Louis Malet de Graville, seigneur de Marcoussis (X) Le gentilhomme normand |
|||
Chronique du Vieux Marcoussy --------------------------------- --------ajout septembre 2010 - juillet 2010
Enluminure du Terrier de Marcoussy (XVe s.).C. Julien
Nous présentons le dixième volet de la vie de Louis Malet de Graville qui, pendant toute sa vie, n'oublia jamais ses racines normandes qui remontaient aux premiers guerriers vikings. Il protégea sa province où il était l'un des plus grands seigneurs terriens. À ses compatriotes, il offrait ses bons offices à trois titres : comme amiral, comme ancien gouverneur et comme riche propriétaire foncier dans la province. Les tables météorologiques précisent qu'à Rouen, l'an 1480, le lendemain de Noël commença une forte gelée qui dura jusqu'au 5 de février, et gâta toutes les vignes. Cette année fut appelée « l'année du grant hyver ». L'an 1518, le 16 de mars, il fit un horrible vent qui déracina les arbres, ébranla les maisons, et découvrit un tiers de celles de Rouen ; il y abattit la Tour de Saint-Nicaise, celle de Saint-Saën, et celle d'Ysnauville en furent aussi abattues. Cette année fut appelée « l'année des grands vents ». Tout d'abord résumons la chronologie des titres obtenus en Normandie par Louis de Graville :
Le gentilhomme normand Nous avons mentionné à plusieurs reprises que Louis Malet était été fidèle à la Normandie , terre de ses ancêtres paternels. Il s'y réfugiait pendant les temps difficiles. Un gentilhomme normand du pays de Caux était son maître d'hôtel. Il s'agit de Pierre de la Faye , vicomte d'Évreux et du Pont-Saint-Pierre. Dès 1473, alors qu'il n'était qu'écuyer et chambellan de Louis XI, Louis de Graville reçoit plusieurs donations de ce monarque qui lui donne des marques non équivoques de bienveillance. Ce sont des biens et droits seigneuriaux situés en Normandie. D'abord, l'octroi du pontenage et passage du Pont-de-l'Arche, puis la restitution des terres de Bernay et Séez, enfin l'érection de la seigneurie de Graville en haute justice. Le produit de l'octroi du Pont-de-l'Arche s'élevait en moyenne à 500 livres tournois par an. Le bulletin de la commission des antiquités de la Seine-Inférieure mentionne que « l'amiral de France, Louis de Graville, était trop bon Normand pour ne pas sentir l'utilité du gouvernement ». L'Échiquier venait d'être à peine établi que l'amiral avait un lieutenant en Normandie, et que les magistrats de l'Echiquier, hostiles, durent se plier… Un vers en latin parle de l'amiral comme étant le patron du prieuré de Graville « De Graville, hujus prioratus patroni, admiralis Francie, qui obiit in suo castro de Marcoussi » (1). Louis de Graville rendit foy et hommage en 1478 pour la terre et seigneurie de Fontenai en Normandie, dont le seigneur était le présentateur de la cure « … ung noble fief de haubert entier, par foy et hommage, nommé le fief de Fonteney, à court et usaige, et tout ce que à noble fief entier appartient… assis ou Veulquessin de Normant ou bailliage de Gisors… dont le chief est assis en la paroisse dudit lieu de Fonteney et es parties de Guitry, Quehaingnes et Tourny et illec environs ; à cause dusuel fief, j'ay manoir, coulombier à pie et jardinages, le tout contenant deux acres de terre ou environ, avecques ung moulin à vent non banier… ». Cette terre contient 151 acres et demi, avec la charge de payer « quinze livres tournois de relief avecques aides coustumiers, quant le cas eschiet ». En 1516, l'héritier de Louis de Graville, son petit-fils Louis de Vendôme, rend foi et hommage pour cette seigneurie. Louis Malet de Graville était parent avec la dame d'Averton, épouse de Jean de Toustain, écuyer, issu d'une maison normande dont la filiation remonte à un chef scandinave vivant en 850 qui, en 1489, donna une terre de 26 acres à la ville d'Harfleur. Robert Surreau, sieur de Touffreville, conseiller lay au Parlement de Rouen, avait acquis le fief de Quenouville qui fut retiré à droit féodal par Louis Malet, seigneur de Graville en application de l'arrêt au Conseil du 13 mai 1502. Étant à Paris le 27 mars 1514, Louis de Graville reçu la déclaration de foi et hommage de Louis de Rouville, chevalier, grand veneur de France, pour le fief noble à haute, basse et moyenne justice, dit « le fief de Rouville », mouvant du Pont-de-l'Arche. Au cours de cette même année, Louis de Graville signe l'acte d'achat de la seigneurie de Beaussart à Jacques de Dreux, seigneur de Morainville, vicomte de Berville, grenetier du grenier à sel de Dieppe en 1480. C'est un parchemin double in-folio, sceau, ou contrat d'acquisition, passé à Chartres, le 23 janvier 1514, de la terre de Beaussart cédée par Jacques, frère de frère de Dreux à Louis de Graville, amiral de France, pour Louis et Louise de Vendôme, héritiers de Jacques de Vendôme, leur père, seigneur de la Ferté-Vidame , dont il était tuteur. En effet la rente de 200 livres promise à Jean de Vendôme (père de Jacques) par son contrat de mariage, du 22 octobre 1459, avec Jeanne de Brézé, à lui assignée par Louis de Brézé et Catherine de Dreux, n'ayant pas été versée, et faute de paiement des arrérages, l'amiral de Graville contraignit Jacques de Dreux, oncle et héritier de Catherine de Dreux, précitée, dame de Beaussart, à lui vendre son fief pour s'acquitter, à charge d'usufruit, donc jusqu'à son décès, survenu vers 1519.
Le seigneur de Bernay et Séez Nous ne reviendrons pas sur l'histoire de la confiscation des seigneuries de Bernay et Séez, mais invitons le lecteur à consulter les chroniques précédentes. Toutefois, l'amiral de Graville avait eu l'honneur du roi quand Louis XI réhabilita son ancêtre décapité par le roi Jean II en juin 1356. Les terres de Bernay et Séez étaient passées aux Alençon qui se trouvaient dépouillées par la condamnation du duc. Désormais, le seigneur de Déez et Bernay était devenu haut justicier et ne prêta qu'un seul hommage au roi. Louis de Graville entra en possession de ses nouvelles propriétés dès le 18 décembre 1475. « Déclarons... que icelluy nostredit cousin, ses héritiers, successeurs et ayant cause, tiendront dores en avant de nous et de nos successeurs, roys de France et ducs de Normandie lesdites terres, en une seule foy et hommage, à cause de nostre dit duchié de Normandie , soubz le ressort de nostre eschiquier ». Trois ans plus tard, le 2 mai, c'était un fait accompli : Jean Louvet, procureur du sire de Montaigu et son receveur, attestait à Jean Chesnel, bailli de Séez et Bernay, que le seigneur de Montaigu et ses officiers avaient « jouy et exploicté du contenu esdictes lettres, tant en recepte que en judicature ». Cette possession cependant n'allait pas sans quelques difficultés. Louis de Graville, en 1482, « doubta que soubz la generalité des dites premières et secondes lettres, les prééminences et prérogatives à lui données par nous, en faisant lesdits don et restitution et ampliation, et soubz les appartenances et appendances des dites terres l'on lui voulsist obvier ou dire qu'il ne peut faire cueillir, lever, recevoir ne applicquer à son prouflict les fouaiges et drois de tiers et danger ». Il prévoyait plusieurs troubles, controverses et altercations « qui se pourroient ou temps avenir nourrir et susciter ». Pendant l'année 1474, la pension de Graville était de 1.200 livres tournois ; il lui fut alloué la même année, à titre de gratification, 564 l .t. qui lui furent payées le 5 février 1475 par Jean Raguier, receveur général des finances en Normandie, sur les revenus du grenier à sel de Pont de l'Arche. Le 12 avril 1482, Louis de Graville reçut de Jean Lallemend, receveur général en Normandie, sur les aides de l'élection de Bernay recueillies par Macé Bastard, 760 livres tournois à valoir sur les 1.200 l .t. de sa pension de l'année courante. Ceci semblerait indiquer que Graville résidait en Normandie. Pour finir avec ce chapitre, précisons que les terres de Bernay et Séez avaient été restituées à Louis de Graville et non à son père. Dans de nombreux actes, nous relevons que le 21 novembre 1479, le roi étant au Plessis-du-Parc, fit don « à noble homme Loys de Graville, seigneur de Montagu, Séez et Bernay, conseiller et chambellan du roy et à présent capitaine des gentilshommes de l'hôtel du roy… » qualifié de «… amé et feal cousin de Sa Majesté… ». Sur sa tombe à Malesherbes, le graveur avait mentionné « Ci-git Messire Louis, sire de Graville, seigneur de Marcoussis, Milly, Sees, Bernay… gouverneur de Picardie et de Normandie… ».
Le contentieux avec le Parlement de Paris L'affaire se passe en 1492, Louis Malet de Graville est alors « grand amiral de France et lieutenant-général pour le roi en Normandie » alors que le duc Louis d'Orléans (le futur roi Louis XII) est le gouverneur de la province. La même année, les conseillers de Rouen avaient sollicité l'intervention de l'amiral pour être dispensés de prêter au Roi une somme de 15.000 livres . Ils ne purent toutefois s'en faire décharger. L'amiral dut leur avouer : « qu'ils avoient peu d'amis en Cour et que, lorsqu'il parloit pour les soutenir, il estoient contrarié de tous les autres de la maison du Roy ». L'amiral prit parti pour ses provinciaux lors du différend qui s'éleva entre le Parlement de Paris et les Normands. Pierre Le Roux, chanoine d'Evreux, en contestation avec un nommé Gilles Le Forestier, pour la prébende du Plessis-Grohau, fut saisi par des sergents, auprès du prieuré de la Saussaye , et mené « embaillonné » à la Conciergerie à Paris, en vertu d'un mandement du Parlement de Paris, obtenu à la requête de sa partie adverse. C'était une violation flagrante des privilèges de la Normandie , une usurpation, des mieux qualifiées, sur la juridiction de l'Échiquier qui déjà avait connu de la cause. L'irritation fut grande dans les tribunaux, dans les chapitres, et peut-être, plus que partout ailleurs, à l'Hôtel de Ville de Rouen. Le duc d'Orléans prit l'affaire « chaudement » allant jusqu'à dire que, par représailles, « on devroit mettre la main sur ceux du Parlement de Paris, et que luy mesme y aideroit ». Dans un premier temps, l'amiral de Graville ne put agir, car retenu au lit par la maladie, mais à la première nouvelle de l'attentat, promit d'aller trouver Charles VIII afin de lui demander justice. Comme si l'on se fût trouvé en face d'un péril imminent et d'extrême gravité, il se fit une convention, extraordinaire et qui ne paraît pas avoir été parfaitement légale, des États de plusieurs bailliages de Normandie. À l'assemblée provinciale du mois d'octobre 1492, l'arrestation de Le Roux fut naturellement un des objets principaux des délibérations. Une députation fut nommée pour porter au roi les plaintes de la province, pour réclamer, au nom de tous, une prompte et éclatante réparation, et pour dénoncer, en même temps, certains abus dont on sollicitait la réforme. Les délégués admis à la Cour obtinrent de bonnes paroles, comme on le voit par le récit que fit, le 1er décembre, à l'Hôtel de Ville, Nicole Grenier, pénitencier de la cathédrale, l'un des délégués. Il ne manqua pas de rappeler les bons offices de M. de Bourbon, ceux de M. d'Orléans, et en première ligne ceux de M. l'amiral, lequel « en leurs fais et affaires, les avoit secourus et estoit le Père du Pays ». Il y eut plus. Les gens du Parlement ayant appris la présence à Paris, parmi les délégués provinciaux, de Robert Alorge, procureur syndic des Etats de Normandie, le firent comparaître, subir un interrogatoire et mis au cachot à la Conciergerie. Au mois d'octobre 1493, lorsque le roi envoya quelques membres du Parlement pour tenir la convention des Etats de Normandie, ceux-ci furent récusés. Les insultes pleuvent : on doutait de la fidélité des Normands, on disait qu'ils étaient devenus français malgré eux… Après un moment, le crédit de l'amiral leur fut utile : ils obtinrent décharge de la somme de 30.000 livres . Les Rouennais distribuèrent des cadeaux aux officiers royaux ; l'amiral auquel on avait tant d'obligations, se montra désintéressé, ne voulut rien accepter. C'est, croit-on, aux services rendus à la Normandie en 1492, par Louis de Graville, qu'il est fait allusion dans une pièce de vers intitulée « La Ressource de Normandie, toute plate, cry : qu'on m'en dye », que Charles de Beaurepaire publia sous le titre « Vers en l'honneur de l'Amiral de Graville, 1492 » (2). « Alors seurvint le sieur de Graville
La seigneurie de Graville Dans sa description des « Églises de l'arrondissement du Havre », Jean-Benoît Cochet décrit celle de Graville en ces termes : « J'ai demandé aussi, pendant bien longtemps, sans pouvoir le rencontrer jamais , le sépulcre de Louis Mallet, sire de Graville , grand amiral de France sous les rois Louis XII et François 1er. Ce héros chrétien, qui mourut en 1516, avait fait à sa chère abbaye de Graville des présens vraiment dignes de son grand cœur et de sa haute élévation. On aura une idée de sa munificence envers les églises, quand on saura qu'il a donné à la cathédrale de Rouen une cloche de 333 kilogrammes qui, à cause de lui, fut appelée Louise de Graville . Le même avait fondé à Marcoussis un couvent de Célestins ( ??), et c'est là qu'il fut surpris par la mort. Mais il avait ordonné, par son testament, que son cœur fût déposé dans le tombeau de ses ayeux sous les voûtes sombres de l'abbaye de Graville … » Voici l'inscription que le père Dumoustier a recueillie sur sa tombe à la fin du XVIIe siècle : « Ci-gît, le cœur du noble et puissant seigneur, père et zélateur de la réformation et observance régulière, Louis de Graville, en son vivant seigneur dudit lieu, de Marcoussis, de Boisbernay et de Malesherbes, conseiller et chambellan ordinaire du roy, notre sire, et amiral de France, qui trépassa le pénultième d'octobre, l'an 1516. Priez Dieu pour luy ». Dans le compte de 1505, de messire Jacques d'Estouteville, prévôt de Paris, au folio 48, il est porté « de Louis de Graville, admiral… au lieu de Messire Jehan de Montagu, pour les anciens murs de la ville de Paris qui souloient estre en la rue St. Antoine et la tour qui est aulong de la tour du jardin sur la porte par où l'on va de lhostel de mon dit sieur en leglise de St. Paul… ». L'information est tronquée car les prix manquent dans cet article. Pour revenir un moment au don d'une cloche à la ville de Rouen, citons ce que dit le Père Ignace : « En la même année 1514, on fit faire en diligence un beffroy de charpenterie pour cette tour, où fut montée une cloche du poids de 666 livres qui fut donnée par Messire Loüis , chevalier, seigneur de Graville et grand amiral de F rance, laquelle fut bénite après la grande messe par le célébrant devant le Crucifix, et fut nommée Louise, autour de laquelle est écrit, " Louis de Graville , Amiral de France a donné cette cloche nommée Louise l'an 1506 " . Elle avoit été faite huit ans auparavant, et ce seigneur l'avoit baillée en garde à un marchand de Rouen. En la même année on monta à ce beffroy, trois autres cloches… ». Après avoir cédé des terres pour construire le port du Havre, René Becdelièvre, conseiller au Parlement de Rouen, reçoit 200 écus soleil sur les vacations qu'il a faites et fera encore en exécutant les commissions que le roi lui a adressées pour l'évaluation des droits que le sieur de Graville pouvait avoir au Havre de Grâce et en la terre de Monceaux. Louis XII a eu le premier l'idée de fonder la ville du Havre sur la terre d'argile et de silex et ce fut François 1er qui compléta ces tentatives. Il acheta au seigneur de Graville, moyennant la somme de 60 livres , une partie de l'emplacement du Havre. Lors de l'entrée de François 1er dans sa « bonne ville de Rouen » le dimanche 2 août 1517, le roi était accompagné de « très hault et très puissant seigneur » Louis de Vendôme, prince de Chabanais, vidame de Chartres, conseiller, chambellan du roi, grand veneur de France qui portait le titre de seigneur de Graville du chef de sa mère Louise de Graville (3). L'arrêt au conseil du 13 mai 1502, obtenu par messire Louis seigneur de Graville, retire le droit féodal du fief de Quenouville en Normandie que le conseiller lay Robert Surreau, sieur de Touffreville et Lisores, avait acquis.
Le seigneur terrien Nous savons comment Louis de Graville, procureur de son père Jean VI Malet retenu en Angleterre, récupéra les seigneuries de Séez et Bernay, terres normandes confisquées à son ancêtres sous le roi Jean. Le chartrier de 1464 donnait les droits des seigneurs de Graville sur les ports de la côte et de l'embouchure de la Seine : Harfleur, l'Heure, Cancarville, Anglesqueville. Louis de Graville y prélevait une quantité non négligeable sur les marchandises qui y transitaient et sur le produit des pêches « Monsieur doibt avoir de chascune rouelle de harenc qui vient à la cricque quatre deniers de coustume… ». Louis de Graville, sire de Montaigu, est à Rouen le 8 septembre 1478 quand il reçoit Guillaume de Villetain, procureur de son père à qui il prête 10.000 écus d'or pour payer sa rançon. Le transport d'une rente de 1.000 livres assises sur plusieurs immeubles en Normandie est accordé en présence de « noble vénérable maître Jacques de Rouville, archidiacre d'Eu et chanoine de l'église Notre-Dame de Rouen ». Louis de Graville ménageait ses compatriotes de l'élection d'Évreux, en leur faisant payer une contribution de 80 sous par homme et par mois, mais Charles VIII ayant besoin de finances pour son expédition prochaine au royaume de Naples, États provinciaux réunis à Rouen, en novembre 1490 avaient offert au roi une taxe de 1.708 livres dans l'aide de 20.000 livres à percevoir sur tous les contribuables payant 100 sous de taille dans le duché de Normandie, l'élection d'Alençon, le comté du Perche, la prévôté de Chaumont et l'accroissement de Magny, compris Pontoise. Les lettres patentes datées du Plessis-le-Parc du 15 février 1491, informent les « esleuz sur le fait des aides ordonnés pour la guerre en l'ellection de Évreux ». Le 15 février 1491, l'amiral et le lieutenant général du « duchié de Normandy » étaient priés de choisir 2.000 hommes de pied tous combattants « pour resister aux dampnables entreprinses des Angloys noz antiens ennemys… ». Au mois d'octobre précédent, Graville s'était déjà rendu à Rouen pour obtenir la permission devant « la convention et assemblée des gens des troys estats tenus en nostre ville de Rouen ès moys d'octobre et novembre … ». Outre les éloges du versificateur, le témoignage de la gratitude des Normands se manifesta plus hautement encore quand, le 3 décembre 1492, le conseil de la ville de Rouen le proclamait « le père du païs », et quand, le 18 décembre 1493, il renouvelait l'expression de sa reconnaissance en déclarant l'amiral « affecté au bien du pays ». Ce double éloge est d'autant plus exceptionnel qu'il fut prononcé par une assemblée élective. Graville séjourna souvent dans ses terres normandes, à Rouen et à Honfleur où il réglait ses affaires de l'amirauté. Ces deux cités étaient les bases navales de la Royale . Rouen en était l'arsenal qu'on appelait « le clos des Galées ». Nous retrouvons Louis de Graville, fraîchement nommé au poste d'amiral de France, séjournant à Rouen du 14 novembre au 5 décembre 1487 pour assister à la session des États de Normandie auxquels on demande des subsides pour couvrir les frais de guerre en Bretagne. Il est retenu en Normandie « sans doute par les soins de ses intérêts privés et par les devoirs de sa charge d'amiral qu'il avait dû négliger au milieu de ses préoccupations politiques », nous dit Michel Perret. Le 27 décembre, il est à Honfleur où il convoque son procureur et contrôleur, Richard le Paulmier. Nous avons déjà entrevu les charges et offices occupés par Louis de Graville en Normandie : il fut capitaine de Honfleur, de Dieppe, de Pont-de-l'Arche et recevait à ce titre les revenus des greniers à sel. Il devient gouverneur de Normandie quand le duc d'Orléans part, en 1494, avec le roi, pour l'expédition d'Italie. Graville avait des informateurs sur le mouvement des navires ennemis passant près des côtes. En 1488, il écrivait au roi « Sire, ceux de la ville de Dieppe m'ont aujourd'huy envoyé un homme qui vient tout droit d'Angleterre, qui dit pour vray que le Roy a esté en personne jusques-là où le comte de Nortomberlant a esté tué… », puis « Sire, un navire de Dieppe qui estoit allé en guerre, a pris une nef de Bretagne, où il y avoit 52 Anglois dedans… ». En août 1491, Graville est avisé par Pierre Gyel, lieutenant du bailli de Rouen, que la ville voulait, pour fêter le roi, donner la représentation d'un mystère de la Passion. En 1508, le siège archiépiscopal de Rouen était occupé par Georges d'Amboise, légat en France quand Louis de Graville réconcilia avec ce prélat.
Le Pont-de-l'Arche Le Pont-de-l'Arche était une ville chère à Louis Malet de Graville pour la raison que son grand-père disputa la place aux Anglais. Louis de Graville paraît avoir assez négligé sa capitainerie, dont il dut rester pourvu jusqu'à sa mort, mais dont certainement il était encore pourvu en 1509 ; il n'y fit que les travaux les plus indispensables. Il y délégua un lieutenant, Guillaume de Villetain, seigneur de Gif, qui ne paraît pas s'en être occupé beaucoup plus que son maître. Le 28 avril 1481, Villetain ordonnait à Guillaume de Duclerc, comptable, de payer à Jean Désir, charpentier, 150 livres tournois pour avoir établi deux roues à godets qui ont asséché un terrain inondé près de Bonport, et avoir planté sur ce terrain des pilotis sur lesquels il a monté la plate-forme d'une tour. Le 14 novembre 1504 par devant le vicomte de Pont de Larche, Guillaume de Villetain, comme procureur de Louis de Graville, s'oppose à la vente des biens de Jean de la Salle qui, sur la ferme des deniers du guet à lui adjugée depuis 1481, restait débiteur envers l'amiral de 1.288 l .t. La même année Graville acquiert la maison où pend l'enseigne de l'Écu de France : le 29 novembre, Villetain déclarait qu'il l'avait achetée par surenchère, pour le compte de l'amiral. Le 4 septembre 1508, à la nouvelle d'un voyage prochain de Louis XII qui, se rendant en Normandie, devait loger au château de Pont de Larche, Villetain ordonnait d'y faire des réparations assez considérables. Le compte de ces travaux fut dressé le 26 septembre ; on y lit qu'en la salle du commun, on avait changé les volets des fenêtres, percé quatre ouvertures à la tour Hacquignet. À la chapelle, on avait raccommodé deux bancs sur une longueur de dix à douze pieds, changé la serrure et mis deux barres de fer. À la salle de l'amiral, on avait replacé des ferrures, restauré des verrières, refait des cheminées, etc. Le total de toutes ces dépenses ne s'éleva qu'à 30 l. 12 s. 9 d.t.
La perte de Séez Nous avons trouvé dans le Dictionnaire Géographique, Historique et Politique des Gaules et de la France publié en 1770 par l'abbé Expilly (t. VI, libr. Desaint et Saillant à Paris) une description de la ville de Séez en Normandie (Sées, Sez ou Sais , Sagium , Salum , Salarium , Saxia, Sagiorum ou Saxonum civitas ). Le saint homme écrivit « Il falloit qu'autrefois Séez fût une ville bien importante, à en juger par l'étendue du diocèse dont cette ville étoit le chef-lieu. Ce diocèse avoit en effet vingt-quatre lieues de longueur du levant d'hiver au couchant d'été... » Donnons un raccourci de cette description faite en 1770 : « Séez, ville ancienne et considérable, avec une riche abbaye d'hommes de l'ordre de St. Bénoît, un séminaire, un collège, un évêché suffragant de Rouen, un hôpital, cinq paroisses, un couvent de Cordeliers, &c. en Normandie, parlement de Rouen , intendance & élection d'Alençon, châtellenie d'Essay. On y compte 1.195 feux… Cette ville est dans une campagne agréable et fertile en tout ce qui est nécessaire à la vie, près de la forêt d'Escouves, sur la rivière d'Orne , seulement à une lieue de sa source, à 4 lieues N.N.E. d'Alençon sur la route de cette ville à celle de Lizieux, de Bernay et de Rouen, à 22 lieues S.O. de Rouen, et 28 lieues ouest un quart au sud de Paris… » En ce qui concerne notre intérêt pour l'amiral de Graville, laissons parler l'abbé Jean-Joseph Expilly : « En 1219 après l'extinction des comtes d'Alençon, de la maison de Montgommery la châtellenie de Séez , qui étoit de ce comté , fut du partage de Robert Malet, sire ou baron de Graville, fils de Philippa d'Alençon, sœur du dernier comte. Cette châtellenie s'étendoit sur dix-sept paroisses. La postérité du sire de Graville en fut privée par la confiscation des biens de Jean Malet, son arrière petit-fils, à qui le roi Jean fit couper la tête en sa présence en 1356. Alors, ce prince échangea avec Marie d'Espagne, comtesse douairière d'Alençon, tout ce qui dans cette confiscation relevoit de ce comte , pour la maison de St. Ouen près de Paris, où il avoit établi l'ordre de l'Étoile. Il est vrai que Louis XI faisant faire le procès à Jean II duc d'Alençon , dont il reprit l'appanage, restitua ces biens en 1473 à Louis Malet de Graville , depuis amiral de France, et lui accorda même la haute-justice : mais, après un très-long procès, celui-ci ce fut à la fin évincé par un arrêt du parlement de Paris du 6 septembre 1511 que Charles, petit-fils du duc Jean, obtint contre lui ». Nous venons d'apprendre comment l'amiral de Graville perdit sa seigneurie de Séez au profit de Charles IV d'Alençon, fils de René et de Marguerite de Lorraine-Vaudémont, marié à Marguerite d'Angoulême. Ainsi, Louis de Graville n'avait pas un grand espoir de gagner son procès devant un prince du sang, beau-frère de l'héritier de la couronne, futur François 1er. L'abbé Expilly termine ce chapitre par « … ce domaine, appelé encore à présent de Graville , du nom de ses anciens seigneurs, demeura par ce moyen uni au duché d'Alençon. Henri IV engagea à titre de baronnie, après en avoir distrait les fiefs qui en relèvent, et il s'en réserva la mouvance ». À suivre…
Notes (1) L'Échiquier de Normandie était une assemblée de notables provinciaux qui se réunissait pendant deux sessions annuelles à Rouen. Le cardinal d'Amboise, archevêque de Rouen avait obtenu de Louis XII, en considération de sa dignité, de présider l'Échiquier à vie. Il existait une table de marbre pour juger les appellations des Eaux et Forêts. (2) Ch. de Beaurepaire, Vers en l'honneur de l'Amiral de Graville, 1492 , in : Pièces historiques et littéraires recueillies et publiées par plusieurs bibliophiles (Impr. H. Boissel, Rouen, 1877). (3) À l'entrée du roi, conformément à l'usage suivi en France, tous les prisonniers furent élargis. En 1517, la grâce fut moins grande qu'on aurait pu le croire car le promoteur-volant en extrayant des prisons de l'archevêché à celles de Louviers, trois particuliers jugés indignes de pardon.
Ces sujets peuvent être reproduits " GRATUITEMENT" avec mention des auteurs et autorisation écrite
|