Le fief du Mesnil Forget à Nozay (2)

Chronique du Vieux Marcoussy ------------------------------------- _------------------------- ------ Mai 2011

Extrait dn plan terrier de Nozay

JP. Dagnot

C. Julien

 

 

 

Cette chronique continue l'histoire de la ferme du Mesnil-Forget qui, lors de l'achat par les religieux Célestins de Marcoussis comprenait 90 arpents de terre. Nous avons vu que ce fief relevait de la seigneurie de Marcoussis et de Chouanville avec une partie dans la mouvance du seigneur de la Motte Villebouzin pour 80 arpents de bois. À la fin du XVIIe siècle, nous avions laissé la ferme baillée à Guillaume Bassonnet qui venait de remplacer la famille Lamoureux.

 

 

Le Mesnil Forget vers 1700

Deux documents de 1700, nous indiquent la situation du Mesnil Forget. Ce sont deux plans des bois devant le Mesnil Fruger , avec les bastimens du lieu et la ferme de Mocquesoury et le détail des 94 arpents de bois qui sont réglés en trois coupes selon l'ordonnance des Eaux et Forêts. Classé à la même date, le second plan des lieux nous montre une vue des bâtiments de la ferme et de deux autres à Mauxoris ainsi que la Croix de Mauxoris (1).

Nous allons voir que la ferme du Mesnil Forget restera dans les mains des Religieux de Marcoussis, avec la mise en valeur par deux familles, les Bassonnet et les Finet. Ces fermiers produisent des céréales qu'ils vendent aux grainetiers de Montlhéry. Les registres paroissiaux nous montrent les relations étroites entre ces familles, alliées par les liens du mariage ou par le parrainage des enfants, parrains et marraines distribuant leur prénom aux nouveaux-nés.

Un bail à loyer pour 10 ans est accordé le 25 septembre 1702, à Louise Hanel, veuve Bassonnet, par les religieux, «  c'est à sçavoir la ferme meterrye du Mesnil Fuger se consistant en maison manable, ..., et 120 arpents de terre et 95 arpents de bois taillis; le bail fait moyennant 400 livres  ». Une mention inhabituelle oblige le preneur à accueillir les religieux, donner gîte et couvert quand ils viendront percevoir leurs cens et droits seigneuriaux. Quatre ans plus tard, foy et hommage est rendu à Alexandre de Balsac. Le texte est identique pour le contenu à celui de 1670, y compris pour les noms " des hommes vivants et mourants " (2).

Cependant la condition des fermiers s'aggrave de manière très nette à partir de la fin du XVIIe siècle. On assiste à une forte augmentation des loyers, celui du Mesnil Forget est doublé au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle. La veuve Bassonnet ne peut plus faire face aux charges importantes. Seule, elle doit faire appel à une main d'œuvre nombreuse composée de charretiers et brassiers ou de journaliers agricoles qui habitent au bourg. La condition de la fermière du Mesnil Forget devient précaire, les dettes s'accumulent . On sait que trois années successives 1704-1705-1706 ont vu la canicule, ces trois coups de grosse chaleur ont provoqué une baisse de la nappe phréatique, des eaux pourris dans les marres. Des infections comme la dysenterie arrivèrent en région parisienne. De plus, les récoltes de l'année 1708 ont été médiocres. Le père Lanon, l'un des Célestins rencontre Louise Hanel, lesquelles parties font l'accord suivant :
- le bail à ferme passé en 1702, demeure nul et résolu pour le temps qui reste à expirer,
- les religieux disposent dès à présent de la ferme du Mesnil Fugere,
- pour leur deubs, les religieux prennent tous les biens de l
a veuve de présent en ladite ferme comme chevaux, trouppeau, harnais, labours, grains, couppes de bois dont ils feront une estimation pour régler les deubs des baux dont celui de 1690.

 

 

Nicolas Finet l'ancien, fermier au Mesnil Forget

Après l'expulsion de la veuve Bassonnet et le terrible hiver 1709, un nouveau fermier arrive au Mesnil Forget le 3 mars 1709. C'est Nicolas Finet qui signe un bail à loyer pour 10 ans moyennant 500 livres . La description des lieux est inchangée, il s'agit de la ferme avec 120 arpents de terre en trois pièces, 95 arpents de bois et quelques petites pièces de terre. Le 10 décembre 1718, les religieux capitulairement assemblés baillent pour douze années à Nicolas Finet, laboureur demeurant en la ferme du Mesnil Fruger, ladite ferme, moyennant 560 livres .

Les années passent avec leur lot de difficultés et trois générations des Finet vont se suivre au Mesnil Forget. Le père Finet était veuf de Denise Brüet depuis mai 1731 et avait épousé Jeanne Catherine Brûlé en secondes noces. Le jour de la saint Matin d'hiver 1731, après en avoir décidé en assemblée capitulaire, le prieur, le sous-prieur, le procureur, le dépositaire, et 13 religieux "ont vollontairement" baillé pour neuf ans à Nicolas Finet, laboureur demeurant en ladite ferme, c'est àsavoir:
- plusieurs bastimens , grange, écurie, bergerie & étable,
- toit à porc, poulailler, hangard ,
- cour close, puis, jardin, grande marre servant d'abreuvoir,
- 44 arpents de terres labourables, et 79 autres arpents en 4 pièces.

Outre les con
ditions habituelles, très détaillées, suivent des articles peu communs et notamment «  de recevoir et nourrir et loger ceux desdits religieux qui se porteront dans ladite ferme le premier lundy après les rois pour faire recette de leurs cens et autres droits seigneuriaux, comme aussy de présenter aux dits sieurs religieux deux douzaines de gasteaux feuilletés faits à Montlhéry du prix de dix sols chacun le premier jour de l'an, ensemble six chappons gras de paille & une douzaine de bons poullets, de faire six journées de voitures & charrois avec les chevaux harnois et domestiques, en outre moyennant la somme de 460 livres , et en considération du présent bail de paier cent livres sans diminution des 460 livres dans un mois d'huy  ». On voit la dérive des religieux par l'accroissement des victuailles!

Six ans plus tard, le fils Finet, également prénommé Nicolas, âgé de 22 ans, se présente devant les " Révérends Religieux ", le prieur et le sous prieur, qui baillent à ferme et prix d'argent pour neuf années ladite ferme du Ménil Frugé. Le contrat de location donne la description classique avec cour close, grande marre servant d'abreuvoir, la coupe des bois selon plan. L'article du loyer comporte la même clause de " nourrir le religieux qui viendra après les rois pour faire les recettes ", de fournir " deux douzaines de gâteaux feuilletés faits à Montlhéry du prix de dix sols le jour de l'an, six chappons gras de paille et une douzaine de bons poulets en outre moyennant 700 livres " (3). Cette fois il n'est plus question de " charrois ", mais la somme en numéraire est fortement augmentée ; avec les avantages en nature on peut estimer le loyer à 714 livres au total.

Il est significatif que le loyer du Mesnil Forget augmente plus vite que le coût des denrées agricoles comme il est montré sur le graphite qui présente l'évolution du prix du setier de froment sur le marché de Montlhéry sur la période 1582-1791.

Un journalier travaillant à la ferme n'est employé qu'une partie de l'année, pendant la fauchaison, la moisson et les vendanges, il gagne d'assez bonnes journées ; mais il n'en est pas de même le reste de l'année de telle sorte que l'on compte 200 jours travaillés payés 9 sols par jour. C'est beaucoup, car il est certain, qu'excepté le temps de la moisson et des vendanges, la plupart des manœuvriers ne gagnent pas plus de huit sols par jour. Mais passons un salaire annuel de 90 livres «  desquelles il doit payer la capitation égale au trentième de son gain, qui est trois livres, ce qui doublé fera 6 livres et pour le sel de quatre personnes dont je suppose sa famille composée, sur le pied de trente livres le minot, 8 livres 16 sols, ces deux sommes ensemble porteront celle de 14 livres 16 sols  ». Une famille composée de quatre personnes consomme dix setiers de blé pour leur nourriture (4). Ce blé, moitié froment, moitié seigle, viendra pour prix commun à 6 livres le setier. Le bilan du budget familial donne un solde de 15 livres 4 sols, sur quoi il faut que ce manouvrier paie le louage de sa maison. Que reste-t-il à ce malheureux ?

Le 26 juin 1740, c'est la fête au Mesnil Forget. Nicolas, fils mineur de Nicolas Finet l'ancien et de Denise Brüet, épouse Marguerite Mainfroy, fille mineure de Jean-Baptiste Mainfroy, meunier de Guillerville et de Marguerite Belond. On trouve dans ce mariage les alliances classiques entre les gens de la "classe des paysans aisés" comme les fermiers, meuniers et marchands de grains. N'oublions pas que la société du XVIIIe siècle est très hiérarchisée. Le fermier du Mesnil Forget reprend un bail à loyer de la ferme de 1742, mais le grand-père Finet est malade et meurt le 14 juin 1744 à l'âge de 79 ans. Le 30 avril 1746, le procureur des Célestins accepte la résiliation du bail de la ferme par Jeanne Bruslé, veuve de Nicolas Finet. C'est le fils aîné qui prend le relais.

Comme toutes les autres fermes, le Mesnil Forget vit au rythme des saisons, mais aussi au rythme des naissances, des mariages et des décès. En 1720, le fermier des Célestins était Nicolas Finet marié à Denise Brüet. Ils eurent une nombreuse descendance. D'abord Denis, puis Marie-Madeleine née en 1718. Le 19 octobre 1721, il baptise son fils Nicolas (le père du premier maire de Nozay). Un autre fils, François Alexis arrive le 24 mars 1727 dont le parrain fut François Le Blanc, vicaire de Nozay. Le 30 octobre 1729, c'est une fille, Geneviève, qui naît chez les Finet. La marraine est Elisabeth Finet, fille de Jacques Finet, maître charron à Montlhéry. On enterra le fils aîné, Jacques Finet, mort à l'âge de 23 ans, le samedi 3 juillet 1737. Son père Nicolas Finet déclara ne pas savoir écrire au moment de la signature sur le registre d'état civil.

 

Loyer de la ferme du Mesnil Forget (1582-1791) comparé au prix du setier de froment.

Marie-Madeleine, l'aînée des filles Finet, âgée de 23 ans, épouse le 10 août 1741 Denis Delahaye, âgé de 30 ans, charretier à la ferme du Mesnil-Forget. Le marié est originaire de Valgrand (Vert-le-Grand) et le témoin de la mariée est son frère Nicolas qui est fermier à Saint-Michel-sur-Orge. Les nouveaux époux restèrent à travailler au Mesnil-Forget où leur premier fils naîtra le 26 juillet 1742.

 

 

Le fief du Ménil Furger

Le XVIIIe siècle est aussi l'époque où les seigneurs tant laïcs qu'ecclésiastiques, pour défendre leurs intérêts, refont leurs "papiers terriers", comme on disait ; et les plans terriers associés qui nécessitent un bornage. C'est le temps de nombreux procès entre les détenteurs de fiefs. Les contentieux entre les bénédictins de Longpont, le seigneur de Villebouzin et les moines de Saint-Eloy sont mémorables.

Nous trouvons un document important daté du 8 septembre 1713. C'est la première déclaration faite au terrier des Célestins, à cause de leur fief, seigneurie du Mesnil Fruger, pour des héritages à La Ville-du-Bois. De nombreuses parcelles du terroir ont été incorporées au fief dit de Mesnil Fruger délimité, en 1782, par le terrier de Nozay-La Ville-du-Bois de la comtesse d'Esclignac. N'oublions pas que les Célestins étaient constitués en seigneurie ecclésiastique et avaient toutes les prérogatives féodales. Il s'agit encore une fois des terres cédées par le seigneur laïc de Marcoussis, Alexandre de Balsac d'Entragues, fils aîné de Léon de Balsac. À cause de ses gros besoins d'argent, le marquis d'Entragues vend des terres et inféode des fiefs à La Ville-du-Bois.

Le 3 avril 1723, un échange de droits est signé entre avec Saint-Eloy et les Célestins de Marcoussis. Il semble que les deux couvents mettent à jour leurs fiefs sur le terroir de La Ville-du-Bois. Une semaine plus tard, Jérôme Blondeau, notaire et arpenteur royal à Montlhéry est chargé de planter des bornes. Le bornage est effectué entre les bois de Saint-Eloy et le Ménil Forget ; les bornes portent le sigle "S" et le signe "+" sur le "S" (5).

Le 20 avril 1724, Jérome Blondeau, notaire résidant à Marcoussis, un religieux Célestin et Jean Manon, âgé de 21 ans, se rendent au devant de la grande et principale porte du château de Marcoussis, ont demandé le marquis Alexandre d'Entragues pour présenter la foy et hommage pour une pièce de bois dit Luisant proche le Ménil.

Les Célestins de Marcoussis font déclaration le 3 janvier 1756 «  à cause de leur fief du Ménil Fruger  ». Jean Cossonnet, vigneron de La Ville-du-Bois, tuteur des enfants de Jacques Cossonnet «  advoue tenir à titre de cens, une maison au village de La Ville-du-Bois, tenant au chemin qui va de La Ville-du-Bois à Villebouzin, et au chemin qui tend au Pavé royal  » (6).

En juillet 1762, nous trouvons le sieur Claude Enard, escuyer, fourrier des logis de la reine, demeurant à Montlhéry, qui «  advoue tenir des religieux Célestins, à cause de leur fief du Ménil Fruger, un demy arpent à La Ville-du-Bois, chantier de la sente de Beaulieu, anciennement dit la Grenouillère, tenant au chemin qui conduit de La Ville-du-Bois à Montlhéry, ce bien venant d'un héritier de Barbe de Maillé Desperières, Pierre Desmaillé, sieur Despérières, héritier de Jean-Baptiste Bodin, sieur Despérières , son oncle, au moyen du partage de demoiselle Clémence de Vigny, veuve dudit sieur Bodin  ».

Le fondé de procuration des Célestins passe de nouvelles déclarations du fief de Ménil Forget le 30 juin 1765, et en mai et juin 1772.

 

 

Nicolas Finet le jeune, fermier au Mesnil Forget

Agissant en son nom et se portant fort pour sa femme Marguerite Mainfroy, Nicolas Finet renouvelle le bail à loyer des Célestins en 1755. Le contrat de location précise que la ferme possède " une grande marre à abreuver ". Outre la partie payable en numéraire, les échéances du loyer comprennent encore les deux douzaines de gâteaux feuilletés faits à Montlhéry du prix de douze sols chacun, douze chapons gras et douze bons poulets.

En novembre 1760, à la requête des Célestins, le procureur de Nicolas Finet, fermier du Mesnil Fruger et celui des habitants de Nozay doivent régler un problème de pâture sur les terres labourables dépendant de la ferme du Ménil Fruger. À cette époque le droit de pacage ou vaine pâture , autrefois admis par la coutume, est remis en cause par les fermiers et les propriétaires terriers qui estimaient cesser les abus (7).

Le fermier du Mesnil Forget meurt le 2 janvier 1763, et inhumé dans le cimetière de Nozay le jour suivant. Il part dans la pleine force de l'âge à 40 ans laissant une nombreuse famille avec des enfants en bas âge. La ferme du Mesnil-Forget est alors reprise par sa veuve aidée de son fils aîné François. Dix ans plus tard, nous trouvons toujours Marguerite Mainfroy, veuve de Nicolas Finet, comme fermière au Ménil Forget à qui les religieux baillent la ferme à raison de 1.200 livres . Les moines exigent des pièces d'or et d'argent, refusant les billets.

Les difficultés de tous ordres s'accumulent et la fermière du Ménil doit faire face. François, l'aîné des garçons, est enterré le 8 mai 1772 à l'âge de 25 ans. A l'aube de la révolution, c'est le fils cadet, Jean-Nicolas qui reprend la ferme à l'âge de 29 ans. Il avait épousé Marie-Catherine Robin vers 1777 dont une branche de la famille habitait La Ville-du -Bois. Le 14 décembre 1785, Jean-Nicolas Finet signe un bail à loyer devant un notaire parisien pour neuf ans moyennant un loyer annuel de 1.600 livres . Le fermier du Ménil est très apprécié au village, il devient vite populaire et est nommé procureur de Nozay . Dès 1787, il devient membre de la municipalité de Nozay en tant que secrétaire-greffier. Puis Jean-Nicolas Finet qui passe pour un homme juste et bon est élu maire de Nozay en 1790. C'est le premier maire républicain.

Nous arrivons à la Révolution. Le 18 février 1791, Jean-Nicolas Finet baille la ferme des Célestins pour la dernière fois. Le loyer s'élève à 1.600 livres par an. Le preneur doit payer 16 sols de cens par arpent à la seigneurie de Nozay (8). Cette ferme est constituée de bâtiments servant à l'exploitation composés du logement du fermier, de deux granges, deux bergeries, une écurie, un hangar, toit à porc, poulailler, le tout couvert de tuiles en très bon état ; l'ensemble est clos de murs avec une entrée par porte charretière et contient un arpent. Un jardin également clos, planté en fruitiers, avec une mare servant d'abreuvoir et un puits contient 3 quartiers contigus aux bâtiments. Les terres labourables représentent 135 arpents, les prés 3 et les bois 70. L 'expert note également une mention (faite avant la vente comme Bien national) indiquant que «  200 chênes sont à couper par ce qu'il ne reste plus que les corps, les branches ont été coupées par le peuple  ».

 

 

Les ventes du Bien national

Par un décret du 2 novembre 1789, l'Assemblée constituante déclare que les biens du clergé sont " mis à la disposition de la Nation " comme «  biens nationaux de première origine  » (9). Quelques semaines plus tard, c'est la création de l'assignat gagé sur les biens nationaux. Un décret sur la liquidation de tous les biens nationaux confisqués au clergé est promulgué le 14 mai 1790. En tant que biens d'une communauté religieuse dissoute par la loi, le Ménil Forget est déclaré Bien national par le district de Versailles.

Nous allons voir que le Menil Forget sera vendu en plusieurs lots en séparant terres et bois. Aujourd'hui, nous parlons de vente " à la découpe ". Les propriétaires vont se succéder : un abbé, un agent d'affaire, un médecin, un curé dijonnais, un entrepreneur des Ponts et Chaussées (cf. la chronique " Les Dioudonnat ") et de nombreux cultivateurs de Nozay.

Un expert nommé par le district de Versailles arrive à Nozay pour faire l'estimation des biens du Ménil Fruger, il sépare les bois du bail de la ferme:
1°) les bâtiments servant à l'exploitation, en très bon état, entourant une grande cour avec entrée par porte charretière estimé 150 livres ,
2°) jardin à l'usage du fermier, entouré de murs et planté en fruitiers, une mare servant d'abreuvoir, près de laquelle est un puits, tenant aux murs de la ferme 40 livres ,
3°) 135 arpents en labour d'assez bonne qualité, revenu estimé à 1.627 livres ,
4°) 3 arpents de pré médiocre 120 livres ,
soient 1.937 livres , qui donn
ent en multipliant par 22 comme biens de première classe une valeur de 42.625 livres . Suit l'estimation des 70 arpents de bois pour 23.800 livres

La vente a lieu deux mois après. C'est l'abbé Guyot qui l'obtient pour 62.100 livres payable en 12 années. Un mois plus tard, un bail à loyer est passé par l'abbé Guyot au fermier Jean-Nicolas Finet. En 1792, le bureau d'enregistrement de Longjumeau reçoit du sieur Jean-Nicolas Finet laboureur demeurant en la ferme du Mesnil Forget la somme de 750 livres à valoir sur ce qu'il doit des fermages de la ferme du Mesnil Fruger appartenant aux ci-devant Célestins de Marcoussis et affermé le 14 décembre 1785 au prix de 1.650 livres par an. L'acte de vente mentionne le corps de ferme et des terres au sieur Guyot qui a du toucher le terme échu. Certains bois n'ont pas été vendus. Toute aussi cocasse, la mention du sieur Gambard, receveur du clergé. Le 14 novembre1792, nous avons un autre "à compte" de Finet de 450 livres .

 

 

Un reçu est délivré le 23 avril 1795 par Nicolas Finet, fermier, pour «  une ferme dépendant des cy-devants Célestins et vendüe au citoyen Guillot , la somme de 1.850 livres à valoir sur le fermage  ».

En avril 1795, le Mesnil Forget changea de mains. L'acquisition sous seing privé par Denis Frisbacq de Joseph Paul Guyot est déposée chez Lemoyne. Le mois suivant, nous trouvons l'acquisition par adjudication des criées du département de la Seine suivant le jugement du 4 prairial an 3, enregistré le 9 messidor, rendu sur poursuite requête et diligence de Denis Frisbacq, agent d'affaire demeurant à Paris rue Geoffroy Langevin, à Joseph Bressy. La ratification de l'adjudication par le tribunal du district de Versailles est acceptée sans opposition le 28 septembre 1795.

Puis en août de la même année , le bail est reconduit en ces termes «  moy, soussigné, Joseph Bressy, médecin à Arpajon, je continue le bail de la ferme du Ménil Fruger, passé entre Finet et Guiot, à la charge par ledit Finet de me donner annuellement pour prix du fermage soixante septiers de froment qu'il conduira à mon domicile à Arpajon. Le froment devra être récolté en la dite ferme et convenablement vanné et passé. Je me réserve les quinze arpents de friches qui servent de pâtures. Il fera le voiturage des matériaux nécessaires qu'exigeraient les réparations de ladite ferme  ». Il est clair qu'en ces temps de manipulations monétaires le nouveau propriétaire préfère être payé en nature. Par contre, la close de trois voitures de pierres n'aura pas lieu.

En 1796, un protocole d'accord est signé entre le citoyen Joseph Bressy, médecin demeurant à Arpajon et Jean Nicolas Finet, cultivateur et fermier demeurant en la ferme du Ménil Fruger « lesquels ont dit que ledit Finet tient à titre ferme bail passé à son proffit par ledit Joseph Paul Guyot lors propriétaire en 1792, ladite ferme du Ménil Forget et les bâtiments servant à son exploitation pour neuf années, moyennant 1.800 livres et cinq poulets de fermage annuel, et que du fait du nouvel achat par Bressy ce dernier pouvait donner congé au citoyen Finet selon l'usage  ». En annexe, Bressy continue le bail fait par Guiot moyennant 60 septiers de froment à conduire à Arpajon, acquitter les impôts.

 

 

Les ventes sous le Directoire et le Consulat

Nous arrivons à l'automne 1796 quand plusieurs ventes de terre ont lieu. Les acquéreurs sont tous des cultivateurs de Nozay, Marcoussis et La Ville-du-Bois. Le 4 décembre 1796, une vente est réalisée à Louis Rathuy de 2 arpents de terre en trois pièces moyennant 61 frs et un bail à rente de 1.232 frs de principal en numéraire métallique.

La même année, Jean-Baptiste Robin et Marie Marchedier sa femme, demeurant à La Ville-du-Bois, Henry Martion Piot, fils de ladite âgé de 19 ans, prennent à rente, de Joseph Bressy, médecin demeurant à Arpajon:
- tous les bâtiments composant la ferme du Ménil Forget consistant en maison logeable, grange, écurie bergerie, toit à porc, poulailler, hangar, puits, jardin et dépendances,
- une petite pièce servant de pâture, sise près le jardin de la ferme contenant 2.562 m2 ,
- 32.458 m2 ou 9 arpents et demi, de terres labourables attenant ladite ferme.
Lesquels appartien
nent au sieur Bressy, la prise à rente a été faite moyennant 500 frs de rente foncière de bail d'héritage correspondant à un principal de 10.000 frs, à payer en numéraire métallique or ou argent. Le bail donne la «  permission unique de démolition de la grange à bled et de la bergerie  ».

Quelque temps plus tard, ce sont 43 propriétaires qui détiennent ces biens et qui en juin 1820 ont des démêlées avec l'administration. L'abandon du Ménil Forget à la femme de Bressy est fait le 5 décembre 1800.

À la demande du préfet de Seine-&-Oise, un architecte de Versailles procède le 18 octobre 1802 à l'estimation d'une pièce de bois national . L'expert est accompagné du citoyen Boudier maire de ladite commune de Marcoussis «  nous sommes transporté au bois dit du Ménil Feugère, à Marcoussis, provenant des ci-devants Célestins de Marcoussis, lequel composé de différentes essences, divisé en neuf coupes, tenant au nord au chemin de Montsouris à Montlhéry, au midi aux bois du domaine de Marcoussis et d'un bout au citoyen Baigneux, le tout clos de fossés. La pièce contient 256.243 m2 ou 75 arpents à 18 pieds/perche. Le bois en très mauvais état, le tiers arraché et le sol très médiocre; vu son état la pièce est estimée à 675 frs de revenus donne un capital de 6.750 frs avec la règle habituelle représente un capital de 7.769 frs  ».

 

 

En février de l'année suivante, une adjudication du bois de 25 hectares par le préfet de Seine-&-Oise est obtenue par Dioudonnat en vertu de la loi du 5 brumaire an V. La vente sous le lot n°947 est déclarée manquante en 1862 et également depuis !!!

En février 1805, un acte de vente est signé chez un notaire arpajonnais. C'est Joseph Bressy, médecin demeurant à Paris rüe du Battoir, Saint-André-des-Arts, logé ce jour chez le sieur Robert, apothicaire à Arpajon, lequel a vendu à Jean-Charles Guénard, propriétaire à Arpajon, 854 m2 de terrain faisant partie de l'exploitation de la ferme du Ménil Forget, dans lequel il existe trois mares, et un petit terrain de 125 m2 . La vente faite moyennant 200 frs. Remise de la grosse en parchemin de la sentence d'adjudication du 4 prairial an III.

L'année suivante, Jean-Baptiste Denis Robin cultivateur domicilié à la ferme du Ménil Forget, Henri Martin Pyot, cultivateur, Jean-Baptiste Robin fils, demeurant tous audit lieu, rappellent la prise à rente de la ferme et le décès de Marchedier, la rente revenant à un curé dijonnais à cause de sa soeur divorcée de Bressy et décédée. Les débiteurs de ladite rente considérant qu'ils ont fait une mauvaise affaire proposent de rendre ladite prise à rente et se désistent au profit du curé Jean Charles Guénard à compter du 9 novembre 1806.

 

 

 

 

Démolition du Mesnil Forget

L'histoire du Mesnil Forget s'accélère quand un homme nommé Jean Dieudonnat , âgé de 42 ans, titré comme "entrepreneur de Ponts et Chaussées", habitant à Longjumeau, arrive à Marcoussis au commencement de la Révolution. C'est un " dépeceur de bâtiments " qui s'était emparé du monastère des Célestins, transformant tout ce qu'il achète en carrière de pierres (10).

En 1806, devant le notaire arpajonnais, Jean Charles Guénard vend au sieur Jean Dioudonnat tous les biens du Mesnil Forget, c'est-à-dire :
- le terrain sur lequel sont assis les bâtiments composant la ferme du Ménil Forget à Nozay,
- l'emplacement de la mare située près lesdits bâtiments, ensemble les peupliers et ormes plantés autour d'icelle,
- deux pieds de terrain tout du pourtour dudit bâtiment et de la mare,
- également 8.541 m2 de terrain en voie verte, faisant partie de ladite ferme prenant du chemin de Montlhéry, régnant le long des terres et du bois des Célestins, fossé entre d'eux, sur une longueur de 1.224 mètres avec trois mares, la première proche Mocquesouris.
- 1.025 m2 vendus récemment à Rathuys qu'il s'était adjugé sans droits et toutes les portions de terrains que les acquéreurs particuliers se sont emparés sans droit.

La présente vente fa
ite moyennant 700 frs. Ce qui semble ridicule vu les prix antérieurs. La récupération des pierres de vieux bâtiments doit être très lucrative !

En octobre 1808, Boudier, notaire, écrit au préfet de Seine-&-Oise réclamant ses honoraires pour l'estimation du bois faite en l'an XI. On apprend ainsi que le bois a été vendu en deux lots l'un à Dioudonnat, l'autre à Marquet. La même année fut dressé le cadastre de la commune de Nozay, dit «  cadastre napoléonien  ». Le plan d'assemblage mentionne " Ruines du Ménil Forget ", une mare est accolée à ces dernières et trois autres aux environs. Une quatrième mare existe à Mocquesouris.

En août1809, Jean Dieudonnat vend à Jean-Baptiste Trouillet, cultivateur de La Ville du Bois, le terrain sur lequel étaient les bâtiments composant la cy-devant la ferme du Mesnil Fruger , avec l'emplacement de la cour, de la marre étant à côté, les surplus ormes et arbres fruitiers étant autour desdits emplacements et une petite place vague étant face à la porte d'icelle ferme avec deux pieds au pourtour des murailles le tout pour 5.100 m2 . Suit l'origine de propriété jusqu'aux Célestins, la vente est faite moyennant 700 francs. Il est clair que Dieudonnat a récupéré et revendu les pierres de la ferme entre 1806 et 1809.

 

 

Le Mesnil Forget au XIXe siècle

Le 16 juin 1820, François Cossonnet, demeurant à Nozay, écrit une lettre au préfet de Seine-&-Oise. Six cultivateurs dont ledit Cossonnet exposent qu'ils sont avec environ 43 autres personnes propriétaires divis de la ferme du Ménil Forget. Suit l'historique depuis la fin des Célestins, l'adjudication à l'abbé Guyot, la revente à Denis Frisbach, puis à Bressy qui a vendu à rente foncière à 45 ou 50 particuliers. Toute cette description en raison d'une demande de l'enregistrement pour payer 1.721 frs dus par Guyot.

En 1822, la matrice cadastrale de Nozay mentionne Jean Dieudonnat, bourgeois, avec les parcelles E234 235 qui sont les bâtiments des Célestins. La même année, Auguste Macé de Bagneux détient les parcelles C 425-428-429, mais pas la ferme.

Jean Dioudonnat décède le 30 novembre 1823. La succession se passe avec des héritiers cultivateurs en Haute-Loire, cousins, petits-cousins, oncle maternel, également oncle paternel. Trois mois plus tard, un inventaire après décès de Jean Dioudonnat est effectué de-cujus par un notaire de Villeneuve-Saint-Georges (11).

Les ventes au Ménil Forget continuent sous la Restauration. Le 2 octobre 1824, un procès-verbal d'adjudication au greffe du tribunal de la Seine nous apprend que 30 hectares environ sont pris par Mr Macé de Bagneux pour 25.500 frs. L'année suivante, l' adjudication définitive du Ménil par le tribunal de la succession de Jean Dioudonnat est laissée à Mr Macé de Baigneux. Ce sont 13 hectares sur Marcoussis acquis pour 12.750 frs, par l'intermédiaire d'un avoué. En septembre, la quittance des 25.500 frs formant le prix de la portion sur Nozay est communiquée par le notaire parisien. Cette quittance explique que le jugement du 2 octobre 1824 a été transmis au bureau des hypothèques de Rambouillet.

Puis, sur le cadastre de Nozay nous pouvons suivre différents propriétaires. De 1832 à 1842, Mr Montgobert détient les parcelles D234 235 pour sol de bâtiment au Mesnil Forget. Charles Montgobert est propriétaire jusqu'en 1855. En 1871, dans le partage des héritiers de Lamyre, on note le Ménil Forget pour la parcelle D285bis. Le 16 novembre 1890, le procureur de Jacques Lalin-Chomel, avocat à la cour d'appel, vend aux enchères quatre hectares au lieudit le Ménil Forget.

À la fin du XIXe siècle, le Mesnil Forget a été reconstruit. Il appartint à la famille Rathuy dont l'héritière en fait don à la commune (cf. " Legs Rathuy " ). Un bail est passé le 14 juin 1913 par Gaston Ratel, maire de Nozay, au carrier Etienne Louis Debré pour une maison au Mesnil Forget contenant trois pièces, cave, deux écuries, jardin enclos, grange. Le loyer qui s'élevait à 265 frs était payable au percepteur de Palaiseau. Cette construction faite sur un lieu différent de l'ancienne ferme.

 

 

Notes

(1) L'Ordonnance des Eaux et Forêts du 13 août 1669, proposés sous l'autorité de Colbert, réglemente pour la première fois la gestion des espaces forestiers français et prévoit la limitation du droit d'usage et met en place une nouvelle réglementation d'exploitation. Dorénavant les coupes de bois sont contrôlées par les officiers de la Maîtrise.

(2) «  Toutesfois & quantes que le fief est ouvert par mutation venue du costé du vassal, le nouveau vassal doit aller dedans les quarante iours de l'ouverture vers son seigneur feudal, pour luy faire & porter les foy & hommage, & luy payer profit s'il en doit, & pour ce faire se transporter au lieu du fief dominant, & dont despend ledit fief: appeler & semondre son seigneur pour le recevoir: & s'il y est, luy faire l'hommage, & en son absence le faire sur ledict lieu à celuy (si aucun se trouve) qui ayt pouvoir de le recevoir, sinon en la présence du procureur, & receveur ou fermier dudict lieu, si aucuns se trouvent: & en l'absence de tous, en la présence d'un notaire, & de deux tesmoins. Et de l'acte qui sera pour ce fait en laisser coppie deuëment expédiée audict seigneur son procureur, receveur, mestayer, ou fermier, ou au prochain voisin, en l'absence de l'un de l'autre successivement  ».

(3) À partir du XVIIIe siècle, les redevances en chapons et poulardes se multiplient et, figurent sur tous les baux, ce qui prouve que l'engraissement de la volaille s'était généralisé. Dans un inventaire après décès de février 1762, 200 pièces de volailles, comme poules, poulets, dindes, chapons, oies et canards, sont prisées pour 150 livres . Un chapon était payé 3 frs en 1789 qui représente jusqu'à 4 fois le salaire journalier d'un travailleur agricole.

(4) Chaque journalier de Nozay cultivait un jardin ou un lopin près du bourg. Quelques perches de terre où poussent les légumes. Il n'est pas question d'acheter pour la subsistance, ne serait-ce qu'un poulet qui coûte 10 sols sur le marché de Montlhéry en 1735. Nous sommes bien loin de la poule au pot dominicale promise par le " bon roi Henri IV ".

(5) Des bornes de ce type existent encore qui limitent les communes de Nozay et La Ville-du-Bois.

(6) Le " Pavé royal " est la route royale de Paris à Toulouse, actuelle RN20.

(7) Ce droit de vaine pâture sera l'objet d'un conflit entre les communes de Nozay et La Ville-du-Bois au moment de la mise en place de l'administration communale. Les bouchers et éleveurs de La Ville-du-Bois prétendaient continuer à utiliser le territoire de Nozay comme au temps où les deux villages ne formaient qu'une seule paroisse.

(8) Bien que la féodalité et tous les droits seigneuriaux aient été abolis le 4 août 1789, nous sommes encore dans une époque intermédiaire incertaine. L'Ancien régime cessera définitivement le 21 septembre 1792 à la proclamation de la République.

(9) La vente des Biens nationaux représente certainement l'un des événements les plus importants de la Révolution française. Toutefois, les propriétés de l'Eglise et celle qui fut aliénée aux dépens des émigrés étaient moins importantes qu'on ne le pensait généralement, près de 10% du territoire national. L'idée généreuse, qui devait profiter à la paysannerie, fut emportée par la bourgeoisie.

(10) Le démolisseur de Marcoussis ne fut malheureusement pas le seul en France. De ce point de vue, l'une des plus grandes catastrophes architecturales fut, sans doute, la démolition de l'abbaye de Cluny.

(11) «  De cujus successione agitur  » comme on le trouve plus fréquemment dans les anciennes coutumes, sert à désigner celui dont il s'agit de régler la succession. Le notaire de Villeneuve-St-Georges est désigné car Dioudonnat avait acheté le château de Crosnes en 1809.

 

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