La seigneurie de Marcoussis (1751-1790)
Cette chronique est le quarante neuvième volet de l'histoire des seigneurs de Marcoussis. La famille Balsac quitte la seigneurie de Marcoussis au profit d'une dame très riche qui acquiert ce bien comme source de profit.
J.P Dagnot - Décembre 2013
Tableau généalogique simplifié des personnages concernés .
Charles Kadot & Elisabeth Chevalier
Nous avons vu dans une précédente chronique sur le Plessis-Pâté que Charles Louis Kadot achète la seigneurie du lieu en 1709. Il y décède en 1728, âgé de 77 ans. Son fils Charles Louis Frédéric Kadot de Sebbeville, cornette de la seconde compagnie des mousquetaires, brigadier des armées du roi, baron du Plessis-Sebbeville, lui succède et se marie avec Élizabeth Chevalier en 1723. Malheureusement les document de l'étude notariale ont brûlé en 1871.
Ce couple a eu trois enfants:
- Françoise Antoinette, née en 1725,
- Madeleine Bernardine, née en 1726,
- Bernardin Louis, né en 1730.
Charles-Louis, décède la même année et Elizabeth Chevalier devient tutrice de ses trois enfants mineurs. En fin d'année, dame Elisabeth Chevalier, veuve Charles Kadot, ..., seigneur du Plessis, commune en biens, tutrice de Françoise, Magdeleine et Bernardin Kadot leurs enfants mineurs, héritiers chacun pour un tiers de leur père, fait les comptes avec leur tuteur. La succession sera vacante en raison des créances de la veuve. L'année suivante, un conseil de famille rappelle la composition de la famille.
Nous arrivons en 1743, Françoise, l'aînée des filles se marie avec Louis de Mailly devant Dutartre donc pas d'acte...
En 1750, la comtesse règle définitivement la succession de son mari en rachetant le Plessis-Sebbeville, la succession étant restée vacante. Bernardin, fils d'Élisabeth, décède à son tour, la comtesse comme toujours est créancière, les deux soeurs héritent par moitié de leur frère.
L'année suivante, suite à l'estimation de la seigneurie de Marcoussis cette dernière est mise en adjudication avec pose d'affiches. En juillet le couple de Rieux vend à dame Elisabeth Thérèse Chevalier veuve de Charles Louis Frédéric Kadot comte de Sebbeville, demeurant en son hôtel faubourg Saint-Honoré les terres et seigneurie de Marcoussis et la Ronce, Ville-du-Bois et Nozay, Fretay, la Poitevine, consistant en château, bastimens, parc enclos, terres, prés, bois, étangs, haute moyenne et basse justice, cette vente fait moyennant la somme de 572.000 livres.
Louis de Preissac et Élisabeth Chevalier
En 1752, l'achat de Marcoussis n'a pas altéré les finances d'Élizabeth, elle donne 200.000 livres à chacune de ses deux filles.
17/3/1752 prisée au château rien 025
17/5/1752, iad père d'Elizabeth
14/6/1752, IAD Françoise Kadot
Notons côté local à Marcoussis, le baptême de Marie Jeanne Poullet, fille de Laurent, concierge du château, la parrain Messire Henri Bénigne de Sacriste, marquis de Tournebeuf, non présent la marraine Claude d'Illiers épouse de Louis Auguste de Rieux, représentée par Toussine Faucour femme de Thomas Dague architecte demeurant à Paris
La veuve doit flairer une bonne affaire, elle se marie en 1752. Charles Louis de Preissac, comte d'Esclignac, demeurant paroisse de la Madeleine, d'une part, et Élisabeth Chevalier, veuve Charles Kadot, l'un des enseignes de la seconde compagnie des mousquetaires du Roy, comtesse de Sebbeville, demeurant aussi grande rue du faubourg Saint-Honoré paroisse de la Madeleine, ce jour au château de Sebbeville. Les époux seront communs en biens. Néanmoins elle se réserve la gestion des biens ... Présent sa fille Madeleine Kadot et Louis de Mailly, brigadier des armées du Roy son gendre,... la famille côté Chevalier que l'on retrouvera en 1790.
La même année, le comte et la comtesse d'Esclignac qui demeurent à Paris en leur hostel de la Ville Levesque, grande rüe du faubourg Saint-Honoré, paroisse de la Madeleine, de présent en leur château du Plessis-Sebbeville, constituent Laurent Poullet, concierge du château de Marcoussis, leur procureur spécial, pour en leur nom recevoir des vassaux, propriétaires et détempteurs de fiefs, terres, héritages dépendans des terres et seigneurie dudit Marcoussis, la Ronce, Nozay, La Ville-du-Bois, Fretay et la Poitevine, tous les droits de cens, surcens, et censives, tant en grain, volailles qu'argent, les arrérages de rentes, mesme les droits seigneuriaux en cas de mutation, pourvu que les fonds sur lesquels se prendrons les dits droits seigneuriaux n'excèdent pas la somme de mil livres,.... de faire toutes saisies... et généralement tout ce que le sieur procureur jugera nécessaire pour la perception de tous lesdits droits...
L'acte ci-dessus, associé au testament de la comtesse, à des baux, montre que Marcoussis n'est même pas considéré comme une résidence secondaire (seul Poullet est couché sur le testament pour Marcoussis, contrairement aux autres lieux). Un inventaire montre un château inhabité contenant peu de biens de valeur, la prisée de l'ensemble se monte à 2.463 livres.
Deux années après, CharlesLouis de Preissac, ..., et dame Elizabeth Chevalier, seigneur et dame du Plessis-Sebville, Bondoufle, Liers, Charcois, les Bordes dit Pied de fer, la Mothe de Montlhéry, la Motte de Montpipeau, Marcoussis, Nozay, la Ville du Bois, Fretay, la Poitevine, Pont de Vesse, ce jour en leur château du Plessis Sebville, lesquels ont baillé pour neuf années à Pierre Marchand, la ferme de la seigneurie... Cet exemple pris pour montrer les biens du couple dans la région.
En 1755, Philippe Thiroux, seigneur de Brétigny et du fief de Beaulieu à Marolles, lequel assisté du notaire et de témoins s'est transporté à Marcoussy devant la principale porte du château seigneurial, a demandé le comte d'Esclignac et la comtesse son épouse, seigneur et dame de Marcoussy ... est intervenue la femme de Laurent Poullé, concierge du château, a dit que son mari était fondé pour recevoir les dits hommages et comme ledit Poullé estoit absent... De ce fait le vassal a appelé par trois fois le seigneur et dame dudit lieu et a présenté lesdits hommages ...
La même année, le seigneur de Marcoussis aidé de Laurent Poulet, concierge et de Thomas Dague architecte, vient faire un état des réparations à faire à la ferme du château... Le dernier personnage doit être à l'origine de la reconstruction des ponts-levis et du Baillage.
Relevons également les exempts des tailles à Marcoussis: le comte d'Esclignac, le curé, le vicaire, les Célestins, le marquis de Bretonvilliers (Houssay), le seigneur de Beljame.
En 1756, la comtesse marie sa fille Madeleine Kadot avec Arthus Gouffier, dans la corbeille se trouvent les 200.000 livres déjà données.
La comtesse est une femme énergique et organisée, avec son mari Charles Louis Pressac de Marestan, elle entreprend la confection des terriers de tous ses biens dont Marcoussis qui débute en 1760. À la même époque, le comte d'Esclignac étant devenu propriétaire du Plessis-Sebbeville par son mariage avec la comtesse, s'occupa de l'embellissement de cette terre, il fit refaire le parc sur un nouveau dessin et le rendit par sa distribution et la variété des objets qu'il renferme, l'un des plus agréables dans les environs de Paris.
2/7/1762, Madeleine Kadot décède à son tour en 1762. Elisabeth Chevalier reste à cette époque sans postérité directe.
Le bail de la ferme du château en 1765 montre qu'à cette époque, le petit étang est asséché et représente 64 arpents de prés. La taille de 1768 montre qu'à Marcoussis, 17 domestiques sont recencés chez les notables et les fermiers.
L'année 1777, Charles Louis Preissac sent sa fin proche, il fait rédiger son testament et décède peu de temps après. L'année suivante la dame de Marcoussis offre une seconde cloche baptisée Élizabeth; elle se fera représenter par sa famille.
Se retrouvant seule et ayant dépassé 70 ans, elle délègue ses pouvoirs en nommant Jacques Damas pour rendre hommage de Fretay. De son hôtel parisien elle fait venir son notaire parisien et baille la ferme du château à Jacques Hubert... Quelques mois après, Pierre Cléramboug entre à son service et est chargé de l'intendance de la comtesse. Elle donne pouvoir pour régir gouverner et administrer tout ses biens et affaires avec les régisseurs, fermiers, locataires, même avec les héritiers de Jacques Damas son ancien intendant.
Nous arrivons en 1781, Noailles seigneur du comté de Montlhéry cherche à augmenter ses revenus et attaque tous ses vassaux parmi lesquels figure la comtesse. Elle ne manque pas de moyen ayant fait marché avec deux feudistes pour refaire ses terriers. Noailles n'obtiendra rien...
Pont-levis avant transformation 1779.
À Marcoussis, le fermier Jacques Hubert a reçu des directives de la dame de Marcoussis. En 1783, il est chargé du nettoyage des douves qui sera réalisé en plusieurs épisodes; on apprend que l'accès au château se fait par un pont-levis est en pierre, dont les piles ont été conservées. Les terrassiers abandonneront les uns après les autres, le troisième se terminant en 1784.
Pour une fois ce sont les habitants de Marcoussis qui se plaignent des dégâts que commettent les lapins à leurs récoltes, notamment à la lisière des bois qui appartiennent à madame la comtesse d'Esclignac et l'engager à donner des ordres pour faire détruire ce gibier et à permettre aux habitants de faire des battues, boucher et détruire les terriers...
Également à la même époque, le baillage situé sur le champ de foire n'est plus du goût de la dame, la Comtesse d'Esclignac, dame de Marcoussis, au travers de son entrepreneur de bâtiments Théodore Cucul, demeurant paroisse Saint-Nicolas-des-Champs, à la tête des ouvrages concernant Madame la comtesse d'Esclignac, fait réaliser le nouveau baillage entre juin et décembre 1783, date de l'inauguration de la salle d'audience par les bailly, juge, procureur fiscal, procureurs (avocats actuels), Clérambourg homme de confiance de la Comtesse et Nicolas le Dur commissaire au terrier de Marcoussis. Signalons que Malte-Brun, signalant les transformations du château, attribue à la comtesse d'Esclignac l'agrandissement des fenêtres, ce qui est probablement une erreur pour un lieu inhabité, et que l'on doit attribuer à la dame précédente Philberthe de Xaintrailles.
Louis Ladey, notaire du baillage y résidant et Théodore Cucul se transportent en une maison appartenant à Jean-Pierre Gallas, vanier de Montlhéry, sise en la "ruelle allant à Nozay", à l'effet de repérer l'alignement du mur mitoyen entre le bâtiment dudit Gallas, et la place destinée à construire le baillage de ce lieu.
Le baillage se construit dans les six mois qui suivent et en décembre, est comparu devant nous bailly, le procureur fiscal nous a dit que le nouvel auditoire que madame de ce lieu vient de faire construire pour les audiences de ce baillage, se trouvant en état, il requiert qu'à partir de ce jour la justice sera rendue et le siège tenu dans ledit nouvel auditoire, ... et de fait en exécution de notre ordonnance avons assisté messe du Saint-Esprit, en l'église paroissiale, nous bailly, procureurs, sergents, puis nous nous sommes transportés en la nouvelle salle d'audience en présence de Pierre Antoine Clérambourg et de Nicolas Ledur, commissaire à terrier. La même scène va se dérouler en octobre 2013, avec des intervenants différents inaugurant ce bâtiment dont on n'a conservé que les murs extérieurs.
En 1785, on trouve une ventilation du revenu de la châtellenie de Marcoussis, rédigé par le comté de Montlhéry à partir de l'aveu rendu:
- le château destiné au logement du propriétaire est sans production,
- l'hôtel du baillage et son jardin occupé par le greffier, tabellion et receveur des droits féodaux, sans production,
- les jardins allées du petit parc et la futaye sont aussi des objets qui ne produisent point de relief ou rachat,
- le logement du jardinier et le potager contenant cinq arpents sont affermés à 450 lt
- le grand étang qui contient 81 arpents se pesche tous les trois ans dont la dernière pesche a été vedue 10.000 lt, mais on assure que cette vente étoit forcée... estimé 2.000 lt
- le pressoir banal auquel sont assujettis par baux et cens 146 arpents de vignes à 30 sols par arpen donne 200 livres.
- les terres labourables sont exploitées par les propriétaires et consistent en 314 arpents affermées au moins à 15 cens l'arpent rapportent 4722 lt,
- les prés sont aussi exploités contiennent 118 arpens qui seroient affermés et rapportent 1.970 lt
- les bois exploités par les propriétaires sont d'une quantité de 43 arpents que l'on peut évaluer à 553 lt,
- les bois taillis en coupe réglée montant à 1.188 arpents divisés en 11 coupes, celle de cette année vendue 14.000 lt
Soit un total de 23.896 lt. Ce document nous montre qu'outre l'auditoire, Didier Ladey loge dans ce bâtiment.
La comtesse approche des 80 ans, Elisabeth Chevalier, dame de Marcoussis, appelle Maître Brichard notaire pour rédiger son testament. Veuve de deux riches unions, elle se trouve à la tête d'un patrimoine de plus de 2 millions de livres (la part de Marcoussis ne représente que 400.000 livres). Elle déclare qu'elle veut être enterrée le plus simplement que faire se pourra et sans cérémonies. Le début de l'acte est consacré aux pauvres des 7 paroisses où elle possède des biens: Marcoussis, Nozay et la Ville-du-Bois, reçoivent respectivement 4.000, 1.000, 1.000 livres, comme le confirment plus tard les listes nominatives de distribution de pains du boulanger. Ensuite, elle lègue à une partie de son proche personnel (30 noms sont cités) soit des rentes, soit des dons: pour Marcoussis, une seule personne, Laurent Poulet, concierge du château qui est inscrit pour 1.000 livres de rentes. Viennent après les amis au nombre d'une vingtaine, à qui sont allouées des sommes plus importantes, et enfin les légataires universels se partagent l'énorme reste... Ce testament servira à son décès.
En fin d'année, maître Pierre Antoine Clérambourg, avocat en parlement demeurant à Paris, rue Saint-Honoré, paroisse Saint-Roch, fondé de procuration par Elizabeth Chevalier, dame de Marcoussis, demeurant en son hôtel grande rue du faubourg Saint-Honoré paroisse de la Madeleine de la ville Lévêque, baille à Jean Paupe, 40 perches de terre ...à Montgarni à Nozay, tenant au mur du grand parc, pour défricher moyennant 10 livres. Notons en 1789, une demande d'un meunier proposant à ses frais de bâtir un moulin à eau à la chaussée du grand étang avec quatre arpents moyennant une rente; les conditions de pêche seront tous les trois ans, il offre 300 livres de rente... Le notaire Lady et le concierge Poulet estiment le bail à 370 livres et envoient leur rapport à Clérambourg. Ce projet n'a pas abouti. En fin d'année, notons un vol au château dans l'appartement n°24, au dessus de la grande porte d'entrée du château, le bailly et sa suite constatent un vol de galon d'une courtepointe...
Début 1790 la comtesse décède dans son hôtel parisien. Ensuite commence un inventaire qui durera plusieurs mois, les commissaires se déplacent de Paris puis à Marcoussis enfin au Plessis-Sebbeville. Notons pour montrer le train de vie de la défunte qu'il est noté 9 juments de carosse. La succession sera traitée dans un chronique à venir. Pierre Cléranbourg habite au premier étage du Baillage.
À suivre...