Emmeline de Montlhéry et ses descendants (1) |
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Chronique du Vieux Marcoussy --Marcoussis--------------- _----------------------------___---_--juin 2012 Attention ce site change d'hébergeur à l'adresse *** (*) Généalogie simplifiée de la maison de Broyes (XIe-XIIe s.).C. Julien
Cette chronique est le premier volet de l'un des textes qui relatent la vie des enfants de la maison de Montlhéry, issus de Guy 1er le Grand et Hodierne de Gometz « ...firmavit Montem Lethericum. Ipse habuit filium nominatum Guidonem qui accepit in uxorem [Hodiernam] dominam de Feritate et de Gommet » (*). Cette fois nous parlons d'une de leurs petites-filles. Après Marguerite de Montlhéry, fille de Milon le Grand, seigneur de Montlhéry et de Bray-sur-Seine et de Lithuise vicomtesse de Troyes, nous continuons l'histoire de cette famille par Emmeline ou Émeline de Montlhéry qui épousa le seigneur de Broye. Notons, qu'une fois encore, la famille de Montlhéry s'allia avec l'une des plus puissantes maisons du comté de Champagne qui possédait la châtellenie de Broyes, « voisine de la ville de Sésane en Brie » (cant. de Sézanne, arr. Épernay, Marne). Au XIe siècle, la maison de Broyes était célèbre et couverte de prestige « l'une des familles le plus importantes de ces parages » nous dit André Duchesne (1). Parmi les cadets de cette maison, on compte dans leurs rangs trois évêques d'Orléans, deux évêques de Châlons et plusieurs hauts prélats. Vers l'an 1100, la présence de Hugues 1er Bardoul « Hugone filio Eremberti » souscrivant une charte du prieuré Saint-Martin de Pontoise, montre que ce personnage vivait dans l'entourage du roi Philippe 1er.
Emmeline de Montlhéry Emmeline serait née à Montlhéry en 1077. Elle est la fille de Milon 1er le Grand, le redouté seigneur de Montlhéry, de Bray, Chevreuse, etc., « magnus Milo de Monte Leherii » et vicomte de Troyes du chef de sa femme Lithuise de Soissons dont l'abbé Suger, qui le détestait, disait : « viri tumultuosi et regni turbatoris », tumultueux perturbateur du royaume. Si l'on tient compte de la date 1070 du mariage de ses parents, Milon et Lithuise, Emmeline serait le quatrième ou le cinquième enfant de la famille. Selon le moine Orderic Vitalis, la fratrie de Montlhéry comptait quatre garçons et six filles (cf. tableau généalogique simplifié). La notice du père Anselme ( Hist. généal. Chronol ., 1728) donne : « Emeline de Montlhéry, femme de Hugues, dit Bardoul II du nom, seigneur de Broyes, présente à un acte de son mari en 1089 à la fondation du monastère de Pejaz ». Cette année 1089 est retenue comme celle des épousailles d'Hugues avec Emmeline, qui était âgée de 12 ans. On sait qu'au Moyen-âge, les filles d'aristocrates étaient fréquemment mariées dès l'âge nubile ; les filles devaient arriver vierges au mariage. De cette union, nous connaissons trois enfants :
Dans une charte nous lisons « Emelina [de Montlhéry], uxor Hugonis Bardoul II, domini de Brecis et de Belloforte, mater Symonis [I], domini de Brecis et de Belloforte ». Il est remarquable que toutes les filles de Milon 1er "le Grand" dit de Bray, seigneur de Montlhéry et Lithuise vicomtesse de Troyes épousèrent des seigneurs vassaux du puissant comte de Champagne : Emmeline , mariée à Hugues II Bardoul seigneur de Broyes ; Marguerite mariée à Manasses, vicomte de Sens ; Hodierne ; mariée à Philippe seigneur de Plancy ; Elizabeth ou Isabeau mariée à Thibaut de Dampierre ; Ermesinde mariée à Manassès de Villamor ; N. mariée à N, seigneur d'Ervy. Emmeline (ou Emeline) est devenu un prénom particulier de la maison de Broyes, rappelant l'ayeule de Montlhéry. Ainsi, dans les chartes du XIIe siècle, nous lisons : « Emelina, filia, Symonis [I], domini Breccarum, et Felicitatis [de Brena] ». Regardons le rang prestigieux des membres de la famille d'Emmeline : l'oncle paternel, Guy comte de Rochefort, surnommé le Rouge, était premier ministre du roi Philippe 1er ; sa cousine Luciane de Rochefort était fiancée solennellement au roi Louis le Gros ; Mélisende de Montlhéry femme de Hugues comte de Retel, et mère de Baudouin II du nom roi de Jérusalem, était pareillement tante d'Emmeline. Son frère Miles II seigneur de Bray, vicomte de Troyes, s'était allié à la sœur de Thibaut comte de Champagne et de Chartres alors que son autre frère Renaud fut prévôt puis évêque de Troyes. Enfin, l'une de ses sœurs fut Isabeau de Montlhéry femme de Thibaut seigneur de Dampierre, d'où descendirent depuis les seigneurs de Bourbon, et les comtes de Flandres. Ce qui, non seulement montre la noble extraction de damoiselle Emmeline de Montlhéry , puisque ses plus proches parents et alliés étaient les principaux personnages du royaume, mais aussi rend témoignage du rang notable que Hugues Bardoul son époux tenait parmi eux. La bulle de confirmation des biens de l'abbaye Notre-Dame de la Chapelle-aux-Planches fut donnée le 14 mai 1147 par le pape Eugène III à l'abbé Gautier. « Eugenius, épiscopus, servus servorum Dei, dilectis filiis Galtero, abbati Sancte Marie de Capella ad Plancas ejusque fratribus… Territorium in quo ipsa ecclesia constructa est, datum a Simone, domino Belfortensi, et Emelina, matre ejus, cum usario totius nemoris usque ad predictum castrum ». La place où l'église est construite donnée par Simon, seigneur de Beaufort, et Emeline sa mère avec le droit d'usage de toute la forêt proche du susdit château [Cartulaire de la Chapelle-aux-Planches, charte X] (2).
Enfin, dans le volume III des «Grandes Chroniques de France», nous relevons une généalogie de la maison de Montlhéry où l'auteur ne donne pas les prénoms des filles de Milon le Grand (3). «Au temps le roy Robert, ferma le chastel de Montlhery un sien forestier qui avoit nom Thibaut File-estoupe. Cil eut un fils qui avoit nom Guy. Cil Guy espousa la dame de La Ferté et de Gomez. De cette dame eut deux fils Mille de Bray et Guy le Rouge, et cinc dames, la contesse de Reiteste et Bonnevoisine de Pons ; Elysabel, femme de Jocelin de Courtenay, et la dame de Puisat et la dame de Saint-Valery. Cil Mille de Bray engendra Guy Troussel (qui puis s'en a fui d'Antioche et laissa en la cité la chevalerie assiégée des Sarrasins), et si engendra Thibaut La Bouffe et Millon, que Thibaut de Creci estrangla en trayson, et Renaut, l'évesque de Troies, et la mère Simon de Broies , et la mère Simon de Dampierre, et la mère Hues de Plancy, et la mère Mille Crecy, et la mère Salon, le visconte de Sens ; et Guy engendra Hugues de Crecy, et Biotte, la mère le visconte de Gastinois, et la mère Ymbert de Beaujeu, et la femme Anseau de Gallande et Biétris, contesse de Pierrefons».
Un peu de généalogie Broyes, ancienne maison éteinte, qui tire son origine de la châtellenie de son nom, située en Brie, près la ville de Sézanne, de laquelle étoit sortie celle de Châteauvillain, aussi éteinte. La terre avait titre de baronnie de temps immémorial et une collégiale y avoit été fondée par Hugues Bardoul, en 1081, sous le vocable de saint Blitaire, ou Blier, prêtre irlandais venu en Champagne au VIIe siècle. Le célèbre Duchesne en parle amplement à la suite de la maison de Dreux . Le premier de ce nom, dont le père Anselme fait mention (t. II, p. 338), est Renaud ou Renard, seigneur de Broyes, de Beaufort en Bassigny, qui vivoit du tems du roi Hugues Cap et, vers 960, épousa une dame nommée Havoise ou Heloyse, présumée nièce de Guérin le Loherain et sœur de Roger, évêque de Beauvais; mais il y a plus d'apparence qu'elle eut pour père Eudes, 1er du nom, comte de Chartres et de Blois. Ils eurent deux fils : 1° Isembart, qui suit et 2° Odolric, évêque d'Orléans en 1022, seigneur de Piviers et de Nogent. Très apprécié du roi Robert, il obtint, en 1028, l'amortissement de l'abbaye de Colombs qu'il avait fait reconstruire en y nommant un abbé nommé Berenger. Son décès est rapporté en l'an 1033 dans les annales de l'église d'Orléans. Les seigneurs de Broyes portaient « d'azur à trois broyes d'or posées en pal et rangées en fasce ». Isembart , seigneur de Broyes, Beaufort, Pithiviers et Nogent-le-Roi, figure dans une charte royale de 1028 et servit le comte de Champagne dans sa guerre contre le roi en 1038. Le nom de sa femme n'est point connu, mais il eut: 1° Hugues, qui suit et 2° Isembart, évêque d'Orléans après Odalric son oncle, l'an 1033. Il fut l'un des prélats qui assistèrent au sacre et couronnement du roi Philippe 1er célébré à Reims le jour de Pentecôte 1059. Hugues , surnommé Bardoul, 1er du nom, seigneur de Broyes, de Beaufort, de Pithiviers et de Nogent en 1058, eut de son épouse, dont le nom n'est pas connu: 1° Barthélemy, qui suit; 2° Haderic, qui succéda à son oncle Isembart à l'évêché d'Orléans l'an 1063; 3° Isabeau, femme de Simon, 1er du nom, comte de Montfort, auquel elle porta en dot la châtellenie de Nogent. Hugues parut avec son père dans l'acte de 1028. En 1053, Hugues Bardoul, seigneur de Pithiviers en Beauce fut fait prisonnier par les gens du duc de Normandie lors de l'attaque du château d'Arques , près de Dieppe ; Hugues est qualifié de « l'un des plus vaillants chevaliers du royaume ». En 1058, il fonda un prieuré dans son château de Beaufort. Hugues Bardoul 1er mourut vers 1080, la seigneurie de Beaufort est léguée à son petit-fils Hugues Bardoul II. Barthélemy , seigneur de Broyes et de Beaufort, mourut prématurément avant 1081. Il avait épousé une fille de Robert III de Valois comte de Crespy (que Duchesne nomme Raoul de Crespy), et laissa deux fils mineurs : 1° Hugues, le mari d'Emmeline de Montlhéry à qui nous consacrons un chapitre ; et 2° Renaud, chevalier, mentionné dans l'Histoire des guerres de la Terre-Sainte. Suivit avec son frère Hugues, le comte Étienne de Blois lors de son second voyage en 1101. Renaud fut tué sous les murs de Nicée.
Dans l'histoire de la maison de Montmorency, publiée en 1624, André Duchesne mentionne l'une des filles de Milon 1er de Montlhéry, allié au seigneur de Broyes, sans citer les prénoms.
Les alliances croisées Nous venons d'apprendre qu'Isabelle de Broyes, l'une des filles de Hugues Bardoul avait épousée le puissant seigneur Simon 1er de Montfort (1030-1087) fils d'Amaury 1er et de Betrande de Gometz, qui pour de nombreux généalogistes serait la sœur d'Hodierne de Gometz, dame de Montlhéry, toutes deux filles du sénéchal Guillaume de Gometz. Isabelle de Broyes mit au monde trois enfants : 1°) Amaury II (1056 † 1089), seigneur de Montfort, 2°) Isabelle mariée à Raoul II de Tosny († 1112), seigneur de Conches et 3°) Guillaume de Montfort († 1101), évêque de Paris de 1095 à 1101. Ainsi, Isabelle de Broyes, tante par alliance d'Emmeline de Montlhéry du chef de son mari fils de Barthélemy, seigneur de Broyes et de Beaufort, était également sa cousine du chef de son aïeul Guillaume de Gometz. De ces alliances, Emmeline de Montlhéry était en parenté avec de puissants personnages du début du XIIe siècle : le puissant seigneur de Montfort-l'Amaury, l'évêque de Paris et le premier ministre, son oncle Guy le Rouge, seigneur de Rochefort, déjà cité plus haut.
Hugues II Bardoul de Broyes Le mari d'Emmeline, Hugues, dit Bardoul, IIe du nom, seigneur de Broyes et de Beaufort, naît vers 1065 (certains auteurs donnent 1055). Un religieux du XIe siècle le cite comme étant le fils d'un célèbre chevalier « Bartholomeus siquidem, dominus Brehearum, miles famossissimus ». Il est qualifié de seigneur de Baye, Trie-le-Bardoul et Charmentré en 1089. Il mourut vers 1110 ou avant 1112. Une historienne contemporaine, Marie-Geneviève Grossel écrit : « En épousant Emmeline de Montlhéry, fille de Mile de Bray et Montlhéry et de Lithuise la vicomtesse de Troyes, en 1089, Hugues Bardoul II obtint des droits seigneuriaux dans la ville de Troyes même… ». Duchesne nous dit : « Je n'ay veu qu'un tiltre, qui enseigne que Hugues Bardoul II du nom fut fils et successeur de Barthélemy seigneur de Broyes et Beaufort ». Mineur à la mort de son père en 1081, il eut pour tuteur le comte Etienne-Henri de Troyes qui fonda pour lui le prieuré de Saint-Julien de Sézanne, en réparation des dommages causés par son père à cette église. « Pendant quoy il donna la mesme église au prieuré de la Charité sur Loire ». Albéric écrit que « ce Hugues Bardoul II étoit d'ailleurs proche héritier de Raoul de Vermandois »; il devait dire « de Crespy » ou « de Valois ».Hugues Bardoul avait reçu le comté de Bar-sur-Aube de son grand-père Raoul III de Valois mais en fut frustré par son tuteur. Le comté passa dans les mains de son petit-fils Hugues III après l'entrée en religion de Simon père de ce dernier. Dans une charte de 1081, le scribe précise « Hugo, ipsius Bartholomei filius, ipse Bardulfus cognominabatur ». Les surnoms , communs à partir du XIe siècle, sont empruntés à diverses circonstances et particuliers à la personne. Guérard ( Cart. de Saint-Père de Chartres , pref., n° 68), donne une très longue liste de surnoms, en faisant remarquer que plusieurs sont très difficiles à expliquer. Bardulfus , d'après la tournure de la phrase, parait signifier pieux, généreux, peut-être barda , barde. L'an 1089, Hugues Bardoul « Hugone Bardulfo » confirma à l'abbaye de Saint-Pierre de Troyes dite Monstier la Celle un fief assis à Fontenay, lequel Burdin de Beaufort « Burdinus de Belloforti castro », Raoul et Manasses ses enfants, y donnèrent en présence de Bernard abbé du lieu, et; des religieux, pour ce qu'ils le tenoient de luy. Ce qu'il fist à la réquisition du mesme Manasses son séneschal, et de Hildegaire prévost de Brillecourt, estant en son chasteau de Beaufort accompagné d' Emmeline son espouse , de Rolland fils de Hardouin de Broyes, de Dreux de Saint Loup, de Humbert doyen de Beaufort, et de quelques autres. « Hoc autem factum est Belloforti castro, praesente ipsius domni Hugonis uxore Hemmelina, et hoc ipsum concedente coram testibus his, quos placuit subter annotare ». La charte de confirmation ne donne point de surnom à cette dame Emmelin e. « Mais on apprend du Continuateur de l'Histoire d'Aimoinus, qu'elle estoit fille de Miles dit le Grand seigneur de Montlhéry et de Bray » écrivait André Duchesne en 1631. En 1098, Hugues Bardoul « Hugo Bardolis » souscrit pour le chapitre Notre-Dame la charte de confirmation de Guillaume, évêque de Paris, dans les autels de Châtenay, Clamart, Louvres et Pantin possessions du prieuré Saint-Martin-des-Champs sous réserve des droits de juridiction, de synode et de visite. Hugues II Bardoul se croisa en 1099. Tous les croisés de Champagne, vassaux du comte Thibaut partirent sous la bannière de son fils Étienne-Henri « dont le nom est mêlé aux évènements de l'expédition à jamais mémorable ». Parmi la foule des chevaliers et seigneurs, il y avait Robert de Paris, Baudoin de Grandpré, Gui Troussel, Bardoul de Broye, Miles de Bray, Guy de Vignory. Voici les termes avec lesquels Duchesne décrit les actions : « Quelque temps après le mesme Hugues seigneur de Broyes ayant entrepris le voyage de la Terre-Sainte, il s'y achemina avec Estienne comte de Blois, Miles de Bray, Guy le Roux, Engelrad évesque de Laon, Renaud évesque de Soissons, Baudouin de Grandpré, et plusieurs autres, qui arrivèrent ensemblement à Nicomedie l'an 1101. Mais ils y trouvèrent les armes des Turcs tellement puissantes, qu'ils furent contraints de re-venir à Constantinople, et de là en ce royaume. Où estans de retour, Hugues pour marque de sa pitié fonda un monastère en l'une de ses terres appelée Pejaz ou Pajaz, lequel il dota de plusieurs biens et revenus, et y mist des religieux de l' abbaye de Molesme. Il en expédia la charte à Troyes l'an 1104, du consentement d'Emmeline son espouse, et de leurs enfans. Adjoustant à ses dons précédents la chapelle de la Fontaine de Lusigny , l'église de Baye avec les deux parties de la menue dixme, et toute la grande, et le village de Courgenoy. Et afin que le tout fust plus asseuré, Robert premier abbé de Molesme et luy requirent Philippe évesque de Troyes d'en octroyer la confirmation. À quoy il satisfist par lettres datées de l'an 1101. C 'est le dernier acte, où l'on trouve mention de ce Hugues. Ce qui fait croire qu'il décéda bien tost après ». La vallée haute de l'Aujon était aussi un fief considérable. Au XIIe siècle, on la voit en la possession des sires de Broyes qui la réunissaient à leur seigneurie contiguë de Châteauvillain. Le haut Aujon était échu la maison de Broyes, à la fin du XIe siècle, à la faveur d'une alliance avec celle des comtes de Bar-sur-Aube ; il relevait du duché de Bourgogne, et seul de tous les fiefs du pays de Langres, il échappait à la mouvance épiscopale. Cette enclave a subsisté jusqu'aux temps modernes, et ses limites se sont maintenues dans celles du marquisat d'Arc-en-Barrois (4).
La fondation du prieuré de Sésanne Pendant qu'il administre le comté de Champagne pendant la captivité de son père Thibaut III, le comte Etienne-Henri « comes Stephanus Henricus, præclarissimi consulis Theobaldi filius » avait fait don, au nom de son filleul Hugues Bardoul II, au prieuré N.-D. de La Charité-sur-Loire et aux religieux qui y servent Dieu « beate Marie de Charitate quæ est supra Ligerim et monachis ibidem Deo famulantibus » de l'église paroissiale de Sézanne, dédiée à saint Julien martyr pour y fonder un prieuré, avec toutes ses dépendances, fief, offrandes, dîmes, sépultures, terres et vignes. Cette donation fut faite en 1081. C'était l'église paroissiale Saint-Julien de Sézanne « parrochialem ecclesiam in honore Sancti Juliani in villa quæ dicitur Sezanna », où son aïeul, Hugues Bardoul 1er et sa grand'mère Aélis avaient institué le culte de saint Blihier, ancien curé de Broyes. Cette église avait été détenue par Barthélemy de Broyes, chevalier, qui mourut laissant son fils, Hugues en bas âge « Hugo, ipsius Bartholomei filius, qui orfanus et parvulus ». Le scribe précise que Barthélemy sentant la mort venir, se souvient qu'il détenait injustement un bien ecclésiastique qu'aucun laïc ne devait posséder et demanda au comte de Champagne, son suzerain de les rendre à l'Église « Bartholomeus siquidem, dominus Brehearum, miles famossissimus, qui et ipsam ecclesiam quamvis injuste tenebat, quam nomo laicus juste tenet, cum ex hac vita casu migraret… ». Le comte administrait les biens, et à la majorité de l'enfant, en 1085, il obtint de lui la même concession que celle qu'il avait faite. Hugues se présenta dans l'église, entouré de ses chevaliers, et déposa sur l'autel, comme emblème de sa donation, un couteau noir semblable à ceux qui servent aux moines. En reconnaissance, les religieux unirent tous les donateurs dans l'association de leurs prières « Quapropter monachi ibidem Deo servientes, ipsi Hugoni et omnibus qui cum eo erant societatem dederunt, tam in orationibus quam in vigiliis atque eleemosynis … ». Le bienfaiteur qui sollicitait le titre de drère venait, en la présence du couvent, remettre ses biens entre les mains du prieur ou de l'abbé. En retour, on s'engageait à le recevoir dans la maison, soit pendant sa vie pour y faire profession, soit à sa mort pour y être inhumé. On lui garantissait aussi une part à toutes les bonnes œuvres de la communauté. Cette charte fut donnée au temps de Philippe de Pont, évêque de Troyes et de saint Gérard, prieur de La Charité fut confirmée plus tard par les papes Anastase IV et Alexandre III (charte XCIV de N.-D. de La Charité-sur-Loire) (5).
Les écus de Simon de Broyes et Félicité de Brenne.
Les libéralités pieuses d'Hugues et Emmeline C'est après avoir assisté à la grande assemblée féodale tenue à Molesme à Pâques 1104 sous les auspices du premier abbé que le sire de Broyes, sa femme Emmeline et ses enfants ont fondé et doté richement le prieuré de Péas, en Champagne. À Troyes, en 1131, Guy, abbaye de Molesme, reçut de Simon 1er, sire de Broyes, une confirmation des aumônes d'Hugues Bardoul II, son père, fondateur du prieuré de Péas. Cette charte seigneuriale est le dernier des actes qui attestent la grande activité du second abbé de Molesme. C'est dans Châteauvillain que saint Robert eut sa première entrevue avec Hugues Bardoul de Broyes et que tous deux fixèrent d'un commun accord les bases de rétablissement du prieuré de Péas. Il résulte de ceci que Châteauvillain date, selon la plus grande vraisemblance de la seconde moitié du XIe siècle et que sa construction a coïncidé avec l'arrivée de la maison de Broyes dans l'évêché de Langres. Péas au pays de Queudes, diocèse de Troyes, comté de Champagne (Marne). Bien que la grande charte de fondation de Péas soit datée de 1104, il est permis de croire que le premier établissement des moines de Molesme en ce lieu est antérieur à cette date d'une ou plusieurs années, et on doit en rechercher les vestiges dans une notice plus brève et un peu plus ancienne (1089-1104). Quoi qu'il en soit, le prieuré commença sous les auspices d'Hugues Bardoul II, sire de Broyes, celui-là même qui bâtit sur l'Aujon la forteresse de Châteauvillain. C'est lui qui aumôna l'abbé Robert, devant le château de Broyes, « quatre meix et demi de terre pour y faire une église » ; qui bientôt, d'accord avec Emeline sa femme et avec ses enfants, donna « aux moines rassemblés dans le monastère érigé et fondé dans sa culture appelé Péas » l'église Notre-Dame et Saint-Nicolas, les dîmes de Péas, le village et tous ses habitants. Voici un extrait de cette charte : « Noverint univesi sanctæ matris Ecclesiæ filii, quod ego Hugo Bardulfus dominus Brecensis, animæ meæ, prædecessorum meorum saluti consulere desiderans, Deo et beatæ Mariæ Molismensi, et venerabili primoque Molismensis Coenobii abbati Roberto, totique jusdem ecclesiæ capitulo, et monachis, quos ad sibi serujendum in coenobio in cultura mea, quæ Piceas dicitu, ædificato et fundato, me ministro et datore loci divina confregavit gratia, villam nimone Payacum, cum ecclesiæ et oblationibus, et omnes justitias, consuetudines et coruelas, roagium, theloneum, edictum, et fuinum, et quæcumque in eadem villa possidebam, uxoris meæ Emelinæ filiorumque meorum Simonis et Bartholomei concessione, in perpetuam elemosynam traditi et concessi… ». Plusieurs confirmations furent nécessaires pour maintenir l'ample dotation de ce monastère, qui en dehors de Peas avait des possessions disséminées dans toute la châtellenie de Broyes. L'an 1110, à la demande de Robert, premier abbé de Molesme, Philippe de Pont, évêque de Troyes confirma la fondation d'Hugues Bardoul, c'est-à-dire le village de Péas et les habitants de ce lieu, leurs femmes et leurs enfants « villam scilicet nomine Peiacum et ejusdem villæ homines, quotquot cum uxoribus et infantibus idiem prædictus Hugo Bardulphus possidebat… » L'abbaye de « ecclesiæ sanctæ Mariæ de Burlencurt et fratribus qui ibidem Deo servierint » fut primitivement fondée par plusieurs familles dont la maison de Broyes-Beaufort par Hugues Bardoul II, seigneur de Broyes et de Beaufort et sa femme Emmeline de Montlhéry, et leur fils Simon I de Broyes et sa femme Félicité de Brienne, fille du comte Erard 1er. Dans une charte du prieuré de Boulancourt « Berlancurt », donnée vers 1121, Philippe, évêque de Troyes, fait connaître que Roger de Joinville, fils de Geoffroi II, approuve et ratifie la donation faite, depuis 25 ans environ, par son frère, le comte Renaud de Joinville, du consentement de Hugues Bardoul. La pièce de fondation fait donc remonter à 1096 environ. « Bulleincurt » dans la charte de Simon de Broyes « Symonis de Brous ». Dans sa charte de confirmation antérieure à 1155, Henri de Carinthie, évêque de Troyes fait état du territoire de l'abbaye réglé par Renaud de Joinville et Roger, son frère et confirmé par Hugues Bardoul et Simon son fils, du fief duquel toutes ces choses mouvaient. Dans la même charte, l'évêque évoque « La concession de Hugues Bardoul, et de Simon, son fils, qui sont Perthe-Edmond et ses dépendances avec l'usage sur toute la terre de Beaufort » (6).
Broyes sur l'extrait de la carte de Cassini (région de Sésanne en Brie).
Simon 1er sire de Broyes Simon, 1er du nom, seigneur de Broyes, Beaufort, Baye, Trie-le-Bardoul et Charmantré en 1113. Né vers 1095, il mourut avant 1142. Il épousa, en 1110, Félicité de Brenne ou Brienne, fille d'Erard , comte de Brenne en Champagne et d'Alix de Roucy ; il en eut trois enfants: Hugues III , son successeur à Broyes, Châteauvillain, Arc-en-Barrois, Baye, Neelle, Villenosse et Champigny-sur-Aube, dont nous parlerons à la suite, Simon , seigneur de Beaufort, 1er du nom, et de Trie-le-Bardoul en 1152, qui eut d'Agnès de Rameru (ou Ramerupt ) une seule fille: Félicité de Broyes, dite dame de Beaufort , qui fut mariée, vers 1189, à Hugues, comte de Rethel, fils de Manassès, de Réthel, et de Mahaut, et ainsi la châtellenie de Beaufort devient propriété des comtes de Rethel , Emmeline de Broyes ainsi, appelée du nom d'Emmeline de Montlhéry son ayeule est mentionnée avec Simon seigneur de Broyes son père, Félicitas sa mère, Hugues et Simon ses frères, en la charte de la fondation de l'abbaye d'Andecies datée de l'an 1131, et dans une autre de l'an 1136. Mais on ne sait point si elle fut mariée, ou non. Simon 1er de Broyes est célèbre pour avoir fondé, en 1131, l'abbaye de Notre-Dame de Vive-Fontaine à Andecy. Voici ce que nous dit la charte de fondation : « Moi, Simon, Seigneur de Broyes sachant que les biens temporels ne sont rien et désirant échanger ce qui passe pour ce qui dure, du consentement de ma très chère épouse Félicité et de mes enfants, savoir Hugues, Simon et Emmeline, j'abandonne et concède à Dieu et à la Bienheureuse Vierge Marie et aux religieuses que j'ai emmenées de Jully, le lieu de Vive-Fontaine et d'Andecy, pour qu'elles le possèdent à perpétuité sans redevance ni inquiétude, sous la constitution régulière, pour le salut de mon âme et celui de mes ancêtres ». Selon l'auteur de la notice, à cette époque, Saint Bernard venait de fonder plusieurs abbayes, dont Jully-les-Nonnains dans l'Yonne dont Humbeline, sa sœur, était prieure. C'est là que Simon de Broyes vint chercher ses premières religieuses pour cette nouvelle fondation. C'est pourquoi, il est de coutume de penser que Sainte Humbeline fut la première prieure de cette nouvelle abbaye.
Les obsèques au monastère de Longpont Le drame qui frappa la famille de Montlhéry fut rapporté par nombreux historiens. Voici se qu'en dit André Duchesne dans sa généalogie de la maison de Broyes : « Et par un tiltre du monastère de Longpont on apprend que Simon 1 er de Broyes assista encore aux obsèques de Miles II seigneur de Bray son oncle maternel, avec les autres plus proches parens et amis du défunt, à sçavoir Renaut de Montlhéry lors prévost de S. Pierre de Troyes, et depuis évesque du lieu, Manasses, vicomte de Sens, mary de Marguerite de Montlhéry, Guy, seigneur de Dampierre, fils d'Ysabeau, seur de Marguerite et d'Emmeline, Hugues de Plancy, fils de l'une de leurs autres seurs, Cle rembaut de Chappes, Tevin de Forges et Thomas de Bruieres ». C'est la charte LXXXIV du cartulaire de N.-D. de Longpont qui décrit la pompe fort solennelle de l'enterrement dans le cloître de cette église de Longpont (7) . Car non seulement le roi Louis le Gros honora les obsèques de sa présence , mais aussi plusieurs prélats et grands seigneurs y assistèrent « in presentia Ludovici, regis, et Girberti, Parisiensis episcopi, et Bernerii, decani, et Stephani archidiaconi, aliorumque multorum, tam clericorum quam laicorum, honorifice sepultus est », c'est à savoir les dignitaires de l'Église parisienne, Gislebert l'évêque de Paris, le doyen Bernier, et Étienne l' archidiacre de Josas. Le prieur Henri rappelle que Milon avait fait choix de sa sépulture dans le cloître de Longpont par une fondation constituée par ses biens à Longpont. Puis, le scribe énonce la présence des membres de la famille et des amis du défunt. Ayant appris cette triste nouvelle, Renaud de Montlhéry, frère du défunt résidant lors dans la ville de Troyes, est venu à Longpont accompagné de ses neveux et de Manassès vicomte de Sens pour s'incliner sur la tombe de Milon « Quo audito, Rainaldus, frater ejus, tristis mestusque a Trecassina urbe cum nepotibus suis et Manasse, vicecomite Senonensi, venit ad Longum Pontem videre fratris sui sepulturam » et pleurant leur frère, il fit dire une messe sur l'autel de Saint-Pierre à Montlhéry « ibique, fusis lacrimis, ad altare sancti Petri, pro ejus anima, missam cantare fecit ». Sous la plume du scribe, nous reconnaissons les noms de nombreux personnages qui assistèrent à ces cérémonies. En premier lieu, les membres de la famille « Manasses de Villamor, Milo, filius ejus, Symon de Breis, Guido de Dampetra, Hugo de Planci, Clarembaldus de Cappis » . Manassès de Villemor est le mari d'Ermesinde de Montlhéry, beau-frère du défunt, Milon leur fils accompagne son père, il avait reçu le prénom de son grand-père, Milon le Grand. Simon de Broyes, fils d'Emmeline de Montlhéry et d' Hugues II Bardoul est le neveu de Milon. À cette époque Simon était un jeune seigneur âgé de 23 ans. Gui 1er de Dampierre, fils de Thibaud et d'Isabeau de Montlhéry, assista également aux obsèques de son oncle Milon de Bray. C'était un chevalier accompli, car il fut l'un des seigneurs de Champagne qui fut caution de la fidélité de leur comte Thibaud, lorsqu'il fit hommage-lige au roi Louis VI à Melun en avril 1110. Enfin, il fut présent l'an 1136, quand Simon de Broyes 1er du nom, fils d'une sœur de sa mère, confirma les dons que ce seigneur de Broyes avoit faits à l'abbaye d'Andecies. Enfin, il faut ajouter Hugues de Plancy et Clarembaud de Chappes, deux seigneurs champenois . Le premier est également neveu de Milon de Bray par sa mère Hodierne de Montlhéry, femme de Philippe de Plancy. Tous ont accompagné Renaud de Montlhéry à Montlhéry, dans la maison du prévôt Duran, pour remettre aux moines de Longpont cette maison que Milon leur avait concédée précédemment, et dans la main du prieur Henri, donna, excepté ce qui a été retenu depuis, bien entendu le pré, la moitié de terre de culture et les serfs Étienne et Duran. À suivre…
Notes (*) De la même manière que pour les chroniques précédentes nous nous limitons au commencement du XIIIe siècle. (1) André Duchesne, Histoire Généalogique de la Maison Royale de Dreux (Sébastien Cramoisy, Paris, 1631). (2) Abbé Charles Lalore, Collection des principaux cartulaires du diocèse de Troyes , t. IV (Thorin, Paris, 1878). (3) Communiqué par Claude Audigié que nous remercions chaleureusement. (4) J. Laurent, Cartulaires de l'abbaye de Molesme, ancien diocèse de Langres (A. Picard, Paris, 1907). (5) R. de l'Espinasse, Cartulaire du prieuré de La Charité-sur-Loire (chez Morin-Boutillier, Nevers, 1887). (6) Abbé Ch. Lalore, Cartulaire de l'abbaye de Boulancourt de l'ancien diocèse de Troyes (Impr. Dufour, Troyes, 1869). (7) J. Marion, Le Cartulaire du Prieuré de Notre Dame de Longpont de l'ordre de Cluny au diocèse de Paris (Impr. Perrin et Marinet, Lyon, 1879).
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