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Le fief de Grandainvilliers

 

Cette courte chronique présente l'histoire du fief de Grandinvilliers , ou Grandainvillier, petit fief sur le plateau de Villejust, du côté d'Orsay. C'est une terre de près de 100 arpents qui mérite d'être citée bien que nous ne possédions que quelques débris.

 

 

JP.Dagnot, C.Julien . Février 2014

 

Plan terrier du fief de Grandinvilliers (1767).

 

 

Le seigneur primitif du fief de Grandinvilliers semble avoir été le prieuré Saint-Éloi de Chilly «  Challiacum , ou Callidiacum  » ou de Longjumeau «  Nogemellum puis Loncjumel  » qui reçut cette terre dès la création du couvent au XIIIe siècle. Par conséquent, Grandinvilliers était l'une des censives du prieuré Saint-Éloi dont les religieux utilisaient les services de receveurs laïcs pour la perception des redevances. En 1388, Jean Pilant est le fermier des religieux de Saint-Éloi dans la région de Montlhéry (1).

Avant de parler du fief de Grandinvilliers, nous donnons quelques indications sur le temporel du prieuré Saint-Éloi dans la région immédiate.

 

 

Le temporel du prieuré Saint-Éloy

Le prieuré Saint-Éloy de Longjumeau «  priori sancti Egligii juxta Chailliacum  » était une filiale rurale du couvent Sainte-Catherine du Val-des-Écoliers de Paris. Doté dès sa fondation par la maison capétienne de Dreux, le prieuré était une seigneurie ecclésiastique. La plus grande partie de son temporel se compose de rentes, dîmes et redevances diverses en argent et en nature «  bled ou ving que les religieux preignent par chascun an  ». Le prieuré possède également des masures et maisons dans les villages des environs de Longjumeau accensées à des laboureurs ou des artisans locaux.

Dans le registre des comptes de décime du diocèse de Paris de 1352 «  registrum decime civitas et diocesis Parisiensis  », le prieur disposait de 220 livres et le chapelain de 16 livres . Le premier payait 7 lt 6 s 8 d de décime à l'Eglise de Paris, tandis que la redevance du second était 10 s 8 d (2). D'après la taxation de 1485, le prieuré Saint-Éloi disposait annuellement de 250 livres pour un effectif de15 religieux (dénombrement de 1444).

L'aveu de dénombrement rendu au roi, en 1388, en la Chambre des Comptes désigne, parmi le domaine du prieuré Saint-Éloy, les fiefs proches des terroirs d'Orsay-Palaiseau :
- un aveu de Jehan de Mygnauville est donné aux religieux et couvent de Saint-Éloy-lès-Loncjumel du fief du fief du « Colombier de Lauzerre » , consistant en un hôtel, colombier et trois arpents de terre.
- les religieux reçoivent de Jehan Bérard, les cens à « la Topinière » pour sa maison ; 4 sols de Jehan de Mygnauville pour son manoir, jardin et aulnois ; 4 sols pour demi arpent de « vingne » au-dessus de la Topinière et une maison qui fut à Jehan Empfroy.
- une rente de 18 setiers et mine de grains, moitié bled et aveine, est reçue à Paloisel sur la Troche , par les religieux de Saint-Éloi.
- une rente de 4 muids 8 sextiers de grains, moitié bled, moitié aveine, à Paloisel est reçue par les religieux de Saint-Éloi sur la Hunière .
- une rente de 12 setiers, moitié bled et aveine, est reçue à Palesel, par les religieux de Saint-Éloi, sur « la ferme de la Vove ».
- Thévenin des Gigoust doit au prieuré Saint-Éloi, « tant pour un quart, que mesurage que vngne, deux coustiers de ving ».

La plupart de ces fiefs furent vendus au début du XVIe siècle par les religieux. En 1506, le seigneur d'Orsay rendit foy et hommage à Fiacre de Harville pour les fiefs du Colombier à Lozère, de la Taupinière qu'il avait acquis des religieux, prieur et couvent de Saint-Éloy-lez-Loncjumel. La ferme des Gigoux sera tenue en fief par le prieuré jusqu'en 1688, époque où elle passe dans le domaine de François de Harville, seigneur de Palaiseau. Ce chemin traverse le fief dans sa partie.

 

 

Le fief de Grandinvilliers  

C'est un plan terrier du fief de Grandinvilliers, dressé en 1767 lors d'une la vente, qui nous renseigne sur la situation et la contenance de cette terre. Au XVIIIe siècle, elle était proche du château de Courtabeuf puisque, seul, le chemin de la Plesse à Courtabeuf les séparait dans sa partie occidentale. Au-delà du chemin de Courtabeuf à Villejust, nous trouvons, plus au sud, la ferme du petit Courtabeuf.

En 1767, «  le fief de Grandainvillier  » comprend quatre lots (A-D) dont la situation juridique est la suivante :
- (A) 41 arpents 50 perches, au seigneur d'Orsay, en censive de Messieurs Saint-Éloy ; un petit taillis existe au centre de cette parcelle,
- (B) 4 arpents 20 perches, à Monsieur d'Orsay,
- (C) 16 arpents, au seigneur d'Orsay, en fief,
- (D) 40 arpents 8 perches, à Monsieur le prince de Condé, en censive de Messieurs Saint-Éloy (3).
Soit une contenance totale 101 arpents et 78 perches ou 34 hectares 79 ares et 86 centiares calculée à raison de 18 pieds pour perche.

On comprend bien la complexité féodale. Ces quelques arpents, compris dans la seigneurie de Courtabeuf, sont principalement en censive du prieur et de chanoines réguliers du prieuré Saint-Eloy-les-Longjumeau. Il faut dire que les terres et fiefs de cette seigneurie étaient placés dans la mouvance de six seigneurs suzerains dont le roi, les dames de Saint-Cyr, le comte d'Orsay, le seigneur de Montjay, le seigneur de Marcoussis et le prieuré Saint-Eloy. On imagine le casse-tête pour les déclarations de foy et hommage où il fallait scrupuleusement rapporté les biens dans l'acte d'aveu et dénombrement.

 

 

Inventaire des titres du fief de Grandinvilliers

2 mars 1508, un mémoire du fief de 90 arpents précise que cette terre est tenue en censive des religieux du prieuré Saint- Éloy à cause de leur fief de Grandinvilliers.

2 mars 1508, un mémoire mentionne que 90 arpents de terre labourable sont tenus en censive des religieux de Saint- É loy à cause de leur fief de Grandinvilliers. Cette terre est dans les mains de Pierre de Meauze et Jehanne de Harville, sa femme, qui laissèrent à leur décès trois enfants, Guillaume, Jacqueline et Anne de Meauze. À la date ci-dessus, Guillaume a acquis de sa sœur Jacqueline, alors femme de Guy Dumesnil, la part venant de la succession des parents.

 

 

 

Le 5 octobre 1516, paiement fait par Fiacre de Harville à Pierre Hardy, huissier des Requêtes de l'Hôtel, et à sa femme Jeanne, auparavant femme de Jean Reliant et mère et tutrice de son fils Jean Rollant, âgé de dix-neuf ans, qui lui ont vendu 20 livres tournois de rente sur les terres et seigneuries de Courtabeuf et « Grandivilliers ».

Le 13 juin 1540, aveu et dénombrement par Esprit de Harville, devant Laurent Bourdon tabellion de Montlhéry, «  tant pour luy que pour François de Harville, son frère, advoue tenir des fiefs et terres à Courtabeuf  », avec mention des autres terres de Villefeux, la Garenne de Courtabeuf, la terre de Grandinvilliers, etc.

En 1555, M de Palloysel possédait 15 arpents de terre, au chantier de Grandinvilliers à Courtabeuf.

Le 20 octobre 1601, vente faite par Henri Dumesnil, écuyer, seigneur de Courtabeuf, à Joseph Lemercier de la terre et seigneurie de Courtabeuf , paroisse d'Orsay, dont une partie mouvante du roi à cause de la châtellenie de Montlhéry et le reste relevant de Magny-Lessard. Les 35 arpents de terre au lieudit Grandinvilliers, tenus en fief ou roture sont compris dans la transaction

Le 14 novembre 1611, un commandement est fait à la requête des religieux de Saint- É loy à demoiselle Peloquin, veuve de Joseph le Mercier, seigneur de Courtabeuf, pour payer les droits de lods et ventes qui leur estoient dûs à cause de l'acquisition de la terre de Courtabeuf.

Ne s'étant pas acquittée des droits de mutations envers ses suzerains, la veuve le Mercier est sommée de produire les lods et vente. Le 16 mars 1618, une déclaration par Louise Lemercier, femme de François Texier, héritière de Joseph le Mercier, concerne des 35 arpents de terre au terroir de Courtabeuf, lieu-dit Grandinvilliers, dans la censive des prieur et chanoine réguliers de Saint-Éloy-les-Longjumeau.

Le 15 juillet 1661, entre Josias de Rouen et Elizabeth de Favier, veuve Antoine de Harville, dame de Palaiseau, il est fait un concordat, devant Boutard notaire à Paris, et un échange d'une partie du domaine de Courtabeuf venant des hoirs de Guillaume et Anne de Meauze. Quatre arpents à Grandinvilliers sont échangés contre une autre pièce de terre.... Il est aussi admis que le sieur Josias de Rouen, bourgeois de Paris, receveur et procureur du duc Gaston d'Orléans pour son comté de Montlhéry pourra prendre le titre de seigneur de Courtabeuf dans ses terres (4).

À partir de 1680, l'ancien receveur du comté de Montlhéry éprouve de gros ennuis pécuniaires, peut-être dus à la vieillesse, mais surtout parce que son protecteur et patron, l'oncle du roi est mort. Le 19 novembre, une sentence est rendue au Châtelet qui condamne Josias de Rouen à exhiber aux religieux de Saint- É loy, les titres pour une pièce de 35 arpents. Il s'agit du fief de Grandainvilliers. Après quelques atermoiements, Josias de Rouen, seigneur de Coutabeuf, se décide à passer, le 6 octobre 1681, une déclaration pour la pièce de 35 arpents.

Les prieur et chanoine du prieuré Saint- Éloy-les-Longjumeau continuent leur action en justice pour être payé de leurs créances. Le 3 mars 1682, une sentence condamne le sieur Josias de Rouen, bourgeois de Paris, à payer 175 livres au profit de Saint- Éloy pour redevance due sur la pièce de terre de 35 arpents à Grandinvilliers. L'ancien receveur du comté de Montlhéry est couvert de dette et déclaré en faillite par les directeurs des créances ?

Le 11 septembre 1683, devant le notaire Baglan, la vente de la terre et fief de Courtabeuf est prononcée par les créanciers de Josias de Rouen à Marie Girard, veuve de Menguy , moyennant la somme de 27.400 livres . Le lot n°64 comprend le fief de Grandinvilliers de 35 arpents à Courtabeuf. Le 29 novembre 1686, dame Marie Girard déclare lesdits 35 arpents du fief de Grandainvilliers auprès du fondé de procuration de la seigneur ecclésiastique du prieuré Saint-Eloy.

Le 4 septembre 1724, Paul Graindorge, chevalier seigneur du Teil, demeurant en Normandie, et Claude Marie de Colas son épouse, vendent à «  très hault et très puissant seigneur  » Charles Boucher, seigneur d'Orsay, maître des requêtes, demeurant à Paris rue Saint-Guillaume paroisse Saint-Sulpice, la moitié par indivis, à cause de sa femme, l'autre moitié appartenant audit seigneur d'Orsay, en conséquence d'une vente faite en juin dernier, voir le détail il s'agit de l'autre moitié; les biens viennent de Louise Vinet mère des filles Colas, femme de Jacques Colas qui lui était héritier de son oncle Hubert de Champy des quatre cinquièmes de Nicolas de Champy et Antoine François Jolybois et sa femme Gabrielle Duquesnes voir partage du 26 septembre 1723 devant de Beauvais. La vente faite moyennant 40.000 livres dont 30.000 lt pour la terre de la Plesse et 10.000 lt pour la terre de Courtabeuf. Dans la vente, est compris le fief de Grandainvilliers, mouvant de Saint- É loy.

Le 26 novembre 1751, damoiselle Marie Boucher d'Orsay, dame des terres et seigneuries de Courtabeuf, a reconnu tenir, à titre de chef cens, des religieux de Saint-Éloy, 35 arpents de terre, tenant d'un côté à la marquise de Pomponne, l'autre côté au mur du parc, au chemin nommé «  voie Pernaud  » entre deux, faisant partie de l'ancien domaine de Courtabeuf, grâce à l'échange entre la marquise de Palaiseau et Josias de Rouen, lesquels seigneurs de Palaiseau étaient propriétaires de 40 arpents situés dans le fief de Grandinvilliers et selon l'apparence, lesdits 40 arpents avec les 35 ci-dessus, et les 15 arpents appartenant à Monseigneur de Moignon , formaient les 90 arpents du fief de Grandinvilliers.

Le 25 février 1767, étant âgée de 80 ans, la demoiselle d'Orsay décide de vendre sa seigneurie de Courtabeuf à messire Pierre-Gaspard Marie Grimod d'Orsay, seigneur d'Orsay, de la baronnie de Rupt, de la principauté de Delain et du comté d'Autrey, mineur émancipé par les lettres de la chancellerie du 9 juillet 1766. La vente en faite moyennant 170.000 livres avec réserve d'usufruit pour Marie-Anne Boucher d'Orsay «  ladite seigneurie de Courtabeuf et ses dépendances relèvent en partie du Roy à cause de la tour de Montlhéry, en partie de la royale maison de Saint-Louis établie à Saint-Cyr-les-Versailles à cause de leur baronnie de Magny-Lessart unie à la terre de Chevreuse, en partie du seigneur de Marcoussis, et en partie de Messieurs les prieurs et chanoines réguliers du prieuré Saint- É loy-les-Lonjumeau à cause de leur fief de Grandainvilliers…  ». Dans cette vente, le prix de chaque fief est donné « 9.165 livres pour ce qui relève du fief de Grandainvilliers appartenat au prieuré Saint- Éloy  ».

Un mémoire daté de 1777 décrit les terres labourables au terroir et dans la plaine de Courtabeuf. «  Les terres labourables sis audit terroir de Courtabeuf en face de la grille du bout du parc, tenant d'un long d'orient au chemin de Courtabeuf à la Butte Sainte-Catherine, d'autre long d'occident audit sieur Charvet, d'autre part du nord au bois de la grille par hache saillante en pointe sur ledit chemin de la Butte Sainte-Catherine et d'autre bout du midy audit parc, ledit chemin anciennement appelé la voye Pernaude entre deux. Fait partie du bail de Courtabeuf et est l'objet de l'article 2 de la déclaration censuelle rendue aux chanoines de Saint-Éloy les Longjumeau  ».

Le 11 avril 1786, acte notarié établissant que le prince de Condé possède à Courtabeuf 40 arpents 28 perches de terre en censive du prieuré de Saint- É loi et faisant partie du fief de «Grandinvilliers».

 

 

Notes

(1) En 1529, les comptes de Jean Picot, receveur, fut apparaître une somme de 8 livres 8 sols 41 deniers tournois pour la ferme des villages de Nozay, Villiers, Montlhéry et Louans alors que la ferme des localité plus proches, les paroisses de Longjumeau, Chilly et Champlan rapporte 60 livres 1 sol 6 deniers.

(2) A. Longnon, Pouillés de la Province de Sens (Libr. C. Klincksieck, Paris, 1904).

(3) À cette époque Mr d'Orsay est Pierre-Marie Gaspard Grimod d'Orsay et le prince de Condé est Louis-Joseph de Bourbon qui avait hérité de sa demi-sœur, Melle de Sens en 1765.

(4) Josias de Rouen, bourgeois de Paris, était le receveur du duc Gaston d'Orléans, pour sa châtellenie de Montlhéry. Le fondé de pouvoir avait manœuvré de telle façon qu'il avait usurpé de nombreux fiefs dont celui de Courtabeuf.