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Le marché aux grains à Montlhéry en 1574-1575

En dépouillant des dossiers concernant une ferme des environs de Montlhéry, nous avons fait une trouvaille exceptionnelle. Il s'agit d'un extrait collationné du registre des redevances payées sur le marché aux grains de Montlhéry pour les années 1574 et 1575. Le document, écrit à la fin du XVIe siècle a pour titre «  Extraict des registres de la ville, prévosté et chastellenie de Montlhéry donnant le rapport des grains faict par chacun jour de marché audict lieu mil cinq cens soixante quatorze  ». Utilisant ces quatre feuillets, cette chronique constitue un complément de la série (cf. chroniques "Le marché de Montlhéry" No. 1 & 2).

Le registre énumère les montants des redevances reçues sur chaque sorte de grain (froment, seigle, avoine, orge) aux cours des marchés du lundi à Montlhéry. Un détail intéressant est le marché tenu exceptionnellement le mardi 5 avril 1575 parce que le lundi de Paques (jour férié et commencement de l'année) tombait le 4.

 

C. Julien - Août 2015

 

 

 

Le marché de Montlhéry

Le marché de Montlhéry est connu depuis des temps immémoriaux puisqu'à la fin du premier millénaire, la charte de donation faite en 991 par le roi Hugues Capet à Thibaud File-Etoupe, son forestier, mentionne déjà son existence «  avec toute la justice, domaine, métairie, terres, maisons, bois, vignes, pressoirs, …, ensemble le marché dans la ville de Montlhéry avec le droit d'étalonnage, péage, roage, etc. à charge qu'il relève pour toujours en foi et hommage de l'église Notre-Dame de Paris et de payer comme vassal douze marcs d'argent pur, vérifié et essayé …  ».

Le marché était une source de revenus pour le seigneur de Montlhéry qui affermait les divers droits de marché. Le fermier jouissait des droits de plaçage, minage et hallage alors que le droit d'étalonnage était tenu par le prieur de Saint-Pierre-du-Château. Sans oublier le « tonlieu » qui taxait la circulation de marchandises ainsi que l'emplacement du commerçant sur la place du marché. On payait les droits d'entrée (cf. chronique le "Péage de Montlhéry") à toutes les portes de la ville.

En 1142, le roi Louis VII, actant comme seigneur éminent, autorise le transfert du marché de Montlhéry à Longpont pendant l'octave de la Vierge «  forum quoque de Monte Leherico, quod infra octobas evenerit, apud Longum Pontem sicut & feria tenebitur  » (charte III). Tous les droits de tonlieu et de sauvegarde sont également transportés «  Dum autem ipsi mercatores in castello nostro erunt, si aliquid vendiderint vel emerint, theloneum nostrum & quod consuetudinarium est habebimus  ».

Le marché hebdomadaire se tenait le lundi . C'était un grand jour pour la châtellenie : la population des environs se rassemblait dans le bourg pour les achats et les ventes, pour causer affaire en buvant une pinte de vin de pays dans les cabarets alentour. Nous avons vu que les moines des Vaux de Cernay possédaient une taverne sur la place du marché où ils vendaient leur propre production viticole (cf. chronique). Tout comme Chevreuse et Limours, Montlhéry était renommée pour la vente des céréales. Au Moyen Âge le marché se tenait sur la place de la Souche, autrefois appelée place du Vieil Marché . Bien d'autres denrées produites dans les environs étaient proposés à la vente : légumes, fruits, gibiers, poissons, etc. Sur l'actuelle place du Marché, étaient installées plus de 40 petites boutiques où étaient proposés des produits manufacturés.

Dès son arrivée sur le trône le 13 février 1575, Henri III vend le domaine royal à François de Balsac pour 6.000 livres avec toujours la clause du droit de rachat puisqu'il s'agit d'une seigneurie engagiste . Dans le contrat d'engagement passé le 23 août 1586, il est question de la fameuse foire des Plissons. Le droit de marché exclue « le onzième lundi pour chacun an dudit minage et mesurage dudit marché de Montlhéry adjugé par provision au prieur de prieuré de Saint-Pierre de Montlhéry et excepté l'hôtel et maison séant devant l'église et prieuré du châtel de Montlhéry avec les terres et vignes qui en dépendent contenant deux arpents possédés par le prieur de ce lieu ». Le fief du prieur fut bien souvent contesté par les seigneurs engagistes. Un registre entier contient « les droits de poids, hallage et de placage le onzième lundy dans le marché de Montlhéry » et procédures faites à ce sujet contre le prieur de Saint-Pierre de Montlhéry. Le 9 mars 1765, un arrêt du Parlement accorde au comte de Noailles la perception du droit de hallage et placage sur le marché du onzième lundi.

Le marché de Montlhéry constituait un fief affermé le plus souvent à un marchand ou un bourgeois de Montlhéry qui percevait les droits seigneuriaux. Ainsi le « petit marché ou placeage loué » est affermé 380 livres à la fin du XVIIe siècle. Les fermiers généraux du domaine sont issus des catégories sociales aisées: notaire, marchand, artisan, notable et même seigneur. Ainsi le 9 avril 1657, Josias de Rouen, seigneur de Courtabeuf, agit en tant que « recepveur du Compté de Montlhéry » et baille pour sept années à Jacques Rangeard, marchand boucher, « le droit de péage qui se prend  au bourg de Linois, avec les petits droits du marché de Montlhéry et des quilles  ». Parfois le fermier sous-loue une partie de sa ferme comme le concierge des prisons qui baille le «  droit de plassage  » du marché en janvier 1693.

Après la prise de possession par le cardinal de Richelieu, le sieur Vincent Hargenvilliers distribue les places du marché le 7 décembre 1624. On peut lire " recepveur du domayne dudit Montlhéry , lequel confesse avoir baillé par ces présentes, à titre de loyer & prix d'argent, ..., à Jacques Rousseau, pottier d'estain demeurant audit lieu preneur, une place de halle assize dans la place du marché de Montlhéry, joingnant et attenant à la halle de Jullien Beauvais, le bail faict moyennant 40 sols de loyer ... . Il fait de même avec un mercier pour une place joignant plusieurs aultres de mercier moyennant aussy 40 sols par an ". Un calcul rapide montre que le revenu annuel de la halle s'élève à plus de 600 livres .

 

 

Prix du froment au XVIe siècle

L'évolution du prix du froment au cours du XVIe siècle est montée sur le graphique ci-dessous. On observe une continuelle augmentation des prix : de 25 sols le setier en 1520, on atteint 140 sols en 1600 (soit 7 livres tournois). M. d'Avenel estima le rapport d'argent au blé et la somme des salaires. Il constata qu'un travailleur manuel se procurait avec le salaire de ses 300 jours de labeur, de 1451 à 1526, l'ouvrier avait 46 hectolitres, puis 36. De 1551 à 1575, il n'en a que 15. De 1575 à 1600, il n'en a que 9.

 

 

Dans son article intitulé «  Prix et salaires à Paris au XVIe siècle  », Micheline Baulant appuie son étude sur les comptes de l'Hôtel-Dieu de Paris ; cette grande institution parisienne est une catégorie intéressante de consommateurs parce que leurs achats sont importants, assez réguliers et relativement homogènes. L'auteur avertit les difficultés de comparaison avec les variations des mesures de capacité, variations géographiques mais aussi temporelles ; toutefois le marché de Montlhéry utilisait «  la mesure de Paris  », c'est-à-dire le système «  muid  » pour les grains. Or d'un bout du siècle à l'autre, les conditions d'achat ont constamment varié. Par exemple, de 1505 à 1525, la majorité des achats sur le marché des moutons se sont faites à Arpajon, Montlhéry et Bourg-la-Reine un mouton est vendu 24 l .t. en 1510 et 100 l .t. en 1589. À partir de 1543, l'Hôtel-Dieu multiplie ses achats en Beauce, abandonnant le marché de Montlhéry. Puis, en 1562, les fournisseurs de l'Hôtel-Dieu sont les marchands de Longjumeau (63% dont 52% vendus par une seule famille, les Richer).

Selon Micheline Baulant (1), l'évolution des prix est la suivante : en 1506-1510 le setier de froment vaut 1,38 l .t. (indice 100), 5,68 l .t. en 1565 (indice 351 et 16 l .t. 10 s.t. en 1598 (indice 1020).

Pour Marie-Jeanne Tits-Dieuaide, les taux annuels de croissance des prix du blé au XVIe siècle sont estimés à un facteur 3.

Les évènements météorologiques (c'est la petite ère glaciaire décrite par Emmanuel Leroy-Ladurie) puis les guerres de religion sont les principales causes de l'inflation (2) :

•  1525 : été chaud meurtrier.

•  1529 : été pourri, glacé et pluvieux ; vendanges très tardives. Une « année sans été » les mois de juillet, août, septembre très froids . En novembre-décembre: grosses pluies et inondations en Île-de-France néfastes aux semailles.

•  1531 : année pourrie, pluies excessives inondations en Île-de-France  ; récoltes désastreuses.

•  1536  : été brûlant et très sec, vendanges très précoces ; chaleur et sécheresse extrêmes, rivières à sec.

•  1548 : après l'hiver 1547 très sec, une grande sècheresse sévit durant l'été 1548 ; les moissons compromises.

•  1555 : été froid et humide, très mauvaises récoltes.

•  1560 : printemps très chaud suivi d'un été pourri.

•  1562 : été froid et pourri, mauvaises récoltes suite aux pluies continuelles.

•  1573 : été pourri, froid et pluvieux.

•  1565 : hiver précoce et très froid, en janvier les blés sont gelés. Bien que l'été ait été chaud les mauvaises récoltes à cause du terrible hiver 1564-65.

•  1581 (26 mars) tempête à Paris et en Beauce ; arbres abattus.

•  1584 : été pourri, froid et pluvieux.

•  1588 : printemps glacé, été pourri ; disette en automne.

•  1589 : été pourri, glacé et très pluvieux.

•  1595 : printemps glacé ; coup de froid le 13 avril, aussi froid qu'en plein hiver.

Parmi les évènements historiques, notons les sièges de Paris : de 1589 à 1594, menés successivement par Henri III (chassé de sa capitale par la journée des barricades en 1588), et poursuivis par Henri IV (1590) après la bataille d'Ivry et en 1591 lors de la journée des farines. Henri IV séjourna à Montlhéry le 5 avril 1590. Pendant cette dernière période le prix du blé explosa à plus de 400 sols ( 20 livres ) le setier. Pour cette année, les comptes de l'Hôtel-Dieu montrent une lacune à cause du siège qui fut très préjudiciable pour le commerce à Montlhéry. En 1573-74, le prix du blé atteint des records à cause de la série des mauvaises récoltes, la longue peste de 1558-1560. (La France a connu 13 famines générales au XVI e siècle).

 

 

Les prix sur le marché des grains

Remarquons d'abord l'égale importance du froment et de l'avoine aussi appelée le "picotin" puisque c'était le " pétrole du Moyen Âge " car tous les déplacements se font à cheval (3). Le setier pour l'avoine contient 7 minots soit 273 litres 17 centilitres alors que le setier pour le blé ou le seigle contient 4 minots soit 156 litres 12 centilitres. Une des taxes prélevée sur le marché de Montlhéry était le «tonlieu, du latin «  toloneum  » désignant une taxe de circulation mais aussi un impôts pour l'étalage des marchandises sur le carreau du marché «  appartient à laditte ville ou à celuy ou ceulx qui tiennent à ferme ledit tonnelieu des grains cest assavoir, de ung muy de blé vendu et livré à une fois tout de suyant à ung marché  ». Le minage était un droit perçu par le seigneur engagiste ou par le fermier du marché sur les grains et les autres marchandises vendues dans les foires et les marchés. Suspendu par Turgot en 1775, le droit de minage n'avait pas totalement disparu à la veille de la Révolution.

En 1433, le tonlieu des grains payé sur le marché de Montidier est «  de ung sextier de blé une palette ou ung denier ; item quant à l'aveine, chacun sextier et demy paie une havée ou ung denier et ung sextier neant, et se il y a jusques à viij sextiers il paie deux havées ou deux deniers  ». Le 7 février 1164, reprenant la bulle d'Eugène III donnée en 1147, le pape Alexandre III confirma les privilèges et biens des Dames de Montmartre, dont les 30 livres de rente sur le tonlieu des bouchers.

Les salaires en 1539 «  Pour la sepmaine commenchant le lundy quatriesme jour de fevrier à Thomas Queminet, Jehan le Scellier, Angoulesme, Mahieu du Pont dit Cormon, manouvriers, pour avoir besongné ladite sepmaine par VI jours au prix de vingt deniers pour jour a esté paié, assavoir ausdits Jehan le Scellier et Mahieu du Pont à chacun dix sols, au dit Jean Dupont IXs VIId et au dit Augoulesme VIIs Vllld sont XLVIIs IIId  ».

Le 1er octobre 1561, un marchand boulanger de Tours achetait 100 setiers de bled froment «  le tout converti en farine, moyennant le prix de 236 lt. 12 st . 3 dt. pour l'ensemble, payable en deux fois à la saint André et à Noël  ». Ce qui fait 28 livres 6 sols tournois chaque muid.

En août 1561, pour compenser les rentes en nature par de l'argent les taux suivants sont appliqués : 45 sols le setier de froment, 30 sols le setier de seigle, 20 sols le setier d'avoine.

En janvier 1474, une rente de 6 setiers de seigle, mesure du chapitre de Tours est vendue 30 livres . Au mois d'octobre de la même année une rente de 3 setiers de froment est constituée pour 18 livres payées «  en écus d'or neuf  ». Le transport de 5 setiers de blé froment est payé 18 livres le 19 mars 1477. La vente de 100 setiers d'avoine par André Denis à un hôtelier est faite pour 24 livres 15 sols tournois en juillet 1485. Au mois de mai de l'année suivante, 7 setiers d'avoine sont vendus pour 35 sols tournois.

 

 

Extrait des registres du marché de Montlhéry

Le registre du marché nous renseigne sur les prix des grains vendues sur le carreau de Montlhéry en 1574-75. En voici le texte in extenso :

Du lundy huictiesme jour de novembre l'an mil cinq cens soixante quatorze : premièrement le froment sept livres dix sols tournois, le méteil cent cinq sols tournois, le seigle soixante ung sols tournois, l'avoine soixante et quinze sols tournois.

Du lundy quinziesme jour dudit mois et mesme an : le froment sept livres tournois, le méteil cent ung sols tournois, le seigle soixante dix sols tournois, l'orge soixante dix sols tournois, l'avoine item soixante et quinze sols tournois, la vesse soixante dix sols tournois.

Du lundy vingt deuxiesme jour de novembre mil cinq cens soixante et quatorze : le froment six livres quinze sols tournois, l'avoine soixante et quinze sols tournois .

Du lundy vingt neufviesme jour de novembre audit an : le froment six livres quinze sols tournois, l'avoine soixante et quinze sols tournois.

Du lundy sixiesme jour de décembre audit an : le froment six livres quinze sols tournois, l'avoine soixante et quinze sols tournois.

Du lundy treiziesme jour de décembre audit an : le froment six livres quinze sols tournois, l'avoyne soixante et ung sols tournois.

Du lundy vingtiesme jour dudit mois de décembre audit an : le froment sept livres tournois, l'avoyne quatre livres tournois.

Du lundy vingt septiesme jour dudit mois et audit an : le froment six livres quinze sols tournois, l'avoyne soixante douze sols tournois.

Du lundy troisiesme jour du mois de janvier mil sept cens soixante quinze : le froment sept tournois, l'avoyne trois livres vingt ung sols tournois.

Du lundy dixiesme jour du mois de janvier audit an : le froment sept livres tournois, l'avoyne trois livres douze sols tournois.

Du lundy dix septiesme janvier audit an : le froment sept livres quinze sols tournois, l'avoyne quatre livres quinze sols tournois.  

Du mardy cinquiesme jour d'apvril audit an : le froment six livres quinze sols tournois , l'avoyne soixante et quinze sols tournois.

Du lundy onziesme jour d'apvril audit an : le froment six livres quinze sols tournois, l'avoyne trois livres quinze sols tournois.

Du lundy dix septiesme jour du mois de apvril audit an 1575 : le froment six livres quinze sols tournois, l'avoyne trois livres quinze sols tournois.

Du lundy vingt troisiesme jour du mois de janvier audit an : le froment sept livres tournois…..

Pendant cette période, à Montlhéry, le froment est délaissé à 6 l .t. 15 s.t. le setier, étiquette comparable à celle de la halle de Paris où le froment de meilleur qualité est vendu 7 l .t. 14 s.t. - moyenne des prix aux quatre saisons (d'après M. Baulant).

 

 

Le lundi de Pâques

Sous l'ancien régime, les lois de l'Église garantissaient au travailleur 90 jours de repos : 52 dimanches et 38 jours fériés, pendant lesquels il était strictement défendu de travailler. Ainsi le lundi de Pâques étant un jour férié scrupuleusement observé, il n'avait pas de marché à Montlhéry. Celui-ci était reporté le lendemain. C'est de cette façon que le registre des redevances de Montlhéry mentionne le marché du « mardy cinquiesme jour d'apvril 1575 ». Il en était de même pour le lundi de Pentecôte.

En 1883, Paul Lafargue publie un pamphlet où il écrit «  C'était le grand crime du catholicisme, la cause principale de l'irréligion de la bourgeoisie industrielle et commerçante. Sous la Révolution , dès qu'elle fut maîtresse, elle abolit les jours fériés ; et remplaça la semaine de sept jours par celle de dix ; afin que le peuple n'eût plus qu'un jour de repos sur dix. Elle affranchit les ouvriers du joug de l'Église pour mieux les soumettre au joug du travail. La haine contre les jours fériés n'apparaît que lorsque la moderne bourgeoisie industrielle et commerçante prend corps, entre les XVe et XVIe siècles. Henri IV demanda leur réduction au pape ; il refusa parce que "une des hérésies qui courent le jourd'hui, est touchant les fêtes". Mais, en 1666, Péréfixe, archevêque de Paris, en supprima 17 dans son diocèse. Le protestantisme, qui était la religion chrétienne, accommodée aux nouveaux besoins industriels et commerciaux de la bourgeoisie, fut moins soucieux du repos populaire ; il détrôna au ciel les saints pour abolir sur terre leurs fêtes. La réforme religieuse et la libre pensée philosophique n'étaient que des prétextes qui permirent à la bourgeoisie jésuite et rapace d'escamoter les jours de fête du populaire  » (4).

Les habitants doivent la banalité à leur Seigneur (sic), du moulin, du four public et des pressoirs. Le droit du moulin est la vingt-quatrième, le droit du four est la vingt et unième livre de pain, et le droit de pressoir est le vingtième du vin pressuré.

 

 

L'économie céréalière

Un document du prieuré de Longpont que l'on estime avoir été écrit au XVIe siècle, nous lisons : «  quelles que se sont, qui vendront leurs choses dans le dit lieu, en la magnière et forme sy dessous desclarées, cest à savoir :

•  item, pour le pain porté dehors pour vendre, il sera payé pour chaque cestier une obole,

•  item, des fromages quy se vendront dans ledit lieu, pour chaque sol, un obole et six deniers,

•  item, des pommes, poires, noix, chastaignes, noizettes, amandes, cerizes, neffles, persies ou pesegres, glands et [enzives] sera payé le trantiesme ou trantenaire,

•  item, du bled quy est vendeu par des estrangers à la mezure de pierre, le vendeur paye la vingt huictiesme partie pour le cestier, et ainsin se fait des légumes et des autres choses,

•  item, du sel pour chaque sarcimate est payé une demy seitzene de sel coumoule,

•  item, de la farine quy se vend pour quintal, est payé le quintalage comme dessus,

•  item, de lavoyne quy se vend par des estrangers à la mezure de pierre, sera payé le trantiesme quy est une couppe coumoule,

•  item, des chastaignes fraiches on fait semblablement…

«  nous deffendons que nuls marchans ne autres ne se entremettent de vendre leurs marchandises et denrées que premièrement ne soient esvuardées par les commis et sermentés à ce sur paine chacun de LX sols parisis d'amende  ».

Autour de Paris, on comptait vers 1550 davantage de laboureurs que de manœuvriers, mais au fur et à mesure que se développe l'agriculture à grandes surfaces, qui travaille pour les marchés de la capitale, et qui n'exclut pas la prolifération des petits lopins des journaliers ; cette proportion ne cesse de se renverser, jusqu'au XVIIIe siècle de dégagent partout, dans la démographie des villages d'Île-de-France de grosses majorités de manouvriers. Jacquart a montré que les laboureurs furent réduits à n'être plus qu'une élite minoritaire. Lors de sa proposition d'une dixme royale , Vauban comptait qu'en 1700 que, pour 100 chefs de famille travaillant de leurs mains, 27 étaient vignerons ou laboureurs, 73 manouvriers ou artisans. Ces pourcentages s'étaient probablement modifiés encore au détriment graduel du premier groupe, de 1720 à 1789. Dans son modèle de l'économie rurale, Emmanuel Leroy-Ladurie mentionne que «  si le groupe des laboureurs a décru en pourcentage global de la population campagnarde, de 1720 à 1789, à cause précisément des tendances à la prolétarisation, il a probablement, du fait même de l'essor démographique qui favorisait celle-ci, maintenu ou même augmenté ses effectifs en chiffres absolus  ».

Pour appréhender les prix des denrées sous le règne de Louis XVI, consultons le journal d'André-Hubert Dameras, manoeuvrier dans un village des Ardennes, nous lisons : le 11 juin 1774. « jour du mariage de Louis XVI, roy de France, on vend le blé 20 livres . On fait sécher les seigles sur des draps pour faire du pain  ». En 1775, «  la moisson a commencé le 3 août ; bonne récolte, le blé coûte 17 livres , le vin coûte 45 livres  ». En août 1776, «  on vend le blé 18 livres et le vin 30 livres ». En 1781, « la moisson a commencé le 17 juillet, fini le 4 août ; bon blé, on le vend 12 livres ; le vin 60. Nous les manouvriers, on mange, mais les fermiers se plaignent  ». En 1782, «  le blé coûte de moins en moins, 9 livres ; on dit qu'il y a trop de vin ». En 1784, on a commencé cette année à scier les blés à la faux. Le blé coûte 12 livres , le vin 30  ». En 1785, «  moisson du 8 au 29 août. Le blé est à huit livres, le vin à 30  ».

Revenons un temps sur l'économie céréalière longpontaise au début du XVIIIe siècle. Une analyse est nécessaire car les bilans pécuniaires du prieuré de Longpont ne font jamais apparaître un tel calcul. Le rendement par arpent ensemencé en blé froment était évalué à un nombre de 150 gerbes et le produit en grain variait entre 2 à 3 setiers, soit une moyenne de 2 setiers 1 mine par 100 gerbes ou 3 setiers 1 mine ½ par arpent. En outre, le battage de 100 gerbes donnait 6 boisseaux de criblure. La semence de chaque arpent de blé était estimée à 8 boisseaux, à raison de 12 l .t. par setier. C'est-à-dire que le rendement était sensiblement supérieur de 1 pour 5 grains pour une terre travaillée à trois façons de labour et fumure. (notons que 100 kg de blé produisent environ 70 kg de farine et 25 kg de son).

Rappelons les mesures utilisées à Longpont sous l'Ancien régime. Pour les grains, le muid contient 12 setiers de 12 boisseaux. Il y a exactement 27 boisseaux dans 10 pieds -du roi cube, soit une contenance de 13 litres 8 millilitres. Le setier vaut donc 156 litres 10 centilitres. Les multiples du boisseau sont : le minot de 3 boisseaux et la mine de 6 boisseaux. Le litron est le seizième du boisseau. Le setier de blé à Paris était de douze boisseaux et devait peser deux cent quarante livres.

Une lettre d'intendant de juin 1747 précise « …le prix du froment est depuis 6 mois de 45, de 50 et de 55 sols le boisseau, le seigle vaut 40, 45, et 48 sols, l'orge 30 et 35 sols, l'avoine 14, 16, et 18 sols. Ces grains coûtent ordinairement moitié moins. Il serait du bien général que le froment vallût 30 sols, le méteil et le seigle à proportion  ». Le poids moyen d'un hectolitre de blé de première qualité est de 76 kilogrammes 58 milligrammes ; celui du blé muison , composé de deux tiers de blé et d'un tiers de seigle, est de 74 kg 115 mg ; enfin celui du blé méteil, moitié blé, moitié seigle, de 72 kg 492 mg.

Les chartes de l'abbaye de Cluny sont plus précises à ce propos. « Le poids du pain de Cluny pour le besoin des moines est de 2 marcs, 7 onces et 5 deniers. L'autre poids avec lequel on faisait le pain de table (ou pour le repas) est de 2 marcs, 2 onces et 5 deniers anglais. Le poids avec lequel on pèse le pain de froment ou de seigle pour les besoins de la domesticité est de 2 marcs. De 2 setiers de froment on fait 253 petits pains, appelés miches, et donnés à l'hospicium, et 115 gros pains blancs, donnés à l'hospicium, et ces 115 gros pains pèsent autant que 230 miches. Avec un setier on fait 120 gros pains, donnés à l'hospicium, et ce gros pain fait 4 marcs. Pour la nourriture des trois cents frères ou plus suffisent pour un jour 3 setiers de froment. Pour la nourriture des hôtes et de toute la domesticité, à moins d'un afflux d'hôtes, suffisent pour une journée un setier et demi de froment ou un setier et demi de seigle ».

 

 

Notes

(1) M. Baulant, Le prix des grains à Paris de 1431 à 1788 (Annales vol. 23, 1968, pp. 520-540).

(2) V. Huck, Almanach des événements météorologiques  ; http://www.prevision-meteo.ch/almanach/1500-1599 .

(3) Le picotin était une mesure de capacité dont on se servait pour l ' avoine que l'on donne aux chevaux. Il valait environ deux litres et demi.

(4) P. Lafargue, Le Droit à la Paresse , Réfutation du Droit au Travail de 1848 (H. Oriol, éd., Paris, 1883).p. 27.