Jean V Malet de Graville, seigneur de Marcoussis (I) Le chevalier |
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Chronique du Vieux Marcoussy ------------------------------------- _------------------------------- Mars 2010 C. Julien JP. Dagnot
Dans cette chronique, nous suivons l'ordre chronologique de l'histoire des seigneurs de Marcoussis. C'est le premier volet de l'époque de la famille Malet de Graville. Précédemment, nous avons évoqué les « premiers seigneurs », puis la période flamboyante de Jean de Montagu suivie de la possession de la seigneurie par Louis de Bavière, beau-frère du roi Charles VI. Pendant la période suivante, au XVe siècle, la terre et seigneurie de Marcoussis retourna dans le patrimoine des héritiers Montagu. Avant de continuer, arrêtons-nous un instant en revenant sur certains détails qu'il est nécessaire d'évoquer pour comprendre la suite des évènements. Il s'agit principalement de la succession de Jean de Montagu qui, en octobre 1409, fut victime de la vindicte et la jalousie du duc de Bourgogne. Reprenons succinctement les pages de Pijart. Un acte de janvier 1379, nous apprend que « honorable home et sage Bernart de Montleri » possède la terre et seigneurie de Marcoussis. Ce fonctionnaire royal, en charge de la trésorerie du Dauphiné, devait par l'ordonnance de la chambre des comptes 10.000 livres d'or des comptes de cette province. Le trésorier étant mort, Jehanne Pizdoe sa veuve doit répondre sur ses biens des dettes de son mari car elle est réputée tenir en fief en une seule foy et hommage du roy la moitié par indivis desdites terres et seigneuries de Marcoussis acquises par elle et son dict defunt mary. Le 28 janvier 1386, un décret royal confisque à la veuve le chastel de Marcoussis et manoir de la Ronce pour la somme de 6.010 francs. Marcoussis ne resta pas dans les mains du roi qui fit un « eschange perpétuel du chastel de Galargues pour le chastel et maison fort de Marcoussis » au profit de Ferry Cassinel, évêque d'Auxerre et conseiller du roi. L'acte est établi le 9 février 1386. Le riche prélat abandonna Marcoussis et la Ronce à son neveu Jehan de Montagu par lettre de donation du 30 novembre 1388 « de son bon gré, bonne volonté, affection et amour naturelle pour son neveu aussi pour faire le plaisir du roy ». Devenu surintendant des finances et grand-maître de l'hôtel du roi, ce Jean de Montagu fit les transformations dont nous avons parlé dans les Chroniques précédentes (1) .
La succession de Jean de Montagu De son mariage avec Jacqueline de La Grange, nièce du cardinal, le grand-maître d'hôtel eut cinq enfants : un fils nommé Charles et quatre filles Élisabeth, Jacqueline, Marie et Jeanne. Jean de Montagu s'attacha à s'assurer des appuis et des alliances solides en organisant le mariage de ses enfants. Les époux de ses quatre filles furent choisis parmi les seigneurs riches et considérés, aidé dans cette tache par ses deux frères l'archevêque de Sens et l'évêque de Paris. Le fils unique fut allié à une princesse du sang. Le contrat de mariage d'Élisabeth de Montagu avec le comte de Braine fut signé en 1398. Bien que la demoiselle n'ait eu que quatre ans la clause suivante fut portée sur le contrat « si non consommé et l'un des deux époux décède il prendra le frère ou la soeur de l'autre ». Nous renvoyons le lecteur aux chroniques « La vie de Jean de Montagu » pour connaître dans les moindres détails la vie de ces enfants. Bien que les lettres royaux de Charles VI datées du 29 octobre 1403, portèrent sauvegarde et maintenance des possessions de Jehan de Montagu, tous ses biens furent confisqués au lendemain de sa mise à mort, pour être reçu par le Dauphin Louis, le 26 octobre 1409. Rappelons toutefois que, le 17 janvier 1404, Jehan de Montagu donne à son fils Charles la seigneurie de Marcoussis lorsqu'il sera marié à Jehanne d'Albret « avec l'approbation du roy et souffrance donnée au dit Charles son fillol pour deux ans ». Un vidimus renseigne le contrat de mariage de Charles, escuier, fils du grand maistre avec Jehanne Delebret, fille du connestable, devant Jehan Taconneau et Estienne Roussel du Châtelet. Le mariage fut célébré le 30 juillet 1409 avec une pompe qui fut reprochée lors de l'arrestation du grand maître. Après la réhabilitation du ministre de Charles VI, nous trouvons le 22 août 1412, la donation et ratification par le roy, de la terre et seigneurie de Marcoussis à Charles de Montagu, fils de Jean, laquelle avait été confisquée au profit du roy après le décès de Jehan son père. Un rappel de la donation de 1404 est détaillé. Devenu premier chambellan du dauphin Louis duc d'Aquitaine, Charles de Montagu est qualifié de chevalier dans une lette du roi du 20 octobre 1413 faisant mention « qu'il a donné à Charles chevalier et vidame de Laonnois toutes les terres estant en sa main par confiscation ». Le 18 novembre 1413, foy et hommage du Bois-Malesherbes est rendu par Charles de Montagu à Charles duc d'Orléans. Le 8 avril 1414, dans une lettre de recompensation du roy, avec rappel de la donation de 1404 à Charles de Montagu, il est stipulé qu'une « somme de trois mille livres de rente ou quatre vin mil franc en une fois sur les confiscations et forfaitures faites en 1409 à payer au dauphin Monseigneur de Guyenne en dédommagement de la restitution de la seigneurie ». Deux autres actes importants pour Marcoussis sont donnés au cours de l'été 1415. D'abord, le 27 août, Charles, seigneur de Montagu, vidame de Laonnois, seigneur de Marcoussis, du Bois-Malherbes et de Tournenfuye, chambellan de Monseigneur le duc de Guienne, confesse avoir reçu de honorable hôme Maitre Estienne de Maure…, secrétaire du roy et garde du trésor des chartes, quatre coffres avec l'inventaire de ces derniers... Puis, le 15 octobre, un acte mentionne Charles seigneur de Montagu, vidame de Laonnois, seigneur de Marcoussis, du Boys Malherbes et de Tournenfuy , chambellan de Monseigneur le duc de Guyenne..... souffrance de luy faire foy et hommage de quatre livres tournois de rente sur un manoir à Martinvilliers. Enfin, participant à la campagne militaire contre les Anglais, Charles de Montagu tombe sur le champ de bataille à Azincourt le 25 octobre 1415 avec son beau-père Charles d'Albret et plusieurs membres de la famille dont son oncle l'archevêque de Sens et son beau-frère le comte de Braine. Après la mort de Charles, la terre de Marcoussis fut dévolue à sa sœur aînée Élisabeth, elle-même veuve depuis Azincourt de Jean VI du Moulin ou de Pierrepont, comte de Roucy et de Braine. Une fille Jehanne du Moulin, comtesse de Roucy était née de cette union, laquelle fut mariée à Robert de Sarrebrucke, damoiseau de Commercy. En 1417, Élizabeth épousa, en secondes noces, Pierre de Bourbon, seigneur de Préaux, Combles et Ville-en-Tardenois, vicomte de Lavedan, un des trente-six princes du sang qui vivaient au début du XVe siècle. Privé de ses biens patrimoniaux, Pierre de Bourbon reçut du roi la charge de capitaine du château de Marcoussis . Il mourut accidentellement à La Rochelle en 1422.
Plusieurs actes notariés font état de la seigneurie de Marcoussis tenue par Pierre de Bourbon. Le 9 mai 1417, Pierre de Bourbon seigneur de Préaulx « nous a fait les foy et hommage qu'il nous était tenu de faire du chastel de Roucy...., et semblablement des chastel et seigneurie de Marcoussis, Gometz, St Yon,....à cause de notre chatellenie de Montlhéry laquelle terre et seigneurie à cause de la comtesse de Roucy et de Brayne sa femme... ». Puis, le 28 avril 1419, « noble et puissant Pierre de Bourbon, chevalier, seigneur de Préaux, et de Marcoussis et noble et puissante dame Elizabeth de Montagu dame desdits lieux,... lesquels confessent avoir vendu aux Célestins d'Amiens cent livres de rente .... moyennant 1.000 livres de principal, Fait aux Célestins d'Amiens puis seal de la prévosté de Montlhéry... fait & passé au chastel de Marcoussis par lesdits messire Pierre de Bourbon et dame Elizabeth sa femme ». La rente est adossée sur la forest d'Ailly et autres en Picardie. L'acte est donné via des intermédiaires en raison de la guerre. Le 16 octobre 1429, Élisabeth fait son testament en faveur de sa fille Jeanne Dumoulin, demoiselle de Roucy, puis à ses enfants sinon Jacqueline de Montagu, sa sœur. Élisabeth décède en octobre 1429 à Lyon. Son corps fut transporté aux Célestins de Marcoussis en 1470. Jacqueline de Montagu, cadette qui avait reçu le prénom de sa mère fut mariée alors qu'elle était en bas âge, le 7 novembre 1399, « en premières nopces à Georges de Craon, seigneur de Montbazon » dit Pijart qui précise que Monstrelet l'appelle Jean de Craon. Né vers 1380, Jean de Craon, seigneur de Montbazon, vicomte de Chateaudun était le fils de Guillaume de Craon et de Jeanne Savary de Montbazon. Également tué à Azincourt, Jean de Craon ne laissa aucune postérité. Sa veuve épousa « noble homme Jehan de Graville, chevalier, seigneur dudit lieu ». Elle mourut à Montcontour en pays de Poitou en 1436.
La généalogie des sires de Graville La maison Malet, illustre en Normandie dès le commencement du XIIIe siècle, possédait le comté d'Alençon, qu'elle vendit, en 1110, à Philippe-Auguste . Elle a donné plusieurs grands officiers de la couronne, et remonte à Ernest Malet, seigneur de Graville. Guillaume Malet se distingua à la bataille d'Hastings, en 1066. Robert et Durand Malet , chevaliers, suivirent aussi Guillaume de Normandie à la conquête de l'Angleterre. Guillaume Malet , banneret normand, accompagna Godefroy de Bouillon à la première croisade, en 1096. Robert Malet , IIe du nom, est qualifié du titre de comte dans un acte de 1199, et il figure parmi les bannerets normands à la bataille de Bouvines (2) .
Il semble que la généalogie de la branche aînée des sires de Graville soit confuse (3) . Dans le grand dictionnaire historique publié à Bâle en 1732, Dom Louis Moréri donne la filiation suivante : Gui Malet, sire de Graville qui fut fait chevalier à la bataille de Roosebecque le 17 novembre de l'an 1382 serait le fils de Jean IV Malet et d'Éléonore de Châtillon. Il vivait encore en 1410. Il fut tué au cours de la bataille de Verneuil (4) . Sa femme Antoinette de Châtillon lui donna trois enfants (i) Jean V Malet, (ii) Catherine Malet, mariée à Helin seigneur de Weisières puis à Olivier d'Escanneville et (iii) Agnès Malet, femme du chevalier Louis de Launay. Par contre, Aubert de La Chesnaye-Desbois nous donne un autre aspect de la généalogie des Malet au XIVe siècle. Jean III Malet, le Décapité , époux d' Éléonore de Châtillon, eut deux fils et une fille. L'aîné, dont nous ne connaissons que peu de choses, Jean IV Malet fut rétabli dans tous les biens de son père au mois de janvier 1361 « avec pouvoir de succéder à ceux de ses prédécesseurs ». Il servit en qualité d'écuyer en 1369 avec quatre chevaliers et cinq écuyers sous le maréchal de Blainville et continua les années suivantes jusqu'en 1380, étant alors chevalier-banneret (5) . Le cadet Robert IV Malet, seigneur d'Ambourville, Coupigny et Fontaines, il est cité en 1380 dans le cartulaire de Sainte-Honorine. Il aurait eut quatre fils dont Gui Malet et trois autres tués à la bataille de Verneuil en 1424. Isabelle, sœur de Robert épousa Guillaume de Trie puis Louis, baron de Creuilly. Tué à Verneuil, Guy Malet était un chevalier que l'on trouve sur tous les champs de bataille. Il était présent à Azincourt après avoir fait montre à Rouen, le 22 septembre 1415, en qualité de banneret, de deux chevaliers bannerets dont Louis de Bourbon et Jean de Ferrières, deux bacheliers dont son cousin Georges de Graville et huit écuyers. Enfin, une étude généalogique récente donnée par Etienne Pattou cite Robert IV Malet comme le fils de Jean II et d'Anne de Wavrin, donc frère de Jean III le Décapité, et non pas son fils comme il est dit ci-dessus. Robert IV Malet fut lieutenant du roi de Navarre. Rentré en grâce, vers 1362, il hérita de son neveu Jean IV, fils de Jean III. Il participa à la campagne contre les Anglais en 1362 et les combattit en Saintonge et Poitou en 1376-1378. Marié à Jeanne Bertrand de Bricquebec, Robert Malet est mort vers 1395.
Les armes des Malet sont « de gueules à trois fermeaux ou fermalets d'or de deux et un » et leur devise « Ma force d'en haut » (6) .
La carrière militaire de Jean V Malet Avant de décrire les évènements survenus à Marcoussis sous le règne seigneurial de Jean V de Graville, nous abordons l'histoire de la carrière militaire de ce chevalier : tous ses états au service du roi Charles VII. Né vers 1390, Jean V Malet de Graville est le fils Gui Malet lequel servit le roi Charles VI dans les guerres de Flandres, se trouva à la bataille de Rosebecq le 17 novembre 1382, au siège de Bourbourg en 1383, et acquit en 1410, du sire de Bréauté, un fief dans la paroisse de Gonneville. Nous connaissons deux sœurs à Jean V Malet : Catherine Malet mariée à Hélin seigneur de Waysières, puis à Olivier d'Estouteville ou plutôt d'Estanneville avec lequel elle vivait en 1422 comme on le voit par la donation que leur fit Henri VI roi d'Angleterre de tous les biens de leur grand-oncle Guillaume Malet et de leurs cousins Guy et Hugues, qui s'étaient retirés en Limousin dans la capitainerie d'Excideuil, acte que nous produisons plus loin, à la branche de la Jorie. Anne Malet mariée à Louis, sire de Loigny, maréchal de France, conseiller et chambellan de Charles VII, favori de Louis II d'Anjou qu'il accompagna en Italie à la conquête de son royaume, il commandait l'avant-garde à la bataille de la Rocca-Serra. Pijart précise que Guy Malet « a esté tué à la bataille d'Azincourt a laissé d'Antoinette de Chastillon un fils appelé Jean, Guillemette et Marie ». Il semble qu'il y ait une erreur sur les noms de cette fratrie. Pour certains historiens, Jean V Malet décéda après 1449 (7) . Mézeray a publié en 1650 (tome 14) « Jean Malet de Graville, arrière-petit-fils de Jean Malet le décapité, mort en 1148, épouse Jacqueline de Montagu ». Ce gentilhomme vécut pendant la seconde période de la guerre de Cent ans, à une époque troublée par la guerre civile et les combats contre les Anglais. Suivant la grande tradition familiale, Jean fut un homme de guerre. Il combattit aux côtés de Charles VII pour recouvrer la plénitude du royaume de France. Les différents états de service, offices civils et militaires, de Jean V Malet peuvent se résumer par :
Charles Sellier précise : « C'est ce trait de patriotique générosité qui lui valut le titre de comte de Melun, par engagement. En outre des seigneuries de Graville et Marcoussis, il possédait celles de Séez, de Bernay de Montaigu, de Milly-en-Gâtinais, de Bois-Malesherbes, etc. ». Jean Malet suivit très tôt le parti du dauphin, alors que ses terres de Normandie étaient confisquées par le roi d'Angleterre. Il avait été le dernier défenseur de la Normandie d'où il s'expatria en 1418, après avoir perdu Pont-de-l'Arche . Charles VII lui donna 200 livres par mois pour 150 hommes d'armes et 133 hommes de trait de suite, avec ces hommes, il surprit le château de Meulan et passa la garnison anglaise au fil de l'épée en 1423. Mais il rendit la place faute de secours. Jean V Malet reçut au cours de l'été 1425 la charge de Grand-Maître des Arbalétriers, créée par Saint Louis ; bien que la piétaille fut tenue pour négligeable par la chevalerie française, cette charge était assez considérable. Pour ses services éminents de Jean de Graville auprès de Charles VII, celui-ci exempta ses vassaux les chevaliers de Marcoussis de guet et de garde au château de Montlhéry par ses lettres patentes du 4 juin 1449. On se souvient que la garde du château avait été instituée du temps de Louis VI le Gros, en 1118, et organisée par Philippe Auguste. Elle concernait tous les détenteurs de fiefs mouvants du roi. Selon Pijart, il se montra si rude à la lance « à un tournoy que fit Charles VII à Rouen qu'il brisoit tout et rencontroit par terre homme à cheval de sorte que le roy luy deffendit la jouste, et pour l'estime qu'il fesoit de sa personne, il luy donna la charge de grand maistre des arbalestriers de France ».
La situation matrimoniale Jean V Malet de Graville épousa en premières noces Jeanne de Bellengues dont il eut une fille La seigneurie de Montbron relevait de l'évêché d'Angoulême. Robert, le premier seigneur vivait au temps de Wulgrin comte d'Angoulême en 1140. Marie de Montbron serait la fille de François II, baron de Maulevrier, chambellan du dauphin en 1443 et de Louise de Clermont. Remarquons que plusieurs généalogistes, tels le père Anselme, La Chesnay-Desbois, et plus récemment Perret, ont fait erreur en prétendant que Marie de Montbron fut la seconde femme de Jean VI Malet de Graville. La confusion fut nourrie par le prénom Jean du père et du fils. Nous reviendrons sur cette question au cours de la chronique correspondante, pour démontrer que Jean VI Malet ne fut marié qu'une fois avec Marie de Montauban. Dans la généalogie de la maison d'Alègre donnée par Louis Moréri en 1740, François d'Alègre, comte de Joigny, baron de Vitaux, vicomte de Beaumont-le-Roger est chambellan du roi et grand maître réformateur des Eaux-et-Forêts. Il était le cinquième enfant de Jacques, baron d'Alègre, chambellan du roi, et d'Isabelle de Foix. Il fut l'un des principaux seigneurs qui accompagna Charles VIII. « Il épousa en premières noces Jeanne Malet, fille de Jean, seigneur de Graville, et de Marie de Montauban, dont il n'eut point d'enfants ». Il est surprenant que La Chesnay-Desbois reprenne en 1770 cette version dans son tome I du Dictionnaire de la Noblesse , étant en contradiction avec le tome V.
Jeanne de Bellengues Revenons brièvement sur la première femme de Jean V Malet. Jeanne de Bellengues était issue d'une famille normande, fille du chevalier Guillaume de Bellengues et de Jeanne de Brienchon. Etant veuve, en 1406, de Renaud de Trie, seigneur de Saulmont et de Mouchy, chambellan du roi et amiral de France, mort à l'âge de 80 ans à Hartford en Angleterre, elle se remaria avec Jean V de Graville. Saudret parle de Jeanne, dame de Sérifontaine, en termes élogieux « La femme de l'amiral était la dame la plus belle qui fût alors en France. Elle possédait toutes les qualités qui conviennent à une dame de ce haut rang ; très-sensée, meilleure ménagère qu'aucune autre dame de ces contrées, elle était encore la mieux équipée. Son habitation était séparée de celle de l'amiral ; on passait de l'une à l'autre par un pont-levis, quoique les deux demeures fussent enfermées dans la même enceinte ». Plusieurs historiens ont narré l'amour courtois entre Jeanne et un capitaine espagnol, Pero Nino, qui séjourna sous le toit de l'amiral à Sérifontaine. Selon un contemporain « la dame de Sérifontaine dont [Jean Malet] gagna le cœur ne fut autre que la fille du capitaine de Rouen, mademoiselle de Bellengues, belle, encore jeune, marié depuis plusieurs années à un vieux chevalier, amiral de France ». L'abbé Lebeuf nous apprend qu'au XIVe siècle, la maison de Trie possédait la terre de Mareuil-en-France au diocèse de Montmorency : Philippe de Trie en 1319 et Renaud en 1326. Philippe de Trie et Agnès de Goussainville, sa femme, vendirent la terre de Mareuil le 17 septembre 1395 à Renaud de Trie et sa femme Jeanne de Bellenges. Remariée à Jean Malet, ils vendirent conjointement la moitié de Mareuil à Jacques de Trie, seigneur de Rouleboise le 14 février 1408, en même temps que le fief noble de Chantilly. L'autre moitié de Mareuil fut vendue par Jean Malet et son épouse à Arnaud de Corbie, chancelier de France, le 18 janvier 1410. Selon La Chesnaye-Desbois, Marie Malet, fille de Jeanne de Bellengues et de Jean V Malet, fut veuve de Gérard d'Harcourt en 1455. Elle rendit foi et hommage, le 7 octobre 1455, de la terre de Lougey. Elle vivait en 1469. Elle donna quatre enfants au chevalier d'Harcourt qui furent auteur des branches de Bonnétable et de Beuvron.
Le gentilhomme amoureux Il convient de rétablir l'histoire du différend entre Jean de Malet et le frère du maréchal Boucicaut issu d'une famille tourangelle. Geoffroy Le Meingre de Boucicaut, seigneur de Saint-Luc, né à Tours en 1369 et son frère aîné Jean II de Boucicaut, maréchal de France en 1391, grand connétable de l'Empire d'Orient étaient les fils de Jean 1er Le Meingre de Boucicaut, maréchal de France né à Tours en 1310, mort à Dijon en mars 1372 et de Florie de Lignières. Jean II commandait l'avant-garde française à Azincourt, bataille au cours de laquelle il fut fait prisonnier et conduit à Londres où il mourut en 1421. Son fils Jean III fut tué à Azincourt. C'est à tort que plusieurs historiens ont qualifié Geoffroy Le Meingre de Boucicaut du titre de maréchal de France ; « mais, s'il ne fut point honoré du bâton fleurdelisé, on aime à dire qu'il fut digne de son père et de son frère » nous dit Rodolphe d'Ornano. Bien venu des dames, il était l'amant favorisé de Charlotte Lacochette [ou de La Clochette], fille d'honneur de la reine. Il avait pour rival Jean de Graville, sire de Montagu, qui l'ayant un jour assailli de plaisanteries déplacées, reçut un soufflet de Geoffroy de Boucicaut. Alain Chartier raconte qu'il avait eu, en 1406, la veille du jour de l'an « En icelui an, environ huit heures de nuit, battit messire Jean de Graville, messire Geoffroi Bouciquault en la rue S. Merry, parce que ledit Bouciquault avoit donné une buffe audit Graville, par jalousie d'une demoiselle de l'hôtel du Roi » (8). Selon le même auteur, Jean de Graville dévora cet outrage ; mais, comme il était aussi traître que méchant, il attira Boucicaut dans un guet-apens, et le fit cruellement maltraiter par ses valets. Cette affaire fit grand bruit, et Jean de Graville fut obligé d'en demander pardon à Geoffroy de Boucicaut, d'après la décision de six arbitres nommés pour terminer cette querelle. Ces arbitres étaient Gérard, seigneur de Saligny, Philippe, seigneur de Linières, Guillaume, seigneur de la Croisette, Jean, seigneur de Château-Morand, Jacques de Châtillon, amiral de France, et Nicolas d'Estouteville, seigneur de Torcy. L'affaire fut tranchée en la faveur de Geoffroy le 12 juillet 1411. Voilà en quels termes Jean de Graville dut faire amende honorable : « Monseigneur Boucicaut, de la contre-vengeance qui fut faite en votre personne il m'en déplust et déplaist; vous en crie mercy et à monsieur le maréchal votre frère, à vos amis, et vous requiers qu'il vous plaise me le pardonner ». Boucicaut répondit : « J'en suis content ». Graville au désespoir s'en vengea en donnant des coups de bâton à Le Meingre en pleine rue. Cet épisode est connu comme la "querelle de la rue Saint-Merry". Jean V Malet fut célèbre pour avoir un caractère batailleur, combattant les injustices, mais étant « bel homme » il eut de nombreuses conquêtes amoureuses dans sa jeunesse. Certains auteurs ont prétendu qu'il fut l'amant de la reine Isabeau de Bavière ; rien n'a été démontré à ce sujet.
Le siège de Pont-de-l'Arche Jean de Graville fut le dernier défenseur de la Normandie en 1418. Assiégé dans la place du Pont-de-l'Arche, dont il est capitaine depuis le 30 mai 1417, il dut capituler après une héroïque résistance. La chronique d'Enguerran de Monstrelet nous narre les évènements survenus en Normandie sous le règne de Charles VI. Il s'agit du siège et de la prise de Pont-de-l'Arche par les Anglais en 1418. Nous donnons le texte original dans son intégralité : « En ces propres jours, Henry roi d'Angleterre vint à Louviers en Normendie, qui s'estoit mise en son obéissance, et de là ala loger à l'abbaye de Bonport, de l'ordre de Cisteaulx, assez près du Pont-de-1'Arche. De laquelle ville et chastel dudit Pont estoit capitaine de par le roy de France messire Jehan de Graville, auquel fut envoie de par le roy Henry le seigneur de Cornouaille, pour lui signifier qu'il rendist ladicte ville et fortresse en l'obéissance dudit roy d'Angleterre. Auquel Cornouaille fut respondu, que ce ne feroit-il pas. Et adonc ledit de Cornouaille lui dist : "Graville, je vous afferme sur ma foy que demain malgré vous et voz aidans passeray l'eaue de Seine, et se je passe, vous me donnerez le meilleur coursier que vous avez, et se je ne le passe, je vous donneray mon chapel d'acier, lequel je vous feray valoir cinq cens nobles d'or". Après lesquelles paroles promises se partirent assez contens l'un de l'autre. Et lors messire Jehan de Graville manda gens hastivement de toutes pars pour garder lesdiz passages. Avecques lequel assembla messire Jaques de Harecourt, qui pour ce temps se tenoit à Estrepaigni [ville de l'Eure] et moult d'autres seigneurs et gentilz hommes, jusques au nombre de huit cens combatans et bien douze mille hommes du commun du pays. Toutefoiz lendemain, comme ledit de Cornouaille avoit promis, vint pour passer Seine, à tout huit petites nacelles, dedens lesquelles il se mist eu l'eaue, acompaigné de son filz, aagé de quinze ans, de soixante combatans et un seul cheval chargié de petis canons et autres habillemens de guerre, et se fist nager en une petite ysle qui estoit ou milieu de l'eaue, de laquelle ilz povoient pleinement traire sur les François dessusdiz, qui gardoient le passage. Lesquelz François estans ou nombre dessusdit, sans faire aucune défense, se départirent en grant desroy, chascun alant où il povoit le mieulx sans tenir ordonnance. Et ledit messire Jehan de Graville s'en retourna au Pont-del'Arche, messire Jaques de Harecourt à Estrapaigny et les communes se férirent ès bois. Et adonc ledit de Cornouaille et ses gens, ce voians de l'isle où ilz estoient, passèrent oul1rr par les basteaulx dessusdiz et descendirent à terre. Si fist incontinent son filz chevalier, et tost après passèrent par iceulx basteaulx et autres qui furent amenez, environ mille combatans, desquelz une partie, avec le sire de Cornouaille, alèrent escarmoucher devant le Pont-de-l'Arche, et les autres coururent le pays. Lequel de Cornouaille en parlant à messire Jehan de Graville lui dist, qu'il s'estoit mal acquicté et aussi les autres François, de les avoir ainsi laissez passer à si peu de gens actendu la grande multitude qu'ilz estoient ; disoit oultre et affermoit que, s'il eust esté en son lieu, à tout soixante Anglois, il eust bien gardé ledit passage contre toute la puissance des roys de France et d'Angleterre. En après, les Anglois dessusdiz assemblez se logèrent en l'abbaye de Mortemer en la forest de Lihons. Pour lequel passage ainsi gaigné, tout le pays de Caux et autres marches à l'environ furent en grant effroy, et non point sans cause. Et lendemain, le roy d'Angleterre fist passer l'eaue de Seine à son frère le duc de Clarence, à tout quatre mille combatans, et fist asséger les deux costez de l'eaue (sic) la ville et le chastel du Pont-de-l'Arche, et après fist faire ung pont par dessus Seine au costé devers Rouen, pour passer à leur aise quant bon leur sembleroit, lequel fut nommé le Pont Saint-George. Et se tint ledit siège environ trois sepmaines, au bout desquelles ledit messire Jehan de Graville dessusnommé rendi la ville et le chastel du Pont-de-l'Arche au roy d'Angleterre, moiennant et par telle condicion que lui et ses gens se partiroient saulvement avecques tous leurs biens. Et par ainsi le roy d'Angleterre eut l'auctorité de passer ladicte rivière de Seine à tout son plaisir, et y mist très grant garnison de ses gens. Pour la doubte desquelz la plus grant partie des laboureurs du pays se rendirent fugitifz avec leurs biens ». À suivre…
Notes (1) Une clause de la donation mérite d'être citée : « L'evesque demande de pouvoir séjourner quand il lui plaira avec ses gens, chevaux, compagnies, prendre à sa volonté foins, avoyne, grain boys, et que le cappitaine qui aura la garde dudit chastel y soit institué de part ledit monseigneur levesque et luy sera serviteur pareillement comme audit Jehan de Montagu, et luy obéira et aussi tous les autres officiers sujets desdites terres ». La donation fut approuvée le 21 mai 1389, par le roy. Un autre acte fut donné le 10 septembre 1389. (2) Selon le « Nobiliaire de Guienne et de Gascogne, revue des familles d'ancienne chevalerie ou anoblies de ces provinces » par M. O'Gilvy (Dumoulin, Paris, 1858), la famille Malet ne s'éteignit pas avec la branche aînée mais comporta plusieurs branches et rameaux. Depuis son établissement en Limosin et en Périgord, la maison de Malet a contracté des alliances avec les maisons de Châtillon, de Chapt de Rastignac, d'Aubusson, de Segonzac, de Lestrade, de Galard-Béarn, de Vassal, de Bertin, de Jumilhac, de Beaupoil de Sainte-Aulaire, etc. Elle a formé les rameaux suivants : 1) rameau de La Jorie , éteint en 1843 par la mort du comte Édouard de Malet de La Jorie, 2) rameau de Doussac, représenté par le comte de Malet de Glane, 3) rameau de La Garde, représenté par Henry-Auguste-Olivier, marquis de Malet, né en 1809, 4) rameau de La Garde du Pont de Saint-Vincent, représenté par François-Antoine-César de Malet de Clienau, 5) rameau de Puyvallier, 6) rameau de Roquefort, dont le représentant est Ernest, baron de Malet de Roquefort, 7) rameau De Fontcaude, représenté par Louis, comte de Malet de Fontcaude, près La Réole, 8) rameau De Saint-Émilion, et 9) rameau de La Borie, représenté par Félix de Malet de Rivière. (3) P.M. Perret, Notice Bibliographique sur Louis de Graville, amiral de France (Picard, Paris 1889). (4) Pendant la guerre de Cent ans, la bataille de Verneuil se déroula le 17 août 1424 à proximité du château de Charnelles en Normandie. Elle se solda par une victoire des archers de l'armée anglaise du duc de Bedford. Plusieurs membres de la famille Malet y perdirent la vie. (5) La dignité de chevalier ( miles en latin) était dans l'origine le grade le plus éminent de la noblesse militaire. Il n'y avait pas de récompense plus ambitionnée et plus capable d'animer et de redoubler le courage des guerriers dans les occasions périlleuses. Cette dignité, toute personnelle et non transmissible héréditairement, se conférait par une espèce d'investiture accompagnée de cérémonies religieuses et d'un serment solennel, excepté en temps de guerre, sur les champs de bataille, où la collation se réduisait à la simple accolade. Il y avait deux classes de chevalier : les bannerets , qui, possédant de grands fiefs, avaient le droit de lever bannière et étaient tenus de soudoyer cinquante arbalétriers pour le service du roi ; les bacheliers , qui, n'étant point barons ou n'ayant pas assez de vassaux pour lever bannière, servaient sous les ordres des premiers, et quelquefois même sous les enseignes des écuyers bannerets (d'après le Dictionnaire archéologique et explicatif de la science du blason , par A. O'Kelly de Galway, Bergerac, 1901). (6) Le lecteur pourra consulter : Julien de Courcelles, Le Dictionnaire Universel de la Noblesse en 5 tomes, (1820-1822) - André Borel d'Hauterive, Notice Historique et Généalogique sur la maison de Malet de Graville (1841) avec les branches de La Jorie, de Breveaux et du Bois, de Coupigny, de Cramesnil et de Drubec dans la Revue Historique de la Noblesse , tome II, p. 375-453 et tome IV, p. 350-352. (7) Aucun document ne mentionne la date de la mort de Jean V Malet. Les textes ne mentionnant pas l'ordre des personnages qu'il est difficile de distinguer de son fils prénommé Jean également. (8) « buffe » signifiait soufflet en vieux français.
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