Louis Malet de Graville, seigneur de Marcoussis (XI) Le propriétaire francilien |
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Chronique du Vieux Marcoussy ------------------------------------- _------------------- --------- Juillet 2010
Vue du château de Marcoussis sur le plan de la comtesse d'Esclignac.C. Julien JP. Dagnot
Nous présentons le onzième volet de la vie de Louis Malet de Graville. Nous réunissons en une seule chronique ce que nous savons de ces différentes seigneuries, dont le territoire comme l'histoire se confond sous Louis de Graville : se reliant presque toutes les unes aux autres, elles ne constituent en réalité qu'un seul et vaste domaine qui s'étendait de Milly à Néauphle-le-Châtel et d'Etampes à Corbeil . Elles comprenaient les villages de Marcoussis, Boissy, Egly, Breuillet, la Ronce , Chanteloup, Nozay, Villiers, Ville-du-Bois, Cheptainville, Vaularon, Guillerville, Châtres, Saint-Yon, Guiberville, Biscorne, la Boissière ou la Grange aux Moines, Milly, Maisse, Rivières, Moigny, Boutigny, Videlles, Buno, Bois-Malerherbes, Golainville, Gometz-le-Châtel, Grassay, Pontchartrain, Héricy, Hangest, Mortefontaine, Nogent-les-Vierges, Villiers, Saint-Paul (1). Certaines localités feront l'objet de chroniques. Pour résumer ce que nous avons discuté précédemment, rappelons que Louis de Graville avait reçu plusieurs fiefs situés en Île-de-France, dons du roi Louis XI : l'établissement d'une foire à Châtres (juillet 1470), l'hôtel de Chanteloup, près Châtres, avec le droit de présentation à la maladrerie de Saint-Eutrope (avril 1472), la haute justice en la seigneurie de Châtres (septembre 1472), les chasteaux de Flagy, Bretencourt et Abliz (1477) confisqués au duc de Nemours. Le 2 novembre 1482, le roi Louis XI recevait de Louis de Graville, au Plessis-du-Parc, son serment de foi et hommage pour ses seigneuries situées en Île de France. Les mêmes hommages ont été rendus par Louis de Graville à Charles VIII, les 16 octobre 1483 et 10 juillet 1495, à Louis XII le 12 juillet 1499 (2).
Foi et hommage au roi Toutes les terres appartenant à Louis de Graville en Île-de-France étaient dans la mouvance du roi. Nous possédons plusieurs actes de « foy et hommaiges liges » du seigneur de Marcoussis. Le 27 septembre 1461, le seigneur de Graville avait fit hommage au roi « du chastel et seigneurie de Marcoussis, d'un fief assis à Chastres soubz Montléhéry, d'un fief appelé Sainct-Yon et d'un fief appelé Chatainville tenuz de nous à cause de nostre chastel et chastellenie dudit lieu de Montléhéry… ». Les historiens considèrent que Louis de Graville fut un très gros propriétaire foncier et ceci ressort des documents qui suivent. Le 2 novembre 1482, trois mois après le décès de son père, Louis de Graville rend hommage au roi Louis XI selon les règles de la Coutume de Paris. Nous présentons dans son intégralité l'acte qui concerne plus spécialement la seigneurie de Marcoussis, établi par le procureur nommé Parent et donné au Plessis-du-Parc devant le chancelier du Bouchage : « Loys par la grâce de Dieu roy de France à noz amez et féaulx les gens de noz, comptes et trésoriers à Paris, aux prévost de Paris, bailliz de Melun, de Senlis, à noz procureurs et receveurs esdictes prévosté et bailliaiges et à tous noz autres justiciers et officiers ou à leurs lieuxtenans, ou commis salut et dilection. Savoir vous faisons que notre amé et féal conseillier et chambellan Loys Sire de Graville nous a aujourdhuy fait en noz mains les foy et hommaige que tenu nous estoit faire à cause et pour raison des fiefz, terres et seigneuries, qui s'ensuivent: c'est assavoir : Le 16 octobre 1483, le roi Charles VIII reçoit les foy et hommages pour les terres tenus dans sa mouvance par Louis de Graville. On note des variantes dans l'orthographe des noms de lieux : Villaron, La Ville du Boys, Bruère, Chetonsville devient Chetainville, mais le notaire écrit toujours Montléhéry. Donné à Moulins le 10 juillet 1495, la déclaration de foi et hommage de Louis de Graville concerne « une maison et hostel séant devant le pont-leviz du chastel rayés de Poyssi, ensemble de la cave et jardins appartenans à iccellui, de deux cens arpens que boys que terres en ung tenant, joignant d'une part à noz boys en allant de ladicte maison à la croix de Rayés et d'autre part au long des boys de Joyenval et des cinq arpens de pré en une pièce appelé le Pré des Rosières ». L'amiral détient également un fief à « Mente avec menuz cens, rentes et devoirs à luy deuz ». En conséquence de l'arrivée de Louis XII sur le trône de France, Louis de Graville « notre cher et féal cousin conseiller et chambellan Loys, admiral de France » présente ses devoirs seigneuriaux au nouveau roi le 13 juillet 1499, pour les fiefs et seigneuries qu'il possède dans la « prévosté et viconté de Paris ». Outre le château et la seigneurie de Gometz-le-Chatel, le vassal déclare les fiefs et arrière-fiefs suivants : « à cause de notre dit chastellet de Paris et aussi du chastel, chastellenie, terres et seigneurie de Marcoussis, Villiers, Valloron, la Ronce , Nozay, la Villeduboys , Chastres-soubz-Montléhéry avec la haulte justice, fiefz, cens, rentes et autres droiz deppendans dudict lieu de Chastres, Boissy soubz Saint-Yon ; l'ostel seigneurie et appartenances de Chetainville, Breul, Eglis, Breulles, partie des censives et fiefz de Saint-Yon, Guibéville, Biserne, Vallegrant, Guillerville et la Boessière , autrement dit la Grange aux Moynes et tous les fiefz, arrière-fiefz et autres droiz appartenances de deppendances qui en deppendent aussi tenuz et mouvans de nous à cause de notre dit chastellet de Paris… ». Le même jour, Loys Malet rendait des foi et hommage de la seigneurie de Gollainville près de Pithiviers, puis ceux des fiefs, terres et seigneuries de Tournenfuye devant les gens des Comptes et trésoriers à Paris, le bailli de Melun et aux procureurs royaux et receveurs dudit bailliage « les foy et hommaiges liges que tenu nous estoit faire à cause et pour raison des fiefz, terres et seigneuries de Tournanfyé, Hangest, Labrosse, Hervy, Quiquampoys, La selle, Port et Rivière d'icelle terre de la selle, Saint-Mesnier et des coutumes dudict lieu, de la tierce partie des moullins et rivière des Pontz de Moret, cens, fiefz, leur appartenances et déppendances tenus et mouvans de nous à cause de noz chastelz de Meleun et de Moret… » (3).
La seigneurie de Milly-en-Gâtinais La seigneurie de Milly appartenait en 1452 à Jehan de Montenay. Dans l'aveu qu'il fait de sa seigneurie, le sire Jehan de Graville déclare un certain nombre de biens dont l'hôtel de Galeran, il est le vassal du seigneur de Milly. En novembre 1480, à la prière de Graville, Louis XI plaça la terre de Milly sous le ressort direct du parlement de Paris : les lettres patentes, donnant le droit de Milly, furent enregistrées le 21 février 1481. Le roi voulut que la haute, moyenne et basses justice à Milly, fusse immédiatement du ressort du Parlement de Paris, « en faveur de Loys de Graville, admiral de France ». En 1506, lors de la rédaction de la coutume de Melun, à laquelle assista Louis de Graville, les habitants jugèrent à propos de se soumettre à cette dernière. Le même jour, étaient enregistrées des lettres patentes, expédiées le même mois que les précédentes, accordées à Louis de Graville et détachant la paroisse de Cély de la juridiction du bailliage de Melun pour la rattacher à la seigneurie de Milly. Les appels des sentences rendues à Milly pour Cély devaient donc être portés au Parlement de Paris. Le préambule de la pièce nous apprend qu'elle rétablissait simplement ce que Philippe le Bel avait octroyé, en juillet 1295, à Hugues de Bouville, sieur de Milly : à la faveur de la guerre de Cent ans des désordres s'étaient produits et les baillis royaux de Melun en avaient profité pour empiéter sur les prérogatives des seigneurs de Milly. Louis de Graville avait possédé la seigneurie de Milly ; ce qui fut évoqué dans un traité de jurisprudence du XVIIIe siècle, quand la baronnie de Milly avait été mise en criées. On avait compris dans l'exploit de saisie, les paroisses, terres et seigneuries d'Arbonne et d'Oncy, comme étant de l'ancien domaine de Milly. Les opposants, dont le prieur de l'abbaye Saint-Victor, employèrent « le procès-verbal de réformation de la coutume de Melun » où leur auteur comparut en qualité de seigneur d'Arbonne, « sans que le procureur de l'amiral de Graville, pour lors seigneur de Milly, ni les officiers de sa justice, qui assistèrent à la réformation, s'y fussent opposés ». Le défendeur ne contesta pas les faits, il se fonda uniquement sur la qualité de seigneur haut-justicier : il observa néanmoins que M. l'amiral de Graville, seigneur de Milly « s'étoit aussi qualifié de seigneur d'Arbonne dans le procès-verbal de réformation de la coutume de Melun » (4). En l'an 1515, le protocole de la chancellerie royale comprend une déclaration de l'hommage rendu entre les mains du roi par Louis de Graville, amiral de France, chambellan du roi, pour la seigneurie de Milly-en-Gâtinais, mouvant du château de Melun. En cette année 1515, Graville, à cause de ses terres en Gâtinais, se vit intenter un procès par les bénédictines de Chelles; le 24 avril 1515, Guillaume du Tartre, sergent à cheval du Châtelet, se rendit par commission du prévôt pour extraire du cartulaire du couvent ce qui pourrait servir en leur cause. Il s'agissait de quatre-vingts arpents de terre sis en la seigneurie de Noisy que les héritiers de Graville durent abandonner aux religieuses par arrêt du Parlement du 7 juin 1518. Nous voyons par un compte, du 24 juin 1497 au 24 juin 1498, que la seigneurie de Milly avec ses dépendances, Moigny, Boutigny, Maisse, Rivière, etc., l'apportait en argent il l'amiral 381 livres 13 sous 6 deniers parisis ; à cette somme, s'ajoutaient des redevances en nature.
La seigneurie de Bois-Malesherbes La description de cette seigneurie n'est pas le propos de ce chapitre. Nous voulons évoquer uniquement le passage concernant Louis de Graville. Dans le courant du XIVe siècle, Marie du Bois-Malesherbes apporta en dot cette seigneurie à Etienne de La Grange , président au Parlement de Paris. Jacqueline de La Grange , leur fille, épousa, en 1388, Jean de Montagu en apportant Bois-Malesherbes dans la corbeille de mariage. La seigneurie passa dans les mains de Jean V Malet, seigneur de Graville, quand il épousa, en secondes noces, Jacqueline de Montagu, veuve de Jean de craon. Bois-Malesherbes resta dans la famille jusqu'au XVIIIe siècle (5). En 1494, l 'amiral Louis de Graville et dame Marie de Balsac fondèrent, dans la vallée de l'Essonne, au bas du château, un couvent qu'il nomma Notre-Dame-de-Pitié, « et fut basty au commencement du XVIe siècle par leurs libéralitez », où furent installés, suivant l'engouement de l'époque, trente-quatre religieux Cordeliers de la province de France. Cette fondation fut confirmée par le pape Alexandre VI, en 1495. C 'est dans ce couvent qu'étaient les tombes des seigneurs de Malesherbes. Ce monastère possédait aussi un Saint-Sépulcre orné de sept statues de grandeur naturelle, où se faisait un pèlerinage célèbre, chaque année, le vendredi d'avant le dimanche des Rameaux. On trouve encore au secrétariat, parmi les minutes des expéditions sur ladite année 1496, le consentement et permission que donna Monseigneur Tristan de Salazar, archevêque de Sens, d'y poser la première pierre (6). Jusques vers 1510, Loys de Graville résida le plus souvent à Bois-Malesherbes où il reçut plusieurs fois le roi Charles VIII. Il y était le 9 juillet 1504 quand il écrivit une lettre avec l'amiral de Graville au prieur du couvent des Célestins de Marcoussis. Graville intercède auprès du religieux pour la dette du couvent « touchant l'argent de Job Abernaty que vous avez qui estoit mon serviteur, de quoy, je vous ay autresfoiz parlé… », et demande de régler au plus vite ce contentieux « je vous prie encore une foiz, que vous y besongnez si bien que ledit sieur n'ait cause d'en estre mal content » redoutant « que le Roy en soit adverty par autre moien, je vous asseure que ledit sieur n'en seroit pas content ».
Le seigneur engagiste de Dourdan Ainsi après la défaite totale de l'armée française en Italie, nous comprenons que Louis XII rappela Louis de Graville pour remettre de l'ordre dans les finances. De nombreux conseillers étaient opposés à la levée de nouveaux impôts. Se rappelant l'une des réformes introduites par Philippe le Bel, l'amiral de Graville préconisa l'engagement du domaine royal : Corbeil, Melun et Dourdan furent concernés. Depuis Louis XI, Dourdan avait été extrait du duché d'Etampes donné à Jean de Foix, pour devenir une " seigneurie engagée ". L'engagement d'un domaine de la Couronne , était un contrat par lequel le roi cédait à quelqu'un un immeuble dépendant de son domaine, sous la faculté de pouvoir lui et ses successeurs, le racheter à perpétuité toutes fois « et quantes que bon leur semblera ». Pendant une dizaine d'années, le sieur Gobache avait joui de Dourdan. En 1484, Dourdan fut retiré par Charles VIII des mains du sieur de Gobaches, et pendant trente ans demeura réuni à la couronne. (7). C'est Joseph Guyot qui nous parle de Louis de Graville devenu seigneur engagiste de Dourdan en 1513. Au milieu des guerres étrangères qui ruinaient alors la France , Louis XII, se trouvant dans de grands embarras de finances pour l'entretien de ses troupes, aliéna une partie de son domaine, et moyennant 80.000 livres (8), engagea Dourdan, avec Melun et Corbeil, à Louis Malet de Graville . « Cet illustre personnage, seigneur de Montagu, Marcoussis et Bois-Malesherbes, chambellan et conseiller du roi Louis XI, amiral de France, gouverneur de Picardie et de Normandie, grand veneur du roi Louis XII, d'une antique famille normande qui prétendait remonter au temps de Jules César et "avoir été sire en Graville premier que roy en France" , possédait déjà, par son alliance avec les de Montagu, beaucoup de fonds de terre dans la châtellenie de Dourdan. Riche et puissant, il fut le bienfaiteur de Marcoussis… ». Selon De Boislisle, les lettres de Louis XII sont datées du 17 mai 1513. Selon M. Benoist, l'auteur d'un dictionnaire géographique, la vente de Corbeil eut lieu le 8 juin 1513. Un autre auteur nous explique « Bien loin d'avoir laissé cinq millions d'or, Louis XII avait été obligé d'engager des terres considérables, comme Corbeilles, Melun et Dourdan, pour 80.000 écus, à l'amiral de Graville ; le domaine de Normandie pour 700.000 livres ». Notons, qu'encore une fois, la auteurs donnent différentes valeurs pour cet engagement du domaine royal : 80.000 l .t., puis 88.000 l .t. ou encore 90.000 l .t.. Cette fois les livres tournois ont muté en écus ; grosse différence puisqu'un écu vaut trois livres . Un très-curieux codicille, trouvé après la mort de Louis de Graville, et précisément daté de 1513, année de l'achat de Dourdan, a été transcrit par Joseph Guyot (9). Le sire de Graville passait pour avoir été un personnage assez rapace et « très-soigneux de ses intérêts pécuniaires ». L'acte de générosité qu'on va lire a semblé à quelques auteurs une sorte de restitution, un honorable et dernier scrupule. Considérant d'abord que pendant fort longtemps il a eu « gros estat, grosses pensions, grands dons et profits de la chose publique, en quoy a été ladite chose publique chargée » considérant ensuite les « urgens affaires » du royaume, pour lesquelles « le pauvre peuple est, de présent, fort grevé, comme chacun sçait », Louis de Graville, « après y avoir pensé et repensé » donne et lègue purement et simplement « à ladite chose publique les quatre-vingt mil livres qu'il a versées entre les mains du roi, et pour lesquelles les seigneuries de Dourdan, Melun et Corbeilles lui ont été hypothéquées ». Il rend, après lui, sans aucune indemnité, les terres qu'il tenait du roi pour l'engagement de ce prêt, « sauf le droit qu'il avait sur ledit Dourdan de piéça ». Puis l'amiral ajoute : « Quant à nos héritiers, nous leur laissons des héritages et autres biens assez... et nous supplions très-humblement le roy qu'il luy plaise diminuer ez bailliages les plus grevez de son royaume ladite somme de 80.000 livres tournois, afin que le pauvre peuple prie Dieu pour luy et pour Moy ». Rentré, par ce codicille, en possession de Dourdan, François 1er en disposa, le 4 décembre 1522, en faveur d'un illustre capitaine, l'un des plus vaillants guerriers du XVI e siècle, le sieur de Montgomery , seigneur de Lorges, dont il voulait récompenser les services, sans rancune pour la blessure involontaire qu'il avait reçue de lui, dit-on, l'année précédente, dans un jeu à Romorantin. La jouissance de Dourdan fut accordée à Montgomery pour dix années, avec son habitation dans le château et son chauffage dans la forêt. En même temps, Louis de Vendôme, prince de Chabanais et vidame de Chartres, marié à Louise, fille aînée de l'amiral de Graville, lui abandonnait la capitainerie de Dourdan, dont il avait été pourvu lui-même quelque temps auparavant. Avant l'expiration des dix ans, le roi songea à distraire Dourdan de son domaine : car nous trouvons qu'en mars 1529, François 1er, le prisonnier de Pavie, s'étant engagé, par le traité de Cambrai, à céder à l'empereur, comme partie de sa rançon, les terres possédées en Flandre par la duchesse Marie de Luxembourg, douairière de Vendôme, donna à cette dernière, en compensation, avec le duché de Valois et le comté de Montfort, la terre et seigneurie de Dourdan. « Riche et puissant, Louis Malet de Graville n'oublia pas Dourdan », nous dit Joseph Guyot. Une tradition, qui était encore vivante du temps de de Lescornay, lui attribue la reconstruction des tours, clochers et voûte de l'église Saint-Germain, détruits en 1428 par Salisbury .Ce qu'il y a de certain, est que sur la première clef de cette voûte étaient gravées les armes du pape, sur la seconde, celles du roi, et sur la troisième, celles de l'amiral de Graville « de gueules à trois fermaux d'or ». Le style de plusieurs décorations fines et délicates exécutées à l'intérieur et à l'extérieur de l'église, principalement au portail de la place, porte l'empreinte de cette époque. Parmi les hameaux de Saint-Martin d'Étampes, Lhumery fut dévasté et incendié par les Anglais du prince Noir. Jehan de Godainville, dit Pavyot vendit, par acte donné à Montlhéry le 24 octobre 1499, ce qu'il possédait à Marie de Balsac, femme de l'amiral Louis de Graville, seigneur de Milly, Marcoussis et autres lieux, « sçavoir le Pavillon scis à Lhumery, la moitié d'un autre fief nommé le petit Bouville, assis près dudit Lhumery, en la paroisse de Chalo-Saint-Mard, un autre fief nommé Frasville, assis audit lieu de Lhumery, et d'un autre fief nommé le Rouaige de Saint-Martin d'Étampes ».
Les seigneuries du Hurepoix Nous ne nous attarderons pas à décrire les actes de Louis de Graville pour la seigneurie de Marcoussis puisqu'une chronique spécifique leur sera consacrée. Toutefois, rappelons qu'en 1488, l 'amiral put mettre fin à un procès que son père avait entamé en 1481, au sujet des seigneuries de Marcoussis et de Montaigu, et que Louis, en bon fils et en vrai Normand avait continué. « Par arrest du 24 avril 1461 les châtellenies, terre et seigneuries de Marcoussis et Montagu avoient esté jugées appartenir à messire Robert de Sarrebruche, seigneur de Commercy, comte de Roussy et de Bresne et à dame Jeanne de Roussy, sa felle à cause d'elle, contre messire Jehan de Graville ». Robert de Sarrebruck fondait sa revendication sur les droits de sa tante Bonne Elisabeth de Montaigu ; la terre fut, un instant, mise dans la main du roi, qui donna gain de cause aux Graville, vu sans doute la captivité du père et les mérites du fils. Le retour de Jean de Graville, en 1478, sa mort en 1482, permirent à Robert de Sarrebruck de ramener l'affaire devant la cour ; enfin, par « acte passé double sous le scel de la prévosté de Paris, le mardy 5 février 1487 (1488) », le comte de Commercy abandonna aux mains d'André d'Epinay, archevêque de Bordeaux, procureur de l'amiral, « la part et portion qui lui appartenoit comme héritier de Jehanne de Roussy son ayeule dans les terres et chastellenies de Marcoussis et de Montaigu en Laie pour le prix et somme de 2.300 livres tournois » que lui fit compter l'amiral. Ce litige était à peine terminé, que Graville en entamait un autre (1479) avec les seigneurs de Chevreuse. Colard ou Nicolas de Chevreuvre avait, en 1441, grevé sa baronnie d'une rente de 100 écus d'or, au profit du bâtard de Saveuse, aux droits duquel Graville se trouva substitué, nous ignorons pourquoi. En 1484, Colard de Chevreuse maria sa fille, Yde, à Antoine de Canteleu et lui attribua « par contrat de mariage sa terre et baronnie de Chevreuse ou du moins ce qui lui restait de droits sur cette terre (Graville n'était pas son seul créancier) à la charge par les époux de compter à Louis de Graville sa rente de 100 écus d'or et tous·les arrérages accumulés depuis sa constitution ». Ceux-ci n'exécutèrent aucune des conditions du contrat. Colard les poursuivit devant le prévôt de Paris qui le remit en possession de ses domaines. Il était néanmoins très embarrassé : sa terre dévastée n'était d'aucun revenu et toutes les dettes que n'avait pas acquittées sa fille venaient l'accabler. Aussi, le 7 janvier 1489, vendait-il à Jean d'Epinay, agissant comme procureur de l'amiral, la moitié de la baronnie (10), moyennant une somme de 1.000 l .t. une fois payée et une rente de 200 l .t. payable à la Saint-Jean et à la Noël. De longs débats s'ouvrirent alors entre Graville, Yde de Chevreuse et le chapitre de Notre-Dame de Paris. Ce dernier était créancier d'une rente de 20 1ivres parisis imputée sur Chevreuse depuis 1460 ; elle ne lui était plus payée et il avait fait mettre la terre en criée. Pour qu'une surenchère ne lui enlevât pas cette seigneurie qu'il avait eu tant de peine à acquérir, l'amiral, dès 1495, s'efforça de désintéresser le chapitre : à cet effet, il lui fit différentes propositions ; une seule faillit aboutir. Le 5 décembre 1487, le chapitre acceptait son offre de transporter sa rente sur sa terre d'Ablis, propriété de l'amiral, à la condition que ce dernier payerait 500 1ivres pour les arrérages et qu'il la ferait amortir à ses frais. Tout paraissait réglé : l'amiral avait même obtenu du roi, en février 1489, l'autorisation amortir les 20 livres transportées sur la terre d'Ablis, et la remise des droits d'amortissement, et la Chambre des comptes avait enregistré les lettres royales le 8 juillet 1489, quand la mort de Colard Chevreuse, advenue en 1489, vint tout remettre en question. À la requête d'Antoine de Canteleu, le chapitre n'opéra pas le transport. Cependant Yde de Chevreuse poursuivait la procédure engagée contre Graville, le 16 mai 1494, un arrêt du Parlement évinçait Graville des terres de Chevreuse et les adjugeait par retrait lignager à Yde. Elle accusait l'amiral d'avoir fait sur la baronnie pour plus de 10.000 écus de dommage. Mais Graville avait encore sur la terre de Chevreuse les droits qu'il tenait de la rente de 100 écus d'or qui lui était due. Elle fut adjugée par retrait lignager, le 21 avril 1499, à Robert de Canteleu, comme curateur de Claude de Canteleu. La consignation en aurait été approuvée par la chambre des requêtes le 2 avril 1501 et confirmée par arrêt du 2 mars 1502. Les années 1488-1489-1490 sont pour Graville fertiles en procès. Le 18 décembre 1490, le conseil du parlement suppliait Charles VIII de ne pas laisser porter devant les requêtes de l'hôtel le procès intenté par Graville à Gilbert de Grassay, seigneur de Champeroux, mais, au contraire, de le laisser débattre devant la cour. Il s'agissait probablement d'un conflit de juridiction ou d'un refus d'hommage à propos de « partie du fief de la terre et seigneurie de Grassay, ses appartenances et déppendances » qui appartenait à Graville et relevait de Néauphle-le-Châtel. Dès le 10 mai 1485, Graville commettait son cousin, Jean d'Epinay, abbé commendataire de Notre-Dame d'Aiguevive et évêque de Mirepoix, pour son procureur dans la seigneurie de Gometz-le-Châtel: celui-ci en cette qualité reçut les hommages de Guillaume de Villetain, seigneur de Gif, vicomte de Châteaufort, qui était lieutenant de l'amiral à Pont-de-l'Arche, le 12 avril 1489, Le 13 janvier 1494, l'évêque fit recevoir par Jean Prunelle, seigneur de Richarville, en présence de Guillaume Piel, substitut du tabellion, la déclaration des cens et redevances dus à l'amiral, à Gometz-le-Châtel. Il en avait sans doute besoin pour rédiger le Terrier de Marcoussis et compléter les archives qui gisaient non classées dans une tour du château. Perret nous dit « Ce terrier manuscrit était orné de belles miniatures ; il est encore décrit dans l'inventaire rédigé en 1781 pour la comtesse d'Esclignac ; mais, pendant la Révolution , il fut déposé à Versailles, puis remis à la comtesse de la Myre , sur la déclaration ; en 1851, il la mort du marquis de Salperwick, il fut acquis pour 150 fr. par M. Balai de la Bertradière , et depuis ou n'en a plus de nouvelles ». En 1495, Graville achetait « des maisons, terres, bois et fiefs », à Passy et près des bois de Joyenval. Il prêtait hommage, à cause de celle acquisition, entre les mains de Robert Briçonnet, le 10 juillet 1495, à Moulins.
La résidence de sa vieillesse C'est à partir de 1497 que Graville délaissa presque complètement le Bois-Malesherbes pour faire de Marcoussis sa résidence favorite ; à cet effet et aussi sans doute pour se distraire de ses longues maladies, il répara, agrandit et embellit ce château où il devait mourir. Dans la grand'salle il fit peindre à fresque, peut-être par quelque artiste venu d'Italie, « l'entrée du roy Charles VIII à Naples, en costume de roi de Jérusalem et sur un cheval couvert d'une riche housse aux armes de ce royaume. Cette décoration fut répétée dans la chambre située au dessus, que l'on appelait la chambre du Roi ». Aux murailles, des amours lutinaient des nymphes; les armoiries de Graville étaient entourées d'aigle et d'anges. Le prieuré (dit l'église de la Madeleine ) ne fut pas davantage oublié par le pieux amiral ; on voit encore aux clefs de voûte de l'église communale de Marcoussis les armes de Graville avec les fermaux et l'ancre symbolique de la dignité d'amiral; ces mêmes armes sont encore conservées dans un des rinceaux du haut de l'ogive de la grande verrière située au dessus de la porte d'entrée.
Graville et les communautés religieuses du Hurepoix Nous avons mentionné qu'en novembre 1484, Charles VIII autorisa Graville d'amortir aux mains des Célestins de Marcoussis des terres dépendant de Marcoussis, qu'il leur avait données. Si l'amiral favorisait les Célestins, il parait avoir un peu négligé les Bénédictins du prieuré de Marcoussis, dépendance de Saint-Wandrille, au diocèse de Rouen. Les abbés eux-mêmes avaient oublié cette succursale voisine de leur primitif sanctuaire de Fontenelles (11). Au commencement du XVIe siècle, les prieurs ne percevaient plus dans Marcoussis que quelques maigres dîmes et se contentaient de défendre leur droit à la cure paroissiale. Guillaume la Vieille , prieur (12) depuis le 6 janvier 1504, songea, pour relever son église, à recourir aux procès, plus qu'à la charité de l'amiral. Il commença par copier et extraire du registre des « chartes et escriptures du prieuré » des notes qui ne devaient servir qu'à lui seul; elles étaient rangées d'après leur importance judiciaire et non d'après leur ordre chronologique. Le prieur de Marcoussis raconte, que depuis soixante ans, les bâtiments conventuels tombaient en ruines ; il n'abritait plus que cinq ou six religieux. Pour le réparer, la Vieille intenta un procès au curé, à propos des dîmes, et il part de là pour remonter jusqu'à Childebert. Il résume des aveux et dénombrements des 1er mai 1479, 15 janvier 1480, pour rétablir le bornage entre les terres des moines de Saint-Wandrille et celles de l'amiral ; il accuse le procureur de celui-ci, Jean d'Epinay, d'avoir enlevé par force au couvent et aux habitants du bourg certains jardins entre autres la Haye Macade , pour les remettre aux mains de Graville. Il supplie ce dernier de le réintégrer dans ses droits et privilèges ; l'amiral ayant fait la sourde oreille, le prieur procédurier ajourna Graville au parlement ; mais celui-ci obtint, le 20 février 1510, de se faire représenter par un procureur, Guillaume Béranger ; le 16 mars, la chambre des requêtes renvoya Guillaume la Vieille à se pourvoir devant le prévôt de Paris et le condamna aux dépens. Il ne se tint pas pour battu, et, le 3 août 1510, il obtenait de la même chambre un arrêt condamnant Léonard Monestier, Jean Renault, Jean Goussard et Louis de Graville à lui payer la somme de quatre livres seize sous parisis. N'oublions pas que le 25 décembre 1511, l 'amiral céda gratuitement aux habitants de Nozay un emplacement pour édifier une chapelle consacrée à Saint-Fiacre à La Ville-du -Bois. Louis de Graville en devenait le patron, mais le présentateur restait celui qui exerçait ses droits à Nozay, c'est- à-dire le prieur de Longpont. À suivre…
Notes (1) La Ronce , Vaularon, Biscorne (comm. de Marcoussis), Chanteloup (comm. de Saint-Germain-lès-Arpajon), Villiers (comm. de Nozay), Guillerville (comm. de Linas), Châtres (aujourd'hui Arpajon), la Boissière (comm. de Saint-Jean-de-Beauregard), Buno (comm. de Milly), Hangest, Mortefontaine (comm. d'Héricy). (2) L'énumération des seigneuries est forcément incomplète ; ainsi elle omet les seigneuries de Montaigu en Laie et de Chevreuse qui posséda Graville. (3) F. Matagrin, Le château de Graville et ses propriétaires (chez Huguenin, Melun, 1906). (4) M. Guyot, Répertoire universel et raisonné de Jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale , tome LVII (chez Panckoucke, rue des Poitevins, Paris, 1783). (5) Dans sa notice sur la Ville et le château de Malesherbes , M. de La Tour fait une erreur en écrivant que Jacqueline de La Grange , veuve de Jean de Montagu « épousa en secondes noces Jean Mallet, quatrième du nom, seigneur de Graville, pannetier et grand fauconnier du roi… ». (6) Garnier , Hist. de France, t. XIX, p 378, édit. de 1778. Tiré d'un pouillé du diocèse de Sens, rédigé par Amélie, secrétaire de l'archevêché de Sens (Archives départementales de l'Yonne) . F. Gonzaga. De origine seraphiæ religionis franciscanæ . Rome, 1587, p. 590, D. Morin, Histoire du Gâtinois , t. II. p, 390. Annales minores publiées par Wadding. Rome. 1736, XV, p. 120. (7) P.-M. Perret, Notice Biographique sur Louis Malet de Graville (Picard, Paris, 1889). (8) Michel Perret l'a converti en monnaie du second Empire : 320.000 francs environ. (9) J. Guyot, Chronique d'une ancienne ville royale, Dourdan, capitale du Hurepoix (chez A. Aubry, Paris, 1869). (10) A. Moutié. Chevreuse. Recherches historiques, archéologiques et généalogiques . Rambouillet, 1876, 2 vol. in-8° (t. II, p. 436). L'autre moitié appartenait à Yde, à cause du douaire coutumier de sa mère, Jeanne de Saveuse. (11) Près Guillerville, sur le territoire de Linas (Malte-Brun, p. 94). (12) Originaire d'Avranches, d'après la vie des hommes illustres de l'abbaye de Fontenelle ( Bibl. Rouen . Ms. Y/183, p. 253). Plus tard, il fut trésorier de Louis de Canossa, évêque de Bayeux (1517), fut abbé de Saint-Wandrille, rédigea la vie des saints de Fontenelle, un catalogue des abbés et embellit l'abbaye : il mourut en 1531.
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