Louis Malet de Graville, seigneur de Marcoussis

(IX) Le maître de Marcoussis

Chronique du Vieux Marcoussy ----------------------------------- _---------------------- --------- Juillet 2010

Vue du château de Marcoussis dessinée par Moithey (XVIIIe s.).

JP. Dagnot

C. Julien

 

 

Nous présentons la neuvième partie de la vie de Louis Malet de Graville. Il s'agit d'explorer tous les actes de gestion des terre et seigneurie de Marcoussis. Le premier document qui signale la présence de Louis de Graville à Marcoussis date de 1477, c'est-à-dire pendant la captivité de son père dans les prisons anglaises. Tout nous porte à penser qu'avant juillet 1482, le seul et unique propriétaire de Marcoussis était Jean VI Malet, sire de Graville, Louis n'étant que l'usufruitier.

Avant d'aller plus loin, on ne peut que s'étonner qu'aucune municipalité de Marcoussis n'ait jamais daigné donner le nom d'une rue, d'une place ou même d'une ruelle à l'amiral Louis de Graville, le plus grand serviteur de l'État qui avait choisi ce village pour y résider et y mourir, son « chier Marcoussy  » comme il disait. D'autres communes ont été moins ingrates, notamment Milly-la-Forêt et Sermaise qui ont toutes deux une «  rue de l'amiral de Graville  ». La Ville-du-Bois a également reconnu la générosité de l'amiral en lui donnant la rue devant l'église «  passage de Graville  ». Alors, la commune de Marcoussis aurait-elle été iconoclaste pour toujours?

 

 

L'usufruitier de Marcoussis

En 1479, Messire Loys de Graville bailla «  à fieffe  » à Guillaumme Gaignat quatre arpens et demi de pré tenant au seigneur de Saint-Wandrille. Dès sa prise de collation en 1491, Pierre Montelle, prieur du prieuré de Saint-Wandrille, voulut relever le prieuré et reprendre les biens usurpés. Dans un premier temps, il s'adresse à Louis de Graville qui n'intervient pas pour le recouvrement des terres ; mais finalement accepte sous la menace de sanctions ecclésiastiques « je ne sçaurois acquitter ma conscience dudit Prieuré si je ne faisois jecter aucunes contre ceux qui detiennent et empeschent les droita et emolumens dudit Prieuré ». Le relèvement du prieuré est entrepris par l'affermage du 6 février 1491 pris par Gervais Gosse, curé de Marcoussis moyennant 4 livres parisis par an avec obligation de faire des réparations. « … à titre de viager pour luy et ses ayans, ledit prieuré avesques le manoir d'icelluy …».

En 1477, Graville avait autorisé Marie de Balzac , sa femme, à tester ; il lui donnait en effet, 1.500 livres qui, avec 500 livres qu'elle fournissait, étaient destinées à l'acquisition des fiefs du Pavillon, paroisse de Chalost-Saint-Mars, près d'Etampes, du Petit Bouville, paroisse de Chalost-Saint-Mars, près d'Etampes, de Fraville et du Rouage de Saint-Martin d'Etampes : l'achat de ces fiefs à Jean de Godainville, écuyer, fut réalisé en 1498, et Marie de Balzac les donna aux Célestins de Marcoussis, à la condition que leur revenu serait employé, à la fondation d'une messe perpétuelle et quotidienne pour le repos de son âme. Marie de Balzac voulut augmenter cette fondation, et par devant Jean Rousseau, tabellion juré de Montlhéry, en 1499, Graville l'autorisait de nouveau à faire un autre testament, jusqu'à concurrence de 2.793 livres 15 sols, y compris les 1.500 livres qu'elle avait déjà reçues de lui. En effet, on lit dans une autre pièce non datée que Marie de Balzac avait fondé dans le monastère des Célestins de Marcoussis, outre la messe quotidienne dont il a été question, un obit et une grand'messe solennelle et annuelle.

Le document que nous venons de citer est d'une importance primordiale puisqu'il nous indique que le mariage de Louis Malet avec Marie de Balsac fut célébré avant la date du premier testament contrairement à certains auteurs qui donne la date de 1479.

À la mort de son père, Jean VI Malet, Louis doit présenter ses devoirs seigneuriaux à son suzerain, le roi. En juillet, Graville est à Marcoussis, où il est rejoint par le receveur de la seigneurie de Graville qui avait accompagné son maître au Pont-de-Chamois. Ce dernier vient à Marcoussis «  pour les affaires de la seigneurie  » de Graville. Dans le temps règlementaire, le 2 septembre 1482, la foy et hommage est rendue au roy par Louis seigneur de Graville pour ses terres et seigneuries de Marcoussis, Vaularon, La Roue Nozay et La Ville-du-Bois. « … Savoir vous faisons que notre amé et féal chambellan Loys seigneur de Graville nous a aujourdhuy [2 novembre 1482] fait en noz mains les foy et hommaige que tenu nous estoit… item, du chastel terre et seigneurie de Marcoussis, Villiers, Vallaron, la Ronce , Nozay, La Ville-du -Boys, Boissy, Eglis, Broullet, de l'ostel, seigneurie et appartenances de Chetonsville…  ». Le 16 octobre de l'année suivante, Louis de Graville représente ses foy et hommage à Charles VIII qui vient de monter sur le trône (1).

Charles VIII fut reçu plusieurs fois à Marcoussis par son ministre Louis de Graville. Il s'y arrêta le 20 et le 21 août 1485, quand il se rendait à Orléans pour rejoindre le sire du Bouchage et fermer les portes à son cousin le duc Louis. Le 27 février 1488, Graville recevait le roi Charles VIII à Marcoussis d'où celui-ci envoie une lettre au parlement de Paris. Le 8 décembre suivant, le roi est encore au château de Marcoussis d'où il écrit une autre lettre «  pour vuider un procès …».

Suite au différend avec les autres membres du Conseil du roi, après un mois de discussions sur l'envoi de troupes en Italie, Graville quitte définitivement la Cour pour ses domaines en 1493. «  L'amiraglio ancora si vede che di buona voglia non lo approva  », l'amiral n'approuve pas la guerre, «  nous voyons que la bonne volonté de l'amiral, n'est pas approuvée à nouveau  », écrit Francesco della Casa, ambassadeur d'Italie, dans sa lettre daté de Tours du 19 novembre. Le 24 décembre, il était rentré à Marcoussis, d'où il invitait Jean Bourré et le trésorier de Rennes à se transporter à Paris en toute diligence. «  Il s'étonnait des difficultés qu'ils avaient rencontrées pour contracter un emprunt au nom du roi…  », nous dit Perret.

Marie de Balsac rédige son testament le 15 juin 1497. Perret fait une faute quand il écrit : «… étant à Montlhéry, [l'amiral] avait autorisé sa femme, Louise de Balsac, à faire son testament par lequel elle léguait…  ». Elle donne une infinité de lays à plusieurs églises entre autres à celle de «  Marcouscy  » dans laquelle elle veut être enterrée, y ordonne plusieurs messes avec legs «  elle nous lègue 1.500 livres pour la fondation d'une messe basse quotidienne dans notre église  » par le don de fiefs de Lhumery aux environs d'Estampes. Il s'agit du couvent des Célestins.

Louis de Graville était dans son château de Marcoussis le 16 septembre 1495 d'où il écrivait une lettre «  aux gens de la chambre des Comptes  » à propos de la terre de Vandreul. «  Messieurs je me recommande à vous tant que je puis. J'ay esté adverty qu'il y a ung gendarme qui a demandé au Roy le domaine de Vandreulavacques le guect de la place qui y estoit avant qu'elle fust démollie…  ».

 

Le château de Marcoussis au XVIIe siècle, extrait du tableau conservé aux Orphelins d'Auteuil.

 

C'est à partir de cette époque, en 1497, que Graville délaissa presque complètement le Bois-Malesherbes pour faire de Marcoussis sa résidence favorite ; à cet effet et aussi sans doute pour se distraire de ses longues maladies, il répara, agrandit et embellit ce château où il devait mourir. Dans la grand'salle il fit peindre à fresque, peut-être par quelque artiste venu d'Italie, « l'entrée du roy Charles VIII à Naples, en costume de roi de Jérusalem et sur un cheval couvert d'une riche housse aux armes de ce royaume. Cette décoration fut répétée dans la chambre située au dessus, que l'on appelait la chambre du Roi  ». Aux murailles, des amours lutinaient des nymphes; les armoiries de Graville étaient entourées d'aigles et d'anges. Le prieuré (dit l'église de la Madeleine ) ne fut pas davantage oublié par le pieux amiral ; on voit encore aux clefs de voûte de l'église communale de Marcoussis les armes de Graville avec les fermaux et l'ancre symbolique de la dignité d'amiral; ces mêmes armes sont encore conservées dans un des rinceaux du haut de l'ogive de la grande verrière située au dessus de la porte d'entrée.

Dans un traité sur les Parcs et Jardins, le vicomte Georges d'Avenel cite «  le Grand Parc de Marcoussis  » pour définir le sens de cette appellation au Moyen âge «  …c'était une enceinte quelconque pour la chasse, close de murs… le sol y demeurait à l'état de labours, de bois ou de lande  ». Vers 1510, Louis de Graville décuplait la surface du «  Grand Parc de quatre hectares, planté d'arbres fruitiers et garni de fossés à poissons  » établi par son ancêtre, Jean de Montagu (l'auteur a fait une faute, ce serait plutôt le Petit Parc ).

Selon Michel Perret, Graville aurait encore fait construire une chaussée pour contenir les eaux de la Salmouille , des étangs de Roucy et de Craon, et en former l'Étang-Neuf. Enfin, il arrondissait ses domaines et acquérait les fiefs de Nozay, de la Ville-du -Bois et de Villiers-sur-Nozay, dont nous avons déjà parlé.

À la fin du XVe siècle, Louis de Graville affermait les emplois de sa châtellenie et quelques-uns des ses droits seigneuriaux. En 1499, le bail de la prévôté de Marcoussis était attribué «  au plus offrant et dernier enchérisseur  » moyennant huit livres parisis. Guillot Charron remporta l'enchère. En 1500, cette prévôté était affermée pour deux ans à Michel le Normant pour 10 livres tournois. Rappelons que Graville était seigneur haut justicier et qu'il possédait des poteaux de justice. Associé au baillage, le tabellionage était apparu en 1480. Selon Malte-Brun, le droit de clergé était loué, à la même époque, 3 livres 15 sous; celui de tabellionage, 25 livres par an ; celui de pressoir, 15 livres ; celui de voirie, 20 sous, etc.

En 1500, haulte & puissante dame Marie de Balsac, femme de hault et puissant Loys de Graville, amiral de France ... gisant au lit malade ... laquelle fait un codicille à son testament. Les différents articles mentionnent qu'elle :
- délaisse à Jourdain Vallon, la somme de cent livres tournois pour ses bons et agréables services fait à elle et à l'admiral,
- item, donne à dame Marie de Molineaux, la somme de 200 l .t. dont 100 pour son mariage;
- item, donne à Guillaume Suchier, son chappelain la somme de 30 l .t.,
- item, donne et délaisse à Estienne Prevost, son cousturier et taillandier, la somme de 50 l .t. pour ses gages et à Jehanne de Paris sa femme 30 l .t.,
- item à Marie Las..?
- ..., Hôtel Dieu, ... Jehan Bailly maître d'hôtel,
- item, donne et délaisse sa mestairie de la Ronce et appartenances dicelle apportées de son conquest, assis en la paroisse de Marcoussis, aux pauvres estudians qui sont et qui seront au collège de Montagu ...?
- ite
m, 30 livres à Jehan Mil (?), estudiant au collège de Sorbonne pour la faculté de théologie ....

Il faut croire que Madame de Graville avait omis de doter ses serviteurs dans son testament primitif. Comme l'amiral, elle fait un legs important au collège de Montaigu, connu pour accueillir les «  povres estudiants  » depuis la réforme introduite par le recteur Stansdonk. Cependant on peut douter que ce testament fut appliqué, le domaine de la Ronce restant dans la seigneurie après le décès de l'amiral .

Selon Guillaume Pijart, Marie de Balsac décède le 23 mars 1503, au château de Marcoussis. Elle fut inhumée dans l'église des Célestins entre le grand pupitre du choeur (posé en 1643), et le tombeau du fondateur, sous une tombe de cuivre.

 

Tombe de Marie de Balsac en l'église des Célestins de Marcoussis.

 

En 1508, le receveur de Marcoussis, Georges Baudeau fait un compte-rendu de des revenus de la seigneurie à Louis de Graville. Passée la première décennie du XVIe siècle, Louis de Graville atteignait l'âge de 70 ans. Fatigué, vieilli, ayant perdu sa femme, ses deux fils, son gendre préféré l'amiral Charles d'Amboise, ayant de gros chagrins à cause de sa fille Anne, il résidait le plus souvent dans son «  chier Marcoussy  ». Le 21 mai 1513, il faisait rédiger un codicille à son testament par son chapelain ordinaire Pierre Droulin. Il s'agit du fameux don «  pour le soulaigement du aux povre peuple  », parce que, dit-il «  avons par longtemps eu gros estas, grans dons et profis de la chose publique, en quoi a esté ladite chose publique chargée et de quoy faisons conscience  ». En fait, l'amiral se repentit d'avoir accumulé des richesses, et pour être en bonne dispositions devant le jugement de Dieu, il fait ses libéralités à la chose publique ( 2 ). Une seconde fois, le 11 avril 1514, Louis de Graville refait son testament à Marcoussis. Il le modifia encore une fois le 26 juin 1516 en présence de deux notaires du Châtelet de Paris, les sieurs Dreux et Jean Contesse. Nous aborderons ailleurs les dispositions de ce testament, d'une grande complexité, qui peut-être considéré, pour rester trivial, comme «  une usine à gaz  ». L'amiral distribuait ses richesses dans les moindres détails en prenant soin de transmettre le nom et armes de sa terre et seigneurie de Graville.

 

Sentences morales et politiques. Les armes de Malet de Graville (v. 1490-1500).

 

 

Post-mortem

Fin octobre 1516, Louis Malet de Graville décède dans son château de Marcoussis. Nous ignorons tout des obsèques. Selon la tradition de l'époque, ses dernières volontés imposaient l'inhumation de son corps aux Cordeliers de Malesherbes, la déposition de son cœur au prieuré de Graville et ses entrailles dans une urne au monastère des Célestins de Marcoussis.

En 1517, Pierre de Balsac, seigneur d'Entraigues et Anne de Balsac son espouze, demandeurs en matière d'exécution d'arrest, d'une part, Jehanne de Graville veuve Charles d'Amboise, et Loys de Vendosme, vidame de Chastres d'autre part, conviennent de commissaires pour estimer les revenus des biens de Loys de Graville et Marie de Balsac.... Deux registres concernent la succession de Loys de Graville. Le premier succinct estime les biens à l'aide du second qui est un procès-verbal de maistre Jehan le Grand commis par les héritiers pour faire les prisées et lots desdits biens, ainsi que le revenu qui se monte à 13.725 livres tournois pour faire l'assiette des trois lots de Marcoussis, Milly et Bois-Malherbes.

Nous détaillons le «  lot de Marcoussy  » avec la prisée correspondante (dans la forme et l'orthographe de l'époque) :
- la terre et seigneurie de Marcoussy y comprys Fretay avec leurs appartenances, 2.223 l .t.,
- les fiefs de Guillervile et Chenanville, 97 l .t.,
- le fief de la Roue , 161 l .t.,
- le fief Robert Saulsoye assis à Montlhéry, 4 l .t.,
- les fiefs de Nozay, Ville du Boys et et Villiers près Nozay, 275 l .t.,
- la granche de Vaulx appelé la Boissière , 208 l .t.,
- le fief de Villejust 46 l .t., le fief de Villehiers 18 l .t., les fiefs de Viviers et Orsay, 130 l .t.,
- la châtellenie de Gommetz, 639 l .t.,
- le fief de Saulsay, 35 l .t., le fief de Troux, 47 l .t.,
- la terre et seigneurie de Chastres, 255 l .t.,
- les fiefs de Torfou et Potheron (?), 54 l .t.,
- fief de Vert-le-Grand, ( ?) l.t., le fief de Bischecorne, 19 l .t., le fief de Chetainville, 65 l .t., le fief de Guibeville, 10 l .t.,
- le fief de Broullet, 233 l .t., le fief de Saint Chéron, 33 l .t., le fief de Saint Ernon (?), 13 l .t., le fief de Myre Guedon 149 l .t., le fief de Chantropin 10 l .t., le fief de Bouville 199 l .t.,
- la terre d
e Fontenay et (?) 635 l .t.,

soit une estimation totale pour le lot de Marcoussis se montant à la somme de 5.616 livres tournois de revenu, et le capital au denier 50, à 280.800 livres tournois . Cette somme est considérable quand on connaît le coût de la vie à la fin du XVe siècle : un cuisinier nourri par son patron reçoit 8 livres par mois, un manœuvre est payé 12 deniers par jour. Quand le boisseau de froment vaut 2 sols 8 deniers tournois, chez le boulanger «  la miche dung denier doit poiser onze onces et un quart  » (3). En 1490, un cheval de labour atteint le prix de 15 à 18 livres .

Nous passerons sous silence la prisée des lots de Bois-Malherbes et Milly-en-Gâtinais qui nous éloignerait de Marcoussis. Par contre, nous poursuivons la prisée des bâtiments du lot de Marcoussis : premièrement, le chasteau de Marcoussy avec la basse-cour et les jardins, item, la closture du parc dudit lieu de Marcoussy.

Viennent ensuite le chapitre des dépenses commencé à Chastres, les commissaires se transportent «  à Marcoussy, pour la pesche des deux grans estangs dudit lieu et celluy de Sainctyon, ce qu'ils firent et vendirent la plus grande part des poissons à plusieurs marchans et autres à l'eschantillon ainsy qu'in appert par les marchéz et brevets qui en furent faicts icy transcripts  ». Pour plus d'informations, nous invitons le lecteur à consulter les chroniques «  Les étangs de Marcoussis  ». Le paragraphe suivant en donne également un aspect. Toutefois, voici le résumé des opérations :
- le 9 février 1517, Pierre Benard, marchand de Lardy et Pierre Thiboust marchand poissonnier de Paris, ont acheté la pesche du poisson carpe et brochet qui sera pesché cette année du karesme prochain; pour le premier estang de Marcoussis
- le 17courant, Jehan Lecocq marchand de Chastres et Pierre Baranton confessent avoir acheté aux commissaires, la pesche de l'estang de Sainctyon aux mêmes conditions que Marcoussis…
- le 1er mars suivant, les mêmes marchands confessent avoir eu et reçu la quantité de 14.203 quarterons et demy de carpes et brochets valant 771 l .t .et la quantité de 2.300 quarterons valant 250 l .t. qu'un accompte de 230 l .t. a été versé aux commissaires par les pescheurs....
- le 3 mars, l'est
ang de Saint-Yon fut pesché, auquel estang s'est trouvé un cent et demy quarteron à raison de 18 l .t. le cent 100, soit 20 l .t…. Fait par Abraham clerc substitut juré du tabellion de Montlhéry.

La liquidation de la succession continue. Le 4 mars 1517, Elloy Michel, praticien demeurant à Boissy, acceptant de recevoir les deniers grains et autres choses pour la recette de Marcoussis, Chastres, fermes muables dues à cette recette, écrit en détail, moyennant 60 livres tournois. Ce personnage sera le trésorier payeur des commissaires, responsable sur ses biens !! Suivent des nominations de garde des bois de la seigneurie de Marcoussis et environs.

Le 19 octobre, un extrait d'un livre en parchemin, contient les prix des seigneuries, chasteaux, terres, bois, prés, rentes, droits de la succession de Messire Louis de Graville et de madame Marie de Balsac depuis ce jour jusqu'au 9 février suivant . Un procès-verbal est rédigé par Legrand pour en dresser trois lots entre haut et puissant Louis de Vendosme, vidame de Chastres, ses frères et sœurs Louise, Jeanne et Anne, co-héritières comme enfants représentant eux trois un teste de deffunte Marie de Balsac leur mère. «  Le chasteau et boulevard de Marcoussis sont entourés de fossé d'eau à fond de cuve de neuf thoises de large estimez avec les jardins et la basse-cour, estimé 40.000 l .t. ».

 

 

La gestion piscicole de Louis de Graville

Nous savons que les étangs de Marcoussis avaient une grande importance économique au XVe siècle, époque où l'on respectait scrupuleusement le «  vendredi maigre  ». Construits sous le règne de Jean de Montagu, ils avaient été plus particulièrement aménagés par son arrière-petit-fils Louis de Graville.

Sous les Graville, la production piscicole des étangs de Marcoussis est importante et nécessite une main-d'œuvre nombreuse. Les étangs faisaient vivre beaucoup de monde : garde-pêche, surveillants, pêcheurs, journaliers pour l'empoissonnement, ouvriers pour la réparation de la chaussée, tâcherons pour le curage des fossés qui amènent l'eau, voituriers pour le transport du poisson à Paris, etc. Par temps de gelée, l'étang devait être gardé «  jour et nuit car les picoreurs ne manquent pas d'aller la nuit faire des trous dans la glace et attirent le poisson avec de la lumière … ». Il fallait également supprimer les jonchères qui attiraient canards et hérons, gros mangeurs de poissons.

Pour pêcher, on devait ouvrir doucement la bonde pour ne pas perdre de poissons. L'opération de «  l'assec  » demandait de 6 semaines à 2 mois. Il faut alors garder l'étang jour et nuit lorsque l'eau est vidée et que le poisson est rassemblé dans la poêle .

La vente du 6 février 1497 nous donne le prix du poisson pêché à Marcoussis. « Noble personne Jehan Bailly, escuier, maistre d'hostel de hault et puissant Loys Malet, seigneur de Graville, vend la pesche de l'estang à quatre marchands de poissons d'eau douce à Paris, moyennant six livres tournois pour chaque cent de carpes de douze à quatorze pouces, treize livres au dessus de quatorze pouces et six livres pour chaque seau de peschaille ». Ce document souvent mentionné va nous permettre d'estimer le rendement d'un étang comparé à la terre mise en labour. La proximité de Paris permettait d'en tirer de substantiels revenus. Ce commerce de poissons frais des étangs était essentiellement destiné aux classes aisées de la capitale.

Grâce au livre de compte du receveur de la seigneurie de Marcoussis, nous avons de nombreuses informations relatives à la gestion des étangs en cette année 1517. Un marché de pêche de l'étang est passé par Bernard Marsaint le 9 février 1517. En ce même mois, le chapitre des dépenses mentionne : «  Payés 45 sols à ung charpentier pour avoir deffaict la bonde du premier estang dudit Marcoussy. Item, payé à Philbert du boys et Robert son fils 68 sols pour avoir vaqué l'espace de 22 journées à faire les hayes au premier estang & aussi estoupper en plusieurs endroits, les eaux qui affluent. Item, payé 12 sols à Lyonnet Guesdon pour avoir coupé du boys dudit Marcoussis pour chauffer iceux qui ont gardé le poisson dudit premier estang le temps qu'il estoit en sa pesche. Remboursement à Raoullant de Viel Chastel, serviteur de madame la grande maitresse de 42 sols qu'il avoit baillé à un manouvrier quy avoit faict plusieurs travaux audit premier estang...  »

Le livre des recettes nous indique que la pêche des deux grands étangs de Marcoussis et de celui de Saint-Yon a rapporté seize cens quatre vingt troys livres venant de plusieurs marchands. Un autre acte mentionne «  Pierre Benard, marchant demeurant à Lardy, et Pierre Thiboust, aussy marchant poissonnier demeurant à Paris, lesquels ensemble et sans division ung seul et pour le tout, ..., confessent avoir acheté de nobles hommes Maitre Jehan Mavelot notaire et secrétaire du roy et Jehan Basannet, bourgeois de Paris, commissaires establys de par le roy en la cour de parlement au régent et gouvernement des biens de feu Monseigneur l'admiral, la pesche du poisson et carpes et brochets quy sera peschée cette année présente  ». Les conditions de la pêche sont sévèrement contrôlées : «  carpes et brochets de quatorze pouces et plus entre ballaye et oeil pour la somme de dix huit livres tournoy chaque cent et les autres carpes et brochets de vingt à vingt quatre pouces, pour vingt cinq livres chaque cent  ».

En cette année 1517, le receveur de la seigneurie écrit « ledict estang de la Ronce fut pareillement appoissonner de semblable halvin que de présent jusqu'au nombre de dix mil cent cinquante …  ». Les dépenses de deux pescheurs de Chastillon se montent à 12 livres tournois «  qui leur estoit dues tant pour l'achat de la nacelle que pour porter leurs fillets & engins pour pescher le poisson du premier estang  ». Pour avoir gardé le poisson «  qu'il a esté pesché  » du premier étang (Roucy) pendant 12 jours, les salaires payés à six personnes se montent à la somme de 15 l .t. Egalement payé à six porteurs la somme de 108 sols pour avoir porté le poisson «  quy a esté pesché audit estang pendant l'espasse de six jours  ». En mars 1517, Yvonnet, sergent et garde des boys du costé du Grand Estang devers Janvris est nommé pour surveiller «  mil arpens de boys  ». Pendant la même saison de pêche Guillaume Guignard reçoit dix livres pour ses journées de pêche aux étangs de Marcoussis.

 

Scène de pêche au grand étang

 

Pendant le même mois, après avoir été pêchés, les étangs sont empoissonnés de nouveau. Voici le détail qui précède la recette des grains et les baux :
• premièrement, furent lesdits estangs appoissoné par les commissaires, le premier estang pesché proche du chasteau dudit Marcoussis, des hallevins de 7 à 10 pouces au nombre de 6.300 de carpes, la saison estoyt trop tard quand l'estang dit la roche fut pesché et l'on ne trouva point de marchand quy en voulut donner argent et fut mis audit estang proche du chasteau; de 11 à 13 pouces , 2.863 et 36 brochetons, 2.000 perchettes,
• item, ledict estang de la Ronce fut pareillement appoisonné des semblables hallevins, jusqu'à 10.152 et de carpes de 11 à 13 pouces au nombre de 2.000,
• item, en outre les commissaires…, des eaux quy par pluyes surinondent audict estang de la Ronce , durant qu'il escoulloyt au moyen de quoi il ne peut estre vendu et pesché pour Pasques prochaines. Le reste du poisson quy y fut trouvé fut mis au petit estang de Vaularon lequel estang fut pesché le 22 mars 1518,
• item, fut appoissoné lestang de Saint-Yon jusqu'au nombre de 14 à 1.500 avec un quarteron de brochetons,
• item le 17 mars 1518, esté pesché les fossés dudit chasteau de Marcoussis qui fut appoisonné de 1.800 hallevins quy y avoit été trouvés.

À suivre…

 

 

Notes

(1) À propos de cette période Malte-Brun a fait plusieurs erreurs dans son Histoire de Marcoussis. «  Louis XI, notamment, y séjourna quelque temps, et l'on rapporte que dans une visite au couvent des Célestins, il s'était arrêté devant le tombeau du grand maître, Jean de Montagu, et venait d'en lire l'inscription, lorsque, se retournant vers le prieur qui l'accompagnait, il lui dit : Votre fondateur fut donc condamné par justice?— Pardonnez-moi, sire, reprit le Célestin, il fut jugé par commission. Cette réponse n'était certainement pas sans hardiesse, si l'on considère à quel prince elle était faite  ». En réalité ce fut François 1er qui entendit cette outrecuidante réplique. «  Louis XII y signait aussi deux traités : l'un en 1496, confirmatif des trêves marchandes de Senlis et de Barcelone, les premiers traités internationaux intéressant le commerce ; l'autre en 1498 …». Encore une fois, l'auteur est fâché avec les dates, puisque Louis XII ne monta sur le trône que le 27 mai 1498.

(2) Ce codicille a été imprimé dans l'Histoire de Dourdan de Jacques de Lescornay (page 152). L'original est conservé aux Archives nationales.

(3) L'once de Paris équivalant à une masse de 30,59 g donne un pain d'un denier pesant 344 grammes . À cette é poque, un adulte mangeant 800 grammes de pain par jour, dépense 2 deniers et demi.

 

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