La métairie de la grange de la Madeleine ou ferme des Prés (2)
Cette chronique relate la seconde partie de l'histoire de la métairie de la Grange de la Madeleine dite aussi « ferme des Prés » à Marcoussis (arr. Palaiseau, Essonne). Nous nous étions arrêté juste avant la Révolution quand, en juillet 1776, le seigneur de Bellejame, Charles de Bullion, achète la métairie à Louis Gaudron Desromont pour 6.000 livres . A cette époque les terres approchent les 120 arpents, 34 arpents en prés de part et d'autre de la Salmouille et diverses autres pièces sises à Chouanville, le Houssaye, Champ de l'Épine et Étang Neuf.
J.P Dagnot, C.Julien. Janvier 2014
Extrait de plan napoléonien.
Avant de continuer, reprenons l'aveu et dénombrement rendu au roi, le 3 mai 1730, par Alexandre de Balsac d'Illiers d'Entragues, seigneur de Marcoussis. L'article 21 décrit les trois fermes de la seigneurie dont la ferme appelée la Grange, à laquelle a été jointe partie des terres de la ferme appelée Chenanville assise près le village de Marcoussis « consistant en 120 arpents de terre et 10 arpents de prés et aulnois, y compris la Chaussée de l'Etang, appelé l'Etang-Neuf, lesquels pré et aulnois faisoient anciennement ledit Etang ; et pour le surplus de l'autre ferme, appelée Chenanville, qui fut jadis un fief séparé relevant de Montlhéry, et maintenant uni et incorporé audit Marcoussis, il en a été donné 50 arpents ou environ à 25 sols parisis de cens par chaque arpents, portant lods et ventes et ce pour planter des vignes ».
La ferme des Prés sous la Révolution
Le marquis de Bullion est mort en 1791. Le 4 juillet 1792, la ferme des Prés est vendue venant de la poursuite de vente des biens de la succession de Charles Thomas de Bullion, colonel d'infanterie, sous le nom du citoyen Barré Lainé au profit d'Augustin Dubois l'adjudication est faite par jugement du tribunal du 4ème arrondissement de Paris par acte au greffe des criées.
Le 12 mars 1793, nous trouvons une quittance donnée par Pierre Lambert, maçon de Marcoussis, qui reconnaît avoir reçu de Pierrette Petitjean, la somme de 585 livres qui avec celle de 300 livres représentait les travaux fait au château, au moulin et à la ferme des Prés pendant les années 1785 à 1791.
Le 15 juin 1795, une partie de la ferme des Près change de mains encore une fois. Auguste Dubois, propriétaire et cultivateur demeurant à Bellejamme, vend, au prix de 8.000 frs, à Nicolas Groulon, son concierge de la maison de Bellejame:
- une maison, bâtiments, lieux cour jardin y joignant appelée la ferme des Prés situés audit Marcoussis, derrière la maison jardin du cy devant prieuré, consistant en trois chambres basses, greniers au dessus, écurie, bergerie, petite grange, le tout couvert de tuilles , la cour close de murs ayant son entrée par une grande porte,
- une pièce de prés à coté contenant 5 quartiers,
- un autre quarre de pré où sont des trous à rouir le chaulme ,
- item deux arpents de terres...
En mars 1819, le partage de la succession de Mr et Mme Groulon est fait pour dissoudre l'indivision entre les héritiers, Benoist Pierre Etienne, épicier à Arpajon, Laurent Joseph Paul, notaire royal à Marcoussis, et Pierrete Elizabeth femme de Duval meunier à Linas. Benoit Groulon reçoit le premier lot consistant en la ferme des Prés. Six mois plus tard, Benoist Groulon vend la ferme à Jean-Baptiste Ollivier, son collègue marchand épicier d'Arpajon. La vente faite à Arpajon moyennant 6.000 frs comprend « une maison appelée la ferme des Prés, cour au milieu contenant 2.299 m2 en deux parties, où il existe une fontaine & un bassin d'eau vive et un clos de 4.274 m2 à l'angle de la Grand-Rue et de la Sallemouille au chemin de Chouanville ». Le notaire Boudier possède le nord (prieuré).
La ferme des Prés sous les Dioudonnat
Nous avons rencontré ces personnages dans une chronique précédente (cf. "Les Dioudonnat à Marcoussis"). Jean Dioudonnat et son neveu Jean-Jacques-Victor se sont enrichis dans une activité de démolisseurs de bâtiments, par l'achat des biens nationaux qu'ils ont soigneusement dépecés et dont ils ont fait commerce des matériaux.
Le 10 avril 1821, Jean-Baptiste Ollivier, négociant à Arpajon, vend à Jean Jacques Dioudonnat, propriétaire, une maison appelée la ferme des Prés , consistant en un principal corps de logis distribué au rez-de-chaussée en deux corridors, deux cuisines, un petit office, et deux chambres à cheminée; au premier étage quatre pièces dont deux à feu, grenier au dessus. La vente est faite moyennant 4.800 frs. Quelques jours plus tard, Dieudonnat divise la ferme et en vend une partie à Nicolas Buisson, cultivateur « une portion de bâtiments dépendant de la ferme des Prés, composée d'une écurie, vacherie et une grange, place à bâtir à la suite de l'écurie. La vente est faite moyennant une rente foncière perpétuelle de 150 frs ». Une autre partie des bâtiments et terres est baillé à ferme pour neuf ans à Jacques Denis Groulon, moyennant 215 frs, et le reste sert sans doute de logis au nouveau propriétaire. Le bail de fermage est renouvelé en 1835 au même fermier.
La même année, Dioudonnat baille une portion de bâtiment dépendant de la ferme des Prés à Louis Pierre Groulon, cultivateur « cette partie à prendre vers le nord de la maison d'habitation, consiste en bâtiment distribué en corridor transversal, une cuisine avec four, à gauche en entrant, chambre à feu de l'autre côté, ... , jardin clos derrière les bâtiments avec fontaine en mitoyenneté et aussi un lavoir, moyennant 200 frs ». Le lavoir est celui qui est alimenté par les eaux de la Sallemouille. Quatre ans plus tard, le fermier des Prés décède et Dioudonnat résilie le bail de la veuve Groulon « Jean Jacques Victor Dioudonnat, propriétaire, demeurant à Marcoussis et Désirée Petit, veuve Pierre Groulon, fromager à Marcoussis, tutrice de ses trois enfants mineurs, Ambroise Brizard, époux de Anne Charlotte quatrième fille âgée de 20 ans, conviennent de résilier le bail convenu en 1835 ; sans indemnités mais en payant les loyers soit 660 frs ».
En 1841, c'est un nommé Cornu, maraîcher qui devient fermier. Le 6 mars de l'année suivante, eut lieu une vente aux enchères de divers meubles, à la requête de Dioudonnat dépendant de la communauté avec Victoire Blot son épouse. L'année suivante, un bail est passé par Jean-Jacques Victor Dioudonnat, propriétaire demeurant à Versailles, rue de la Paroisse , à Clément Julien Lainé, cultivateur, les lieux dit la ferme des Prés pour 9 ans moyennant 125 frs. La description du bail mentionne :
- une pièce à feu par bas, écurie autre chambre avec four et cabinet au dessus, grenier à côté et au dessus,
- portion de cour avec droit de passage,
- jardin derrière, clos de murs et garni de ceps de vignes et arbres fruitiers, dans lequel jardin se trouve une boële, lavoir en face couvert de chaume,
Le bailleur s'oblige à construire un four dans la première pièce à feu.
La succession de Nicolas-Denis Buisson est réglée au profit de ses sept enfants et leur mère par le dépôt de l'enchère du 28 avril 1844 qui comprend la maison lieudit la ferme des Prés, consistant en une chambre à feu, chambre froide, écurie, cellier, fournil, toit à porcs, remise, poulailler, grange, le tout couvert de tuiles, cour devant les bâtiments, jardin derrière de la contenance de 1.709 m2 , planté d'arbres fruitiers, et un petit terrain de 327 m2 . La maison et dépendances de l'article ont été mis en adjudication à la bougie pour 2.500 frs; le dernier enchérisseur fut Antoine Edmé de Vilgruis pour 4.212 frs (1). C'est la première partie de la maison de maître Vilgruis. La matrice cadastrale, parcelle D3, mentionne la démolition d'une maison par Antoine Vilgruis en 1846, mais il semble qu'une erreur se soit introduite, puisqu'il s'agit de la ferme des Prés qu'il achète six ans plus tard !!
Le 2 décembre 1845, pour sa femme Victoire Blot, Jean-Jacques Dieudonnat vend une maison au lieu-dit la ferme des Prés à Mr Jean Brunton. L'acheteur est propriétaire demeurant rue de la Paix à Paris et en ce moment en sa maison de campagne de la Bailloterie. La maison est distribuée au rez-de-chaussée en deux cuisines, salle à manger, cabinet, fournil, foulerie, deux écuries et cellier. Au premier étage, deux chambres à feu, deux cabinets, une chambre froide, grenier sur le tout, cave sous la grange, grange au bout. Le tout contenant 52 ares clos de murs. La vente faite moyennant 15.000 frs.
Les mutations de la ferme des Prés à la fin du XIXe siècle
En mars 1851, Louis-Joseph Hurel, clerc à Paris, dépose le brevet d'une procuration à lui donnée par Jean Brunton et sa femme demeurant à Paris rue Basse du Rempart, résidant momentanément à Pau, à l'effet de vendre une maison de campagne, une petite ferme avec leurs circonstances et dépendances, et la totalité ou partie des meubles meublants se trouvant audit Marcoussis. La procuration décrit une maison de campagne dite la Bailloterie avec jardin petit parc et autres circonstances, une petite ferme dite la ferme des Prés, les meubles, bibliothèque, linge et vins.
Le 24 octobre 1851, le mandataire de Jean Brunton fait bail pour deux ans à Auguste Petit d'une partie de la ferme des Prés qui comprend une maison consistant en une pièce à feu, autre chambre, écurie, cellier, fournil et cheminée à côté, chambre à feu & cabinet au dessus, portion de cour devant droit de passage par la porte cochère.... jardin derrière avec boële et lavoir couvert de chaume en face du jardin, au prix de 125 frs.
La ferme des Prés ne reste que peu de temps dans les mains de Brunton. L'année suivante, Edmé Pijon de Vilgruis, propriétaire demeurant à Marcoussis, achète la ferme des Prés et ses dépendances par l'intermédiaire de Joseph Hurel, clerc de notaire à Paris, mandaté par les époux Brunton, à présent à Pau. La vente faite au prix de 12.000 frs comprend quatre articles :
1°) une maison appelée la ferme des Prés distribuée au rez-de-chaussée en deux cuisines, salle à manger, cabinet, fournil, foulerie, deux écuries, cellier, au premier deux chambres à feu, deux cabinets, une chambre froide, grenier sur le tout couvert en tuiles cave sous la grange; grange au bout de ce bâtiment, petit bâtiment près de la grange,
2°) un jardin derrière en arbres fruitiers de 2.899 m2 ,
3°) un clos en marais vis-à-vis de la maison de 3.477 m2
Le tout d'un seul ensemble, clos de murs de toutes parts, compris dans la vente les bois et pierres des bâtiments,
4°) une pièce séparée par le chemin dit de la Ferme de 6.638 m2 formant angle avec la Grande-Rue.
En 1862, Edmé Pijon de Vilgruis rédige son testament instituant Mademoiselle Durand, légataire universelle. Pijon de Vilgruit décède deux ans plus tard. L'inventaire mentionne que le propriétaire « a fait édifier la maison de maître et les deux pavillons d'entrée ». Le 6 novembre 1868, Melle Durand vend à la veuve Faure de Rochefontaine, une maison de campagne, dite la ferme des Prés et un pavillon de chaque coté pour 30.000 frs.
Fin 1877, Me Julienne Emma Michelet de la Chevalerie, veuve Faure de Rochefontaine, demeurant à Versailles, vend à Léon Lair, restaurateur demeurant boulevard de l'Hôpital à Paris, une maison de maître élevée en partie sur cave, rez-de-chaussée, étage avec grenier couvert en ardoises. On accède au rez-de-chaussée par deux perrons, l'un au milieu de la façade, l'autre sur le coté nord, lavoir sur la rivière. La vente mentionne l'interdiction d'édifier une maison face à la maison de maître de l'autre coté de la rue. La vente est faite moyennant 34.000 frs. En 1878, la dame venderesse envoie main levée de la vente de 1877 et une quittance de 20.000 frs reçus sur les 34000 frs. En septembre 1879, une prorogation de délai de paiement jusqu'en 1885 pour les 14.000 frs moyennant un intérêt de 5%.
Notes
(1) La vente à la bougie est une coutume très ancienne, en dehors de l'aspect symbolique et juridique ce système permet un temps de réflexion suffisant à l'enchérisseur. La bougie est une petite mèche, un feu, qui se consume en quelques dizaines de secondes. Lorsqu'elle s'éteint, elle laisse monter une fumée indiquant, sans ambiguïté, son extinction. C'est après l'extinction de 2 feux successifs sans nouvelle enchère survenue pendant la durée de leur combustion que l'adjudication est prononcée au plus offrant et dernier enchérisseur.