Ermessende de Montlhéry et ses descendants (1)

Chronique du Vieux Marcoussy --Marcoussis--------------- _----------------------------___---_--juin 2012

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C. Julien

 

 

Cette chronique est la continuation de la biographie des enfants des seigneurs de Montlhéry. Cette fois, nous nous intéressons à Ermessende de Montlhéry «  Ermensendis  », fille de Milon 1er le Grand et de Lithuise de Soissons, vicomtesse de Troyes. Ermessende aurait une racine germanique «  ermessen  », estimer, qui signifie «  personne estimable ou honorable  » . On reconnaît dans ce prénom l'influence franque encore très marquée au XIe siècle. Enfin, il convient de préciser que différentes écritures mentionne la même personne : «  Ermessent  », «  Ermessint  » ou «  Ermessinde ».

Il semble que l'auteur des Grandes Chroniques de France , qui ne mentionne pas l'existence d'Ermessende parmi les enfants de Milon de Montlhéry : « Cil Mille de Bray engendra Guy Troussel (qui puis s'en a fui d'Antioche et laissa en la cité la chevalerie assiégée des Sarrasins), et si engendra Thibaut La Bouffe et Millon, que Thibaut de Creci estrangla en trayson, et Renaut, l'évesque de Troies, et la mère Simon de Broies, et la mère Simon de Dampierre, et la mère Hues de Plancy, et la mère Mille Crecy, et la mère Salon, le visconte de Sens  », ait fait une erreur en écrivant « et la mère Mille Crecy  » alors qu'il voulait dire «  et la mère Mille de Villemaur  » (1). De nombreux historiens s'accordent pour dire que Ermessende de Montlhéry fut mariée à Manassès de Villemaur, «  le plus ancien connu vicomte du lieu vivant en 1115  » (Cartulaire de Molesme, t. 2, p. 110, n° 106) .

 

 

La châtellenie de Villemaur

La châtellenie de Villemaur était une des plus importantes des environs de Troyes. Sa mouvance s'étendait sur plusieurs fiefs voisins. En 1152, Villemaur est le chef-lieu de l'une des 28 prévôtés des comtes de Champagne. Les fiefs qui relevaient du comte de Champagne étaient au nombre de deux mille trente. Le domaine propre des comtes était administré par 25 prévôts, fonctionnaires temporaires et amovibles. À côté d'eux, dans 13 prévôtés on trouve des vicomtes qui étaient héréditaires et faisaient partie du baronnage féodal. On trouvait un vicomte à Villemaur en la personne du seigneur . Très tôt comme il advint à Troyes le mouvement communal naquit à Villemaur.

Villemaur «  Villamauri  » ou «  Villammaurium  » est situé à cinq lieues ouest-quart-sud-ouest de Troyes, sur le penchant d'une colline, proche la Vannes, sur la route de Sens, aujourd'hui Villemaur-sur-Vanne (cant. Estissac, arr. Troyes, Aube). On conjecture que le nom de Villamaur vient des Maures ou sarrasins qui y bâtirent un fort, ou que l'ayant trouvé bâti, ils s'en emparèrent, et lui donnèrent le nom de Villamauri. Un historien pense que ce nom vient plutôt d'un seigneur nommé Maur , officier de l'empereur Julien qui lui donna ce domaine en 361. Le père Courtalon-Delaistre nous dit : «  Cette ville qui désormais sera réduite au rang de village, n'offre plus que des ruines, "Hæc loca vi quondam et vasta conculsa ruina" ; elle a beaucoup souffert dans les guerres des Anglois, des treizième et quatorzième siècles… Le terroir de Villemaur tient le milieu entre l'aride Champagne et les terres froides des bois voisins. Bon seigle et quelques fromens, un petit canton de vignes mal cultivées ; la prairie arrosée par la Vannes n'est proprement qu'un marais impraticable et toujours mouvant… ». L'auteur continue : «  La suite des seigneurs de Villemaur peut se diviser en six races : la première est celle des seigneurs avant les comtes de Champagne. La ligne masculine ayant cessé, la terre se trouva partagée entre deux filles, l'une desquelles épousa Fromond, seigneur de Corroy, et l'autre Erard de Villehardouin, maréchal de Champagne  » (2).

Villemaur était du point de vue ecclésiastique le chef-lieu d'un doyenné de l'archidiaconé de Troyes, comprenant vingt-trois paroisses et trois succursales et appelé quelquefois doyenné de la rivière de Vannes «  de Riparia Vannæ  ». Du point de vue laïque une baronnie et châtellenie. Le grenier à sel était situé à Estissac. Au XIIe siècle, les maisons de Trainel, de Villemaur et de Plancy avaient des intérêts communs à Neuville, où ils se partageaient des fiefs sur la rive gauche de la Vanne.

La seigneurie du village de Bercelay-en-Othe «  Bercenaium in Otha  » était du ressort de Villemaur. Les seigneurs de Bucey-en-Othe «  Buceium  » étaient liges de Villemaur ; en 1241 nous trouvons Alise ou Adelaïde de Villemaur ; le hameau le Plessis-les-Chaast était en arrière-fief de Villemaur. Au XIIe siècle, Ithier, prévôt de Villemaur avait un terrage appelé Roullier, qu'il donna à la Grange de Boueanne et dont Félix accorda l'investiture à la maladrerie des deux eaux ou de Saint-Lazarre. Alix de Villemaur avait la principale seigneurie. À quatre lieues de Troyes, la cure d'Estissac était alternativement à la collation de l'évêque et du chapitre de Villemaur. Le doyenné comprenait également Massey « Maceium », Montgueux «  Mons Gorgonis  », Neuville «  Novilla  », le prieuré de Clairlieu «  Claro loco  », Vauchassis «  Vallis charci  », Villadain «  Villariade  », Villemoron «  Villa Mauroni  ».

 

 

Le vicomte de Villemaur

De nombreux historiens ont signalé l'existence d'une vicomté de Villemaur. Selon J. Laurent, éditeur du cartulaire de Molesme, Manassès de Villemaur est le personnage, qui au début du XIIe siècle, porte le titre de vicomte. La châtellenie de Villemaur comprenait les paroisses : Bercenay-le-Hayer «  Bercenayum  », Chennegy «  Chenigiacum  », Dierrey-Saint-Père «  Dierretum sancti Petri  », Maraie «  Maraia  », Mesnil-Saint-Loup «  Mesnillum  », la terre de Messon «  Meximum  » était un arrière-fief de Villemaur relevant de Chennegy, Plantys «  Plantiacum  ». La terre de Prugny « Prugniacum » était de la châtellenie de Villemaur et des autres juridictions de Troyes. Courmorin «  Curte Morini  » est devenu Saint-Benoist-sur-Vanne. La seigneurie de Basson, paroisse de Marcilly-le-Hayer relevait de Villemaur. Il y a encore à Méry-sur-Seine « Mauriacum ad Sequanam » deux fiefs mouvants de la châtellenie de Villemaur, le péage et le marché ou minage, ce qui fait que la mesure de ces deux villes est la même.

Dans le premier cercle des vassaux du comte de Champagne, nous trouvons les maisons de Villemaur, Traînel, Pont-sur-Seine, Plancy, Dampierre, Chappes, toutes issues ou alliées de la maison de Montlhéry. Une liste des principaux vassaux rendant hommage au début du XIIe siècle à Etienne-Henri du comte de Champagne et à sa femme Adèle mentionne :
• Ponce de Chappes,
• Milon II vicomte de Troyes,
• Gobert, Dreux et Manassès de Villemaur,
où nous reconnaissons Milon de Bray et Mont
lhéry, vicomte de Troyes du chef de sa mère, son beau-frère Manassès de Villemaur et les neveux de ce dernier, fils de Tecelin de Villemaur. Notons que certains auteurs confondent Manassès de Villemaur avec Manassès vicomte de Sens qui était son beau-frère du chef de Marguerite de Montlhéry sœur d'Ermessende.

Nous venons de parler succinctement du sire de Villemaur qui était un intime du puissant comte de Champagne sous le règne de Louis VI le Gros. De par sa qualité de vicomte, il était l'un des fonctionnaires percevant les impôts et rendant la justice dans la Champagne méridionale. Plus tard, Villemaur fut le siège d'une prévôté, l e plus ancien prévôt de Villemaur que nous connaissions était Evrard «  Ebrardus, prœpositus domini castri de Villamauri  », dont il est fait mention en l'an 1154.

 

Extrait de la biographie de Milon de Bray par le André Duchêne.

 

 

Les obsèques au monastère de Longpont

Fut rapporté par nombreux historiens. Dans la biographie de la maison de Laval, André Duchesne parle succinctement du drame qui frappa la famille de Montlhéry lors du meurtre de Milon II de Bray, fils puîné du puissant Milon 1er de Montlhéry « … et ayant esté prins à Chasteaufort par Hugues de Crécy son cousin fut proditoirement suffoqué des propres mains d'iceluy et son corps enterré au cloistre de l'église de Longpont avec une pompe solemnelle. Car non seulement le roy Louys le Gros honora les obsèques de sa présence, mais aussi plusieurs prélats et grands seigneurs y assistèrent, dont les noms sont exprimez dans une charte de ce monastère… ».

C'est la charte LXXXIV du cartulaire de N.-D. de Longpont qui décrit les obsèques. Sous la plume du scribe, nous reconnaissons les noms de nombreux personnages qui assistèrent à ces cérémonies. Renaud de Montlhéry, frère du défunt lors prévôt de l'église de Troyes, est venu à Longpont accompagné de ses parents, beaux-frères et neveux dont Manassès vicomte de Villemaur pour s'incliner sur la tombe de Milon «  Quo audito, Rainaldus, frater ejus, tristis mestusque a Trecassina urbe cum nepotibus suis et Manasse, vicecomite Senonensi, venit ad Longum Pontem videre fratris sui sepulturam  » qui veut dire «  Nous avons entendu Renaud, frère du défunt, fauché par le chagrin venant depuis la ville de Troyes avec son neveu et Manasses, vicomte de Sens vinrent à Longpont voir la sépulture de leur frère ». Puis, les autres membres de la famille sont nommés en tant que témoins « Manasses de Villamor, Milo, filius ejus, Symon de Breis, Guido de Dampetra, Hugo de Planci, Clarembaldus de Cappis  » . Manassès de Villemor est le mari d'Ermessende de Montlhéry, Milon leur fils accompagne son père, il avait reçu le prénom de son grand-père, Milon le Grand. Simon de Broyes, fils d'Emmeline de Montlhéry ; Hugues II Bardoul est le neveu de Milon et Hugues de Plancy, neveu de Milon de Bray, par sa mère Hodierne de Montlhéry, femme de Philippe de Plancy. Et pleurant son frère, Renaud fit dire une messe sur l'autel de Saint-Pierre à Montlhéry « ibique, fusis lacrimis, ad altare sancti Petri, pro ejus anima, missam cantare fecit  ».

Notons les anomalies de plusieurs généalogistes confondant Manassès, vicomte de Sens, mari de Marguerite de Montlhéry avec Manassès, seigneur et vicomte de Villemaur, mari d'Ermessende et même mariant deux fois cette dame. Nous pouvons lire : «  Ermessent de Montlhéry , vicomtesse de Villemaur (m. 1145) mariée avec N... vicomte de Sens (m. 1102)  », puis «  Ermessent de Montlhéry , 1072-1121, mariée avec Hilduin de Marolles , seigneur de Marolles-sur-Seine (1076) ca 1040-1085 et Ermessent de Montlhéry , 1072-1121 , mariée en 1102 julien avec Manassès de Villemaur , seigneur de Villemaur vicomte de Sens (1103) ca 1070-1127 , dont Pétronille Elisabeth de Villemaur, ca 1110 ». Un autre auteur prétend que Ermessent est l'autre prénom de Marguerite de Montlhéry. Ainsi il fait épousé deux fois cette dame : autour de 1087 avec Etienne de Sens (1060-1103) dont elle eut Salon de Sens, puis vers 1103 avec Manassès de Villemaur (m. 1127) dont elle eut Isabelle Pétronille de Villemaur, 1095 (je ne comprends pas cette date puisque le mariage fut célébré huit ans plus tard) et Eudes de Villemaur (m. 1145).

 

 

Ermessende de Montlhéry

Ermessende de Montlhéry est issue du mariage, célébré en 1070, de Milon 1er le Grand, seigneur de Bray-sur-Seine, de Montlhéry, de Bures, etc., et de Lithuaise (ou Litause) de Soissons, vicomtesse de Troyes, fille de Guillaume Busac d'Eu (1025-1076) et d'Adélaïde de Soissons (1042-1079) (1). Née à une date imprécise (entre 1070 et 1080) au château de Montlhéry, Ermessende avait quatre sœurs : Emmeline de Montlhéry née vers 1077 qui épousa Hugues de Broyes, seigneur champenois, Marguerite de Montlhéry née vers 1075 qui fut mariée à Manassès de Sens, vicomte de Sens, Hodierne de Montlhéry , septième enfant de Milon, épousa Hugues seigneur de Plancy, gentilhomme feudataire de Champagne et Isabel de Montlhéry née vers 1072, épousa Thibaut de Dampierre (v. 1060-1107).

Nous ne connaissons que quatre enfants d'Ermessende et de Manassès de Vilemaur :
• Miles ou Milon de Villemaur, cité dan
s la charte de Longpont lors de l'enterrement de son oncle Milon de Bray en 1118. Les obsèques eurent lieu en présence du roi Louis VI le Gros et des membres de la famille de Montlhéry. Le père Anselme écrivit «  Et par un tiltre du monastère de Longpont on apprend qu'il assista encore aux obsèques de Miles II seigneur de Bray son oncle maternel, avec les autres plus proches parens et amis du défunt, à sçavoir Renaut de Montlhéry lors prévost de S. Pierre de Troyes, et depuis évesque du lieu, Manasses, vicomte de Sens, mary de Marguerite de Montlhéry, Guy, seigneur de Dampierre, fils d'Ysabeau seur de Marguerite et d'Emmeline, Hugues de Plancy fils de l'une de leurs autres seurs, Cle rembaut de Chappes, Tevin de Forges, et Thomas de Bruieres  ».
• Manassès II, cité dans la charte de 1127
• Eudes, cité dans la charte de Vauluisant en 1127,
• Isabelle de Vill
emaur née vers 1103, qui épousa, en 1126, Guy 1er de Brienne, fils de Milon 1er de Brienne et Mathide de Noyers, dont un enfant Milon II de Bienne, comte de Bar-sur-Seine, né en 1127 et mort le 1er octobre 1151, qui épousa Pétronille de Chacenay qui lui donna deux enfants Thibaud, comte de Bar et Ermessinde de Brienne (1155-1212).

Vers l'an 1120, Manassès de Villemaur, son épouse Ermensande, Eudes et Manassès leurs fils, donnèrent leurs biens de Chailley et un usage dans leurs bois de la forêt d'Othe. Guy, comte de Bar, approuva ces dons, situés sur les terres de sa mouvance.

C'est en 1126 que l'abbaye de Pontigny avait acquis par donation de Manassès de Villemaur et d'Ermessent, sa femme , avec l'accord de leurs enfants les biens et la terre qu'ils tenaient en fief de l'évêque de Troyes à Chailley [cant. de Brienon, Yonne], et, plus tard, par un acte non daté de Hatton, évêque de Troyes, confirma cette libéralité en présence des dignitaires de son église (charte CXLII ).

Voici le texte en langue latine : «  In nomine sancte et individue Trinitatis. Ego Hatto, Dei gratia Trecensis episcopus, omnibus fidelibus notum fieri volo quod Manassès de Villa-Mauri et uxor ejus Ermensendis, in nostram venientes presentiam, rogaverunt, presentibus qui cum eis advenerant, Girardo de Rumiliaco et Helia filio Gibuini, et qui nobiscum erant, Willelmo, abbate Sancti-Martini, Manasse quoque et Falcone, archidiaconibus. magistro Gibuino et Simone vicario, quatinus donum de territorio Challiaci quod ipsi a nobis de episcopali jure tenebant, monachis Pontiniacensibus pro animabus suis factium, nos quoque pro Dei a more laudaremus et confirmaremus. Dicebant enim se, laudantibus filio suo Manasse et filia Isabelli, prefatis monachis quicquid in jam dicto territorio, in suo dominio habebant, donasse, et quicquid illi, qui ab eis ibidem feoudia tenebant quoquomodo, Pontiniacensi monasterio ex eisdem feoudiis concessuri erant, pariter concessisse.
Quorum nos petitionem gratanter accipientes, supradictam terram Deo et Beate-Marie Pontiniacensi, ad usus fratrum ibidem Deo servientium, laudamus atque concedimus. Quod donum a nobis factum seu confirmatum si quis irritum facere voluerit, anathema sit.
Data Trecis publice, in capitulo Sancti-Petri. - Signum Hattonis episcopi; adtestante Odone, ejusdem capituli preposito; Widon
e de Boiaco, Sancti-Petri archidiacono; Gibuino, cantore; Theobaldo, archidiacono ; magistro Fulcone; Tegero de Via-Aspera; Gisleberto; Burdino-Asino; Girulfo; Theoderico-Dalmai. Facta est hœc cartula, anno ab Incarnatione Domini millesimo centesimo vicesimo sexto, indictione quarta, regnante Ludovico piissimo rege Francorum, et Theobaldo comite Trecorum ».

Nous en donnons une traduction succincte : « Au nom de la Sainte et Indivisible Trinité, moi Hatton, évêque de Troyes par la grâce de Dieu, à tous les fidèles nous voulons faire savoir que devant les témoins qui sont venus, les seigneurs Girad de Rumilly et Hélie fils de Gibin, Guillaume, abbé de Saint-Martin, les archidiacres Manassès et Foulques, le doyen Gibon et le vicaire Simon, Manassès de Villamaur et sa femme Ermessende, étant en notre présence, reconnaissent donner pour le salut de leur âme, aux moines de l'abbaye de Pontivy, la terre de Chailley qui est mouvante de notre épiscopat de Troyes. Au nom du seigneur nous acceptons et confirmons cette donation. Leurs enfants Manassès et Isabelle approuvent cette chose pour que les moines puissent jouir de ce bien. Et nous remercions cette requête en recevant la susdite terre au profit de Dieu et de Sainte-Marie de Pontivy pour l'usage des moines qui y servent Dieu. Nous confirmons cette donation et proclamons l'anathème à qui s'y opposerait. Fait à Troyes, dans le chapitre Saint-Pierre. Signé par Hatton, évêque et les témoins : Eudes prévôt de ce chapitre, Gui de Boiaco, l'archidiacre de Saint-pierre, le chantre Gibon, Thibaud archidiacre, Foulques doyen, T egere de Via-Aspera, Gilbert, Bourdin Ane; Girulfo; Theodore Dalmai. Cette charte fut donnée, l'an de l'Incarnation de notre Seigneur mil cent vingt sept, indiction quatre, sous le règne de Louis, roi de France, et de Thibaud comte de Troyes ».

 

Extrait de la carte de la Champagne méridionale (1663).

 

 

Un peu de généalogie

Peu d'informations nous sont parvenus sur la maison de Villemaur bien que ce fût une châtellenie puissante au XIe siècle dans la mouvance des comtes de Champagne. Pour certains généalogistes Manassès de Villemaur serait né en 1075 et mourut en 1127. Rien n'est si sûr. Le vicomte de Villemaur était le fils de Hilduin de Villemaur qui vivait en 1050 et d'Alix ou Adélaïde. De cette union, naissent trois fils : Manassès chef la branche des vicomtes de Villemaur et Tecelin de Villemaur, chef de la branche Strabo de Villemaur, père de Dreux 1er Strabo de Villemaur qui vivait en 1100 et de ses frères Josbert et Milon.

Le 15 mars 1158, Josbert de Villemaur, frère du seigneur Dreux « Josbertus de Villamauri, frater donni Drogonis » a fait don à l'abbaye de Vauluisant de tous ses droits dans la forêt des Sièges «  quicquid juris habebat in nemore Eschegiarum  » (charte LXXXVIII). La charte est placée sous la protection d'Henri évêque de Troyes et Hugues archevêque de Sens « impressione sigilli domini Henrici, Trecensis episcopi, signalur atque firmatur, et domini Hugonis, Senonensis archiepiscopi » qui apposèrent leur sceau respectif. Il n'y réserve que le droit d'usage d'un de ses hommes, nommé Herbert, et de son fils, c'est-à-dire la possibilité de prendre du bois tant pour le chauffage que pour la construction de la maison, mais la vente est interdite « tilio ejus retinuit usuarium calefaciendi se, et domum suam faciendi, ita quod eam non vendat  ». La libéralité pieuse est acceptée et recommandée par Dreux, frère de Josbert et Adèle, femme de Josbert « uxor Josberti, Edula  », Hersende femme de Dreux et leurs fils Nicolas et Geoffroy « uxor quoque donni Drogonis, nomine Hersendis, et Nicholaus et Godelfridus, filii ejus  ».

Des lettres de Hatton, évêque de Troyes, de l'année 1143, portent qu'un nommé Drogon le Louche, « Strabo », leur a donné tout ce qu'il possédait dans un lieu nommé Mesnil-Saint-Loup, «  in loco qui dicitur Vesnilinum Sancti Lupi  ».

Une charte de l'abbaye de Vauluisant «  ecclesiam Vallislucentis  »de l'an 1166 rapporte que Geoffroy Strabo de Villemaur est le neveu de Josbert et fils de Dreux «  Godefridum, filium Drogonis Sratonis de Villamauri  » donne la forêt de Sièges et celle de Fay-Garnen. Geoffroy et son père Dreux reconnaissent qu'ils avaient à tort inquiété l'abbaye (charte CLXVIII).

Mile 1er le Brebant, père de Mile II, avait épousé Hélie de Villemaur, dont la sœur était mariée à Geoffroi de Villehardouin qui vivait en 1202 . Elles étaient filles de Dreux de Villemaur, dit Strabo et de Hersende , qui eut deux autres fils, Béranger et Geoffroi, et trois petits-fils, Dreux, Geoffroi et Gauthier, que le chroniqueur appelle ses chers neveux «  Karissimi nepotes mei  ». Les domaines étaient arrivés aux Mile de Brebant par l'alliance avec les Villemaur, et provenaient du mariage de Guillaume, seigneur de Duesme, avec la dame de Villemaur, antérieurement à 1145. Geoffroy de Villehardouin notifia en février 1202 (n. st.) une cession faite par Godefroy et Dreux de Villemaur , fils de Béranger. Dans une charte de 1197 où Hélie de Villemaur est désignée comme veuve de feu Milon de Provins, maréchal. En février 1201, le maréchal appelle Géofroi et Itreux, fils de Béranger de Villemaur .

Dans une charte du cartulaire de Montier-la-Celle, de l'an 1178, Mathieu évêque de Troyes confirme que l'abbé Girard accepte de donner une prébende à Guerry prêtre de Sainte Marie de Villemaur avec l'approbation et le consentement de l'archidiacre Manassès de Villemaur «  consilio et voluntate archidiaconi nostri Manasses de Villemauri  ».

 

 

Eudes de Villemaur

Eudes de Villemaur, qui hérita la châtellenie familiale, avait épousé Hélia dont il eut :
• Manassès III (qui suit) cité dans une charte de l'abbaye de Pontigny (1155),
• Hélie de Villemaur femme de Milon de Provins , maréchal de Champagne (1127-1154). L'obituaire de Saint-Pierre de Troyes mentionne qu
e cette dame est au nombre des bienfaiteurs : 3 janvier. Ce dit jour Obiit Helias Villemauri in pedagio Villemauri XX solidi (livre des services),
• Ulduin est cité en 1158 « Ulduinus de Villamauri » confirma les moines de Pontigny dans les mêmes droits.
• Ermessent, dame de Villemaur (1168) femme d
'Henri de Trainel.

Eudes de Villemaur, «  Odonem de Villamauri  », est cité dans un acte de 1127, en tant que chevalier possédant des droits seigneuriaux. À la demande d' Artaud, abbé de Preuilly, ayant résolu de fonder un nouveau monastère, les seigneurs champenois Anseau de Trainel et Garnier, son frère, avec Eudes de Villemaur et Milon de Nogent-sur-Seine, étant réunis à Montiez, contribuent à la fondation de l'abbaye de Vauluisant. (charte CXLVIII). L'abbé leur demanda le droit, pour lui ou pour les moines qu'il établirait à Vauluisant, d'y acquérir des héritages dans l'étendue de leur seigneurie. Ces deux seigneurs, ne désirant qu'une récompense divine, s'empressèrent de lui accorder ce qu'il sollicitait, et Milon de Nogent, homme illustre, se joignit à eux.

Nous donnons le texte en langue latine : «  Anno ab Incarnatione Domini M CXXVII, codem Domino nostro Jesu-Christo euncta disponente, cum domnus Artaldus, monasterii Prulliacensis primus abbas, divina inspiratione, fratrum quoque quibus præerat crebra postulatione commonitus, monasterium se ordinaturum in loco qui Vallislucens vocatur decrevisset, contigit ni, hujus rei gratia, ad locum qui Monstuz dicitur, deveniret, ubi nobiles viros Ansellum de Triagnel et Odonem de Villamauri, quiddam negotii inter se habentes, postulavit ut quidquid in terris eorum juri pertinentibus, ipse, vel monachi quos in pr æ fato loco constitueret, acquirere, annuente Domino, valerent, ipsi quoque pro salute animarum suarum eis concederent. Quod pr æ dicti proceres, retributionem solius Dei exinde pr æ stolantes, jure perpetuo concesserunt. Cujus rei testes sunt Hugo Rufus, Bovo, Strabo, Arnulfus de Insulis, Ayricus, Milo Sanctus, Hugo de Riges, Havinus de Tranguol, et alii plures quos enumerarelongum est.
« Noverit universa fidelium multitude
quod vir illustris Milo de Nogent, pro animæ suæ parentumque suorum remedio, concessit fratribus in Vallelucente Domino servituris, quidquid in terris ejus juri pertinentibus acquirere, Domino largient e, possent; postulante hoc domino Arialdo Prulliacensium abbateprimo, ejusdemque Vallislucentis fundatore. Hinc testes sunt Ansellus de Triagnel, et Warinus frater ejus, Fulco de Jothro, Milo Sanctus  » Gallia christ, t. XII, instr. église de Sens n° XXVII).

Nous en proposons la traduction sommaire : «  L'an 1127 de l'Incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ, le seigneur Artaud, premier abbé du couvent de Preuilly et les frères qui y servent Dieu, par inspiration divine, qui ont décidé de fonder un lieu de prière dans un endroit appelé Vauluisant nous nous sommes réunis dans le lieu de Montuz avec les nobles hommes Anseau de Trainel et Eudes de Villemaur, pour leur demander et négocier entre eux, tant en son nom et qu'en celui des moines, le droit de s'y établir sur une terre acquise qui se situé dans l'étendue de leur seigneurie. Ces deux seigneurs, ne désirant qu'une récompense divine, s'empressèrent de lui accorder ce qu'il sollicitait. Ceux qui ont été témoins de cette chose sont Hugo Rufus, Bovo, Strabo, Arnulfus de Insulis, Ayricus, Milo Sanctus, Hugo de Riges, Havinus de Tranguol, et de nombreux autres qu'il serait trop long d'énumérer. Nous faisons savoir à tous les fidèles que Milon de Nogent, homme illustre, pour le salut de son âme et celle des ses parents, se joignant aux seigneurs, a concédé aux frères de Vauluisant qui y servent Dieu, que la terre acquise est libre de droits afin que le seigneur abbé Arnaut, premier abbé de Preuilly, pour la fondation de Vauluisant. Les témoins de cette chose sont Anseau de Trainel et Gautier son frère, Foulques de Jotreau et Milon Saint ».

L'obituaire de Saint-Pierre de Troyes mentionne que Eudes de Villemaur est au nombre des bienfaiteurs : décembre «  Pro Odone, cantire Villemauri, sine frumento loco suo computato LVII s  ».

Une charte datée du 15 mars 1158 mentionne qu'Hélie, veuve d'Eudes de Villemaur (1127-1154) était remariée avec Milon Breban de Provins, maréchal du comte de Champagne de 1179 à sa mort en 1184. Elle finit ses jours en prenant le voile à l'abbaye de Paraclet «  ad succurrendum  » où elle décéda en 1197. L'o bituaire du couvent de Paraclet mentionne son anniversaire en date du 13 octobre . «  Helia, Villemauri domina, monacha ad succurendum, que dedit nobis XI lib. in pedagio Marcilliaci; Milo miles, vire jus  ». Cette dame fut inhumée dans le cloître devant l'archet.

 

 

Hermesende de Villemaur

Dans les années 1161-1168, Hermesende de Villemaur, femme de Henri de Trainel, donne à Pierre, abbé de Vauluisant, et à l'abbaye tout ce qu'elle possédait à Courgenay. Henri et Arnoul, ses enfants et sa fille Elisabeth (alias Isabelle), ratifient cette donation. Sous le sceau de Hugues de Toucy, archevêque de Sens. Sous le sceau du même archevêque de Sens, ce même Henri de Trainel est cité dans la charte de confirmation de 1159 pour posséder un fief parmi les biens de l'abbaye de Saint-Rémy de Sens.

Dans la bulle d'Alexandre III, donnée le 22 novembre 1163, en faveur de l'abbaye de Vauluisant, on voit qu'Anseau de Trainel avait été l'un des fondateurs de l'abbaye et des deux granges de Beauvoir et de Toucheboeuf. La grange de Cerilly avait été fondée par Manassès de Villemaur, Eudes, son fils, et Ponce de Trainel (Quantin. Cartul. gén. de l'Yonne, t. I, p. 156).

En 1189, Garnier de Trainel fait connaître que sa soeur Elisabeth a donné à la maison de la Pannetière, sur le finage de Pâlis (la Pannetière dépendait de la léproserie des Deux-Eaux de Troyes), l'usage du bois mort dans ses bois de Pâlis. Cette donation est ratifiée par Gilon de Marigni, fils d'Elisabeth et neveu de Garnier de Trainel, par Gauthier, vicomte de Villemaur, et par Garnier de Rigni, gendre de Gilon. (Cartul. Deux-Eaux, fol. 4).

Le patrimoine de Villemaur avait été divisé en deux parties : la comtesse Blanche de Champagne en acheta, en 1211, une moitié de Alette héritière, qui, avec l'accord de son mari Fromond de Corroy avait vendu ses droits seigneuriaux «  in tota castellania, tam in domanio quam in feodis  » pour la somme de 900 livres , et l'autre moitié était restée, en 1219, dans les mains de Mabile de Villemaur at de son marie Erard de Villardouin.

 

 

Manassès III de Villemaur

En l'an 1155, nous rencontrons ce personnage lors de son legs à l'abbaye de Pontigny (charte CCCLXVI). «  In nomine sancte et individue Trinitatis, ego Henricus, Trecensis episcopus, notum facio presentibus et futuris quod Manassès, filius Odonis de Villamauri, concessit ecclesie Pontiniacensi quicquid tenebat de jure et de casamentis patris sui et antecessorum suorum, eo tempore quo facta est concessio. Laudavit etiam et concessit eidem ecclesie quicquid deinceps de casamentis suis adquirere poterit quocunque modo. Concessit quoque et laudavit ut eadem ecclesia Pontiniacensis de omnibus nemoribus suis de Ota dare et vendere, extirpare et edificare, ad voluntatem suam, libere et quiete possit; excepto quod in eisdem nemoribus cinerem facere et corticem capere non poterunt, nisi tamen ad usus proprios. Si vero canes conversorum vel servientium eorum qui secuntur animalia memorate ecclesie in nemore Ote aliquid venationis capere potuerint quod alius non reclamet, dédit eis in elemosinam ad usus infirmorum. Hujus rei testes sunt : Godefridus, episcopus Lingonensis; Alanus, episcopus Altisiodorensis ; Galterus Bosacrei, monachus Pontiniacensis; Robertus, filius Richeri Vituli ; Félix, filius Garnerii de Follis. Anno ab Incarnatione Domini M°C°L°V° , actum est hoc, indictione III, epacta XV, concurrentibus V  ».

Nous donnons une traduction sommaire « Au nom de la sainte et indivisible Trinité, moi Henri, évêque de Troyes, nous voulons que les présents et futurs sachent que Manassès, fils d'Eudes de Villemaur, a fait abandon et a concédé à l'abbaye de Pontigny de tout ce qu'il possédait en droit et en fief de son père et de ses ancêtres. L'évêque ajoute que Manassès a approuvé, en outre, que l'abbaye puisse prendre du bois dans ses bois d'Othe pour en vendre, bâtir et défricher, mais qu'elle ne pourra y faire de l'écorce ou des cendres que pour ses propres besoins. Il voulut, enfin, que si les chiens des frères convers saisissaient quelque gibier dans la forêt d'Otha, il fût employé à l'usage des malades. Les témoins de cette chose : Geoffroy évêque de Langres, Alain évêque d'Auxerre, Gautier Bosacre moine de Pontivy, Robert fils de Richer Vituli, Félix fils de Garnier de Folles. Fait en l'an 1155 de l'Incarnation du Seigneur » (3).

 

 

Ermensende de Villemaur

En l'an 1152, Ermesende, dame de Villemaur et Pierre son fils font une libéralité pieuse à l'abbaye de Dilo (charte CCCXII). «  Ego Hugo, Senonensis archiepiscopus, notum fieri volumus universis præsentibus et futuris quod Ermensendis de Villamauri et Petrus, filius ejus, quicquid in foresta Vallismauri, et in omnibus quæ ad forestam pertinent, tam nemoris quam planæ terræ, pro sexaginta solidis dederunt canonicis ecclesiæ Deilocensis, tali pacto, ut ipsa et filii ejus, et hommes sui qui ad idem alodium pertinent, ligna ibi accipiant ad calefaciendum se, vel ad domos suas ædificandas, si voluerint. Vendendi autem aliquid ex eo potestalem non habebunt. Laudantibus hæc Fulcone et Gulielmo, filiis Ermensendis et filia sua S...cilina. Sciendum est tamen, quia quicquid Ermensendis, seu liberi ejus, in præfato nemore vel ejus pertinentiis habebant, ab ecclesia Deilocensi sub sex denariis census tenebunt. Hujus rei testes sunt : Symon, thesaurarius; Raynaudus, archidiaconus; Josberius de Jaunia; Leobaudus et Fulco de Grun, sacerdotes; Paganus de Vico-Novo, canonicus Sancti-Joannis; Fromundus, scriptor; Gaulerus, presbyter ; Milo, maior; Raynandus, filius Giraudi. Actum est Senonis, anno Verbi Incarnati M°C°LII°; regnante Ludovico Juniore rege Francorum et duce Aquitanorum  ».

Voici une traduction succincte : «Moi, Hugues, archevêque de Sens, nous faisons savoir tant aux présents qu'aux futurs Erlessende de Villemaur et Pierre, son fils, cèdent aux chanoines de l'église de Dilo tout ce qui leur appartient dans la forêt de Vaumort. Ils se réservent toutefois, ainsi que leurs hommes qui dépendent de cet aleu, d'y prendre du bois pour leur chauffage et pour construire leurs maisons. Vendre du bois de cette forêt n'est pas autorisé. Foulques et Guillaume, fils d'Ermessende et Cécile sa fille approuvent cette chose. Un cens de six deniers sera payé. Les témoins de cette chose sont : Simon trésorier, Renaud archidiacre, Josbert de Jaune, les prêtres Léopold et Foulques de Grun, le doyen Milon, Renaud fils de Gérard. Donné à Sens, l'an de grâce 1152 sous le règne le Louis le jeune, roi de France et duc d'Aquitaine ».

Dans une autre charte scellée par Hugues, archevêque de Sens, entre 1161 et 1168, Ermensende de Villemaur, femme d'Henri de Trainel, donna à Pierre, abbé de Vauluisant, tout ce qu'elle possédait a Courgenay. Henri et Arnoul, ses fils, et sa fille Elisabeth ratifièrent ce don (cartulaire de Vauluisant, charte LVIII).

 

 

Notes

(1) Communiqué par Claude Audigié que nous remercions chaleureusement.

(2) J.-C. Courtalon-Delaistre, Topographie historique de la ville et du diocèse de Troyes , t. III (chez veuve Gobelet, Troyes, 1784).

3) Utta, Otha sallus. La forêt d'Othe s'étend, dans l'arrondissement de Joigny, sur une vaste zone de territoire qui, depuis la rive droite de l'Yonne, se prolonge jusque dans le département de l'Aube. Dans les temps primitifs, la forêt devait couvrir toutes les vallées encadrées par l'Yonne d'une part et par l'Armançon et la Vanne de l'autre. Au IX e siècle, Nilhard parle de la forêt d'Othe dans le récit de la marche de Charles-le-Chauve, de Sens à Troyes.

 

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