L'école libre à Marcoussis 1866 à nos jours
Cette chronique est le troisième et dernier volet de l'histoire consacrée à l'enseignement dans cette paroisse. Nous nous étions arrêtés en 1890 avec le départ des soeurs de la Sainte-Enfance qui furent remplacées par des personnels laïcs, également avec la chasse aux sorcières organisée par l'état envers les congrégations.
J-P Dagnot novembre 2013.
Plan des lieux en 1809 avec délimitation de 1890.
École Saint-Joseph
Nous nous intéressons pour commencer à la propriété où se trouve cette école. Ainsi, en 1866, Françoise Frédérique Tiercelin, veuve de Jean Cazals demeurant à Marcoussis, fait donation entre vifs à Adeline Cazals, épouse Eugène Blin, marbrier, sa fille la moitié de la propriété dans une maison sise à Marcoussis sur la rue venant des pressoirs au Mesnil, consistant:
- en une chambre à feu par le bas, cabinet à côté, grenier sur ces deux pièces, fournil à coté, grenier au dessus, toit à porcs, chambre basse , boutique de tisserand ... le tout contenant 3.300m2, tenant à la rue des pressoirs, derrière aux héritiers de la Myre, au midi à Ruotte, au nord à Dubocq, un chemin d'un mètre entre. Le bâtiment d'école n'existe pas encore.
En 1882, nous assistons au partage des biens de la sucession Blin-Cazals.
- Adeline Cazals, veuve Eugène Blin, agissant en son nom,
- Anne Cécile Blin, soeur du défunt...
La veuve a recueilli de ses parents une maison à Marcoussis qui a été démolie et entièrement reconstruite pendant la communauté d'avec son mari, correspondant à une plue value de 22.000 frs...
Trois acquisitions dont une comporte le droit à une fontaine; le tout forme une propriété entourée de murs:
- maison principale rez-de-chaussée et deux étages, élevé sur sous sol. Au rez-de-chaussée, cuisine , salle à manger, sallon, bureau, au premier, quatre chambres, au second, salle de billard, chambre de bonne et grenier, sous-sol avec cave et fournil.
- écurie, remise et dépendances,
- grand jardin entouré de murs, traversé par la fausse rivière et dans lequel existe une fontaine, tenant au nord à une cour commune avec Peuvrier.
Le bâtiment actuel de deux étages existe, les classes apparemment plutôt écurie, remise...
Rappelons les évènements envers les ordres religieux de 1884, l'inspecteur d'académie s'attaque à la congrégation de la Sainte Enfance, appliquant la loi Jules Ferry, pour enseigner dans un établissement public... Cette guerre systématique débouche deux ans après par une demande au maire d'informations au sujet des congrégations religieuses qui habitent Marcoussis:
- évaluation du mobilier possédé,
- valeur locative et valeur vénale des immeubles occupés ou possédés,
- siège de la congrégation,
- nom et prénom des religieux,
- le nom très exact de la congrégation.
La loi du 3 octobre 1886 est promulguée au journal officiel. L'organisation de l'enseignement primaire comporte 68 articles. Le mois suivant, de manière indirecte, la soeur du maire Alice de la Baume, créé une société la prévoyance Versaillaise.
La situation devient intenable pour la congrégation et en juillet 1890, un séance du conseil municipal constate: le départ clandestin de la directrice congréganiste de l'école maternelle, ne serait pas toléré avec un personnel laïque, décide la suppression du personnel religieux de l'école des filles et son remplacement par un personnel laïque et la transformation de l'école maternelle en école enfantine également laïque .
La résistance s'organise deux mois après par l'acquisition de la propriété de la future école Saint-Joseph. Devant Maître Dépinay, Madame Adeline Françoise Cazals propriétaire demeurant à Paris, laquelle a vendu à la société "La prévoyance Versaillaise" ayant son siège à Versailles, représentée par Adrien Tabut demeurant à Versailles, une propriété sise à Marcoussis comprenant:
- une maison élevée sur sous-sol, divisée en deux caves, fruitier, buanderie, rez-de-chaussée et deux étages couverts en ardoise et zinc, ... au rez-de-chaussée salon, salle à manger, cabinet de travail, cuisine, vestibules et wc, le premier comprend quatre chambres de maître et un cabinet de toilette, le deuxième étage est divisé en billard, chambres de domestiques,
- basse cour, avec cabane à lapins et poulailler,
- grand jardin, fleurs et potager, dans lequel il y a une source d'eau vive et une pièce d'eau.
Le tout contenant 3.090 m2, tenant au surplus de ladite propriété restant appartenir à Madame Blin, à la rue du Ménil et à la fausse Sallemouille.
Les biens viennent de la succession Blin Cazals. La jouissance des biens immédiate hors
la récolte des fruits. Une convention particulière est faite pour la séparation de la future école d'avec la venderesse aux frais de la société acheteuse. La vente faite moyennant le prix de 22.000 frs. Remarquons le plan annexé qui figure déjà les bâtiments d'école au moment de la vente.
Côté communal, un registre est créé pour recevoir les déclarations d'ouverture d'écoles libres. Ainsi, la première à l'utiliser est Madame Driot Louise Alexandrine (soeur Clarisse) d'une déclaration annexée non retrouvée. Ensuite la seconde, la soussignée, Marie Louise Catherine Paris, religieuse dominicaine, née le 12 janvier 1858, domicilié actuellement à Marcoussis, déclare à Mr le maire de Marcoussis, que son intention est d'ouvrir un pensionnat de jeunes filles à Marcoussis à l'écart de la Ronce .
La comtesse de la Baume a donc acquis en mai l'école de la Ronce, en septembre une propriété qui deviendra la future école Saint-Joseph, sous couvert d'une association appelée l'arc en ciel . Donc, vont exister à Marcoussis les dominicaines de N-D de Grâce et la congrégation de la Sainte-Enfance de Jésus.
Ecole Saint Joseph en 1890.
Signalons en 1891, une phrase de la monographie de l'instituteur: des congréganistes vinrent à Marcoussis pour y ouvrir une école libre de garçons mais ils ne purent s'entendre avec les personnes charitables sur lesquelles ils comptaient et il ne fut plus question de cette école.
Avec une bonne année de retard, la matrice cadastrale mentionne l'arrivée de la société "la Prévoyance Versaillaise" pour les parcelles E40, 41b, 42, 44b, 45b, 47b, 110. Sortie en 1905.
En 1895, la soeur Marie Justine, religieuse de la Sainte-Enfance décède à l'âge de 69 ans, présent Gustave Degand aumônier. Le lieu n'est pas explicité, c'est probablement dans la maison à étages acquise par la prévoyance Versaillaise; cette maison servant de logement au personnel de l'école à l'époque du procès de 1903.
Neuf annnées plus tard, Alice de la Baume finalise son acquisition de septembre 1890, en versant via la société " la prévoyance Versaillaise" , société anonyme ayant son siège à Versailles, la somme principale de 6.000 francs à valoir sur celle de 9.500frs formant le solde restant dû sur le prix de 22.000frs.
Début 1902, le sous préfet envoie au maire le dossier d'autorisation formée par la congrégation de la Sainte-Enfance de Jésus pour l'établissement qu'elle possède à Marcoussis. Il lui demande également d'urgence trois exemplaires de la délibération du conseil municipal rendant son avis sur cette demande.
En avril, une visite de l'inspecteur de Rambouillet s'occupant des établissements congréganistes d'enseignement primaire a lieu pour cette école privée de filles avec classe enfantine. La directrice, Mme Louise Driot, âgée de 60 ans, pourvue de son brevet élémentaire, a comme adjointes Marcelle Boulet, agée de 22 ans avec le même diplôme et Louise Leroux pourvue d'un certificat d'aptitude à la direction des écoles maternelles.
Valeur de l'enseignement: L'enseignement, surtout dans la première classe, tenue par Mme Driot, est donné avec assez de méthode et de goût. Cette maîtresse a été institutrice publique jusqu'en 1890, ses adjointes n'ont qu'une aptitude ordinaire. Chaque année, l'école fait recevoir des élèves au certificat d'études.
Esprit qui anime l'enseignement: Quelques devoirs ont une tendance confessionnelle assez accusée; certains ouvrages sont ceux que l'on trouve dans les écoles publiques, d'autres ont pour auteurs des congréganistes.
Tenue de l'établissement: Les locaux sont propres, l'installation convenable. Le registre du personnel est tenu, un des registres d'appel n'est pas à jour ...
La discipline n'est pas assez sévère, les élèves sont turbulents. On aimerait avoir des maitresses plus fermes.
Services que l'établissement peut rendre à la population: L'école publique dotée d'une classe enfantine pourrait suffire à l'instruction des jeunes filles de la commune. L'école congréganiste n'est donc pas indispensable à la population; son existence est d'ailleurs une cause de divisions locales.
Effectif: L'effectif inscrit est de 162, celui des présents de 130. Il convient d'ajouter qu'une garderie annexée à l'école reçoit 25 enfants d'âge infra-scolaire.
Concurrence à l'enseignement public: si je suis bien informé, l'école publique ne compte actuellement qu'une cinquantaine d'élèves. Elle a donc beaucoup à souffrir de la concurrence qui lui est faite. Madame l'inspectrice pourrait être utilement conseillée à ce sujet. signé l'inspecteur primaire.
En juillet, la sous-préfecture de Rambouillet rédige également son rapport sur la congrégation dite des écoles chrétiennes de la Sainte-Enfance de Jésus, elle rappelle que l'immeuble est la propriété de la société la prévoyance Versaillaise, louée en vertu d'un bail sous seing privé enregistré en 1901. Ce bail que l'on pourrait connaître via l'enregistrement pourrait nous donner la contenance des locaux, il serait intéressant de rechercher s'il y a eu un bail antérieur car la fondation de cette école date de 1890, et dans le cas où il y aurait eu bail qu'en 1901, au moment de la loi sur les congrégations, on serait fondé à se demander si cet acte n'est pas fictif... Les soeurs sont au nombre de sept et reçoivent leur traitement des familles riches du pays qui soutiennent l'école. La congrégation était autrefois chargée de la direction de l'école primaire publique (depuis 1845). En 1890 la laïcisation a eu lieu, et c'est à ce moment qu'a été créé l'école libre actuellement occupée par les religieuses. L'école et la garderie reçoivent environ 180 enfants dont une trentaine à la garderie. Elles sont assez bien tenues . La concurrence avec l'école laïque est vive et entretient la division dans la commune. D'autre part l'école publique qui comprend une classe enfantine serait en état de suffire à l'instruction des jeunes filles de la commune. Dans ce cas je crois devoir émettre un avis défavorable à l'autorisation demandée par le conseil municipal. signé le sous-préfet.
En novembre, la sous-préfecture continue son inquisition :
- Cet établissement a été créé en 1890, après la laïcisation de l'école publique qui était tenue depuis 1845 par des religieuses du même ordre.
- L'objet est l'enseignement aux jeunes filles et les soins aux malades.
- La congrégation reçoit à Marcoussis dans son école privée, 122 (160 barré) élèves dont 29 n'ont pas l'âge scolaire, et une garderie où il y a 25 à 30 enfants. L'enseignement est gratuit pour beaucoup.
- Le personnel est composé de six religieuses et une auxiliaire.
- L'immeuble, d'une valeur de 25 à 30.000 frs est la propriété d'une société civile, constitué en 1886 par acte notarié, dont le conseil d'administration est composé de MM Carron de la Carrière, ancien député, du vicomte d'Amphenet, rentier, et de Phibierg avocat. Cette société qui a pris le titre de " La prévoyance Versaillaise ", a son siège au couvent même de la Sainte-Enfance à Versailles. La maison est louée 850 frs suivant bail enregistré.
- Les ressources sont fournies par la pension des élèves. L'école reçoit également des dons de personnes riches qui assurent un traitement aux religieuses.
- L'école publique des filles a cinquante places vacantes; il y existe une classe pour 40 élèves, dépourvue de mobilier, elle pourrait donc recevoir actuellement toute la population scolaire ...
- L'école congréganiste est assez bien tenue, l'enseignement, bien que confessionnel n'y est pas mauvais. La garderie rend des services.
- L'école congréganiste fait une concurrence très active à l'école publique qui compte une cinquantaine d'élèves.
... des notes au crayon donnent un avis défavorable de l'école des filles et un avis favorable pour l'école maternelle et garderie.
La politique de l'état se poursuit en juillet, le sous-préfet envoie au maire une note "extrême urgence", demandant par retour du courrier si depuis le premier janvier 1900, s'il s'est créé dans sa commune un établissement congréganiste, en d'autres termes si des membres de congrégations se sont établis dans sa commune, si oui tous les renseignements... En novembre, le sous-préfet donne son avis défavorable pour l'école primaire mais aussi pour la garderie... Fin novembre, la préfecture se pose la question la fermeture de l'école chrétienne de la Sainte-Enfance: ou loger les 122 filles et 30 enfants dans l'école publique... le sectarisme créé plus de problème qu'il n'en résout...
Ainsi on peut lire en mars 1903, un courrier du préfet de Seine-et-Oise au ministre de l'intérieur et des cultes, sur un dossier relatif à la demande en autorisation formée par la congrégation des écoles chrétiennes de la Sainte-Enfance pour une école de filles avec classe enfantine. L'école privée a été créée en 1890, après la laïcisation de l'école publique. Le préfet décide qu'elle ne répond à aucun devoir, la garderie annexée rend quelques services à la population et rend un avis défavorable pour l'école de filles et favorable pour la garderie.
La répression arrive en juin 1903, un procès-verbal du commissaire de Rambouillet agissant en vertu des instructions du sous-préfet, se transporte à l'établissement tenu par les soeurs, remet à Me Louise Leroux, soeur Marie Flavie une lettre du président du conseil, ministre des cultes, l'informant du rejet de sa demande d'autorisation, et en outre lui impose trente six jours pour fermer l'établissement. Remis à Mme Louise Leroux en religion soeur Marie Flavie ( la soeur signe sous son patronyme religieux). Deux jours après, la sous-préfecture, enregistre la fermeture de l'établissement prévue pour le premier août. Le propriétaire est la société anonyme " La prévoyance Versaillaise". Aucun incident n'a marqué cette notification. Le 2 juillet, un autre procès-verbal est dressé par Jean Valère Battini, commissaire de police de la ville de Versailles, se présentant chez Mr Caron de la Carrière, à son domicile de Versailles, en sa qualité de propriétaire de l'établissement de Marcoussis, l'informant du rejet de la demande d'autorisation formé par la congrégation des soeurs des écoles chrétiennes de la Sainte-Enfance pour l'établissement de Marcoussis, et fixant la date du premier août pour se retirer et fermer l'établissement . Ledit Carrière a refusé de signer.
Les soeurs sont parties le 31 juillet vers midi, à la suite de la distribution des prix du 27 juillet en présence du comte de Caraman, député, et du comte de la Baume, maire de Marcoussis, le député prononçant l'allocution suivante: "Ne craignez rien pour vos pauvres enfants et ne les envoyez pas à l'autre école, car j'ai fait les démarches et je suis heureux de vous dire que j'ai entièrement réussi, des dames s'installeront dans ce local même et continueront l'oeuvre de nos chères soeurs. La rentrée aura lieu le 1er octobre et j'espère qu'il n'y aura aucune défaillance et que je retrouverai les bancs aussi garnis qu'ils le sont aujourd'hui". Mentionnant en outre, que des renseignements recueillis, il résulte que les huit religieuses formant le personnel de l'établissement, se sont rendues à la maison mère de Versailles; que le mobilier de celles-ci ainsi que le matériel scolaire a été acheté en bloc par Melle de la Beaume, soeur de Mr le Maire de Marcoussis ; cette vente a été faite par le ministère de Mr Hemme, huissier de Rambouillet.
On est enclin à penser que la société "la prévoyance Versaillaise" a redonné son acquisition à Alice de la Baume. Cette affirmation confirmant la sortie de cette association de la matrice en 1905-2=1903. Également par la déclaration ci-dessous où, Louise Huguin demeure à la Ronce chez la châtelaine, fait une demande pour exercer dans l'ancien local de la prévoyance Versaillaise: A comparu devant nous maire de la commune de Marcoussis, en la salle de la mairie, madame Huguin Louise, laquelle a déposé la déclaration dont la teneur suit: Je soussignée Huguin Louise Joséphine née le 30/3/1846, actuellement domiciliée à Marcoussis à la Ronce , déclare à Mr le maire de Marcoussis que mon intention est d'ouvrir et de diriger une école libre de jeunes filles avec annexion de petit pensionnat à Marcoussis dans le local précédemment occupé par les soeurs de la sainte enfance longeant le chemin du Ménil. Je fais ces présentes déclarations conformément à la loi du 30 octobre 1886, afin qu'elles puissent me servir ce que de raison pour la direction de l'école ci-dessus désignée. Fait à la Ronce le 3 août 1903 . signée par la déclarante et par le maire comte de la Baume. Affiché le 4 août 1903.
Deux jours après, la mairie de Marcoussis écrit au préfet pour le prévenir que Mademoiselle de la Baume est dans l'intention de créer une garderie de jeunes enfants de 2 à 4 ans pour aider les familles ouvrières. Le courrier gardé en préfecture mentionne en travers: répondre qu'aucune autorisation n'est nécessaire pourvu qu'elle soit dirigée par des laïques et qu'on n'y donne pas d'enseignement. Le même jour, le commissaire de police de Rambouillet, revient à Marcoussis pour constater la fermeture de l'établissement. Les soeurs sont parties le 31 juillet après la distribution des prix faite sous la présidence du comte de Caraman député de l'arrondissement (propriétaire du château de Saint-Jean de Beauregard).
La soeur du maire est tenace, fin septembre elle a repris à son nom la propriété de l'école privée. À vérifier, ce document non retrouvé, aurait été fait au nom de l'association "l'arc en ciel". L'école rouvre.
Le trois décembre, la sous-préfecture rédige une note sur l'école libre de Marcoussis: les institutrices qui dirigent cette école et qui sont de l'ancienne congrégation sont inculpées d'infraction à la loi de 1901, l'affaire est à l'instruction. Melle de la Baume, soeur du maire, à qui appartient le local, et qui a organisé cette école et la subversion est inculpée également comme complice. Les avocats chargés de cette affaire sont Maître Rudellet, député, qui a l'intention, je crois de saisir cette occasion de faire une manifestation politique dans sa plaidoirie, Rudellet fils et Villet avoué à Rouen ...
Le 22 décembre l'affaire est plaidée devant le tribunal correctionnel de Rambouillet. La sous-préfecture enregistre que l'affaire intentée contre la directrice et ses collaboratrices inculpées pour sécularisation fictive, il n'y a eu aucun incident, le gouvernement n'a été l'objet d'aucune attaque.
Reprenons le récit du journaliste de l'indépendant de Rambouillet assistant au procès:... les interrogatoires, de Mesdames les institutrices de l'école libre de Marcoussis, ex-religieuses de l'ordre de la Sainte-Enfance, sécularisées au cours de l'année qui s'achève et de Mademoiselle de la Baume-Pluvinel, la bienfaitrice du pays... témoin de l'impartialité du président du tribunal, des ingénieuses déductions du procureur de la République et de la plaidoirie simple de maître Rudelle défendant la cause des faibles femmes, ... ayant entendu le jugement clair et précis relaxant les prévenues et par voie de conséquence Melle de la Baume, ... Passons sur les ex-religieuses qui se défendent mal, retenons les informations fournies par Melle de la Baume, ... J'ai racheté le mobilier le 21 juillet, également le même jour j'ai racheté la maison pour en faire une école laïque ... le mobilier que j'ai acheté n'est pas employé à l'école, on utilise celui de Mme Huguin qui a été pris à Versailles... j'ai vu la lettre de sécularisation de Melle Huguin... La supérieure m'a déclaré quand une soeur se sécularise, elle n'existe plus pour moi.
Reprenons une autre version du procès contre:
- Melle Huguin directrice de l'école de Marcoussis,
- Rosa Nouaille institutrice à Marcoussis,
- Catherine Ellicèche, gardeuse d'enfants à Marcoussis,
- Marie Jeanne Malagoux, cuisinière,
- Justine Marie Durand, ménagère,
- Alice de la Baume Pluvinel, propriétaire à Marcoussis,
lesquelles sont prévenues d'infraction aux lois sur les congrégations libres comparantes...
Le tribunal a statué, qu'en raison d'avoir exercé en octobre 1903 dans un établissement congréganiste dissout, la propriétaire d'avoir favorisé le fonctionnement de l'établissement, attendu ... que les élèves sont les mêmes, que l'école fonctionne, que les anciennes soeurs sont sécularisées... par ces motifs le tribunal relaxe toutes les prévenues sans dépens. Cette version montre clairement le personnel composant l'école, trois enseignantes et deux personnels de service.
La semaine suivante, le ministère de la direction générale des cultes envoie une note au président du ministère de l'intérieur, à la requête du procureur de la République une instruction a été ouverte contre la directrice de l'école libre tenue à Marcoussis par les soeurs de la Sainte-Enfance sécularisées, Melle de la Baume propriétaire de l'immeuble qui subventionne cette école, est impliquée dans cette affaire. Par le jugement du 29 décembre le tribunal acquitte la prévenue, le caractère fictif de la sécularisation n'ayant pas pu être établi.
L'état n'en reste pas là, sur l'appel du procureur de la République, une note émanant de la sous-préfecture de Rambouillet résume un nouveau jugement fin février: la cour de Paris réformant le jugement du tribunal de Rambouillet acquittant les soeurs de la Sainte-Enfance, qui se prétendant sécularisées, avaient rouvert l'école libre crée à Marcoussis par Melle de la Baume. Elles ont été condamnées:
- Melle Huguin directrice à 100 frs d'amende,
- Noailles, Malaqueux, Durand, Eléonore, institutrices et cuisinière à 50frs d'amende,
- Melle de la Baume à 500 frs comme complice, sans sursis, soeur du maire de Marcoussis.
Une note de la direction générale des cultes, 2ème bureau, au sujet de la conjuration des soeurs de la Sainte-Enfance à Marcoussis adressée au ministère de l'intérieur: pour faire suite à ma communication du 7 janvier, je vous informe que le procureur de la République a fait appel du jugement du tribunal correctionnel de Rambouillet qui avait acquitté la soeur de la Sainte-Enfance sécularisée sur place à Marcoussis qui était restée à la tête de l'école qu'elles tenaient comme religieuses de cette congrégation... Ces condamnations ont été prononcées sans surcis.
Le 16 mars, le sous-préfet informe son supérieur: J'ai l'honneur d'informer Mr le préfet que, d'après mes renseignements, les institutrices de Marcoussis, soeur prétendues sécularisées ainsi que Melle de la Baume se sont pourvues en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel qui les a frappées; signé le sous-préfet.
Début avril, la justice était rapide à cette époque, en l'absence de notes de fonctionnaires, la cour de cassation a dû donner raison aux plaignantes comme le confirme un texte extrait d'un registre de la mairie de Marcoussis: a comparu devant nous, adjoint au maire de Marcoussis en l'absence du maire en la salle de la mairie, Demoiselle Coulhon Victorine Louise laquelle a déposé la déclaration dont la teneur suit: Je soussignée Coulhon Victorine, née le 6 octobre 1876, domiciliée à Noisy-le-Grand, déclare à Mr le maire, que mon intention est d'ouvrir et de diriger une école libre de jeunes filles avec annexion du petit pensionnat à Marcoussis dans le local occupé précédemment par Melle Huguin (directrice à l'époque du procès). Je fais ces présentes déclarations conformément à la loi du 30 octobre 1886. Signature de la déclarante et de l'adjoint Leroy.
En juillet 1904, la gauche continue, après Waldeck-Rousseau, le président du conseil Emile Combes, anticlérical, fait promulguer la loi interdisant d'enseigner à tous les congréganistes, et suppression dans un délai de cinq mois de toutes les congrégations enseignantes mêmes celles autorisées en 1901.
Le sénat et la chambre des députés ont adopté, le président de la république promulgue la loi dont la teneur suit:
1° L'enseignement de tout ordre et de toute nature est interdit en France aux congrégations.
Les congrégations autorisées à titre de congrégations exclusivement enseignantes seront supprimées dans un délai maximum de dix ans.
Il en sera de même des congrégations et établissements qui, bien qu'autorisés, en vue de plusieurs objets, étaient, en fait exclusivement voués à l'enseignement, à la date du 1er janvier 1903...
Les biens des congrégations pourront être loués sans leur consentement.... Suite à cette loi près de 2.500 établissements religieux seront contraints de fermer.
À Marcoussis, en septembre, une nouvelle demande est faite par une nouvelle directrice: a comparu devant nous adjoint au maire agissant en son absence, en la salle de la mairie, la demoiselle Berthou Marie Alexandrine, laquelle a déposé la déclaration dont la teneur suit: Je soussignée Marie Alexandrine Berthou, née le 10 novembre 1862, domiciliée à Paris, déclare à Mr le maire que mon intention est d'ouvrir et de diriger une école privée de jeunes filles à Marcoussis dans le local occupé précédemment par Melle Coulhon.... signé Berthou et de l'adjoint Leroy. Fort de leur jugement en cassation, l'école libre est considérée dirigée par des laïques.
Notons en 1904, une demande de la veuve Blin au notaire de Marcoussis pour obtenir un extrait sommaire de la vente du 1er septembre 1890, afin de rappeler la convention particulière de la clôture séparative. N'oublions pas la poursuite des activités dirigées par Alice de la Baume à la Ronce.
Relevons en 1907, dans une note de l'inspecteur d'académie sur l'école laïque des filles, que l'école laïque privée perd plusieurs de ses élèves...
La chasse aux sorcières se termine, en août 1914, le sous-préfet envoie une note au maire: suivant les instructions ministérielles est suspendue l'exécution des décrets de dissolution ou de fermeture, des refus d'autorisation, des arrêts de fermeture et de toutes mesures qui ont pu être prises en exécution des lois de 1901 et 1904, concernant les établissements congréganistes.
Alice de la Baume, ne verra pas rouvrir son école sous forme d'établissement religieux, elle décède en 1916. À la fin de la guerre, le régime d'enseignement religieux revient. Néanmoins les bâtiments restent propriété des de la Baume, notamment en 1931 où apparaissent dans les matrices cadastrales, les parcelles E40-41.
Notons, extrait du Petit Moutard (1), qu'en 1939 l'école est ouverte cinq jours la semaine avec repos le jeudi. À cette époque, il n'y avait pas de cantine contrairement au début du siècle. La cloche que l'on voit au sommet du pavillon ponctuait les récréations. Les terres entre les deux bras de la Sallemouille n'appartenaient plus à l'école.
D'après une vente faite en 1983, le propriétaire serait toujours l'association dite l'Arc en Ciel en 1960. Notons cette année là, un bail sous seing privé par l'"Association" à l'établissement d'enseignement catholique, nommé Ecole Saint-Joseph.
L'école comme locataire devait entretenir les bâtiments et dans les années 1970, d'après le petit Moutard, Mr Georges Boniou gérait l'établissement et l'école était endettée. Avec des bénévoles il rétablit la situation et c'est à cette époque que l'école est devenue mixte.
En 1983, l'enseignement catholique utilise une association l'"union immobilière des établissements scolaires du diocèse de l'Essonne" qui reprend les bâtiments cédés par l'"Association", en respectant les conditions faites entre Mademoiselle de la Baume Pluvinel et l'Association. De nos jours, la gestion des bâtiments et du personnel dépend de l'OGEC, et de l'APEL représentant les parents d'élèves.
Actuellement, malgré quelques difficultés financières rencontrées il y a quelques années, cette école privée catholique mixte est toujours en activité et a créé un site internet . Elle accueille les enfants de maternelle et de primaire.
Note
(1) Le Petit Moutard journal des enfants de l'école Saint-Joseph et de leurs parents.