Le moulin de l'Étang à Gif

Chronique du Vieux Marcoussy --Marcoussis--------------- _-------------------------___---_--août 2012

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C. Julien

JP. Dagnot

 

 

Cette chronique relate l'histoire du moulin à eau situé en la paroisse de Gif (com. ch.-l. cant. Gif-sur-Yvette, Essonne) appelé moulin de l'Étang qui cessa d'exister à la fin du XVIe siècle. Ce texte a été rédigé à partir des documents d'archives (ADE, série 62H) et à l'aide des ouvrages de M. L. Morize (1) et de l'abbé Alliot (2).

Comme son nom l'indique le moulin de l'Étang devait comporter une réserve d'eau parce que sa situation sur un petit ruisseau ne permettait pas une chute d'eau régulière. En effet, il était situé sur la Mérantaise «  tout près du bourg de Gif  » avant de traverser la Prairie de Gif et à 350 mètres environ du confluent avec l'Yvette. Au Moyen-âge, on trouvait cinq moulins «  tournant et travaillant et faisant de bled farine  » dans la paroisse de Gif : le moulin de Jaumeron, le moulin de l'Abbaye, le moulin Aubert, le moulin de Chamor et le moulin de l'Étang. On peut justifier l'importante activité meunière en considérant la population de Gif au XVe siècle. Dans son procès-verbal de visite du jeudi 18 mai 1458, le vicaire de l'archidiacre de Josas écrit : «  Eadem die, visitavimus ecclesiam parrochialem beati Remigii de Giffo. Patronus episcopus parisiensis. Curatus dominus Guillelmus de Vicinus, presbiter, residens super beneficium. Nomina matriculariorum Johannes Cartan et Robertyus Cheron de novo creati. Numerus parrochianorum pro nune sexdecim, et antiquitus centum…  ». Qui ce traduit par "Nous visitâmes l'église paroissiale Saint-Rémy de Gif où l'évêque de Paris en est le patron. Le seigneur curé Guillaume de Voisins, est le prêtre qui réside en ce lieu. Les nouveaux marguilliers ont été élus, ils se nomment Jehan Gartau et Robert Cheron. Le nombre de paroissiens est réduit à seize alors qu'autrefois on en comptait cent". Ainsi avant la guerre, on dénombrait 100 paroissiens à Gif, c'est-à-dire 100 feux qui font 500 habitants.

Enfin, remarquons, qu'avec un module moyen de 1,34 mètres cubes par seconde, mesuré à Villebon, l'Yvette, rivière avec un régime pluvial océanique, parcourt la vallée de Chevreuse sur 39 kilomètres , tandis que La Mérantaise, l'un de ses trois affluents de la rive gauche, possède un régime purement pluvial, donc d'une hydrologie très irrégulière.

 

 

Moulin de l'Étang versus moulin de l'Abbaye

Bien que la situation du moulin de l' Étang soit difficilement identifiable, cette usine est différente du moulin de l'Abbaye. Toutefois, il peut y avoir confusion car les religieuses de l'abbaye Notre-Dame du Val de Gif, avaient des intérêts dans les deux moulins, comme nous allons le découvrir.
• Le moulin de l'abbaye avait été possédé au XIe siècle en indivis, moitié par l'abbaye et moitié par un meunier nommé Odon Baptesté et Marguerite sa femme. Les lettres de l'évêque de Paris, datée de l'an 1201, éteignirent la chicane entre les deux copropriétaires, mettant la pleine et entière propriété du moulin dans les mains des dames religieuses en contrepartie la « la quantité de dix huict septiers de bon méteil et six septiers d'avoyne ». Ce moulin fut gardé par le couvent jusqu'à la Révolution de 1789.
• Le moulin de l'Étang dont il est parlé dans l'acte de 14
16 était possédé par plusieurs propriétaires. Cette situation compliquée fut une source continuelle de conflit, notamment au moment de payer les réparations incombant au bailleur. Nous perdons la trace de ce moulin au milieu du XVIe siècle.

C'est l'inventaire des «  tiltres et papiers de l'abbaye de Gif faict le samedy 13 juillet 1630  » qui mentionne ce qui vient d'être dit. Ce document, registre à terrier, a été une pièce précieuse confectionnée à la demande de l'abbesse ; d'ailleurs il est écrit sur la couverture «  à garder soigneusement  ». L'inventaire fut dressé «  par Nous Anthoine Soreau, conseiller du Roy, notaire de la prévôté de Châteaufort, à la requeste de dame Magdeleine de Mornay, abbesse de l'église Nostre-Dame du val de Gif, ordre de Saint-Benoist, de leurs tiltres papier et seigneuriaux qui ont esté trouvé estre la propriété de partye des biens immeubles du domaine de laditte abbaye…  ». C'est à sçavoir :
• les terres dépendant de la basse-cour de l'abbaye Notre-Dame scizes paroisse de Gif,
• le moulin de l'Abbaye sciz au bas de l'enclos du couvent,
• ….
• troys septiers de bled mousture de rente perpétuelle sur ung moullin à bled qui soulleoit estre assis sur la rivière descendant au pont de Geuissau,
• le droit de franc salé,

• ….et
c.

D'une part, M. Morize reprenant le texte de l'article du terrier de 1630, explique que ce moulin n'existait plus, mais l'emplacement appartenait aux escoliers du collège Mignon. Les trois setiers de grains, en question, correspondent bien à la rente établie en 1416 et dans les procès successifs dont celui de 1535 (1). D'autre part, l'abbé Alliot ne fait pas la distinction mais évoque le moulin de l'Étang dans la phrase où il présente les revenus de l'abbaye de Gif «  différents droits sur les moulins de Bures, de Jaumeron, de l'Étang, de Chevreuse, tout le long de la vallée en un mot  », accompagnée de la note «  l'Étang – moulin situé sur la Mérentaise  », sans toutefois énoncer le moulin de l'Abbaye (2).

 

 

L'acte de vente de 1416

« Pardevant le seigneur et prévôt de Paris, au village de Gif, les procureurs et boursiers du collège Mignon par lequel Gérard Houdiet donne les lettres de compulsion, assignation, fait commandement d'exhiber les lettres et titres anciens, dont une lettre en parchemin par Jehan de La Fontaine, prévôt de Châteaufort de l'an de grâce 1416, le dimanche dix septiesme jour de may , laquelle lettre est attachée à huit autres lettres et parchemin. Il est dit être baillé depuis naguère par noble homme Loys de Villetain, seigneur de Gif, pour produire d'un certain procès que ledit de Villetain et la veuve et héritiers de Joachim de la Suze et consorts et les maîtres procureurs et boursiers du collège Mygnon, par lesquelles lettres, un extrait et copie auxdites Religieuses de Notre-Dame du Val de Gif n'avoir que dire pour empêcher le commandement ci dessus, au moyen de quoi en la présence de Charles Girard audict nom et en l'absence de Jehan et Nicolas de la Suze et des maîtres et boursiers du collège de Mygnon, Que pardevant Jehan Leclerc procureur de Jehan de la Suze, meunier de la ville de Gif si comme il disoit lequel de son bon gré bonne volonté sans contrainte confesse avoir vendu dès maintenant et à toujours envers tous à noble homme Nicolas de Villetain, escuyer, vicomte de Châteaufort, achepteur pour luy et ses hoirs à sçavoir deux septiers de bleds et mousture de rente perpétuelle et à chacun an en deux termes sçavoir l'un à Noël et l'autre à Sainct Jehan Baptiste sur un moulin assis à Gif par ladite venderesse qu'elle avoit par son concquet le moulin de l'Étang chargé, c'est à sçavoir les boursiers du collège de maître Jehan Mygnon, fondé à Paris, en deux septiers de bled envers les Religieuses, abbesse et couvent de Gif et deux septiers de bled envers les Religieuses, abbesse et couvent de Nostre-Dame du Val de Gif, et font en deux septiers de bled au prieuré Sainct Clair de Gommetz en deux termes à la Sainct Rémy et à Pasques. Ceste vente faite moyennant le prix et la somme de 12 écus d'or ou monnoye ayant cours que le vendeur confesse avoir reçu de l'achepteur… Signé Jean Delaitre sur double queue de cire verd (3).

L'acte vente du moulin de l'Étang sur un parchemin passé le dimanche 17 mai 1416 est ainsi rédigé : «  Jehan de la Suze, meusnier demeurant en la ville de Gif, de bon gré, conne volonté, bien conseillé, reconnoit et confesse d'avoir vendu, transporté, délaissé perpétuellement et à tout jamais et sans appel au dehors de tout trouble, à noble homme Nicolas de Villetain, vicomte de Châteaufort, c'est à savoir deux septeirs de bled de rente annuelle et perpétuelle à recevoir à la Sainct Jehan qu'il avoit de son concquet au moulin de l'Étang chargé envers les escoliers du collège Migon à Paris et les abbesse et religieuses de Nostre-Dame de Gif et aussi envers le prieur de Saint-Clair deux septiers de bled…. Cette vente moyennant la somme de 12 écus d'or que ledit Jehan de la Suze se tient comptant et quitte…  ».

 

 

Le moulin tombe en ruines

En 1423, Marguerite Carroussy succéda à Jacqueline la Salvarèse dans la fonction d'abbesse. Quelques actes de son administration nous la font connaître. L'année de son élection, elle autorisa le transfert d'un bail du moulin de l'Étang, situé tout près du bourg de Gif , où il existe encore. Les droits de l'abbaye sur ce moulin remontaient jusqu'à la première moitié du XIVe siècle ; mais comme ils étaient assez mal définis, et que d'ailleurs le meunier, qui se trouvait dépendre de cinq ou six propriétaires différents, en profitait souvent pour n'en payer aucun, ces droits n'étaient pas d'un grand revenu pour le monastère. Le meunier François Brives obtint de Marguerite Carroussy des lettres passées soubz les seaulx de la prévosté de Paloisel, en date du 27 octobre 1423, l 'autorisant à céder et transporter son bail à un autre meunier. Cette concession fut cause de la ruine totale du moulin, qui passa rapidement entre les mains de plusieurs locataires, peu soucieux de l'entretenir et le maintenir en bon état, et «  il cheut en grant ruine  ».

Un nouveau bail du moulin est passé le 20 may 1456 dans lequel nous retrouvons les copropriétaires. «  Pardevant Jehan Bosochot, tabellion juré de la prévosté et chastellenie de Chasteaufort furent présents en leurs personnes vénérable et discrète personne maistre Jehan Eschevin, prebtre, bachelier ès droict, maistre principal du collège Mignon, rentier du moulin de Gif, appelé le moulin de l'Étang et noble homme Nicolas de Viltain, seigneur de Gif et du fief appelé le fief du Sixième… et vénérable relligieux Pierre de La Suze, procureur du prieuré de Saint-Clair de Gometz et les dames relligieuses et vénérable Jeanne de Rauville, abbesse et de Nostre Dame de Gif, à cause de leur église, rentiers dudit moulin, lesquels tous assemblés et bien conseillés ont fait transport de bail à Jehan Guignaut et Henriette sa femme et Marion leur fille, un seul pour les trois qui ont dit et on doit trois septiers de mouture à l'abbaye de Gif. C'est à savoir ledit moulin de l'Étang avec un hôtel et appartenances…, en la forme et la manière ledit Jean Guignaut, sa femme et sa fille sont tenus de faire faire une bonne roue neuve audit moulin durant tout le temps avec moule et fer, et l'entretenir en bon état et qui puisse être prisé par les deux parties. Plus trois mines envers lesdites religieuses et leur église et deux septiers de grains pour les abbesse et religieuses de Gif de rente sur le moulin, icelle charge faisant partie de 8 septiers et demy de grains et 30 sols à la saint Jean-Baptiste  ». Il semble que la reconstruction du moulin soit achevée puisque le preneur «  s'oblige à maintenir le moulin en bon estat  » et promet de payer les rentes premièrement au collège Mignon, item audit seigneur de Gif, item aux relligieuses, abbesse de Gif.

Un cahier de plus de vingt pages écrit au XVIe siècle, «  anciens tiltres du molin de l'estang sur lequel on doibt trois septiers mouture à l'abbaie de Gif  » énonce tous les actes précédents depuis l'année 1453, c'est-à-dire l'année de la fin de la guerre de Cent ans. Le 27 octobre 1453 , pardevant le tabellion de la prévosté de Châteaufort, furent présents maître Eschevin, bachelier ès droit, maître principal du collège de Mygnon, rentier du moulin appelé moulin de l'Étang et Nicolas Villetain, seigneur de Gif et du fief du Sixième , pour avoir la sixième partye de la valeur dudit moulin et vénérable personne Pierre de la Suze, procureur du prieuré de Saint-Clair de Gometz, et vénérable Jeanne de Rauville, abbesse de Notre-Dame de Gif, à cause de leur église, rentiers dudit moulin, lesquels tous assemblés et bien conseillés ont fait transport de bail à Jehan Guignart et Tiennette sa femme et Marion leur fille , un seul pour les trois qui ont dit et on doit trois septiers de mouture à l'abbaye de Gif. C'est à savoir ledit moulin de l'Étang avec un hôtel et appartenances…, en la forme et la manière ledit Jean Guignot, sa femme et sa fille sont tenus de faire faire une bonne roue neuve audit moulin durant tout le temps avec moule et fer, et l'entretenir en bon état et qui puisse être prisé par les deux parties. Plus trois mines envers lesdites religieuses et leur église et deux septiers de grains pour les abbesse et religieuses de Gif de rente sur le moulin, icelle charge faisant partie de 8 septiers et demy de grains et 30 sols à la saint Jean-Baptiste. «  Item pourvu que ledit moulin est eschu en grande ruine  » pour avoir été tenu dans plusieurs mains dont François Bruhet et sa femme qui l'on laissé tombé en ruines. Ainsi le bail du moulin a été transporté auxdits Guignot qui sont autorisés à la transporter à leur fille sans appeler lesdites parties.

Ce bail fut renouvelé le 20 mai 1456 . Jeanne de Rauville signe, avec Jean Eschevin, proviseur du collège Mignon à Paris, Nicolas de Villetain, seigneur de Gif, Pierre de la Suze, prieur de Saint-Clair, et Jeanne Hémarde, abbesse du Val profond à Bièvre, un bail concernant le moulin de l' Étang. Tous ces personnages possédaient l'immeuble en commun et s'appliquaient avec plus de bonne volonté que de succès à en relever les ruines. Jean Guignard, Tiennette sa femme et leur fille Marion, nouveaux locataires, s'engageaient à remettre en état le dit moulin, à condition d'en jouir leur vie durant, et moyennant une redevance assez élevée consentie à chacun des propriétaires. Ce contrat, trop onéreux pour le meunier et sa famille, ne tint pas longtemps, et le moulin passa bientôt en d'autres mains.

Le 7 juin 1488, un bail est passé devant le substitut du tabellion royal de la châtellenie de Châteaufort «  fut présent Robert Aiglet, meunier qui a pris et retenu à ferme et moison de grain et de son bon gré et bonne volonté, sans contrainte, jusqu'à trois ans révolus et accomplis, le moulin de l'Étang assis en la paroisse de Gif avec 16 arpents de terre, un jardin assis devant ledit moulin avec ses dépendances et appartenances. Ledit Robert Aiglet est tenu de faire faire une maison avec charpenterie et autre chose nécessaire à faire maison, ladite maison avec cheminée et deux planchers, clos nécessaire tant de fermeture et de clefs moyennant que ledit Robert Aiglet jouira pendant trois ans à ce titre de mouture  ». Nous sommes encore au moment où l'on relève les ruines de la guerre. Le bail du moulin ne comporte donc aucune redevance en nature ( mousture ) ni en argent, mais seulement le prix de la maison correspond au loyer.

À la fin du XVe siècle, l'abbesse Florence de Forges n'observait plus ni clôture, ni silence, ni recueillement. Souvent elle quittait son cloître, traversait la vallée, vêtue en simple paysanne, et venait deviser avec le meunier du moulin de l' Étang, qui se trouvait un peu dans sa dépendance, à cause des redevances dues à son abbaye.

 

 

Les Gozenne au moulin de l'Étang

À la fin du XVe siècle le moulin tourne encore. Le 18 octobre 1492 , Pierre Gozenne, musnier demeurant à Gif a prins à tiltre de rente seigneurialles et moison de grain pour trente-neuf ans à Guillaume de Villetain, écuyer, vicomte hérédital de Châteaufort, propriétaire pour un sixième du moulin, moyennant 4 septiers de bled de rente sur ledit moulin et outre pour accomplir cette quantité de 4 septiers mouture bon, loyal et marchand à payer audit écuyer et «  le preneur fait serment de son corps…  ». C'est le fief dit du Sixième .

Le 5 avril 1500 , nous apprenons que Pierre Gozenne, meunier de Gif est décédé. Par devant le notaire son présents : «  Guillaume Gozenne, laboureur à Gif, Gassat Despagne et Jehanne sa femme, Jean Vallet et Marion sa femme et Martin Gozenne meunier demaeurabnt audit Gif et Denise veufve de feu Pierre Gozenne, premier meunier et plusieurs mineurs, enfants de Pierre Gozenne et as femme, lesquels confessent avoir baillé à titre de rente le moulin à bled appelé moulin de l'Étang à noble et discrète personne Guillaume Le Long prêtre, curé de Fontenay, preneurs audit titre dudit moulin sur la rivière qui alimente ledit moulin, ce bail est pris à charge moyennant cinq minots de bled mouture de rente, mesure de Châteaufort…  ».

Dans un autre acte de la même année, le 5 septembre , Denise, veuve de feu Pierre Gozenne, meunier demeurant à Gif prend le bail du moulin avec la maison, cour et jardin nommé moulin de l'Étang tenu de noble homme Guillaume de Villetain, écuyer moyennant quatre setiers de mouture, ladite veuve promet et s'oblige à lui payer la rente de la sixième partie dudit moulin.

Le 20 avril 1501 , devant le tabellion, garde de la prévôté de Gometz-le-Chastel tenue par l'amiral de France, « Loys de Graville, pour hault et puissant admiral de Graville furent présent messire Guillaume Le Long, curé de Fontenay qui a droit de transport par le veuve Gozenne à Macé de Nille, meunier demeurant à Gif, c'est à savoir tous les droits sur le moulin de l'Estang de Gif, charge à payer envers Guillaume de Villetain, écuyer, seigneur de Gif, quatre setiers de bled, les droits envers le prieuré Saint-Clair de Gometz, ainsi qu'à l'abbesse de Gif et aux écoliers du collège Mignon à Paris et à la charge d'entretenir le moulin ».

Le même jour un acte est établi en faveur du nouveau meunier « … pour hault et puissant seigneur, messire de Graville, fut présent en sa personne Macé Nille qui déclare être propriétaire du moulin de l'Étang, maison et jardin assis à Gif près le pont et chargé envers Guillaume de Villetain, écuyer, seigneur de Gif, le droit du sixième qui consiste en 4 setiers de bled mouture à rendre le jour de la saint Rémy  ».

 

 

Le moulin au XVIe siècle

Le 28 août 1504 , par devant maître Belot, notaire, Guillaume Charpentier , meunier demeurant à Gif déclare et confesse être détenteur du moulin de l'Étang chargé de la Sixième partie envers le seigneur de Gif. Le 1er février 1510 , par les lettres de la prévôté de Châteaufort, Guillaume de Villetain, seigneur de Gif, donne faculté et puissance à Macé Nille, meunier demeurant à présent au moulin de l'Étang, le jour de la fête Dieu, pour le mettre hors de ses mains sous l'obligation de tous ses biens, disant renonciation.

Le 9 décembre 1519 , messire Louis de Villetain, seigneur de Gif devant Jacques Regnault et Jean Dupré, notaires, a rendu foy et hommage au collège de Mignon à un nommé Blanchet, chapelain et receveur dudit collège de Mignon, à cause de son fief du Sixième, par le trespas et comme successeur de feu Guillaume de Villatain son père. Le seigneur vassal s'est mis à genoux, … etc. La forme de l'hommage est définie par la coutume de Paris.

Le 3 juin 1527, Guillaume de Villetain, écuyer, seigneur de Gif, donne puissance par les présentes lettres à Guillaume Charpentier, meunier demeurant à Gif, assis et mettre un échenet ou écheneau à la petite rivière qui fait moudre le moulin de l'Étang , le jour de la fête Dieu, et sera tenu d'ôter ledit écheneau pour cause où il serait défaillant. Les lettres de Jean de La Basse, comte d'Étampes, seigneur de Villebordes et du Plessis, du lendemain 4 juin, confirment et font appel et référence à l'article XL48 de la coutume dont la teneur s'en suit «  si l'on possède un héritage de plus de 48 ans, il est forclos  » car le procureur de messire Louis de Villetain, seigneur de Gif a demandé les lettres du bail de longue durée.

 

 

Le procès de 1535

Les dernières affaires auxquelles nous trouvons le nom de frère Jacques le Clerc, confesseur et directeur spirituel des sœurs en religion, mêlé, pendant la prélature de Marguerite Gouge, sont un grand procès avec les fils et héritiers de Nicolas de la Suze, meuniers au moulin de l' Étang. Ceux-ci refusent opiniâtrement de payer à la communauté les redevances qu'ont acquittées leurs prédécesseurs depuis un siècle, et même leur propre père. Pour les y contraindre, les gens de justice viennent à Gif, font des assemblées de paysans, convoquent les paroissiens à la grande porte de l'église, et passent deux jours à l' Écu de France, où ils interrogent plus de cinquante témoins et dressent autant de procès-verbaux.

Un procès-verbal avec extraits est dressé le vendredy dernier jour de juillet 1535, pour les religieuses, abbesse et couvent Notre-Dame de Gif, diocèse de Paris, contre Jehan de La Suze ès noms que procedde Nicolas de La Suze et les maistres du collège Migon. «  Procès-verbal et compulsoire est dressé sur un contrat du 17 may 1416 justifiant le droit de 3 septiers de bled deü à l'abbaye de Gif sur le moulin de l'Estang . « … À nous, Thomas de Vilemart, examinateur ordinaire de par le Roy, notre sire, conseiller au Châtelet de Paris et la partie des Religieuses, abbesse et couvent Nostre-Dame de Gif, diocèse de Paris, fut présenté en forme de compulsoire donné à Monsieur le prévost de Paris ou son lieutenant entre lesdites Religieuses et abbesse à Jehan de la Suze tant en son nom que comme tuteur et curateur de Bonnaventure et Avoy de la Suze ses frères, enfants de deffunt Jehan de la Suze et encore tuteur des enfants mineurs dudit deffunt et de Jehanne La Gilette sa femme en secondes nopces et Marceau de La Suze et les maistres procureurs et boursiers du collège de Mignon, fondé à Paris. À Gommetz, en datte du vingt neufviesme jour dudit mois de juillet dernier passé et signé Morant.

Un commandement précise le différend : « À tous ceulx qui ces présentes lettres verront, Jehan Destouteville, seigneur de Villebon, chevalier, conseiller ordinaire du Roy, cappitaine et bailly de Rosny, conseiller du Roy, garde de la prévosté de Paris, savoir faisons que ce jourdhuy datte de ces présentes, comparant en jugement devant nous, maistre Charles Girard, procureur des Religieuses, abbesse et couvent Nostre Dame de Gif, diocèse de Paris, d'une part, et maistre Guillaume Sanguyn, procureur de Jehan de la Suze, tant en son nom que comme tuteur et curateur de Bonnaventure et Avoy de la Suze, ses frères et enfants de deffunt Jehan de La Suze… La cause entre les parties, selon les anciennes lettres et papiers collationnés, exhibées, doubles et originaux, ce fut fait le jeudy 29 juillet par Charles Girard, procureur et requérant au nome des Religieuses de l'abbaye Nostre Dame de Gif, fait commandement à Jehan de la Suze ». Suivent les pièces produites dont la plus ancienne est l'acte d'achat de 1416 que nous avons cités ci-dessus.

 

Signature du notaire Thomas de Vilemart au bas de l'acte du 30 juillet 1535.

 

Il semble qu'une nouvelle fois le moulin soit dans un état lamentable au lendemain de la guerre de Cent ans. En supposant, que l'usine tournait encore au milieu du XVIe siècle, les pillages continuels lors des passages des armées tant catholiques qu'huguenotes à partir de 1572 auraient fini de le détruire. On se souvient que Montlhéry, Linas, Longpont, Longjumeau sont des paroisses qui subirent les pires outrages. On alla jusqu'à abattre les statues qui encadraient le portail de Longpont. Il n'y a aucune raison pour que le village de Gif fut épargné. Dans un acte passé le 27 septembre 1580, nous apprenons que le meunier de Linas avait résilié son bail «  François Fesan demeurant au moullin de l'Estang paroisse de Linas lequel volontairement recoignoit et confesse avoir quitté et quitte par ces présentes…  ».

Il est évident que l'économie de la vallée ne permettait plus à cinq moulins de tourner à Gif. Ceux de la Mérantaise, petit ruisseau capricieux sont des usines qui périclitaient malgré les aménagements de retenues d'eau ou d'étang formant le bief. Les moulins d'Aubert et de Chamor furent relevés par les seigneurs, tandis que les copropriétaires du moulin de l'Étang ne purent s'accorder à réparer les dégâts. La mort de ce moulin était donc programmée. L'inventaire de 1630 précise bien qu'à cette époque, les bâtiments n'existaient plus ; il ne restait plus que l'emplacement «  propriété des escoliers du collège Mignon  ».

 

 

La rente des religieuses de Gif

Dès qu'elle eut la crosse abbatiale de Gif dans les mains, Magdeleine de Monay-Villarceaux fit faire le terrier de l'abbaye ainsi mentionné par le commissaire  : «  Inventaire faict le samedy 13 juillet 1630 par nous Anthoine Soreau, conseiller du Roy, notaire de la prévôté de Châteaufort, à la requeste de dame Magdeleine de Mornay, abbesse de l'église Nostre-Dame du val de Gif, ordre de Saint-Benoist, de leurs tiltres papier et seigneuriaux qui ont esté trouvé estre la propriété de partye des biens immeubles du domaine de laditte abbaye…  ». L'inventaire des titres est un énorme cahier de 164 pages décrivant tous les immeubles et droits seigneuriaux possédés par l'abbaye Notre-Dame du Val de Gif. À la page 144 nous lisons «  Troys septiers de bled mousture de rente perceptible sur ung moullin qui soulleoit estre assis sur la rivière descendant au pont de Geuisseau  ». Ainsi les religieuses recevaient, au temps où le moulin tournait, une rente annuelle de 360 litres de farine à prendre sur le moulin de l'Étang. Le moulin disparu, cette article de l'inventaire est mis pour mémoire «  au cas où  ».

Le déchiffrage de l'article étant difficile, nous en donnons quelques bribes qui permettent d'appréhender la question : «  De ce moulin reste plus aucun édifice, avons seulement la place que l'on dit appartenir au principal bénéficiaire et escoliers du collège Mignon… et fut abandonné ladite place il y a longtemps, qu'elle est inutile, et il y a par grand apparence que sur cette place jamais bastie aucun moullin. Soulleoit d'aultant qu'il est parfaitement chargée envers les religieuses du Val de Grâce et deux septiers de bled envers le seigneur de Gif. Encore ladite place ne peut valloir que soixante solz… et la rente n'est plus exigible comme il avait esté procceder à la visite d'ung commissaire du 27 febvrier 1534. Par laquelle ladite redevance est encore dit estre exigible…ladite redevance par nous conservée en cas que celuy moullin soit réédifié sur ladite place  ». Nous pouvons conclure que le moulin de l'Étang n'a jamais été relevé de la ruine constatée en 1534. Le dernier meunier aurait été Jehan de La Suze.

 

 

La monographie de l'instituteur

Pareillement à tous les instituteurs de France, à la demande du ministre de l'Instruction Publique, Monsieur Varenne, instituteur de Gif, écrivit une monographie sur la commune. Au chapitre de l'économie communale, nous lisons : «  La commune possède peu d'établissements industriels : quatre moulins, dont un seulement fonctionne, celui du pont de Gibéciaux, à l'entrée du village, du côté de Chevreuse, sur la Mérantaise, et un atelier d'effilochage, à Jaumeron, sur l'Yvette  ».

Comment ne pas croire que ce moulin n'est pas le moulin de l' Étang. La description des lieux est identique à celle donnée dans le terrier de l'abbaye de 1630 : le moulin est construit sur le ruisseau de la Mérantaise à l'entrée du village par la route de Chevreuse. Le pont de Geuisseau devient, par altération, le pont de Gibéciaux à la fin du XIXe siècle. Cela voudrait dire que le moulin neuf fut reconstruit, à une époque inconnue, à l'emplacement du moulin de l' Étang.

 

 

Notes

(1) J.-M. Alliot, Histoire de l'abbaye et des religieuses bénédictines de N.-D. du Val de Gif (Libr. A. Picard, Paris, 1892).

(2) L. Morize, Abbaye de Gif et ruines du château de Damiette (Impr. Raynal, Rambouillet, 1871).

(3) Le collège Mignon fut fondé au Moyen Âge par Jean Mignon (mort en 1343), diplômé de l'Université de Paris, chapelain du collège de Navarre (1315) et reçut une charge à la Chambre des Comptes. Le collège était situé à l'emplacement actuel de la rue Mignon (5ème arr.). [P. Guyard, La fondation du collège Mignon, Bibl. de l'école des Chartes, vol. 151 (1993) pp. 178-288].

 

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