ». Ces termes signifient pleinement que de nombreux défrichement avaient lieu dans cette partie de la forêt Yveline. Le roi mentionne que son père, le roi Robert et son grand-père Hugues Capet avaient ordonné essarts, et avaient aussi donné les souches ( stirpetum ), le panage ( pasnatici ) et toutes les dîme novales de cette même forêt ( messium et frugum de novalibus ). La bulle du pape Adrien IV de l'an 1159 et le diplôme du roi Louis VII en l'an 1159 confirmèrent les mêmes possessions de l'abbaye Saint-Magloire dans la forêt. L'Yveline, Æquilina foresta , Equalina , Acquilina sylva était une vaste forêt entre Paris et Chartres. Le roi Pépin le Bref la posséda au titre de domaine ou fisc royal. Il en avait distrait des parties plus ou moins grandes en faveur des abbayes de Saint-Germain-des-Prés, de Saint-Maur, de Saint-Benoît de Fleury, de Saint-Pierre de Poitiers, etc. Au mois de septembre 768, étant sur son lit de mort, il donna à l'abbaye de Saint-Denis tout ce qui lui en restait, pour le repos de son âme et le prix de sa sépulture. Charlemagne confirma en 774 cette libéralité de son père « … Foresta nostra cognomine Æquilina cum omni merito et soliditate sua… ». Malgré cette expression si formelle, on voit qu'à la fin du Xe siècle cette même forêt d'Yveline fait encore partie du domaine des premiers rois capétiens. Il y eut sans doute usurpation, par le fait qu'Hugues Capet fut abbé laïc de Saint-Denis, de Marmoutier (Tours) et de Fleury-sur-Loire (Orléans).
Notes (1) Robert de Lasteyrie, Cartulaire général de Paris ou recueil de documents relatifs à l'Histoire et à la topographie de Paris , tome I (Impr. Nat. Paris, 1887). (2) Abbé Lebeuf, Histoire du diocèse de Paris, contenant les paroisses du doyenné de Montlhéry, tome X (chez Prault, Paris, 1757) p. 135. (3) S. Lefèvre, L'aménagement du sud de l'Île-de-France par les établissements religieux aux XIe-XIIIe siècles , Mémoire de la SHACEH (Corbeil, 1993). (4) Rappelons que Louis VI le Gros ou le Batailleur était le fils de Philippe 1er et de Berthe de Hollande. Monté sur le trône le 29 juillet 1108, son long règne dura 29 ans et 2 jours (1er août 1137). Son fils cadet Louis, VIIe du nom, monta sur le trône sans avoir été préparé, on le destinait à une carrière ecclésiastique. (5) J.J. Expilly, Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France t. 5 (Desaint et Saillant, Paris, 1768). (6) Selon l'abbé Dubois ( Hist. eccles . Paris, t. I, p. 546), les moines qui desservaient l'église Saint-Magloire étaient venus de Bretagne vers l'an 965, pour mettre le corps de leur saint patron à l'abri des dangers que pouvait lui faire courir la guerre existant alors entre Richard, duc de Normandie et Thibaud, comte de Chartres.
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