Louis Malet de Graville, seigneur de Marcoussis (XIII) Le pieux chevalier |
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Chronique du Vieux Marcoussy --------------------------------- ---- _------------------ --------- Juillet 2010
C. Julien JP. Dagnot
Nous présentons le treizième volet de la vie de Louis Malet de Graville que nous consacrons à ses pratiques religieuses : les libéralités pieuses et sa règle de conduite envers l'Église. Comme tout aristocrate du XVe siècle, Louis de Graville eut une éducation religieuse sévère avec le souci de la fin des temps et du Jugement dernier, sentiments exacerbés à cette époque. L'une des grandes préoccupations est de s'assurer le passage et le salut éternel en faisant pénitence et des dévotions au Christ rédempteur. Au Moyen âge, le droit canonique exige des clercs aussi bien des nobles qu'ils aient de bonnes mœurs, aussi faut-il s'interroger sur la valeur (1). Le jeune sire de Montagu eut une culture religieuse plus affinée, peut-être, par la présence d'un prêtre de la famille, son oncle Charles Malet, culture qu'il compléta d'abord en fréquentant les écolâtres du collège de Montagu, et plus tard, en étant proche du roi Louis XI que d'aucuns considèrent comme un dévot. Pour ce qui est des études, le collège Montaigu devait être une école de grammaire, de philosophie et de théologie. Nous ignorons son degré d'étude, mais, considérant les fonctions qu'il occupa, on imagine aisément que Louis de Graville avait été diplômé maître ès Arts, bachelier en théologie.
La piété de Graville Nous possédons de nombreux indices sur la piété de Louis de Graville qui se montra un grand protecteur de l'église. Nous donnons plusieurs exemples. En 1505, Jean Raulin, le grand réformateur de l'ordre de Cluny, prieur de Saint-Martin-des-Champs dédie, à l'amiral de Graville, son Itinerarium Paradisi et le félicite « d'avoir su, en bon marin, se diriger parmi les écueils de la vie terrestre en vue d'atteindre le port de la bonne mort ». Nous n'exposerons pas les actes de Graville à propos des églises paroissiales de Marcoussis, Nozay et La Ville-du -Bois. Nous avons vu que, le 25 décembre 1511, l 'amiral céda gratuitement aux paroissiens de Nozay-La Ville-du-Bois un emplacement pour édifier une chapelle consacrée à Saint-Fiacre à La Ville-du -Bois. Nous invitons le lecteur à consulter les chroniques relatives à ces églises. Si l'amiral favorisait les Célestins, il paraît avoir un peu négligé les Bénédictins du prieuré de Marcoussis, dépendance de Saint-Wandrille, au diocèse de Rouen. Les abbés eux-mêmes avaient oublié cette succursale voisine de leur primitif sanctuaire de Fontenelles. Au commencement du XVIe siècle, les prieurs ne percevaient plus dans Marcoussis que quelques maigres dîmes et se contentaient de défendre leur droit à la cure paroissiale. Guillaume la Vieille , prieur depuis le 6 janvier 1504, songea, pour relever son église, à recourir aux procès, plus qu'à la charité de l'amiral ( 4 ). Il commença par copier et extraire du registre des « chartes et escriptures du prieuré » des notes qui ne devaient servir qu'à lui seul; elles étaient rangées d'après leur importance judiciaire et non d'après leur ordre chronologique.
L'opinion de Simon de la Motte Dans son intéressante relation manuscrite, Simon de la Motte introduit « De Messire Louis Malet sire de Graville en Normandie, amiral de France . Haut et puissant seigneur messire Louis Malet amiral de France le dernier en ligne directe de celle tant renommée et très ancienne famille dont il est dit qu'il y a eu de cette illustre famille…. Et comme suivant qu'il se prouve par les fondations remarquables que quantité de seigneurs de cette maison très puissante ont faites des prieurés conventuels du Bocacher, de Graville étant des couvent des Pères Cordeliers de la ville de Bernay et de Malesherbes des chapelles de Sainte Honorine de Montagu au Cotentin, de Saint Jean-Baptiste et de la Fontaine sur la paroisse de Hainonville, de Notre Dame de Pitié et l'invocation de dix mille martyrs chez les Pères Célestins de Marcoussis. De reconnaissance faire mention d'autres bienfaits la quantité d'autres lieux comme en la structure de l'église paroissiale de Châtres ou l'augmentation du collège dit de Montagu tant en bâtiments qu'en revenus, en faïences des premières chapelles et les ornements qui se voient encore sur leurs armes en l'église de Notre-Dame de Rouen et autres lieux de dévotion. » Le sous-prieur de Marcoussis continue de faire l'éloge de l'amiral : « Cet illustre seigneur ayant en sa personne les belles perfections de ses ancêtres et la piété de ses prédécesseurs, sa dévotion le porta à faire bâtir un couvent des Pères Cordeliers à Malesherbes sous le titre de Notre-Dame de Pitié où il désigne sa sépulture et les chanoines réguliers du prieuré de Graville se sont ressentis de ses libéralités en la réparation de leur édifice… ».. Résumons toutes les œuvres pieuses de Louis de Graville énumérées par Simon de la Motte :
L'aumônier de Graville Nicolas de Coquiller, évêque de Verieuse a fait un recueil de plusieurs Chants Royaux et Ballades et Jeux , présentés à Madame Anne de Graville, fille cadette de l'amiral : le premier Chant Royal commence ainsi : Chant Royal d'un désert sacré a
Cet évêché de Verieuse est inconnu. L'éditeur de ces vers pense qu'il faut lire Véneuse, en latin « Venusia » , en italien « Venosa », ville épiscopale du royaume de Naples, en la Basilicate. Charles VIII s'étant rendu maître de ce royaume, en 1495, put aisément accorder cet évêché à l'amiral de Graville , qui le lui demanda pour Nicolas Coquiller, apparemment son aumônier . Anne de Graville, à laquelle il dédia son Livre, cultivait les lettres (5). Quatre des cousins d'Espinay de Louis Malet étaient des prélats, évêques et archevêque. Jean d'Espinay, évêque de Mirepoix et abbé commendataire de Notre-Dame d'Aiguevive était le procureur dans les seigneuries de Marcoussis, Gometz-le-Châtel, Châtres et autres lieux. C'est lui qui fit établir le célèbre Terrier de Marcoussis . En mai 1513, Pierre Droulon était le chapelain ordinaire de Louis de Graville. C'est ici que nous apprécions le pouvoir immense de Louis de Graville qui faisait les carrières, bien souvent procurant un chapeau d'évêque à ses propres : son aumônier que nous venons de voir, ses cousins d'Espinay et même un chapeau de cardinal à André d'Espinay.
Les libéralités pieuses Comme tous ses contemporains, Louis de Graville, seigneur riche et puissant, voulait préserver le repos de son âme. Il fit de nombreuses libéralités pieuses tant dans ses domaines normands que dans ceux d'Île-de-France. Généreux pour les églises et couvents de son domaine, il fut également en conflit avec ceux-là, ne supportant pas qu'on veuille porter atteinte à ses prérogatives seigneuriales. En 1494, il fonda, dans la vallée de l'Essonne, au bas du château de Malesherbes, un monastère qu'il nomma Notre-Dame–de-Pitié, et où il installa 34 religieux Cordeliers de la province de France. Cette fondation fut confirmée par le pape Alexandre VI en 1495. C'est dans ce couvent qu'étaient les tombes des seigneurs de Malesherbes. L'amiral de Graville portait la plus grande attention au gouvernement de sa chère Normandie. Le 4 octobre 1514, un incendie, causé par des plombiers qui réparaient la toiture, ravagea la tour du clocher de la cathédrale de Rouen. L'amiral de Graville participa à la réfection des lieux. « On fit faire en diligence un beffroy de charpenterie pour cette tour, où fut montée une cloche du poids de 666 livres qui fut donnée par messire Louis, chevalier et sire de Graville, laquelle fut bénite après la grande messe par le célébrant devant le Crucifix, et fut nommée Louise, autour de laquelle est écrit Louis de Graville amiral de France a donné cette cloche nommée Louise l'an 1506 ». La cloche avait été fondue huit ans auparavant, et ce seigneur l'avait baillée en garde à un marchand de Rouen. Le 5 avril 1494, les religieux du couvent de Sainte-Croix de la Bretonnerie déclaraient tenir « en foy et hommage » de Louis de Graville, des domaines sis aux terroirs de Varennes, de Mondeville et de Saint-Léonard, et relevant des seigneuries de Videlles, de Morigny et de Milly. Au cours de cet hommage, les religieux rappellent que, le 5 avril de l'année précédente, « pour la bonne amour et dévotion que mondit seigneur a eue à nous et nostredite église, en faveur que feux dignes de mémoires nobles personnes, Girard de Montagu et Beatrix sa femme, ses parents et prédécesseurs sont inhumés en nostre église », leur a fait remise de 225 1. 2 s. 6 d.t., montant des droits de lods et ventes qu'ils lui devaient sur les terres du Grand et Petit Varennes, acquises par les religieux, le 6 mai 1491, de Pierre Fide et de sa femme. Les religieux du couvent de Sainte-Croix de la Bretonnerie tenaient des domaines aux territoires de Mondeville et de Saint-Léonard « en foy et hommage » de Louis de Graville. Le 5 avril 1493, les religieux rappelaient que leur suzerain leur avait fait remise de 225 l . 2 s. 6 d.t. montant des droits de lods et ventes parce que ce couvent abritait les sépultures de Girard de Montagu et sa femme Béatrix, les ancêtres de Graville. Le 21 novembre 1514, en recevant l'hommage du nouveau prieur, Michel Mulot, représenté par Guillaume Saumon, Graville abandonnait ces droits à ce même monastère.
Le protecteur des Célestins de Marcoussis En novembre 1484, Graville fit au roi une requête contenant « que pour la grande et fervente devocion » qu'il avait eue et avait encore « la benosite Trinité du paradis, en l'honneur et soubz le titre de laquelle fut pieça fondé le monastère des religieux Célestins en ledit lieu de Marcoussis » par Jean de Montagu, grand maître d'hôtel de France. Les lettres mentionnent la considération de leur « grande povreté et indignité » et permettent à Louis de Graville d'amortir aux mains des religieux. L'amortissement concerne les terre d'Ardenne, Saint-Hilaire, Aubeterre, Pierrefitte, Rue, le Moulin-Neuf « qui anciennement fut molin à bled et de présent est à huile et draps , en la chastellenie de Bruyères-sur-Orge », des rentes sises à Doulainville et Chetainville et une maison où « pend pour enseigne l'ymage Saint-Georges en la rue de la Cossonerie à Paris ».
Le prieuré de Graville Le prieuré de Graville, constitué d'une église et de bâtiments conventuels, et dominant l'embouchure de la Seine entre le Havre et Harfleur, avait été édifié en 1080 grâce au legs du comte Yves de Beaumont. En 1204, le prieuré reçoit des terres du seigneur Guillaume Malet qui choisit sa sépulture dans le sanctuaire. C'est sur cet ancien lieu de pèlerinage des bateliers et marins qui firent de Sainte-Honorine leur patronne, qu'une église fut ensuite édifiée. En 1500, Louis Malet avait le droit de présentation à la cure du Havre « collatio parrochialis ecclediae de Ingovilla… Habentem jus patronatum presantendi ad eandem parrochialem ecclesiam ratione terrae et domino de Graville ». En 1508, Louis Malet eut quelques ennuis à propos du prieuré de Graville. Le 8 juin, il refuse « un nommé le Roy » présenté par le cardinal d'Amboise, archevêque de Rouen, et Aubery, présenté par le prieur de Sainte-Barbe-en-Auge. Il fondait son refus sur « ce que ledit prioré ne pouvoit estre dict electif, en tant que par la fondation était ordonné que vacant ledit prioré, par les religieux du lieu appelez deux des religieux de Sainte-Barbe dont ledit prioré de Graville dépendoit, seroient esleuz et nommez au sire de Graville fondateur pour eux prendre à choisir ». Le Parlement décida que le roi serait mis à l'amende « et clameur de haro », la collation donnée à Aubery tandis que les revenus seraient administrés par deux religieux de Sainte-Barbe. Dans sa description des « Églises de l'arrondissement du Havre », Jean-Benoît Cochet décrit celle de Graville en ces termes : « J'ai demandé aussi, pendant bien longtemps, sans pouvoir le rencontrer jamais , le sépulcre de Louis Mallet, sire de Graville , grand amiral de France sous les rois Louis XII et François 1er. Ce héros chrétien, qui mourut en 1516, avait fait à sa chère abbaye de Graville des présens vraiment dignes de son grand cœur et de sa haute élévation. On aura une idée de sa munificence envers les églises, quand on saura qu'il a donné à la cathédrale de Rouen une cloche de 333 kilogrammes qui, à cause de lui, fut appelée Louise de Graville . Le même avait fondé à Marcoussis un couvent de Célestins ( ??), et c'est là qu'il fut surpris par la mort. Mais il avait ordonné, par son testament, que son cœur fût déposé dans le tombeau de ses ayeux sous les voûtes sombres de l'abbaye de Graville … » Voici l'inscription que le père Dumoustier a recueillie sur sa tombe à la fin du XVII e siècle : « Ci-gît, le cœur du noble et puissant seigneur, père et zélateur de la réformation et observance régulière, Louis de Graville, en son vivant seigneur dudit lieu, de Marcoussis, de Boisbernay et de Malesherbes, conseiller et chambellan ordinaire du roy, notre sire, et amiral de France, qui trépassa le pénultième d'octobre, l'an 1516. Priez Dieu pour luy ».
Les gisants de Marcoussis Oudart Trubert, graveur d'origine troyenne, reçut deux commandes de l'amiral Louis Malet et de son gendre Charles d'Amboise, alors en pleine ascension politique. Jean Bailly, maître d'hôtel de l'amiral a servi d'intermédiaire entre l'artiste et les deux commanditaires. Le marché du 20 janvier 1498 concerne la réalisation de deux barreaux « de pierre d'arbalestre ». Les termes du contrat traduisent la rareté et la difficulté d'approvisionnement : l'imagier exhiba les blocs qu'il se proposait de sculpter à son commanditaire. Ces deux pièces pesant chacune 34 marcs figuraient en 1512 dans un inventaire de l'argenterie appartenant à Jeanne Malet, veuve de Charles d'Amboise. Trubert fut rapidement sollicité par Louis Malet pour une nouvelle commande, monumentale cette fois : celles des gisants de Jean VI Malet, chambellan du roi et de Marie de Montauban, parents de l'amiral, destinés à l'église prieurale Sainte-Honorine de Graville. Le contrat du 22 juillet 1498 est précieux à plus d'un titre : « il s'agit du seul marché pour la réalisation de gisants connu à Paris pour la fin du XVe siècle, et du principal document relatif à la carrière d'un artiste jusqu'à présent ignoré des spécialistes », dit Étienne Hamon (6). Selon cet auteur, les détails du gisant de Jean de Montagu (Graville) , la sculpture décorative du dais et de l'armure du défunt, renvoie plutôt aux tombeaux de la fin du XVe siècle. « Si le modèle cité dans le marché de 1498 est bien le tombeau de Jean de Montagu » on ne peut exclure que l'amiral de Graville acheva le tombeau de Montagu. De cette manière, il aurait voulu honorer la mémoire de son bisaïeul en mettant sa sculpture en valeur. Nous sommes à l'époque de la restauration des bâtiments conventuels. Pour s'assurer les prières des Célestins de Marcoussis, Louis de Graville fonda une chapelle dédiée à Notre-Dame de Pitié en 1504. Les Célestins de Marcoussis ont reçu à cette époque plusieurs ornements commandités par l'amiral et sa femme. Avant 1502, Marie de Balsac avait donné un crucifix installé sur la nouvelle clôture du chœur de l'église conventuelle. En cette même année, elle femme y a élu sépulture. À son décès le 23 mars 1503, l'amiral fit poser une dalle de cuivre gravée sur sa tombe représentant la défunte accompagnée de leur fils Joachim, mort en 1488. Leur tombeau était surmonté de leur effigie, et sur la lame de cuivre on lisait « Sous cette tombe gist le corps de mademoiselle Marie de Balsac digne de redors pour la saincté de sa vie qui fut de ce monde ravie pour mort en douloureux estroit, en mars l'an mil cinq cent et rois ».
Pour sa part, bien qu'affectionnant la sépulture familiale de Marcoussis, Louis de Graville, le 26 juin 1516, il choisit d'être inhumé ailleurs, chez les Cordeliers de Malesherbes. Pour rejoindre sa dernière demeure, l'amiral demande « à être accompagné par gens d'église les plus craignant Dieu et mieux renommez qu'on pourra trouver à l'environ comme religieux réfformés ». Ainsi Graville préfère les franciscains de Malesherbes aux bénédictins de Marcoussis avec qui il avait eu quelques démêlés.
L'amiral et le collège de Montaigu Ici, nous évoquerons brièvement cette partie de l'histoire du collège de Montaigu qui sera traitée dans une chronique spécifique. Louis de Graville prit en charge l'affaire des questions religieuses qui travaillaient le monde monacal. À la fin du XVe siècle, les moniales et moines d'Île-de-France ont été réformés par des réformes nées et éprouvées en province comme à Cluny. Vers 1496, l'abbé de Saint-Séverin de Château-Landon s'adresse à Jean Standonck, principal du collège de Montaigu, au roi, à l'amiral de Graville et à l'évêque Jean Simon pour réformer son abbaye. Louis de Graville encourage ce mouvement pour imposer la réforme au monastère de Saint-Victor, aidé par le prieur des Célestins, Etienne Poncher.
Le roi visitant le chantier de la construction d'un couvent (enluminure, XVe s.).
Dès sa nomination au gouvernement de Picardie, Louis de Graville réclame, le 5 mai 1495, la réforme à Amiens où « la vitalité des institutions municipales résulte de la proximité frontalière ». L'amiral semble être engagé dans une action de moralisation publique. En novembre 1495, l'échevinage appelle Olivier Maillard tandis que l'amiral demande le renfort de son ami Standonck qui devient son confesseur. Bien souvent les réformateurs sont accompagnés par « un grant nombre de sergents et autres gents armés » (7). Louis de Graville mit des gens d'armes à la disposition de Jean Mombaer, abbé de Château-Landon. Mais que pousse Louis de Graville à être le bras armé cette réforme ? Les réformateurs des réguliers croient en l'utilité de la médiation des réguliers. Il s'agit pour le seigneur de Marcoussis de se préparer à passer dans l'au-delà, il demande aux moines de prier pour son âme, celle de son épouse, celle de ses parents et amis. Pour rejoindre sa dernière demeure, Louis de Graville demande à être accompagné par « gens d'église les plus craignant Dieu et mieux renommez qu'on pourra trouver à l'environ comme religieux réformez ». Il choisit sa sépulture dans le couvent des Franciscains qu'il a fondé à Malesherbes. Il sollicite une inscription au nécrologe du prieuré de Graville et de Montaigu afin qu'on célèbre un obit chaque année au jour anniversaire de son trépas. Il demande l'assistance des moines réformés qui sont la meilleure assurance dans la prière.
Jan Standonck par J.-B. Guyard et Desiderius Erasme par Holbein le jeune.
Jean Standonck, natif de Malines vers 1443, docteur de la Faculté de Paris et chanoine de Beauvais, aidé par les libéralités de l'amiral de Graville, avait rebâti le collège de Montaigu, à Paris, dont il était principal, et y avait établi une congrégation d'écoliers, connus alors en France sous le nom de Capettes, et nommés Standoniciens dans l'Université de Louvain (8). Il proposa, en 1498, au chapitre de Beauvais, de fonder un semblable établissement dans la ville pour y instruire les jeunes gens pauvres qui avaient des dispositions à l'étude, et offrait d'affecter à cette œuvre les revenus de sa prébende, pourvu que le chapitre mit à se disposition quelques appartements dans la maison de Saint-Thomas-des-Pauvres-Clercs. Le chapitre promit d'y réfléchir ; mais on ne voit nulle part qu'il ait donné suite à ce sujet. Nicolas Pastour le reprit en 1545, et réussit à fonder le collège de Beauvais. Dans les études religieuses des pères Jésuites de 1875, nous lisons : « En 1494, le collège de Montaigu prit de nouveaux accroissements par les soins de maître Jean Standonche, principal, et par les dons de Louis Malet de Graville, grand amiral de France, héritier des Montaigu. Alors fut établie la communauté des pauvres écoliers, qui ont toujours fait maigre à dîner et à souper… ». Ce qui fit appeler le collège « Domus Pauperum Standonck ». La nouvelle chapelle est approuvée le 6 juillet 1495. La période du séjour d'Érasme est celle de tous ces travaux dus aux largesses de l'amiral de Graville. Afin d'augmenter le nombre de résidents, l'amiral fit une donation substantielle le 16 avril 1494 (9). Dans une charte nous lisons « Secundum precipui benefactoris huius pauperum domus illustrissimi videlicet domini Ludovici de Graville huius nostri regni Francie, cum viveret, archimarini… ». Alors que le principal du collège de Montaigu, maître Jean Standonck était exilé à Cambrai et condamné au bannissement perpétuel à cause de sa violente opposition au procès intenté à Jeanne de France et le nouveau mariage avec Anne de Bretagne, Louis Malet intercéda auprès du souverains pour faire réintégrer son protégé au seine de l'Université de Paris. Les sermons sur la pénitence de Jean Raulin, le grand réformateur clunisien, dédiés au « très pieux amiral de Graville » sont davantage destinés au pénitent qu'au confesseur. Le rétablissement et la réformation du collège de Montaigu sont l'œuvre de son principal, Jean Standonck aidé par Louis de Graville. Ils prirent habilement des mesures pour prévenir le tort qui aurait pu en résulter. Le12 juin 1499, le projet de règlement fut présenté au chapitre Notre-Dame, supérieur du collège. L'autorité du prieur des Chartreux fut établie sur le collège de Montaigu « Standonc et l'amiral de Graville, fort amis des religieux, attribuèrent au prieur des Chartreux, le droit de visite, et celui de présentation aux bourses. Le chapitre s'est néanmoins réservé le titre d'une supériorité, dont il ne fait guères d'usage… », nous dit Jean-Baptiste Crévier, historien de l'Université de Paris (t. V, 1761).
Le chapeau du cardinal Jean Balue, aumônier et favori du roi fut élevé au rang d'évêque d'Évreux le 5 février 1465. Il avait été nommé à la dignité de cardinal le 18 septembre 1467 et obtint le siège épiscopal d'Angers le 2 janvier 1468 ; la veille il avait prêté serment au roi pour le temporel de son évêché. Le cardinal d'Angers était devenu un négociateur auprès du duc de Milan pour le compte d'Anne de Beaujeu. Puis, de retour à Rome le 9 février 1485, il s'acquitte auprès du Pape de son rôle d'ambassadeur de Charles VIII, en devenant « protecteur des affaires de la France en cour de Rome » et notamment les intérêts de René II de Lorraine sur le royaume de Naples. En 1486, le cardinal Jean Balue fut au centre d'une intrigue diplomatique. Innocent VIII et la curie romaine avaient décidé du transfert du sultan Djem, frère de Bajazet II qui était prisonnier de Pierre d'Aubusson, grand maître de l'Ordre des Hospitaliers à Rhodes. C'est Balue « nostre religionis protectorem et hujus rei promotorem » qui reçoit la charge de la garde du jeune prince en tant que légat de la province de la Marche d'Ancône contre une somme de 1.200 ducats d'or. Pour arriver à ce résultat il fallait négocier avec Charles VIII et avec le Grand maître. Le pape s'engageait à nommer Pierre d'Aubusson, grand-maître de l'Ordre des Hospitaliers, cardinal-prêtre du titre de Saint-Adrien, après l'agrément du gouvernement français. Deux nonces vinrent demander à Charles VIII son consentement. Une grosse difficulté surgit tout à coup, l'amiral de Graville était un ennemi de Balue et sans l'amiral, alors tout-puissant en France, le succès était fort douteux. Le pape ne devait obtenir le double consentement qu'au prix de deux chapeaux rouges. Il fallut donc commencer par opérer une réconciliation. « Un chapeau rouge en fit encore les frais » nous dit Henri Forgeot (10). Il fut promis à un parent de Louis de Graville, l'archevêque de Bordeaux, André d'Épinay . Dès lors, plus d'obstacle. Le Saint-Siège s'empressa d'exécuter ses promesses et, le 9 mars 1489, avait lieu, en consistoire secret, la nomination de cinq cardinaux, parmi lesquels André d'Épinay et Pierre d'Aubusson.
La dette des Célestins de Marcoussis Le 27 juin 1504, Louis XII mandait aux prieur et religieux des Célestins de Marcoussis de remettre à Jean Robert et Guillaume Abernate (11) l'argent, les billets de banque et les papiers de l'Ecossais Job Abernate, en son vivant serviteur de l'amiral de Graville : « Plus au long nous escripvons à... l'admiral, croyez de ce qu'il vous en dira ». Les religieux ne se hâtaient pas de rendre une succession qui leur était échue, peut-être par un testament irrégulier, et le 9 juillet, du Bois-Malesherbes, Graville rappelait au prieur les ordres du roi : Depuis trois semaines, leur dit-il, la lettre que leur a adressé le roi à ce sujet est aux mains d'un gentilhomme malade à Orléans : « de nouveau le Roy m'en escript assez aigrement » ; il les engage donc à « depescher l'affaire ». Nous présentons les deux lettres, la première datée de Chambord, le 27 juin 1504. et la seconde, de Bois-Malesherbes, le 9 juillet 1504. Lettre de Louis XII aux prieur et religieux du couvent des Célestins de Marcoussis. De par le Roy. Chers et bien amez. Nous avons esté advertiz que avez en voz mains certain argent avec plusieurs cedulles et enseignemens qui furent à feu Job Abernate, escossoys, en son vivant serviteur de nostre cousin, le seigneur de Graville, admiral de France, et combien qu'il vous soit deuement apparu par le double du testament fait par ledit deffunct que Jehan, Robert et Guillaume Abernate, ses cousins, archiers de nostre garde, sont ses héritiers, neantmoins avez fait difficulté leur faire delivrance desdits biens, dont nous donnons merveilles. A ceste cause et que voullons et entendons lesdits biens, cedulles et enseignemens leur estre baillez et delivrez comme à ses vraiz héritiers, nous vous mandons et enjoingnons très expressement que incontinent ces lettres veues, vous baillez et mettez ès mains desdits Jehan, Robert et Guillaume Abernate ou de celui d'eulx qui presentement s'en va devers vous par delà pour ceste cause tous et chascuns lesdits biens, cedulles et enseignemens sans en riens retenir, ainsi que plus au long nous escripvons à nostre dit cousin, l'admiral, lequel croyez de ce qu'il vous en dira. Et gardez bien d'y faire faulte. Donné è Chambort le XXVIIe jour de Juing. Loys. Bohier.
Lettre de Graville au prieur du couvent des Célestins de Marcoussis. Monseigneur le prieur, je me recommande à vous tant comme je puis. Le Roy m'a escript unes lettres depuis trois jours touchant l'argent de Job Abernaty que vous avez qui estoit mon serviteur, de quoy, je vous ay autresfoiz parlé, et, comme je vous dy, quant je vous en parlay derrenierement, il n'est point de besoing que faciez faire longue poursuite aux héritiers dudit Job et que vous le depeschez de sorte qu'il ne retourne plus au Roy pour ce, car il en pourroit venir inconvenient. Le dit sieur vous en escript des lettres, mais le gentil homme qui les portoit a esté trois sepmaines malade à Orléans. Le Roy m'en escript assez aigrement, et ne vous envoie point la lettre par ce que ledit sieur m'escript d'autres matieres : mais je vous prie encore une foiz, que vous y besongnez si bien que ledit sieur n'ait cause d'en estre mal content. L'en dit que vous avez les cedulles des bancquiers, et que ledit Job vous les bailla, quant, et l'argent. Si vous ne dictes tout ce que vous avez à ses archers de la garde qui vont devers vous, et que le Roy en soit adverty par autre moien, je vous asseure que ledit sieur n'en seroit pas content. Et à Dieu, monseigneur le prieur qu'il vous doint tout ce que vous desirez. Escript au Bois-Mallesherbes le IXe jour de Juillet. Le tout vostre, Loys de Graville.
Chicane avec le clergé de Chevreuse En l'an 1509, Graville fut aux prises avec le clergé régulier. Il possédait près de Chevreuse 240 arpents de terre, et le prieuré de Saint·Paul-des-Aunaies en avait vingt-deux qui touchaient aux siens. Vers 1500, les deux propriétés, qui jusqu'ici n'avaient pas été exactement délimitées, furent séparées. Quelques années plus tard, l'amiral prétendit que ces vingt-deux arpents lui appartenaient ; de là, un procès sur lequel s'en greffèrent plusieurs autres. Ainsi, en 1509, des pourceaux du prieur, appelé Pierre Minçois, avaient été trouvés sur ces vingt-deux arpents et saisis par les officiers de Graville, qui avait obtenu 12 sous parisis d'indemnité. Mais le prieur en avait appelé et la double procédure n'était pas encore arrêtée à la mort de l'amiral. À suivre…
Notes (1) Il est inutile de faire de grands discours sur les mœurs et coutumes au Moyen âge, sujets qui ont été traités à maintes reprises. Il y avait beaucoup de vacances ! Près d'une journée sur trois était chômée. La majorité des fêtes sont chrétiennes, mais la tradition a conservé les rites païens. (2) Certains auteurs prétendent que « Louis Malet de Graville se remarie avec Jeanne de Garlande , petite-fille de Charles d'Allonville qui lui apporte en dot, le fief de la Roue. Malet de Graville, devenu seigneur de la Roue utilise son droit féodal en dépossédant les Célestins au profit de son valet de chambre, Richard Hochet, pour le récompenser de ses bons services ». Étant veuf en 1503, Louis Malet n'a jamais été remarié . Cette Jeanne de Garlande était mariée à Pierre de Monceau. Tous deux vendirent le fief de la Roue à l'amiral. D'autre part, il n'y a jamais eu de confiscation des biens des moines Célestins mais, l'achat de fiefs par Louis Malet pour unifier et rendre cohérent la partie orientale de la seigneurie de Marcoussis. C'est ainsi que les fiefs de Guillerville, la Roue , la Flotte et Bellejame furent réunis. C'est une faute d'imprimerie qui est à l'origine de ce mariage! utilisée par les auteurs qui ne vérifient pas leur source... (3) L'église interdisait les mariages consanguins jusqu'au sixième degré, les degrés correspondant au nombre de générations séparant les individus de leur ancêtre commun. Cette interdiction, nommée « empêchement canonique », pouvait toutefois être levée sur requête des intéressés. Les demandes de dispense étaient adressées au juge ecclésiastique « l'official » qui faisait procéder à une enquête « l'information ». Les dossiers de dispenses contiennent la requête des parties ainsi que les dépositions de témoins, voisins ou amis. Ils fournissent des informations d'ordre généalogique (liens de parenté des requérants) et sociologique (milieu et entourage des requérants). (4) D'après la vie des hommes illustres de l'abbaye de Fontenelle, Guillaume la Vieille est originaire d'Avranches. Plus tard, en 1517, il fut trésorier de Louis de Canossa, évêque de Bayeux, abbé de Saint-Wandrille, rédigea la vie des saints de Fontenelle, un catalogue des abbés et embellit l'abbaye. Il mourut en 1531. (5) M. Rigolet de Juvigny, Les Bibliothèques françoises de La Croix du Maine et de Du Verdier (chez Saillant et Nyon, Paris, 1773). (6) E. Hamon, Les Trubert, une famille d'artistes à Paris à la fin du XVe siècle , Bibliothèque de l'École des Chartes, tome 162 (Libr. Droz, Paris, 2004) p. 163-189. (7) J.-M. Le Gall, Les moines au temps des Réformes (Éditions Champvallon, Seyssel, 2001). (8) Les auteurs utilisent des variations du patronyme : Standonck, Standoncht, Standonhc, Standonht, Standonc, et même Standouche. Il mourut saintement au collège de Montaigu en 1504. (9) Une seconde donation fut faite le 25 février 1496 (n.s.) par Jean de Pontville, vicomte de Rochechouart. (10) H. Forgeot, Jean Balue, cardinal d'Angers , in : Bibliothèque de l'École des Hautes Études, fasc. CVI (Libr. Bouillon, Paris, 1895). (11) Compte du 1er janvier 1502 au 1er janvier 1503 (B.N. Mss. fr. 2927, f° 20). « Deniers baillez à gens et officiers qui en donnent compte. A Guillaume Abernuti la somme de VIxx (120) l.t. à luy donnée et ordonnée par ledit seigneur durant ladite année de ce presens roole à icelle avoir et prendre sur la prevosté de Loches ».
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