L'abbaye Notre-Dame du Val de Gif (4) (1460-1522) |
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Chronique du Vieux Marcoussy --Marcoussis--------------- _----------------------------_--Novembre 2012 Attention ce site change d'hébergeur à l'adresse http://julienchristian.perso.sfr.fr L'abbaye bénédictine N.-D. du Val de Gif (dessin de L. Morize, 1871).C. Julien JP Dagnot
Cette chronique est le quatrième volet de l'histoire de l'abbaye de Notre-Dame du Val de Gif. Nous étions arrivé, en 1460, à la fin de la prélature de Jeanne de Rauville. Les comptes-rendus des visites archidiaconales de Josas nous permettent de connaître l'état de l'abbaye à la fin de la guerre de Cent ans (1). Continuons cette histoire au moment de l'arrivée d'une nouvelle Mère supérieure sur le siège abbatial de Gif. C'est à cette époque, nous dit l'abbé Alliot, qu'il faut rapporter ce que dit un vieux mémoire, dont les termes manquent de précision quant aux dates, mais non de vérité : « La dite abbaye a été longtemps en ruine, sans édifices, sans église, et sans religieuses. Ses titres pendant ce temps-là ont été perdus, dérobés et brûlés ». Pour reconstituer, les papiers terriers, l'abbesse ou son procureur organisait de assemblées d'une quarantaine de paysans devant un commis du tabellion royal, tantôt au bourg de Gif, tantôt à l'abbaye même, « opérations délicates afin de fixer par les tesmoings les limites des terres ».
L'abbatiat de Marguerite d'Orouër Marguerite d'Orouër succéda à Jeanne de Rauville et prit ses fonctions à la fin de l'année 1460, suite à la résignation de Jeanne de Rauville devenue abbesse d'Yerres. Le secrétaire de l'archidiacre écrivit son nom sous diverses formes : Margarete Dorrene , Margarete Daurouer , Margareta d'Orouer . L'abbé Alliot fait un portrait peu flatteur : « elle était taciturne, rusée, sournoise, ce qui ne l'empêchait pas d'être audacieuse, vaniteuse et de s'emporter parfois jusqu'à la violence... ». L'éminent historien suggère que cette religieuse était native de Champagne ou de Brie et qu'elle fut envoyée par les dames abbesse et religieuses d'Yerres, selon la règle établie dans la bulle d'Alexandre III. Il semble que la jeune abbesse ne fut ni confirmée, ni bénie par la Curie parisienne car, lors de sa visite du 24 juin 1461, Jean Mouchard, curé de Bagneux et vicaire de l'archidiacre de Josas, fut très étonné de la trouver à l'abbaye de Gif. Mouchard commença par lui nier son titre d'abbesse « Dominus negavit esse abbatissam » . Celle-ci lui affirma qu'elle était régulièrement pourvue de sa charge. Le ton monta entre l'abbesse et le vicaire qui avait la prétention de tout commander. Malgré les dires de la Mère abbesse, il saisit les revenus de l'abbaye et lui défendit de les toucher et furent mis dans les mains de l'archidiacre de Josas « Dominus posuit fructus ecclesie in manibus domini archidiaconi… ». Consentant néanmoins à la considérer comme une administratrice temporaire, il la somma de se procurer un vase pour conserver le saint Sacrement, qui, au mépris de ses précédentes ordonnances, n'était pas encore replacé dans la chapelle. « Cette première entrevue du visiteur et de la nouvelle abbesse ne présageait rien de bon pour l'avenir », nous dit l'abbé Alliot. Lors de la visite du mois de juin 1462, craignant de nouveaux esclandres, le vicaire prit le soin d'être accompagné par plusieurs curés du voisinage. Il semble reconnaître l'abbesse en la qualifiant de dame « Domina ». Toutefois, les relations ne s'améliorent pas puisque, Mouchard ne parle qu'à la seule religieuse sœur Léone, l'abbesse étant absente. Il convoque cette dernière à comparaître devant le tribunal ecclésiastique, le mardi suivant la fête de la Trinité jugeant que l'église tombe d'elle-même et menace fortement de ruine « ecclesia eadit per unum cugnium fortiter ad ruinam ». Une bataille féroce s'ouvrait entre le pouvoir régulier et le pouvoir séculier en la personne du vicaire Jean Mouchard qui oubliait, sans doute, qu'un abbé ou une abbesse avait rang d'évêque. Beaucoup plus tard, l'action de Marguerite d'Orouër fut jugée sévèrement : un mémoire parle « d'une incapacité notoire et criminelle, d'un petit gouvernement ». À la décharge de l'abbesse de Gif, il faut dire qu'elle eut fort à faire avec les religieuses d'Yerres qui prétendaient mettre la main sur Gif et firent de nombreux procès dans le but d'un accaparement total, s'ajoutant aux menaces du visiteur de l'archidiacre de Josas. La première attaque fut pour le domaine d'Invilliers qui avait été donné par Louis VI le Gros aux dames d'Yerres, lesquelles en avaient doté Gif en guise d'aumône. Le sujet de la chicane n'avait pas changé, la prérogative de la nomination de l'abbesse. La visite archidiaconale de juillet 1463 montre les rapports exécrables de l'abbaye de Gif avec la Curie parisienne. Jean Mouchard parait à son ordinaire, entouré d'un nombreux personnel ; après avoir visité l'église paroissiale, il rameute plusieurs habitants de Gif, non mécontents de traverser la vallée pour se rendre à l'abbaye. Cette fois l'abbesse le reçoit seule. Aussitôt la discussion, accompagnée de paroles aigres, commence, tant au sujet des biens du couvent que de l'église, des réparations ordonnées, des injonctions, des prescriptions faites les années précédentes. Devant ces multiples demandes auxquelles se mêlent quelques reproches, Marguerite d'Orouër se redresse avec arrogance et orgueil, elle répond insolemment au visiteur, que « si elle a trouvé bon de faire quelques réparations, ce n'est pas en vertu de ses ordres, mais de sa volonté propre; qu'il n'est ni son supérieur, ni son juge ». Celui-ci, un peu surpris de cette audace et de cette impertinence, justement offensé de ce manque d'humilité et d'obéissance, admoneste son interlocutrice, la somme d'obéir et de se soumettre, et lui fait jusqu'à quatre monitions, dont elle se rit en l'injuriant. Une sentence d'excommunication fulminée sur le champ contre la malheureuse révoltée est prononcée ; ce châtiment irrite davantage la mère supérieure qui perd toute mesure. « Elle interjette appel ; mais s'embrouillant dans les prescriptions juridiques qu'elle ignore, elle ne sait à qui adresser son appel, et le visiteur lui déclare gravement qu'il n'est pas recevable. Alors sa furie redouble et la jette dans une violente crise de nerfs, complément assez ordinaire des discussions chez les femmes », nous dit, sans ironie, l'abbé Alliot. Finalement, conseillée par le curé de Gif, l'abbesse demande pardon au visiteur, à genoux devant lui, et lui promet d'obéir. Jean Mouchard revient à l'abbaye de Gif le mercredi 13 août 1466. Le rapport de visite tient en une ligne « visitavimus abbaciam de Giffo, domina Margareta Daurouer abbatissa, ae quadam sorore Leona nuncupata », nous visitâmes l'abbaye de Gif où dame Marguerite d'Orouër est abbesse avec une sœur nommée Léone. Bien que les relations du vicaire et de l'abbesse soient plutôt fraîches, il semble que le prélat fut logé à l'abbaye puisqu'il visita, tôt le lendemain matin, la paroisse Saint-Rémy de Gif. Lors de la visite du le 20 novembre 1467, bien qu'étant très critique, le vicaire a une entrevue apaisée avec l'abbesse. Voici le compte-rendu : « Nous fîmes la visite de l'abbaye de Gif, de l'ordre de Saint Benoît dont nous avons la procuration. L'abbesse Mère Margarete demeure en ce lieu. Nul n'a été puni par l'abbesse. L'église est occupée par du foin, de la paille et plein d'autres marchandises. Il n'y a aucun missel ni papiers. L'église a besoin de nombreuses réparations. Le chapelain, nommé Dom Jean le Riverent, dessert cette église et réside dans cette abbaye. Il y a plusieurs fermes dans cette abbaye. Le procès-verbal a été fait en présence du curé de Chevreuse, du chapelain de Gif et dudit le Riverent ». On ne peut qu'être surpris par le ton de ce texte où aucune ordonnance contre l'abbesse n'est prononcée par le vicaire. Sans doute celui-ci avait reçu l'ordre de temporiser. Deux ans plus tard, le mercredi 7 septembre 1469, le vicaire de l'archidiacre fait la visite de l'abbaye de Gif où l'évêque de Paris a la procuration. Seule l'abbesse Marguerite est présente sans aucune sœur. Le chapelain desservant fait le service divin avec l'abbesse. Il n'y a ni Saint Sacrement, ni hosties, et l'église est négligée en de multiples endroits et le bâtiment requiert des réparations. L'acte de la visite est fait en présence de ladite abbesse, du chapelain de Gif et de plusieurs autres. Lors de la visite suivante, le jeudi 23 novembre 1470, Louis Penyo, scribe du vicaire, écrivit : « Nous visitâmes l'abbaye de Gif , où nous avons la procuration. L'abbesse, dame Marguerite d'Orouër, de l'ordre de Saint-Benoît, réside en ce lieu. Nous n'avons trouvé ni religieuse ni chapelain. Par notre ordonnance, l'abbesse est priée d'effectuer les réparations du petit autel de cette église où est place le Saint Sacrement. L'église nécessite de grandes et importantes réparations. L'acte de la visite est fait en présence de ladite abbesse, du chapelain de Chevreuse, de Jean Roze et Marcel Chatené, du curé de Bures qui est promu et ordonné diacre ». Le procès-verbal de la visite archidiaconale de Josas du 3 août 1470 est faite en l'absence de la mère supérieure : « Nous nous sommes transportés à l'abbaye de Gif où l'abbesse Marguerite d'Orouër est absente. La religieuse Jeanne de Tuillières est présente. Le Saint Sacrement n'existe pas dans l'église. Nous avons visité l'ancien dortoir des moniales converti en chambre pour les domestiques. Nous y avons vu quatre lits occupés par des hommes qui s'y reposaient à leur aise sans qu'il y ait de séparation. L'abbaye nécessite de nombreuses réparations et il est ordonné de faire, avant le temps d'un an, des cloisons dans le dortoir de ce lieu, sous peine d'amende ». Marguerite d'Orouër était réputée pour être une « femme de tête ». Elle avait la protection du roi Louis XI qui lui accordait son soutien contre le curé de Clamart avec lequel elle était en conflit. Elle gagna un important procès au Châtelet engagé contre le curé de Châtillon. Les rapports de visites de l'archidiacre reflètent le désordre et le relâchement de la règle dans l'abbaye de Gif. À partir de 1472, sous l'influence du nouvel évêque de Paris, Louis de Beaumont, l'abbaye de Gif remonta peu à peu le courant ; ses bâtiments furent réparés, son église nettoyée servit exclusivement aux exercices du culte, et en quelques mois, cinq ou six religieuses vinrent habiter son cloître. Au commencement de l'année 1476, Marguerite d'Orouër alla déposer sa crosse entre les mains de l'évêque de Paris, le priant de la relever de ses fonctions à cause de sa vieillesse et ses infimités. Une page était tournée, Jeanne de Sully reçut, le 13 février 1476, ses lettres de provision d'abbesse de Gif.
Porte d'entrée de l'abbaye (dessin L. Morize, 1871)
La vente d'Invilliers Toutefois la gestion de Marguerite d'Ozouër fut désastreuse : elle aliéna la majeure partie du domaine du couvent, dont le fief d'Invilliers, paroisse de Briis, à un dénommé Mahiet Giroust, marchand, demeurant au Déluge. Le domaine d'Invilliers, dot du monastère au XIIe siècle, avait été agrandi et amélioré pendant trois siècles, en 1436, il comprenait 374 arpents de terre avec censives et droits seigneuriaux. L'acte est rédigé par Pierre Quatrelivres et Pierre Jacquet, notaires jurés du roy en son Châtelet de Paris: l'abbesse de l'église et abbaye de notre dame de Gif et soeur Jeanne Delabarre religieuse de ladite église, représentant à présent la totalité dicelle abbaye (conséquence de la guerre de Cent ans), au nom de l'abbaye, d'une part, et Mahieu Giroust, marchand demeurant au Déluge près Marcoussis, pour lui en son nom d'autre part. Les dites religieuses disant que à cause de la fondation et dotation de leur abbaye, leur appartient ung manoir ou soulloit avoir hostel, cour granche estable et autres édifices jardins et lieux assis au lieudit Invilliers en la paroisse de Bris, auquel hostel appartiennent plusieurs terres prés aulnoys contenant en tout 374 arpens audit lieu de Ynvillier alentour dudit manoir. Ces biens sont mouvants de l'abbaye à une seule foy et hommage. « Lesquels hostel ou manoir granche et autres édifices sont de longtemps eschus et démolis par la fortune des guerres et périssements qui ont esté en ce royaume et venus en masures, pleines de buissons et d'arbres , lesdites terres prés aussi venus en désert hayes arbres et buissons. Lesdits héritages sont en non valeur, et de nul proffit pour les religieuses qui n'ont de quoy faire réédifier ledit hostel de Invillier et déffricher lesdits héritages et les faire valoir. Elles y sont tenues par devant l'évesque de Paris, leur souverain, qui consent qu'elles baillassent à rente annuelle et perpétuelle à toujours, lesdits héritages audit Mahieu Giroust qui est homme puissant pour les remettre en estat, au moins solvable pour bien paier la rente à quoy elles lui seroit baillé, lequel monseigneur l'evesque après qu'il a esté informé par des officiers qui ont visité lesdits lieux, les parties font le bail sans aucune charge!!! sinon des droits féodaux oultre quatre livres parisis de rente non rachetable ». On juge aisément la disproportion de la transaction. Bien que l'on parle de bail, de rente annuelle, d'accensement, il s'est agit d'une vente réelle que les religieuses ne réussirent jamais à annuler. Tous les vices de l'acte du contrat de vente de 1463 furent dénoncés par les sœurs après la mort de l'abbesse. Un mémoire divisé en huit articles fut écrit seulement en l'an 1503, pour argumenter la nullité del'acte : Le procès en rescision dura près de quarante-cinq ans. On apprend que : « Ladite abbaye a été longtemps en ruine, sans édifices, sans église et sans religieuses, et que les titres de l'abbaye pendant le tems ont été perdus dérobés et brulés et son revenu vendu et aliéné ». D'autres procès suivront pour « devoirs d'hommaige non faicts » (cf. la chronique " Le fief d'Invilliers "). Encouragée par l'impunité, et le silence de l'official de la Curie parisienne, Marguerite d'Orouër continua de vendre les biens de l'abbaye de Gif. Après Invilliers, ce fut le fief du Cormier, situé à Limours, au profit de Charles de Carnazet, seigneur de Courcelles, puis les fermes de Gousson (à Gif) et de La Noue (aux Molières). En mai 1471, la ferme de Saint-Aubin fut amodiée à un laboureur nommé Gassot Roze qui signa un bail emphytéotique de « quatre vingt dix neuf ans, finiz, accompliz et résoluz » qui, en fait, dura 107 ans. À ce propos, devant le tabellion de Châteaufort, l'abbesse fit un faux en écriture prétendant que la prieure et le reste du couvent avaient pris part à la décision « sur ce bien conseillés et advisés y de leur profit faire, et dommaige eschever, et par l'opinion, conseil et consentement de leur procureur et officiers ». Seuls le moulin de l'Abbaye et l'enclos du couvent restèrent la propriété du monastère. Dans un procès devant le Parlement de Paris, l'abbesse attaqua les Hospitaliers de Saclay qui n'avaient pas respecté la transaction de 1456, lesquels, effrayés par la sentence des juges, soldèrent l'annuité de l'an 1467, seulement. Parmi les pièces produite au procès est « ung vidimus passé audit Chastelet de Paris l'an 1467, le 24 novembre de certaine lettre et brevet du Roy Louys datté de l'an mil cent trente huict, par lequel seigneur avoit admorty tous les revenus transportéz se ladite abbaye et église de Gif ».
La chicane avec les frères de l'Hôpital Le contentieux avec les éternels contradicteurs de l'abbaye, les frères Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, n'a jamais été éteint. Étant toujours débiteurs pour leur prieuré de l'Hôpital de Saclay ; les mauvais payeurs durent faire face à l'opiniâtre et coléreuse Marguerite d'Orouër, âpre en affaire quand on parle d'argent. La précédente mère supérieure, Jeanne de Rauville avait fait la paix, en 1456, avec le frère Renaud Gorre, commandeur de l'Hôpital Saint-Jean de Jérusalem qui avait accepté de payer 9 lt. pour les arriérés des dîmes et redevances seigneuriales, y compris les frais de procès avec une réduction de 11 à 9 setiers de grains de la rente annuelle. Une seule année fut payée, celle de 1456. Dès son arrivée, Marguerite d'Orouër somme les frères d'acquitter leur dette. Peine perdue. L'abbé Alliot fit ce commentaire : « les chevaliers Hospitaliers sont de la race de ces débiteurs qui aiment mieux devoir toute leur vie que de renier leurs dettes, et ne les acquittent jamais ». L'abbesse s'adresse aux juges pour « recouvrer son argent » et obtient une sentence du parlement de Paris en sa faveur. Nullement effrayés, le Hospitaliers ne payent qu'une année. C'est alors que la dame abbesse emploie les grands moyens en se déplaçant elle-même à Paris, accompagnée de deux notaires et d'Étienne de Toussy son procureur, pour rencontrer le commandeur de l'Hôpital Saint-Jean. Devant les deux notaires médusés, l'abbesse et son procureur se déchaînent contre frère Robert Sergent et frère Jean de Chevreuse, procureur de l'établissement. On menace, on crie, on fulmine, on s'injurie. Le déluge de paroles n'y fait rien ; la volcanique Marguerite d'Orouër n'obtient qu'un acte certifiant sa visite.
Commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem à Paris (plan de Turgot).
L'abbatiat de Jeanne de Sully Sous le pontificat de Louis de Beaumont, évêque de Paris de 1472 à 1492, l 'abbaye de Gif remonta peu à peu le courant ; les bâtiments furent réparés, l'église nettoyée servit exclusivement aux exercices du culte, et en quelques mois, cinq ou six religieuses vinrent habiter son cloître. Un conflit s'ouvrit entre les moniales et la mère supérieure qui, ne contrôlant plus le cloître, donna sa démission au début de l'année 1476. Par un acte du 13 février l'évêque de Paris nommait Jeanne de Sully, religieuse professe de Gif. Encore une fois, les religieuses d'Yerres s'opposèrent à la nomination et portèrent réclamation devant les juges. Par exploit du 14 avril 1477, assignation est donnée à l'abbesse de Gif, d'avoir à comparaître aux requestes du palais à Paris, pour répondre à la plainte portée contre elle, en saisine et nouvelleté , par les sœurs d'Yerres. Ce fut vain car Jeanne de Sully, faisant partie de la maison, répondait à la clause de la bulle d'Alexandre III. Quand Jeanne de Sully disparut au cours de l'année 1479, le cloître Notre-Dame du Val de Gif accueillait quinze religieuses. À cette époque, la charge de prieure prit de l'ampleur, son rôle extérieur se montre plus important pour les affaires de l'abbaye. Marguerite du Pré occupa ce poste en 1480. La période 1479-1483 fut une fois de plus troublée par la succession rapide des abbesses à Gif. Après Jeanne de Sully, nous voyons apparaître Jeanne de la Roue qui cède rapidement la crosse à Marguerite d'Orouër, soutenue par l'évêque, abbesse pour la seconde fois. Après deux ans, les moniales se révoltent et font revenir Jeanne de La Roue réinstallée à Gif par les lettres de la chancellerie épiscopale du 2 janvier 1482.
Les abbesses au début du XVIe siècle La confusion dans l'exercice du pouvoir abbatial à Gif prit fin avec l'application du Concordat de Bologne conclus entre le pape Léon X et le roi François 1er. Au commencement du XVIe siècle, les sœurs de Forges, Hélye et Florence portèrent la crosse de Gif. L'abbé Alliot les caractérise comme « créatures de Marguerite d'Orouër, dont elles suivirent toujours les inspirations, elle continuèrent à Gif, pendant vingt ans, les traditions de son néfaste gouvernement ». Hélye, l'aînée, fut abbesse de 1485 à 1491, secondée par la prieure Marie de Saint-Hirier. La gestion de la nouvelle abbesse fut chaotique. Par contrat du 10 octobre 1487, elle donna à bail emphytéotique, pour quatre vingt dix-neuf ans, la ferme de Gousson aux deux frères Richard et Nicolas Périer, demeurant à Palaiseau, moyennant une rente annuelle de 8 lt. avec cinq septiers de grain et deux chapons. Une mesure identique fut prise à l'égard de la ferme de la Noue, paroisse des Molières. Un bail emphytéotique fut donné à Robin Foucher. Le moulin de l'Abbaye, indispensable pour la nourriture des religieuses, fut mis dans les mains d'un certain Pierre Blavays. Tout y était en ruine et l'habitation du meunier n'existait même plus. Puis, un bail de trois ans, fut fait au profit de Robert Aillet, à la condition qu'il fasse bâtir pour le meunier « une maison en maçonnerie, garnie de planchers, de charpente et d'une couverture en bardeau ». Aillet était un meunier sérieux qui renouvela bail plusieurs fois avec les religieuses et demeura au moulin jusqu'en 1500. Hélye de Forges mourut le 24 janvier 1492 laissant la crosse abbatiale à sa sœur Florence de Forges fut mère supérieure jusqu'en 1503. Les hostilités reprirent avec l'abbaye de Yerres qui voulait disposer de la crosse de Gif pour la donner à la sœur trésorière Étiennette la Paguine, car « toute provision, et toute disposition du dit couvent regardent l'abbaye d'Hierres, comme étant le dit monastère de Gif, dudit Hierres ». Les lettres de recommandation de Jeanne Allegrin, abbesse de Yerres furent sans effets auprès des chanoines de Notre-Dame de Paris, en charge du diocèse pendant la vacance. La gestion de Florence de Forges fut aussi calamiteuse que celle de ses anciennes abbesses. La ferme de La Noue qui avait été baillée à Robin Foucher « pour trois vies d'homme », c'est-à-dire trois fois trente ans, fut l'objet d'un procès quand le fermier mourut en 1494. Ses trois fils, Alain, colin et Renaud et son gendre Michel Prévot réclamèrent leur droit. Un nouveau bail emphytéotique fut signé le 27 août 1495. Plusieurs vieux documents sont des baux passés sous l'abbatiat des sœurs de Forges. U ne lettre est passée soubz le scel de Gommetz le Chastel dit Saint-Clair, pardevant Noël Belot tabellion audit lieu contenant Rolan Huot marchand meusnier avoit pris à tiltre de moyson du jour de Pasques prochain jusques à trente neuf ans de dame Florence de Forges, sœur abbesse de ladite abbaye, ledit moullin et ses appartenances aussy ung quartier de terre au bout de la cour dudit moullin, lequels baillez le 28 mars 1500. Signé, Belot. D'autres papiers sont des baux faictz aux desnomméz en datte du 16 juin 1503, en 1488, signé Sue tabellion audit Gometz, le 30 juing 1491 signé Sevage commis du tabellion de Montlhéry, du 1er juillet 1492 signé dudit Sue et du 18 mars 1499 signé dudit Belot auxquels sont encore attachéz plusieurs aultres, sont iceux inventoriés. Un autre acte est un bail emphytéotique de la ferme de Gousson passé par le procureur du couvent. «Ung brevet en parchemin passé pardevant de Calair et Degiran, notaires au Chastelet de Paris, par lequel Rissan Pevrieu demeurant audit Gousson sur la montaigne, paroisse de Gif, avoit recognu que le neuvième jour octobre 1487, religieuse personne dame Hélie de Forges abbesse de ladite abbaye de Gif, luy avoit baille et à Collin son frère du jour Saint-Martin lors à quatre vingt dix neuf ans faisant un fief noble appelé le lieu de Gousson assis sur la montaigne au dessus ladite abbaye de Gif et toutes les appartenances, excepté les grands boys taillis, justice, dixmes grosses et menues que ladite dame abbesse … lesquels boys et taillis toutefois lesdits preneurs pourroient avoir leur usaige pour faire paistre leurs bestiaux et leur faire faire bastir sur le lieu , le tout moyennant deux sols parisis de chef cens, deux chappons, huict lièvres et quatre septiers de bled, ung septier d'avoyne ou septier d'orge selon qu'il est au plus aplain…Le dit fief appartient pour moitié à l'abbaye, laquelle moitié seroit vendue, céddée et transporté devant Labbé notaire acceptant à l'achapt d'acquérir ledit Rissan prendre la moitié desdites redevances moyennant 82 livres 15 deniers…Enfin duquel partaige est transcrit le bail emphytéose par ladicte dame Helye de Forges au sieurs Rissan et Collin Pevrieu pardevant Marin Blin notaire au Chastelet de Paris, l'an 1487 le dixième jour du moys d'octobre, et ensuite est encore escrit la ratification de sœur Marie de Saint-Sirieu religieuse et prieure de ladite abbaye du 6 mars 1488.
Une autre pièce attachée à la liasse de Gousson est le transport du bail à rente par ledit Le Sayne pardevant Petit commis audit Chasteaufort en datte du 1er décembre 1523. La dixième est encore ung transport par ledit Le Sayne desdits héritaiges cy dessus du pénultième jour d'octobre 1511. La onzième est une quittance en parchemin faict de la part desdites religieuses et couvent de Gif audict Labbé pour payement des redevances à elles deubz à cause dudit Gousson.
L'abbatiat de Jeanne de Francières Quand Jeanne de Francières fut nommée abbesse de Gif, la dilapidation du temporel était générale, seul le moulin avait échappé. Au mois de mars 1515, le moulin était loué pour huit ans à Arnoul Ancemert. À cette époque, la Mère supérieure est secondée par son chapelain Pierre Mancillon et par Blaise le Vacher, le procureur du couvent « homme intelligent, actif et dévoué, qui entreprit beaucoup de courses pour les intérêts du couvent » dit l'abbé Alliot (2). L'abbesse de Gif met toute son énergie à reconstituer le temporel du couvent. Une lettre en parchemin passée soubz le scel dudit Chasteaufort pardevant Guillaume Petit commis de Jehan Ernault tabellion audit Chasteaufort par lesquelles appert que Auffoy et Mathurine sa femme avoit vendu à dame Jehanne de Francières, lors abbesse de ladite abbaye, troys quartiers de terre proche ladite abbaye au lieu-dit les Fonceaux, ledit contrat du 3 septembre 1510, signé Regnaut, auquel sont attachés six autres lettres en parchemin faisant mention et la propriété de lesdits troys quartiers de terre possedez auparavant par les propriétaires qui avoient esté d'iceux. Le procureur de l'abbaye est une homme énergique, passé pardevant Anthoine Cosset notaire à Chasteaufort, Maurice Constant, Mathurin Viebfert, Jacques Goubault avoient vendu audites dames religieuses abbesse acceptant pour elles Messire Blaize Vacher prebtre leur procureur, troys travées de maison avecq jardin assiz au lieu dit La Gombauderie près laditte abbaye, troys arpens troys quartiers troys perches et demy et quatre arpens et demy dix perches le tout dans la censive du seigneur des lieux. Ledit contract en datte du 26 décembre 1522, signe Cosset. Une autre pièce est un vidimé en parchemin contenant Thibault Pattier et Marie Morisse sa femme, ont desclarez avoir délaissé par achapt auxdites dames acceptantes par ledit acte dix sols parisis de rente qu'ils avoient droit de prendre sur dix arpents de terre en datte du 30décembre 1522, signé Damplay et son confrère au Chastelet de Paris. La bonne gestion de Jeanne de Francières fut saluée par Martin des Champs vicaire de l'archidiacre de Josas qui vint à Gif pour inspecter le couvent et approuver les « comptes de recepte et despenses pour les années 1505, 1506 et 1507 ». De son temps, un vent nouveau soufflait sur tous les cloîtres, le vent de la réforme. Les couvents bénédictins virent le principe monarchique de leur gouvernement profondément altéré, leur droit d'élection annulé, et leur législation modifiée. Jeanne de Francières qui disparaît en 1512 ou 1513, clôt la série des abbesses de la première période historique de l'abbaye. À suivre…
Notes (1) Abbé J.M. Alliot, Visites archidiaconales de Josas (chez A. Picard, Paris, 1902). (2) Thomas du Lyet succéda à Blaise le Vacher, qui avait connu l'ancien état de choses, et qui occupa sa charge jusqu'après 1520.
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