Archéologie de la Tour de Montlhéry (par Duchalais)

Chronique du Vieux Marcoussy ------------------------------------- _------------------------- ------ Mai 2011

Veüe de la ville et du chasteau de Montleheri en Hurepoix à six lieües de Paris, 1704.

C. Julien

 

 

Une notice moderne qualifie la Tour de Montlhéry comme «  phare de l'Essonne  ». De nombreux essais monographiques ont déjà été tentés pour décrire ce monument (cf. la chronique " Montlhéry chez les auteurs après l'abbé Lebeuf "). De ce point de vue, le XIXe siècle fut celui des érudits du Moyen Âge qui ont bien senti l'avantage de la méthode analytique en visitant chaque «  ruine historique  ». Un auteur oublié, Monsieur Adolphe Duchalais, consacra une monographie de 15 pages intitulée Mémoire Archéologique sur la Tour de Montlhéry parce que, dit-il «  Souvent nos devanciers n'ont fait que l'effleurer, et bien souvent même il faut déraciner de vieilles erreurs accréditées par tous les livres  ». Ce savant qui fréquenta les bancs de l'École des Chartes à Paris redonne sa vraie antiquité à la Tour en délivrant une analyse judicieuse pour la datation du monument. Voilà l'objet de cette nouvelle Chronique sur la Tour de Montlhéry (1).

 

 

L'érudit Adolphe Duchalais

Sauval, Félibien et Lobineau, Pigagnol de La Force et l'abbé Lebeuf dans son Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris , monument de la plus vaste érudition, ont contribué par leurs travaux d'histoire et d'archéologie à constituer une science, l'histoire de l'art, qui prospéra à la fin XVIIIe siècle. Des disciples, comme Jacques Dulaure, Arcisse de Caumont, Georges Touchard-Lafosse, ont montré une " pratique antiquaire " (2). Plus tard, des érudits comme Charles de Gerville, François de Guilhermy, Jules Marion, Léopold Delisle, Auguste Le Prévost , Victor Malte-Brun, etc., produisirent de nombreux articles, notices, dissertations et mémoires sur les monuments nationaux «  il se trouva au moins quelques hommes pleins de patriotisme et de savoir, qui ramassèrent péniblement un à un les lambeaux du passé pour reconstruire notre vieille gloire  ». Il faut dire que le traumatisme des destructions considérables de la Révolution n'était loin d'être guéri. Parmi ces archéologues qui dissertèrent sur les antiquités de nos villes et villages, était Adolphe Duchalais.

Anatole de Barthélemy, professeur de l'Ecole des Chartes écrivit, en 1855, une notice sur son collègue Adolphe Duchalais qui était mort l'année précédente «  Jean-Baptiste-Ursin-Adolphe Duchalais naquit à Baugenci, le 11 janvier 1814 ; il appartenait à une famille de bonne et vieille bourgeoisie. Dès son enfance Duchalais aima les livres et l'étude. Destiné par son père au notariat, il préféra les études scientifiques… Après avoir essayé sa plume dans des notices sur quelques monuments qui l'avaient particulièrement frappé, l'église d'Arcueil et les donjons de Baugenci et de Montlhéry, Duchalais s'occupa spécialement de l'étude des monnaies mérovingiennes… ». L'annuaire des Sociétés Savantes le cite en tant que «  Archiviste paléographe, promotion 1843, premier employé au département des médailles à la bibliothèque impériale  ».

Duchalais écrivit son Mémoire Archéologique sur la Tour de Montlhéry vers l'année 1840, puisqu'une note à la fin précise « Aujourd'hui, madame la duchesse de Noailles dispute au gouvernement la possession de la tour de Montlhéry. Si le gouvernement gagne, ce monument sera conservé. Espérons que si les chances du procès lui étaient défavorables, madame la duchesse ne permettra pas qu'on détruise ce curieux reste de la féodalité  ». Le procès eut lieu en 1842 (3). Le fascicule fut édité par l'Imprimerie Boyer et Cie à Lagny.

 

Mémoire Archéologique sur la Tour de Montlhéry

 

 

Introduction de Duchalais

Il y a bien peu de temps encore que la science des monuments nationaux, dédaignée des gens de lettres, était cultivée seulement par un petit nombre d'hommes. Mais tandis qu'on dissertait sur les antiquités grecques et romaines ; tandis qu'Herculanum et Pompéï captivaient tous les regards, il se trouva au moins quelques hommes pleins de patriotisme et de savoir, qui ramassèrent péniblement un à un les lambeaux du passé pour reconstruire notre vieille gloire. L'académie celtique, les Eloi Johanneau, les Dusommerard, les Degerville, les Scheweigauser, tous ces hommes dont la France s'honore maintenant, avaient compris que l'art grec n'était par le seul digne de notre admiration. Ils réclamèrent pour les magnifiques monuments dont le Moyen-âge avait couvert notre sol ; leur voix trouva un écho dans de jeunes artistes, et une réaction s'opéra. Victor Hugo en fut le poète, M. de Caumont l'historien. Notre-Dame de Paris et l'Histoire de L'Art dans l'ouest de la France nous ont ouvert la route ; c'est à nous de la suivre.

Mais, la science nouvelle est un édifice encore incomplet ; la base sur laquelle il s'élève déjà noble et majestueux, n'est pas encore parfaitement solide ; les brillâmes sculptures qui le décorent sont tracées de main de maître, il est vrai, mais il faut les polir. Elles demandent encore le concours d'un burin patient et intelligent.

Ce burin, c'est la monographie ; elle seule peut nous doter un jour d'une bonne histoire monumentale. Car, comment présenter un système complet sur l'architectonique du Moyen Âge, si nous n'avons pus préalablement analysé chacun de ses monuments? Nous disons chacun, parce que l'examen de la plus humble des églises de nos campagnes ne doit pas être plus négligé que l'élude de nos grandes basiliques. Un mot, une pierre, un fragment de sculpture, peuvent jeter un grand jour sur un point contesté.

Il ne s'agit pas seulement non plus de savoir distinguer une église romane d'une église ogivale, ni même une église ogivale primaire d'une église ogivale secondaire. Il faut savoir encore à quels pays appartiennent telles formes, telles pratiques architecturales Chaque province, dans ses édifices, a son individualité, ses types propres. Pour appuyer cette vérité, nous en appelons aux archéologues. Ils savent par exemple, que ces clochers en batière, si rares dans la Normandie ( 1 ), se rencontrent à chaque pas dans l'Orléanais, tandis qu'en Touraine le sommet des tours s'allonge ordinairement en sveltes pyramides de pierre. Ils savent qu'au XIIIe siècle, les basses nefs des églises du Parisis sont chargées d'élégantes tribunes, tandis que dans le reste de la France , ils n'en rencontreront que de rares exemples.

Bien des systèmes ont été mis en avant, sur la formation et l'apparition de l'ogive, sur l'orientation des églises, sur leurs proportions, sur leur distribution intérieure, et sur d'autres particularités aussi intéressantes. La lutte a été vive, dans cette lice où chacun venait apporter son hypothèse. Mais il n'a jailli presque aucune lumière de la discussion, parce que l'observation des faits manquait bien souvent. Si les conjectures sont permises à l'archéologue, elles ne doivent marcher qu'après les faits. Le seul moyen de sortir des ténèbres serait d'appliquer aux monuments la méthode analytique des sciences naturelles. Les grandes divisions posées, il faut reprendre en sous œuvre les généralités, décrire avec soin, minutieusement même, les individus, les genres, les familles, jusqu'à ce qu'on revienne à la classification synthétique. Et alors, il y aura peut-être à modifier les théories ingénieuses de M. de Caumont ; comme la découverte d'un être inconnu pourrait changer quelque chose au savant système de Cuvier.

H. de Caumont sent si bien l'avantage de la méthode analytique, qu'il est lui-même un des partisans les plus zélés de la monographie. Chaque jour il parcourt quelques-unes de nos provinces pour s'étayer de faits nouveaux ; et son Bulletin monumental est un appel constant aux amateurs de nos ruines historiques. Tandis que de nombreuses Sociétés archéologiques s'organisent sur tous les points de la France ; tandis que des savants, tels que MM. Mérimée, Grille de Beuzelin, Didron, passent leur vie à observer et décrire nos monuments, resterons-nous dans l'inaction ?

La foi et la patience ont fuit nos vieilles cathédrales. On ne rejetait pas alors le pèlerin inconnu, qui, pour gagner ses pardons, traînait humblement les matériaux mis en œuvre par des mains plus habiles, et le maître des pierres vives (2) ne méprisait pas le concours du moindre frère pontife. Peut-être nous aussi, humble pèlerin, mais ouvrier plein de foi, de patience et de résignation, pourrons-nous rendre quelque service à la science. De nombreux essais monographiques ont déjà été tentés. Quelques-unes de nos cathédrales, quelques-unes de nos vieilles abbayes ont trouvé des biographes dignes d'elles. La matière cependant est neuve encore. Souvent nos devanciers n'ont fait que l'effleurer, et bien souvent même il faut déraciner de vieilles erreurs accréditées par tous les livres. Pour preuve, qu'il me soit permis de prendre un de nos monuments les plus célèbres, un de ceux dont les historiens de tous les temps nous ont beaucoup parlé; la tour de Montlhéry.

 

 

Les antiquités de la Tour

La tour de Montlhéry mérite à plus d'un titre l'attention de l'artiste et de l'antiquaire. Sa position pittoresque et imposante, le rôle important qu'elle joue dans notre histoire, les nombreuses traditions qui se sont attachées à ses vieux débris, lui ont attiré les regards des hommes de tous les siècles.

Déjà du temps de saint Louis, Joinville, le naïf chevalier, devisait avec l'évêque de Paris sur la gloire de garder ce bon chastel de Montlaon au cœur de la France et en terre de pais (3). Un demi-siècle plus tard, un trouvère, le roi Adnès, désignait dans un de ses romans de gestes la tour de Montlhéry comme une des merveilles de l'Île-de-France.

La dame est à Montmartre, s'égarde la vallée ;
Vit la cist de Paris qui est longue et lée.
Mainte tour, mainte sale, et mainte chamenée ;
Vit de Montleher
y la grant tour crénelée (4).

Bien plus, sous Louis XIV, les hommes de ce grand siècle, si dédaigneux pour tout ce qui n'était ni grec, ni romain, s'arrêtèrent un instant étonnés par sa masse imposante. Boileau lui consacre quelques vers trop connus pour les répéter encore ; et Lafontaine se plaint de son cocher qui, plus amateur d'un bon gîte que d'une belle ruine, ne lui a pas donné le temps de la visiter (5).

Poètes, artistes, historiens, tous sont venus lui payer leur tribut d'hommage ; tous jusqu'au peuple qui jadis ne passait jamais a ses pieds sans frayeur, et qui maintenant n'aperçoit plus ses ruines sans les animer encore par ses poétiques souvenirs. Allez à Montlhéry , et les paysans vous parleront de leur vieille tour do Gannes ; ils vous diront que Gannes était un baron pillard qui possédait sept tour pareilles aux environs de Paris (6) ; sept tours bâties il y a sept cents ans , par sept frères ambitieux, qui voulurent détrôner le roi de France, mais qui trouvèrent la mort au lieu du trône (7). Ils vous raconteront l'histoire d'un autre seigneur de Montlhéry, de ce roi Geoffroy qui, pour arracher du tombeau son fils déjà mort depuis long-temps , immolait sur l'autel des druides, des hommes à la vierge qui devait enfanter (8).

Certes, si ces traditions sont des calomnies, ils prêtaient bien matière à de semblables histoires, ces Gannes à foi mentie, de qui les chroniques disaient : Aratorum curiosus jugulator... semper furens tanquam servus diaboli (9), et à qui leurs vassaux refusaient d'obéir, parce que... bien savaient s'ils tenaient d'eux, qu'ils les mangeraient tous (10).

Epouvantail des premiers successeurs d'Hugues-Capet, refuge de saint Louis, quand la féodalité déjà déchue essayait encore ses forces contre le roi enfant; prison d'état de Philippe-le-Bel, tour à tour Armagnac, Anglais ou Bourguignon, le donjon de Montlhéry mêle son nom à toutes les grandes calamités qui désolèrent la France. Henri IV enfin le fit démanteler, et alors chacun s'en disputa les pierres. Les bourgeois de Montlhéry, des religieuses et un conseiller du parlement, M. Debellejambe, se servirent de ses débris pour bâtir un mur de ville, une chapelle, un château de plaisance. Le temps a fait le reste; mais les hommes ont fait plus que le temps.

 

 

Les enceintes de Montlhéry

Aujourd'hui, la tour de Montlhéry s'élève au sommet d'une montagne isolée qui domine au loin de riches campagnes. Située à l'endroit le plus escarpé, elle est environnée de ruines informes, mais auxquelles l'imagination peut rendre encore leur ancienne splendeur. Lorsque le château s'élevait intact sur la pente douce de la montagne, il était formé de quatre enceintes ou plutôt de quatre terrasses échelonnées en amphithéâtre à la suite les unes des autres. Toutes ces enceintes étaient carrées, à l'exception de la quatrième qui formait un pentagone irrégulier. Elles étaient toutes d'une pareille largeur, mais d'une longueur inégale.

La plus considérable de toutes, la première, renfermait la chapelle du château. Par une bizarrerie dont le Moyen âge offre plusieurs exemples, cette chapelle séparée en deux par un mur, formait deux églises distinctes : Saint-Laurent, prieuré qui dépendait de l'abbaye de Longpont ; Saint-Pierre, paroisse de douze feux. Aujourd'hui, cette enceinte a totalement disparu, et il ne reste plus de la chapelle que quelques pierres cachées sous l'herbe (11) .

La seconde enceinte s'élevait à dix pieds au-dessus de la première; quelques pans de murs , et le mouvement du terrain nous indiquent la place qu'elle occupait autrefois. Elle avait environ 98 pieds de large sur 88 de long.

La troisième, plus élevée encore que celle-ci, était aussi large, mais elle avait vingt pieds de long seulement. Elle était protégée par deux tours dont on aperçoit encore les traces. Un fossé de 58 pieds renfermé dans l'intérieur des murs, séparait cette enceinte de la quatrième, qui pouvait être regardée comme le véritable château.

Si l'on en croyait Dulaure, chacune des enceintes que nous venons de décrire avait «  sa porte, ses murs, ses tours, et cent dix pieds de longueur. Chaque porte étoit flanquée de tours rondes, munie de fossés et de ponts-levis  ». S'il ne nous est plus permis de juger nous-mêmes de l'exactitude d'une partie des faits qu'il rapporte, la fausseté des autres doit nous prémunir contre son assertion (12).

La quatrième enceinte, mieux conservée que les trois autres, avait comme nous l'avons dit plus haut, la forme d'un pentagone irrégulier. Quatre tours rondes situées aux points cardinaux en défendaient quatre angles. Le cinquième était occupé par le donjon. Une porte percée dans un bâtiment carré qui regardait le milieu de la troisième enceinte, la faisait communiquer avec elle. Cette porte, et trois des tours dont nous venons déparier, ont été rasées jusqu'au sol; il ne reste plus de la quatrième qu'un pan de mur de trente pieds de hauteur, au milieu duquel s'ouvre une large brèche. On voyait encore dans cette enceinte en 1541, deux bâtiments qui se composaient de grandes salles, de galeries, et venaient adhérer à la tour du donjon (13). C'est au moins ce que prouve un état de lieux dressé à cette époque.

Les murs de la quatrième enceinte sont encore très apparents, surtout au nord-ouest. Ils ont, de ce côté, seize pieds au-dessus du sol de la plate-forme, trente-six au-dehors et sept environ d'épaisseur. Le ciment qui lie les pierres entre elles est un composé de sable et de gravier assez gros, mêlé de chaux et de charbon. Ces murs et ces tours ont leur base construite en talus. Les pierres qui forment ces bases sont en grand appareil; mais elles vont toujours en diminuant de grosseur à mesure qu'elles s'élèvent. Les tours étaient entièrement construites en pierre de taille. Quant aux murs, à partir de six ou huit pieds du sol, ils étaient bâtis en moellons de différentes grosseurs, soutenus de temps en temps par des assises de grès qui remplissent ici le même office que les assises de brique dans les murailles romaines de la décadence.

On trouvait encore dans cette enceinte un souterrain très profond et un puits creux de cent cinquante pieds, si l'on un croit Touchard-Lafosse (14). La tradition prétend que ce fut dans ce souterrain que saint Louis se cacha quand il était menacé par ses barons révoltés. Une charte, citée par Lebeuf, nous apprend que les Meseaux furent accusés d'avoir empoisonné le puits. Ces ladres, disait-on alors, avaient formé, de concert avec les juifs, l'horrible dessein de faire périr toute la chrétienté. Beaucoup furent occis, beaucoup furent pendus ; mais le roi, pour rassurer la garnison de Montlhéry , fui obligé d'en prescrire le enrage par l'ordonnance qui nous transmet ces détails.

 

 

Le donjon de Montlhéry

Il est temps de nous occuper du donjon. Un procès-verbal, cité par Dulaure, et que nous regrettons vivement de n'avoir pas vu en original, nous sera d'une très grande utilité. Voici le seul fragment qu'il ait transcrit : «  au bout de ladite cour est le donjon dudit château de pierres de gressières, de seize pieds en carré par-dedans œuvre. Les murs ont neuf pieds par le bas, six, cinq, quatre par le haut, d'épaisseur. Le premier et le deuxième étage de ladite tour ou donjon, sont voûtés en dedans ; et dans le premier étage est un moulin à bras, trois enrayures de charpente par le haut, le comble de charpenterie couvert en ardoise et en plomb et garni de mardelles et allées au pourtour  » (15). Ce procès verbal est daté du 23 mars 1517. Malgré quelques inexactitudes, il n'en est pas moins précieux, et nous donne les renseignements que nous aurions totalement ignorés sans lui.

Le donjon de Montlhéry n'était, comme nous l'avons dit plus haut, qu'une maîtresse tour, c'est-à-dire une tour plus grosse et plus forte que les autres, mais bâtie tout-à-fait dans le même système, et faisant comme elles partie de l'enceinte murale. Quoiqu'entamée par le temps, elle a encore à peu près quatre-vingt-seize pieds de haut. Sa forme cylindrique, à l'extérieur, est interrompue par une tour plus petite, qui lui a été accolée du côté du nord-ouest. Cette tour, aussi haute que la principale, est construite en encorbellement, et s'appuie sur le mur d'enceinte quinze pieds du sol. Elle ne contient pas de petites cellules comme l'a prétendu Millin ; mais un escalier en vis Saint-Gilles, destiné à établir une communication entre l'un des bâtiments dont nous avons parlé, et tous les étages du donjon. Ce qui le prouve, c'est une petite porte carrée qui s'ouvre à seize pieds du sol, et à laquelle il sérail impossible d'assigner une autre destination; c'est pour cette raison aussi, sans doute, que cette petite tour, ronde de tous les autres côtés, est aplatie de celui-ci.

La tour principale est divisée en six étages; à la hauteur du cinquième s'élève une rangée de consoles semblables à celles de Couci et de Pierrefond, et sur lesquelles on pouvait construire une galerie de bois, pour repousser toute attaque. Serait-ce ces galeries que le procès-verbal appelle des allées au pourtour . Au-dessus de ces créneaux, la tour diminue sensiblement de volume ; au-dessous d'eux, du côté de la cour et nu nord-est, on trouve, à la hauteur du troisième et du quatrième étage, deux portes, qui faisaient communiquer la tour avec l'autre corps de bâtiment. Les pierres d'attente qu'on remarque aux pieds droits de ces deux portes l'indiquent assez.

À l'intérieur la tour n'est pas carrée comme le prétend le procès-verbal, mais les deux premiers étages sont hexagones; ce n'est qu'à partir du troisième qu'elle prend la forme quadrangulaire. Les arceaux des voûtes, qui aujourd'hui sont détruites, retombaient sur six consoles placées aux six angles. Le premier étage est percé du deux meurtrières et de deux portes ; ses murs n'ont pas neuf pieds d'épaisseur, mais sept seulement.

Une des deux portes donne sur la cour, elle est en ogive, et a dix pieds de haut sur quatre de large. Son tympan dissimulé à l'extérieur, lui donne l'apparence d'une ouverture carrée. L'escalier principal n'était pas, comme dit Dulaure, celui dont on voit encore les restes dans la petite tour, mais un autre situé dans l'embrasure de cette porte, et qui maintenant est interrompue au second étage. L'autre porte présente absolument les mêmes caractères, c'était une poterne ouvrant sur la montagne à six pieds du sol, et qui de plus que la précédente, était munie d'une herse.

Le second étage est absolument distribué comme le premier, seulement les meurtrières sont remplacées par deux fenêtres en ogive, à tympan dissimulé, et qui sont munies de bancs. On trouve aussi, à la hauteur de cet étage, immédiatement au-dessus de la poterne, une petite chambre longue et large de quatre pieds seulement, qui servait à loger le gardien de la herse et le guet de nuit. C'est ce que prouvent les rainures pratiquées dans le mur, et un petit guichet ménagé à hauteur d'homme, précisément au-dessus de l'entrée. D'ailleurs, si nous ouvrons les fabliaux ou les romans du XIII e et du XIV e siècle, nous retrouvons la pratique de cet usage.

Et la guette est dessus la porte
Devant le jour corne et fretelle…..
Il met (le gardien) ses iex et son viaire
A uns pertuis de
la poterne…. (16) .

Avec le troisième étage, le système de construction change tout-à-fait. Non-seulement la tour devient carrée, mais encore les fenêtres perdent à l'intérieur leur forme ogivale. On serait presque tenté de donner à cette partie de la tour un âge moins reculé. Les planchers, maintenant ruinés, n'étaient formés que de charpente, comme l'indique l'état de lieux.

Ce que les étages supérieurs offrent de plus remarquable, ce sont trois cheminées entièrement construites en pierre, et dont le manteau repose sur deux pieds-droits, ornés de tailloirs. Pour donner une idée complète de la tour de Montlhéry en particulier, et du château en général, il ne nous reste à dire, que dans l'intérieur du donjon on n'aperçoit plus la moindre trace des peintures à fresque, qui y existaient du temps de La Fontaine , et auxquelles le bonhomme donne le nom de peintures anglaises (17), et qu'enfin une tour du château , on ignore laquelle, portail le nom de tour brûlée (18) .

 

 

La datation

Reste maintenant à déterminer à quel âge toutes ces constructions appartiennent.

Dès le XIe siècle, sous le règne du roi Robert, un seigneur puissant nommé Thibault Filéloupe, fit fortifier Montlhéry (19). Cent ans plus tard, un de ses héritiers, Guy Troussel, consentit à remettre au roi cette tour déloyale qu'il s'était tout envieilli à assaillir et escombattre (20). Mais bientôt il regretta son fort Châtel ; lui et les siens mirent tout en oeuvre pour le ressaisir. Leurs efforts furent vains; Louis VI arrêta ces attaques réitérées en faisant raser toutes les fortifications à l'exception de la tour. Totam castri munitionem, preter turrem dejecit (21).

Boucher d'Argis, Millin, Dulaure, l'abbé Lebeuf lui-même, tous les historiens de Montlhéry s'appuyant sur ce passage de Suger, n'ont pas hésité un instant à regarder la tour que nous voyons aujourd'hui comme l'ouvrage de Thibault Filétoupe , et celle que Louis VI avait épargnée. Cependant, s'ils avaient examiné avec un peu plus d'attention, ce que le même auteur avait dit quelques lignes, plus haut, peut-être auraient-ils modifié leur avis.

Les frères Garlande, alliés de Guy Troussel et de Milon de Braye, son frère, étaient, dit Suger, sur le point de se rendre maîtres du château ; ils étaient parvenus déjà à forcer l'antémural, lorsqu'effrayés par l'armée de Guy de Rochefort, ils prirent la fuite en toute hâte. Voici le texte : «  Ut ante muralem turris pluribus in locis per foderunt » (22), texte que les grandes chroniques rendent ainsi : Si que ils afrondrèrent le mur devant la tor (23). Or, pour quiconque a vu la tour de Montlhéry, il est évident qu'il n'a pu exister aucun mur devant le donjon actuel, et il est impossible de supposer que le moine de Saint-Denis, non plus que Suger, ait appelé le château lui-même, le mur devant la tor. Le château de Montlhéry qui existait de leur temps, était donc autrement disposé que celui que nous connaissons. Il est même probable qu'il occupait une autre place, puisque nous savons que l'armée des Garlande était sur la montagne, lorsqu'elle aperçut celle de Guy-le-Rouge.

Les raisons archéologiques sont plus fortes et plus nombreuses encore que les raisons historiques. Au XIe , au XIIe et peut-être même au XIIIe siècle, les donjons étaient isolés de toute autre fortification. Ils formaient un système de défense à part, et étaient ordinairement environnés de deux enceintes distinctes formant deux cours concentriques. Ici, le donjon fait partie de l'enceinte murale, et les cours sont situées à la suite les unes des autres.

Aux XIe , XIIe et XIIIe siècles, on évitait de percer les premiers étages; l'entrée se trouvait toujours à une très grande hauteur, le rez-de-chaussée servait de prison, et ne recevait le jour que par des soupiraux. Ici, toutes ces précautions sont négligées, et probablement le rez-de-chaussée était habité comme les autres étages. Si cette tour était du XIe siècle, elle serait au moins construite en petit appareil, et les fenêtres seraient romanes; au contraire, la moitié seulement est en ogive, et vraisemblablement assez modernes puisqu'elles semblent se rapprocher de la manière dont nous construisons nos croisées.

Si au contraire, nous comparons la tour de Montlhéry aux monuments du quatorzième siècle, nous retrouvons entre eux des ressemblances frappantes. Ses machicoulis sont absolument semblables à ceux du beau donjon de Couci ; la disposition intérieure des deux premiers étages ressemble parfaitement aux arcades simulées qui font l'ornement de ce dernier, tout est pareil, jusqu'à la position de l'escalier, qui à Couci aussi se trouve dans l'embrasure de la porte. Bien plus, ici nous trouvons un corps de bâtiment appuyé le long des murs d'enceinte, ce dont on se gardait bien au douzième siècle et dont Couci offre un des premiers exemples. On peut encore alléguer comme preuve de sa fondation postérieurement a 1300, les murs bâtis par assises régulières de grès et de moellons en blocage dont on ne trouve d'exemples bien constatés qu'au XIVe siècle, ainsi que ces talus que nous n'avons jamais observés dans les plus anciens donjons. Enfin, à Marcoussy, il existe encore, dans la seule tour qui soit debout, une cheminée absolument semblable à celles de la tour de Montlhéry ; et le château de Marcoussy fut construit par l'infortuné Montagu, qui eut la tête tranchée sous Charles VI (24).

Nous croyons donc pouvoir affirmer, quoique nous n'ayons aucun monument écrit pour étayer notre opinion, nous croyons pouvoir affirmer que la deuxième moitié du XIIIe siècle est l'époque la plus reculée à laquelle on puisse faire remonter la construction de la tour de Montlhéry.

 

 

La Motte de Montlhéry

À deux cents pas du donjon tout au plus, il existe une petite éminence factice, nommée dans le pays Ia Motte de Montlhéry.

La tradition prétend qu'elle fut élevée en une nuit par les Bourguignons, la veille de la fameuse bataille de 1465 ; mais malheureusement pour la tradition, cette motte est déjà désignée dans un livre de fiefs dressé par ordre de Philippe-Auguste, sous le nom qu'elle porte, et comme inféodée au seigneur du Plessis-Pâté. Dulaure l'a prise pour un tumulus ; pour nous, nous aimerions mieux voir en elle la Motte de l'ancien château, du château de Filétoupe. On sait qu'au onzième siècle, les nobles avaient coutume d'élever leurs donjons sur une motte faite de main d'homme ; cela d'ailleurs expliquerait comment les Garlande se trouvaient sur le sommet de la montagne, lorsqu'ils aperçurent l'armée de Guy-le-Rouge. Si l'on objectait que l'assiette actuelle du château, plus favorable, a dû être choisie de préférence, nous pourrions offrir plusieurs exemples où, conduits par des motifs que nous ne sommes plus à même d'apprécier, on a choisi quelquefois dans le Moyen âge des endroits bas, de préférence à d'autres plus élevés.

Enfin, on lit dans Suger, que Hugues de Cressy, après avoir pris et étranglé de sa propre main son cousin et son rival, Milon de Braye, le précipita du haut de la tour de bois : turrem ligneam . La position de cette tour a beaucoup embarrassé tous ceux qui se sont occupés de l'histoire de Montlhéry ; Dulaure prétend que c'est celle qui fui nommée la tour brûlée ; et Millin a trouvé plus court de la transporter à Gometz. Cette tour ne serait-elle pas le donjon primitif? Au onzième siècle, les châteaux n'étaient bien souvent construits qu'en bois, et turrem, du temps de Suger, signifiait un donjon.

Si nous avons bien prouvé que la tour de Montlhéry n'avait pas été construite au XIe siècle, c'est une preuve entre mille que pour déterminer l'âge d'un monument, il ne faut pas seulement s'en rapporter aux historiens, mais encore s'aider des connaissances archéologiques qui sont un guide non moins sûr. C'est pour n'avoir pas étudié ses ruines, ou pour les avoir examinées avec une curiosité sans but, comme Dulaure, qu'on a méconnu l'âge de cet intéressant donjon. Combien une erreur n'est- elle pas à craindre, quand elle se cache sur le grand nom d'un Lebeuf. Combien la monographie ne rendra-t-elle pas de services, lorsqu'elle aura révisé les jugements de ces grands hommes, et que conduite par le flambeau de la critique, elle aura rendu à nos vieux monuments, leur âge méconnu et leur ancienne gloire.

Nota . Aujourd'hui, madame la duchesse de Noailles dispute au gouvernement la possession de la tour de Montlhéry. Si le gouvernement gagne, ce monument sera conservé. Espérons que si les chances du procès lui étaient défavorables, madame la duchesse ne permettra pas qu'on détruise ce curieux reste de la féodalité.

 

 

Notes de Duchalais

(1) De Caumont, Cours d'Antiquités monumentales, t. IV. Bulletin monumental, t. II.

(2) Nom donné a l'un des architectes allemands appelés a l'achèvement du dôme de Milan. — Michelet, Histoire de France , t. IV.

(3) Joinville, éd. royale, p. 11.

(4) Li romans de Berthe aus grans piés. Ed. de Paulin Paris, 1836, § 82, p. 110.

(5) Lafontaine, Voyage en Limousin. — Lettre à sa femme.

(6) Cette tradition de Gannes est fort remarquable. On la retrouve dans des pays bien éloignés les uns des autres. M. de Caumont, dans ton cours d'antiquités monumentales, t. V, parle d'un château nommé Château-Gannes par les paysans de la Normandie. Il dit encore que, selon une vieille tradition, le château de la Pommeraye , situé aussi en Normandie, aurait appartenu à un seigneur très méchant et très rusé nommé Gannes, qui faisait ferrer ses chevaux à rebours, afin que personne ne put suivre su trace. Et enfin, à Provins, on trouve encore une tour de Gannes. Quel est ce personnage? Nous l'ignorons. Cependant, il ne serait pas impossible que ce fut le traître Gannelon, cet ennemi juré de Renault de Montauban, chanté par tous les romanciers du Moyen âge. Gannes et Gannelon sont en effet identiquement le même nom, comme Hue, Hues, Hugon sont synonymes de Huget, Eudes, d' Odon  ; et ce qui semblerait encore le prouver, c'est que dans le roman de Hugues-Capet ( ms. de la Bibl. de l'arsenal; petit inf. ; Belles-Lettres, n° 186), il est dit en parlant d'un certain Savary, qui a énerbé le roi Lois et veut épouser sa fille, que ce traître possédait Montmirel-en-Brie, l'une des sept tours de Gannes. Et quelques vers plus bas, l'auteur met dans la bouche de Hugues-Capet, son ennemi, les deux vers suivans :

Bien venez de l'estrasse de faire vilain tour (v. 918).
Car de Gannelon furent vos meillor anchesseur.

Dans tous les cas, e nganer dans le langage du Moyen âge, signifie tromper. Dans le roman de Berthe, Adnès l'a employé trois fois avec cette acception.

(7) Ces sept tours sont : Montlhéry, Montjai, Montmirel, Montespiloy, La Queue , Brie-Comte-Robert, Montaimé. — Dans l'Orléanais, une tradition prétend qu'un seigneur de Meung bâtit quatre châteaux auxquels ses quatre fils donnèrent leurs noms ; ce sont : Les Fertés , Hubert , Nabert, Imbault, Aurin. — Dans les environs de Châtillon-sur-Seine, on trouve aussi trois frères qui bâtirent trois châteaux.

(8) Une vieille tradition chartraine prétend qu'autrefois, les cryptes de la cathédrale de Chartres servaient au culte des druides qui, avant l'introduction du christianisme dans les Gaules, y adoraient la sainte Vierge sous le nom de virgo paritura. On trouve encore, sur les portes qui conduisent à ces cryptes, cette inscription très moderne : Vi rgini parituræ.

(9) Chroniques de Maurigny, Recueil des Hist. de France, tome XI, page 71.

(10) Ibid . Grandes Chroniques, page 62. (Notes).

(11) L'abbé Lebœuf prétend que les parties les plus anciennes de cette chapelle remontaient au XIII e siècle. —Selon ce savant abbé, il aurait existé dans le château une seconde chapelle dédiée à la Vierge , mais il se trompe vraisemblablement. Il aura pris pour le château, la ville elle-même, désignée par le mot Castrum. D'ailleurs il se condamne lui-même, en avouant que l'église de la Trinité , paroisse actuelle de Montlhéry a porté autrefois le nom de Notre-Dame. —T. XI. Hist. du diocèse de Paris.

(12) Dulaure, Histoire des Environs de Paris, t. VII. — Ed. 1828, p. 196.

(13) Dulaure, Histoire des Environs de Paris, t. VII. — Ed. 1828, p. 197.

(14) Touchard-Lafosse. Histoire des Environs de Paris.

(15) Millin, Antiq. nat., t. I.

(16) Le chevalier au vair palefroi, vers 1114 et 1115, et 1150 et 1151. Barbazan, tome 1er.

(17) Lafontaine, Voyage en Limousin.

(18) Dulaure et Lebeuf.

(19) Tempore Roberti regis Theobaldus filans stupas, forestarius ejus firmavit montem lethericum. Recueil des Hist. de France, t. XI, p 271. Contin. d'Aimoin.

(20) Grandes Chroniques.

(21) Recueil des Hist. de France, t. XI. Vita Ludovici grossi.

(22) Suger, ita Ludovici grossi. Hist. de France.

(23) Grandes Chroniques. ibid .

(24) Mémoire de Pierre de Fenin, p. 14. C 'est lui (Montagu) qui fit faire Marcoussy.

 

 

Notes du Vieux Marcoussy

(1) Le restaurant «  La Tour de Montlhéry  » (chez Denise) est l'un des derniers bastions du Paris des halles d'autrefois. On y mange à toute heure, du jour comme de nuit, une cuisine "bourgeoise" de très belle consistance.

(2) En 1833, Touchard-Lafosse écrivit « Paris est environné des débris, plus ou moins conservés, de ces vieux forts : la tour de Montlhéry [nous avons fait graver la tour de Montlhéry, parce qu'elle appartenait au système de forteresses destiné particulièrement à défendre le vallon où se trouvait Paris…], qui surmonte encore, svelte et gracieuse, une montagne pittoresque » ( Histoire de Paris , t. I, chez P. Krabbe, Paris)

(3) L'ancien château féodal fut classé à l'Inventaire des Monuments Historiques par liste de 1840. Après le procès, en 1842, l'administration des Domaines a pris possession des ruines du château.

(4) De nombreuses notices sur Montlhéry mentionnent «  Cette forteresse n'avait pas moins de cinq enceintes et de trois terrasses élevées l'une au- dessus de l'autre. On n'y arrivait qu'après avoir ouvert cinq portes  ».

(5) Dans son Histoire de saint Louis (Paulin, Paris, 1839), le marquis de Villeneuve-Trans écrit à propos de l'épisode de Montlhéry «  Prévenu à temps, [Thihaut de Champagne] accourait à sa rencontre, et l'ayant atteint, l'entraîna sans s'arrêter à Montlhéry, capitale du Hurepoix, et se jeta avec lui dans cette forteresse. Le roi et la monarchie n'avaient pas d'asile plus sûr que ce célèbre château situé, comme on le disait alors, "au fin cueur du royaulme", et bâti vers 1005, sur la crête d'une montagne, par Thibaut-File-Etoupe, forestier du roi Robert. On apercevait de sept lieues de distance ce vieux manoir de Montlhéry, qui relevait de plein fief du donjon du Louvre  ». Puis dans les pièces justificatives, l'auteur précise «  La tour de Montlhéry subsiste encore, quoique très-dégradée ; elle fut, dit-on, bâtie par Gannes, sur l'emplacement où le roi Carloman fut tué dans une chasse au cerf. Quand Louis VI fit ruiner le château, il épargna la tour, et elle fut restaurée après la réunion de Montlhéry à la couronne. Ce manoir était flanqué de huit autres tours crénelées, de six pieds d'épaisseur. Montlhéry ou Mont-le-Lhérie signifie montée » hérissée, rude, difficile . D'énormes crevasses apparaissent encore au milieu des décombres de ce célèbre donjon. En face de la porte de la maîtresse tour, et dans l'enceinte, se trouve l'entrée du souterrain dans lequel saint Louis fut obligé de se cacher ; l'ouverture, quoique fermée, est facile à reconnaître  ».

(6) Dans l'édition de revue et annotée en 1838 par l'avocat Jean-Louis Belin de l'ouvrage de Jacques Dulaure (t. VI, page 437) nous lisons « Dulaure, Boucher d'Argis, Millin, l'abbé Lebeuf lui-même, tous les historiens de Montlhéry, s'appuyant sur ce passage de Suger : Totam castri munitionem, prêter turrem dejecit (indiquant que Louis VI fit raser toutes les fortifications de Montlhéry excepté la tour), n'ont pas hésité un instant à regarder la tour que nous voyons aujourd'hui comme l'ouvrage de Thibaut-File-Étoupe, et celle que Louis VI avait épargnée. Cependant, s'ils avaient examiné avec un peu plus d'attention ce que le même auteur avait dit quelques lignes plus haut, peut-être auraient-ils modifié leur avis. Les frères Garlande, alliés de Guy Troussel et de Milon de Braye, son frère, étaient parvenus déjà, à forcer l'antemural, lorsque, effrayés par l'armée de Guy de Rochefort, ils prirent la fuite en toute hâte. Voici le texte : Ut ante muralem turris pluribus in lotis perfoderunt (Suger, Vita Ludovici grossi, Hist. de France), texte que les Grandes Chroniques rendent ainsi : Si que ils afrondrèrent le mur devant la tor (Grandes Chroniques, ibid.). Or, pour quiconque a vu la tour de Montlhéry, il est évident qu'il n'a pu exister aucun mur devant le donjon actuel, et il est impossible de supposer que le moine de Saint-Denis, non plus que Suger, ait appelé le château lui-même le mur devant la tor. Le château de Montlhéry qui existait de leur temps était donc autrement disposé que celui que nous connaissons». Duchalais semble avoir repris intégralement le texte ajouté par Belin.

 

Ces sujets peuvent être reproduits " GRATUITEMENT" avec mention des auteurs et autorisation écrite