La ferme du Fay à Linas (2) (1623-1717)

Chronique du Vieux Marcoussy --Marcoussis--------------- _---------------------------------- Février 2008

Extrait de la carte «  Les environs de Paris ou sont la Prévosté, vicomté et le Présidial de Paris  » par J.-B. Nolin (1698)

JP. Dagnot

C. Julien

 

 

 

Cette chronique continue l'histoire de la ferme du Fay située en grande partie sur la paroisse de Linas. Notons qu'au XVIIe siècle, l'orthographe «  Fay  » ou «  Fey  » est en usage. La ferme était la propriété du monastère des Célestins de Marcoussis ; c'est un arrière-fief mouvant de la seigneurie de La Fontaine à Brétigny dont le seigneur dominant est le roi à cause du comté et châtellenie de Montlhéry. Nous savons également que l'activité principale du fermier du Fay était l'élevage des moutons dont il avait le troupeau en location.

 

 

Le concierge du Fay

Nous sommes au commencement du XVIIe siècle. Jusqu'alors, les terres et la métairie du Fay étaient affermées à un métayer qui était, si l'on peut dire "maître chez lui". C'est un doux euphémisme, car nous savons que les propriétaires contrôlaient ses activités, qu'il devait laisser aux religieux de Marcoussis «  une chambre haulte qui est proche la chapelle d'icelle ferme  » . D'autre part, la ferme étant à cheval sur deux paroisses, le fermier payait les grosses dîmes à deux curés différents : les chanoines de Saint-Merry de Linas et le prieur de Saint-Didier de Bruyères. Bien évidemment cette complexité était source de conflits et chicanes.

Les religieux Célestins sont assemblés en leur chapitre en 1623 pour mettre un concierge dans leur ferme du Fay. C'est François Petit qui a fait sa demeure et habitation en ladite ferme qui consiste en «  une chambre basse du grand logis et four joignant ladite chambre avec étable pour mettre deux vaches et un toit pour mettre deux porcs, avec le petit jardin et potager estant dans le clos estant derrière la foulerie où souloit par le passé y avoir un jardin..., les deux vaches à titre de moitié… » . Les religieux ne laissent que peu de choses au concierge ! Et de plus, il y a possibilité d'expulsion hors de la ferme !!! L'acte mentionne comme témoin un nommé Jean Gaultier, marchand demeurant aux Célestins.

L'année suivante, les vénérables frères Silvestre Triboullot, prieur du Monnastaire de la Sainte-Trinité de Marcoussis et Pierre de la Chaussée , despositaire audit couvent, lesquels en leurs noms et comme se faisant fort de tout le couvent, confessent avoir mis pour loger et concierge en la ferme et maison du Fay , située en la paroisse Saint-Médéric de Linois, Jehan Guidevin, vigneron de Marcoussis, lequel accepte pour sa nouvelle demeure, l'habitation dans ladite ferme. Il aura la jouissance de la chambre basse du grand logis avecq une estable pour mettre six bestes à cornes qui luy seront baillées par les religieux dont deulx laitières desquelles il aura la moitié, les autres bouvillons ou génisses qu'il sera tenu d'entretenir au prouffit desdits religieux. Ledit Guidevin devra faire des vignes dudit Fay à vignes bourgeoises... Apparemment ou bien, le précédent locataire n'a pas trouvé le gite à son goût, ou bien il s'est fait expulsé!

Six semaines plus tard, le bail du Fay est passé au profit de Cantien Clozier. Cantien Guillaume, vigneron, est employé comme concierge et Clausier tient la ferme et maison du Fay «  ils auront la jouissance de la chambre basse du grand logis et four attenant avecq une estable pour y mettre deux vaches, un toit pour mettre deux porcs, jardin et potager estant dans le clos de la vigne, la foullerie où souloit par le passé y avoir ung jardin  ».

 

 

Mestiviers fermier au Fay

Un bail est accordé en 1626 à « Martin Mestiviers, laboureur demeurant à Bellejambe, c'est à sçavoir la ferme et mestairie appelée le Fay avecq 200 arpents de terre labourable ». Les bailleurs se réservent « la chapelle qui est au dessus de la porte et entrée de la cour haulte chambre à feu proche icelle, la vigne, tous les fruits quy y croitront, la moitié des fruits du grand clos ; le bail fait moyennant trois muyds de bled mestail  ». Une clause impose « de peupler le coullombier quy est dans ladite ferme ».

Le 14 juin 1629 est un jour de fête à la ferme du Fay, car un fils est né. C'est le baptême de François Mestivier, fils de Martin fermier du Fay et d'Anne Gastineau, le parrain est François Breton de Bruières et la marraine Marie Lefèvre.

Peu de temps après, notre fermier du Fay passe un bail pour un troupeau de moutons «  fut présent en sa personne Martin Metivier, laboureur demeurant en la ferme du Fay, lequel a volontairement recongnu avoir pris et retenu à titre de tonte, moitié de profir de croix, pour le tems et espasse de trois années de noble homme Louis Durand, conseiller et procureur du roy et de Monsieur son frère unique, la quantité de cent huit bestes à laine tant masles que femelles y compris les brebis, pendant ledit temps nourrir, affourager, soigner et garder ledit troupeau; les parties prendront la moitié des laines, en cas de mort naturelle le preneur sera tenu de rendre la peau...  ». Le sieur Durand n'est autre que le procureur du roi à Montlhéry et par conséquent procureur de Gaston d'Orléans qui avait reçu le comté de Montlhéry en apanage. La déclaration du fief et seigneurie du Fay est passée par les Célestins de Marcoussis en 1633 au profit du duc d'Orléans, comte de Montlhéry.

Après le décès de Martin Métiviers, un nouveau bail de la ferme est passé en 1635 au profit d'Anne Gastineau, veuve Métiviers, ..., avec la réservation faicte par lesdits bailleurs de la chapelle qui est au dessus de la porte et entrée de la cour haulte chambre à feu proche d'icelle et autre antichambres y attachant, .... et clos de la vigne fermant à clef.

En 1636, « furent présents en leurs personnes Louis Bourdon, marchand demeurant à Montlhéry, au nom et comme receveur du prieuré Saint-Pierre du chasteau de Montlhéry d'une part, et Anne Gastineau, veuve de feu Martin Mestiviers, demeurant au Fay, paroisse de Linois, d'autre part,   lesquels ont volontairement recognu et confessé avoir baillé pour cinq ans sont et plus ; ilz auroient verballement accordé pour le regard de la dixme en agneaux, cochons de lait et filasse dudit prieuré qu'il a droit de prendre par chacun an sur ladite Gastineau , fermière de la ferme du Fay à raison de neuf livres par an…  ». La suite est le détail des paiements.

Il apparaît donc que la fermière du Fay est endettée. Deux mois plus tard, «  le bail à ferme a esté résoult le dit jour, pour les relligieux Célestins contre Anne Gastineau, veuve de Martin Mestiviers  ». Ainsi, la veuve délaisse la ferme du Fay.

 

 

Les fermiers du Fay au XVIIe siècle

Aubin Fortery, laboureur demeurant au Déluge, prend alors ladite ferme en location pour neuf années. C'est la fin de jouissance de «  la chambre haulte et antichambre proche la chapelle  » réservée au bailleur, il n'y a plus de partage des fruits. L'année suivante, Abraham Ribier, prieur de Saint-Didier de Bruyères baille à Anne Gastineau, veuve Mestivier, le droit des grosses dixmes sur les terres de la ferme du Fay , moyennant 90 livres par chacun an pendant neuf années.

En 1640, un autre bail est passé au profit de Noel Frichot, «  jusques à neuf années, excepté la chapelle et deux chambres hautes, moyennant 60 livres pour les fruits, trois muids de bled, deux muids d'avoyne  ».

Deux mois plus tard, les religieux déclarent les revenus de leur temporel de manière très précise: «  item ung hostel manoir, maison, granche, bergerie, estables, coulombier avecq jardin et autres appartenances appelé l'hostel du Fay assis à Linois contenant le tout environ trois arpents avec les terres qui suivent : 63 arpents de terre, 55 arpents de terres, 53 arpents le tout mouvant du roy à cause de son chastel de Montlhéry  ». Font parties du Fay, des bois en plusieurs cantons de 80, 22 et 25 arpents . Le Fay était tenu en mouvance de feu Jehan de Guillerville escuier, à cause de son hostel de la Fontaine à Brétigny.

La même année, Anne Gastineau, demeurant à Marcoussis, «  laquelle cedde et transporte à toujours à Vincent Crosson, laboureur demeurant en la ferme de Trou le droit du bail à loyer et prix d'argent fait à ladite Gastineau par le prieur de Bruyères des grosses dixmes despendantes dudit prieuré qui ont accoustumé d'estre prises sur les pièces deppendantes de ladite ferme de Trou et de la ferme du Fay , sizes en la paroisse de Marcoussis (?)  ». Le même jour, la veuve nomme le fermier de Troux son procureur pour «  cueillir les grosses dixmes du prieuré de Bruyères-le-Chastel sur les deux fermes du Fay et de Troux, et mettre les grains en la grange de la ferme de Troux  ».

Le bail de la ferme et mestairye du Fey de 1648, est passé au profit de Michel Pasquier, laboureur demeurant à Marcoussis. Les terres représentent deux cents arpents et le bail est fait moyennant: la somme de 60 livres tournois pour la jouissance des fruits, la quantité de trois muids de bled mestail et un muid d'avoyne, deux douzaines de fromages pour les terres à porter en la maison conventuelle. C'est le début des péchés de gourmandise des Célestins!

En 1650, François Boullette, laboureur en la ferme de Couart confesse avoir transporté pour l'année présente, à Michel Pasquier, laboureur demeurant au Fay, les droits de dixmes venant du prieuré de Bruyères, qu'il a droit de prendre sur la ferme du Fay, moyennant trois septiers d'avoine. Sur un plan dressé le 28 juin 1650, figurent deux pièces de boys dépendant de la maison du Fey appartenant aux religieux Célestins de Marcoussis contenant 124 arpents à la mesure de Bruyères ( 20 pieds pour perche) et la pièce de la Monstre de 73 arpents à la mesure de 18 pieds pour perche (1).

Sept ans passent, Frère Guillaume Pijart , prestre religieux dépositaire du couvent se portant fort pour le prieur, baille à titre de loyer moison de grain et prix d'argent jusqu'à neuf ans, à Jacques Lelouet, marchand demeurant à Marcoussis et Gillette Brizard sa femme, la ferme et mestairye appelée le Fay, située à Linois, consistant en maison manable, grange, escuryes, estables, bergeryes et autres eddifices, le tout couvert de tuille, grande cour, deux cents arpents en terres labourables friches avec deux clos autour de la ferme clos de murailles , plantés en arbres fruitiers. Le bail fait moyennant la quantité de quatre muids de grain, trois de bled et un d'avoyne.

Le nouveau fermier ne reste pas longtemps au Fay puisque l'année suivante, ledit Lelouet, demeurant au Fey, paroisse de Linois «  estant de présent en ce lieu lequel confesse transporter pour l'espasse de neuf ans le bail de la ferme du Fey avecques une pièce de pré que prend Jacques Mason, maréchal demeurant à Brétigny, c'est à savoir un arpent de pré proche Guyperreux moyennant 50 livres  ». Après les désastres de la Fronde, dès 1658, la situation économique continue de se gâter par suite des mauvaises conditions climatiques : inondations catastrophiques, pluviosité continuelle très dangereuse pour les céréales, un désastre sans nom. La mortalité maximale sévit pendant les deux derniers trimestres de 1661 et les deux premiers de 1662 : famine, raréfaction des mariages qui réduit les conceptions et les naissances, la France subit un demi million de décès supplémentaires. Pour sa part, Jacques Lelouet a de nombreuses créances. Le 10 juillet 1662, les Célestins, créanciers de Lelouet, laboureur demeurant en la ferme du Fay, «  délivrent des deniers provenant de la vente et adjudication des grains saisis à leur requeste, les collecteurs de tailles et plusieurs autres créanciers...  ».

Un contentieux éclate en 1663 entre les moines Célestins de Marcoussis et le prieur de Bruyères-le-Châtel à propos des dîmes du Fay dont les terres sont situées en partie sur la paroisse de Bruyères dont le curé-prieur prétend en posséder le droit dimier. Voilà l'objet d'une chicane pour quelques gerbes de blé. Une sentence rendue le 22 août 1663 est rendue au profit des Célestins contre le prieur de Bruyères.

L'année suivante, Jean Groulon, vigneron «  se portant fort pour Messire Louis Lemaistre, vend la couppe de 14 arpens de bois proche le Fay aux Vauxgoulans moyennant 50 livres par arpent  ». Le 12 août 1666, un gentilhomme prénommé François, garde des plaisirs du Roy, demeurant en la ferme du Fay, est cité dans un procès criminel avec un berger.

En 1672, la ferme du Fay est louée pour six ans à Jean Regnault, marchand et laboureur de Marcoussis, le bail moyennant un loyer de 300 livres tournois. Le même bail est renouvelé au bout de cinq ans au profit de Jean Regnault, demeurant en la ferme du Fay, avec 260 arpents, les bailleurs se réservent la chapelle au dessus de la porte et entrée et la tour carrée où soulloit avoir colombier à pied moyennant 300 livres. Le bail est fait à condition « de ne pas être imposé à plus de cent livres au rolle des tailles ».

À l'issue des vêpres dites chantées et célébrées du lundi 31 janvier 1678, lors de l'assemblée les habitants de Linois « ont volontairement déclaré, certifié à qui il appartiendra, que du vivant de leurs défunts pères et mères leurs ont toujours ouy dire que Messieurs les religieux Célestins avoient usurpé, destourné , mis en possession des boys hautes futayes et taillis assis au chantier nommez la plaine du Fey, la Gouttière et Vauleroy contenant 145 arpents, prosche la ferme appelée le Fey. Desquels boys les habitans, l'usage leur en avoit été donné par le sieur Jean du Fey  ». Il semble que les moines avaient repris les droits d'usage que les habitants de Linas avaient dans les bois du plateau de Saint-Eutrope. Il pouvait aussi s'agir du droit de parcours, de panage ou du droit de glandée (2). Connaissant les propriétaires du Fay depuis le XIVe siècle, les habitants ont ressorti une coutume ayant existée avant la guerre de Cent ans.

Une grande fête a lieu le 14 octobre 1680. C'est le mariage de Michel Blondeau avec Claude Regnault, fille de Jean, «  célébré par moi Demachy, vicaire de Linois, les ay unis en mariage dans la chapelle du Fey en présence du curé de Marcoussis  ». Apparemment c'est un des rares actes passés en cette chapelle.

Les Regnault continuent leur vie au Fay. Il réitèrent en 1684, le bail de la ferme. Le frère Gilles Masson (3), loue pour un, deux ou trois ans à Nicolas Regnault, laboureur à la ferme de la Forest , la ferme avec toutes ses dépendances, 260 arpents de terre aux environs immédiats ..., les bailleurs se réservent la disposition de la chapelle estant en ladite ferme au dessus de la porte d'entrée et de la cour et la tour carrée où soulloit avoir collombier.

L'affaire des dîmes du Fay, commencée en 1582, revient devant les juges du Palais le 1er janvier 1690. Les terres de la ferme étaient situées en partie sur la paroisse de Bruyères dont le curé-prieur prétend en posséder les dixmes. Voilà l'objet d'une chicane pour quelques gerbes de blé recommencée dès 1663. Mais, n'oublions pas que le différend a lieu peu de temps après les évènements de la Fronde et pendant une période de crise frumentaire. Le mémoire de Daligre, avocat des Célestins, touchant les dixmes du Fay précise «  la ferme du Fay sur laquelle Monsieur le prieur de Bruière prétend aujourd'hui la dixme est propriété de l'ancien domaine du monastères desdits Célestins et consiste en l'exploitation d'une voiture située dans la paroisse de Linois et en partie dans le dixmage de ladite paroisse et le surplus dans celuy de Bruière. Lorsque cette ferme a été occupée par des fermiers, elle ne rendait auxdits religieux que 300 livres par chacun an. La difficulté d'en trouver à cause du mauvais traitement des habitans de Linois pour le fait des tailles et des gens de guerre ont obligé lesdits religieux de l'abandonner et de la ruiner, et pour ne pas tout perdre ont pris résolution d'en faire planter partie en bois, ce qu'ils ont commencer de faire, il y a un an  ». Poursuivant son plaidoyer, l'avocat continue en demandant au curé de Bruyères d'abandonner son projet «  Lesdits religieux Célestins prient très humblement Monsieur le prieur de faire quelques particulière réflexion sur lesdits droit et privilège sur leur ancienne possession, sur tous les avoirs qui les y ont maintenus quand on les y a voulu troubler, et enfin pour le peu de valeur des terres de ladite ferme qu'on est obligé pour ce sujet de laisser en friches et par conséquent de la dixme qui étoit de peu considérable. Pour toutes ses considérations lesdits religieux espèrent de la bonté et justice de Monsieur le prieur qu'il aimera mieux se rendre le protecteur de leur droit que de leur contester  ».

En 1692, un bail à ferme est passé par les Célestins pour neuf années au profit de Jacques Ciriasse, laboureur demeurant en la ferme de Couart de 34 arpens en une pièce au Fays tenant aux terres de la ferme de Couard à raison de 30 sols par arpent les trois premières années, puis trois livres par arpent les années suivantes.

 

Les fermiers du Fay au XVIIIe siècle

Il semble qu'à la fin du XVIIe siècle les religieux de Marcoussis aient décidé de louer les terres du domaine de Fay à plusieurs laboureurs pour augmenter les revenus de la seigneurie. En 1700, les religieux baillent, pour neuf ans à Michel Josset, marchand boulanger demeurant à Linois , 74 arpents de terre en une pièce au Fay dite de la Monstre, tenant à la maison du Fays d'autre au chemin qui tend à la ferme de Troux à Linois; le bail fait à raison de 222 livres tournois. L'année suivante, les Célestins baillent à Pierre Barrault, marchand boulanger demeurant à Linois , la quantité de 30 arpents de terres labourables en une pièce au Fays, tenant à la ferme de Couart, moyennant 105 livres . Le même jour, ce sont 41 arpents qui sont loués au sieur Anthoine Joubert, marchand boulanger de Linois , au même lieu, moyennant 123 livres.

Nous remarquons ainsi le nom des trois boulangers de Linas qui avaient décidé, en 1700, de louer des terres pour le «  mettre en blé afin d'en tirer farine  ». Ainsi, les 145 arpents pouvaient produire, pour des terres de seconde catégorie, 290 setiers de blé environs, qui rendent chacun 240 livres de pain ; c'est-à-dire que les boulangers de Linas pouvaient espérer vendre 7.750 miches de 9 livres pour nourrir la population de Linas pendant 56 jours (4).

Après quatre années d'exploitation, Anthoine Joubert,notre boulanger demeure à présent à Paris, et transporte le bail de 1700 à Louis Hariveau, laboureur de Couard, ce dernier payant aux religieux 123 livres.

 

En 1709, un bail est passé par le révérend père Martin Lasnon, procureur du monastère de la Sainte-Trinité des Célestins de Marcoussis. Le prêtre «  baille et délaisse à titre de loier et prix d'argent pour le temps de neuf années, 35 arpents de terre ou environ à François Cordeau, marchand hôtelier à Linois  ». La terre est une pièce qui fait partie du lieu-dit «  proche la ferme du Fay, appelé le Champ de la Monstre, contenant 81 arpents mesure selon l'arpentage qui en a été fait à frais commun par le sieur Caillavre…  ». Il s'agit de terres tenues par Michel Josse, boulanger à Montlhéry qui seront libres au jour de saint Martin d'hiver prochain. Le preneur s'oblige à labourer et fumer les terres «  de manière accoutumée  », outre le bail pour les 35 arpents moyennant «  un loyer de 3 livres par arpent à payer au jour de saint Martin d'hiver 1710 et ainsi chaque année en année et un loyer de 3 livres 10 sols à partir de 1712 à pareil jour et jusqu'à la fin dudit bail ». Par le même bail à ferme, les religieux délaissent 41 arpents 29 perches de terre dépendants de la ferme du Fai, pour 83 livres 17 sols 6 deniers «  que ledit preneur promet et s'oblige bailler et paier audits religieux Célestins ou au porteur de ces présentes  ». Cette terre est actuellement tenue par le nommé Harriveau, locataire d'icelle. Le locataire s'engage également:
- à payer la somme de 200 livres en une seule fois pendant le bail à l'église des Célestins pour la jouissance des arbres fruitiers dans le clos de la ferme du Fai,
- à couper ou faire couper les bois de lisières étant sur et autour ladite pièce de terre ci-dessus déclarée
Le ba
il est passé au monastère de Marcoussis «  en présence du sieur Jean La Noullin, bourgeois de Paris et Louis Heurtault, marchands, de présents audit monastère et de nombreux religieux de la communauté dont le révérend père Nicolas Delorme, prieur, Augustin Mouret, sous-prieur, Léon Bourgeois, François Tairedet, Eustache Richer, dépositaire du couvent, Louis-Claude Cordier, Denis Aumont, Paul Mauger, Jean-Baptiste Cavrier  ». Le bail fut contrôlé et enregistré le 6 novembre par Mongone, notaire royal de Longjumeau.

 

Signatures des religieux Célestins de Marcoussis (décembre 1713).

 

L'hôtelier de Linas meurt avant la fin du bail et la veuve Cordeau se désiste du bail des terres du Fay. Le 31 décembre 1713, devant les religieux capitulairement assemblés «  au son de la cloche en la manière accoutumé  » autour de Charles Augustin Portenin, prieur et Eustache Richer, dépositaire, a comparu Marie Pestermoux, veuve de Jean-Michel Cordeau, demeurant à Estampes, «  héritière mobilière de deffunt François Cordeau, vivant marchand hostelier demeurant en l'hostellerie de la Rose à Linois  », laquelle supplie les révérends pères religieux parce qu'elle ne peut continuer l'exploitation des terres auxquelles François Cordeau s'était obligé, de bien vouloir la décharger de la jouissance desdites terres. Le bail desdites terres est transporté à Pierre Josset, marchand boulanger à Linas, «  pour en disposer comme bon luy semblera, la quantité de cent onze arpents de terres situés au lieudit le Fay pour neuf années dont la première achèvera à la saint Martin 1713 moyennant 388 livres 10 sols par chacun an, en deux payements égaux dont le premier le jour de saint Martin d'hiver de l'année 1715 et le second au jour de Noël ». En outre, Pierre Josset s'engage «  à engranger au bourg de Linois dans un lieu séparé de sa maison où il est actuellement, les grains provenant de la récolte de cette année  » et à payer 100 livres pendant le cours du bail, qui font 11 livres 2 sols 6 deniers par an.

Après deux récoltes seulement, le boulanger de Linas réalise qu'il ne peut pas garder les terres du Fay, être laboureur est un métier à part entière. Ainsi, nous trouvons en 1717, Pierre Josse, marchand boulanger demeurant à Linois, «  de présent au monastère des Célestins, lequel, s'est volontairement désisté et se désiste par les présentes du droit de bail à ferme à luy fait par les révérends pères religieux de 111 arpents de terres labourables sizes au Fay, pour le temps de neuf années  ». Les Célestins cherchent des bailleurs ne connaissant pas la terre, ils s'adressent cettre fois à Nicolas Enard, marchand drappier demeurant à Linois, les 111 arpents de terres labourables au Fay, dont Pierre Josset jouissait précédemment. Le bail est passé moyennant un loyer de 399 livres, c'est-à-dire 3 livres 12 sols l'arpent, ce qui constituent une augmentation de 20% du loyer en moins de 10 ans.

 

À suivre…

 

Notes

(1) Nous remarquons ici la complexité des unités de mesures sous l'Ancien régime. Pour un même lieu, les superficies sont compté en arpent mesure de Bruyères ( 20 pieds pour perche) et en arpent mesure de Montlhéry (18 pieds pour perche) . C'est-à-dire que l'arpent ordinaire valait 4.221 centiares (Bruyères) et l'arpent de Paris valait 3.418 centiares 87 (Montlhéry).

(2) Les moines Célestins appliquaient les dispositions de l'Ordonnance des Eaux et Forêts du 13 août 1669, promulgué sur l'initiative de Colbert. C'était un véritable code forestier protégeant les forêts royales et mettant en place une conduite forestière ainsi qu'un règlement d'exploitation.

(3) Nous remercions Pascal Herbert pour nous avoir communiqué le dépouillement de documents utilisés dans cette chronique.

(4) Nous prenons en compte le dénombrement de l'Election de Paris imprimé en 1709, qui donne 206 feux à Linas.

 

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