Louis Malet de Graville, seigneur de Marcoussis

(XV) le procédurier

Chronique du Vieux Marcoussy ------------------------------- _---------------------ggg- --------- Juillet 2010

Allégorie de la justice avec Thémis et Némésis par Pierre-Paul Prud'hon (1806).

 

JP. Dagnot

C. Julien

 

 

Nous présentons la quinzième partie de la vie de Louis Malet de Graville pour parler des procédures judiciaires qu'il engagea tant avec les puissants qu'avec les faibles. Il semblerait que Graville ait été un homme au caractère trempé qui ne s'en laissait pas compter. Aucun document ne renseigne sur son éducation. Il fréquenta dit-on l'Université comme pensionnaire du collège de Montagu. Quelles études poursuivit-il ? Assurément, il reçut un enseignement de droit canon et romain pour obtenir un niveau d'étude que l'on peut estimer être celui de licencier «  licentia docent », mais n'accédant pas au grade suprême du doctorat.

 

 

Le seigneur haut-justicier

Louis de Graville était seigneur haut-justicier dans la plupart de ses terres et seigneuries. Selon Nicolas Viton de Saint-Allais le haut-justicier détenait la haute justice, c'est-à-dire celui qui a droit et puissance de glaive sur ses sujets. Il était le véritable seigneur du lieu et le seul qui pouvait s'en dire seigneur purement et simplement. Le haut-justicier jouissait des droits utiles tels que le droit de chasser et de pêcher en personne dans toute l'étendue de sa justice ; tous les autres droits utiles qui dépendaient de la haute justice, sont tels que les amendes, déshérences, bâtardises , confiscations, droit de sang, droit d'épave et droit de colombier. Il avait les droits honorifiques tels que les fourches patibulaires, le pilori, le carcan, les honneurs à l'église après le patron et la publication du ban des vendanges. Les marques de haute justice dans la seigneurie de Marcoussis sont encore visibles dans l'église paroissiale, des fragments de litre ou ceinture funèbre avec les armoiries.

Le seigneur de Marcoussis était haut-justicier depuis des temps immémoriaux, assurément Jean de Montagu détenait ce droit. Les nombreuses déclarations de foy et hommage ainsi que les actes d'aveu et dénombrement mentionnent cet état comme celui du 16 juillet 1367 par Guillaume Despréaux « … item, la haute, moyenne et basse justice en ladite villa de Marcoussis  » ou celui rendu au roi le 30 septembre 1386 par la veuve Jehanne Pisdoé «  la moitié de toutes hautes justices moyennes et basses et droits en dépendant èsdits lieux et autres énoncés audit acte  ».

La seigneurie de Milly-en-Gâtinais, du point de vue de l'organisation judiciaire dépendait pour les appels de la prévôté de Melun, dont la coutume était différente de celle de Paris. Les officiers de Milly ayant eu des difficultés avec le bailli de Melun qui prétendait évoquer les appels de leurs sentences, Louis de Graville obtint du roi Louis XI, en novembre 1480, le placement de sa terre de Milly sous le ressort direct du parlement de Paris ; les lettres patentes furent enregistrées le 21 février 1481. Les anciennes dispositions usurpées par Hugues de Bouville en 1295 étaient abolies. Les appels des sentences rendues à Milly pour Cély étaient également portés au Parlement de Paris.

 

 

Les difficultés avec le Parlement

Les bienfaits royaux envers Louis de Graville ne furent pas sans conséquences. Dès 1474, alors qu'il avait été crédité par le roi du retour des terres de Séez et de Bernay dans les mains de la famille Malet, des difficultés furent soulevées par l'Échiquier de Normandie. Sur le rapport du bailli de Caux, commis à l'examen de cette affaire, dans sa séance du 24 novembre, l'Échiquier refusa l'enregistrement des lettres patentes. En fait, l'Échiquier était travaillé par deux courants, celui du comte d'Alençon duquel les terres avaient été confisquées, et le bailli de Caux qui réclamait l'appel des sentences du bailli de Graville. Finalement, la Chambre des Comptes entérina la création royale, sous les réserves émises par l'Échiquier de Normandie.

Louis XI a donné à Graville le droit de tiers et danger sur le bois de Hallates, près Le Havre (1). Du 14 mai 1470, jour de la donation, au 9 janvier 1498, la Chambre des Comptes contesta l'acte du roi. Après plusieurs procédures, six pièces au total, les lettres de Charles VIII furent enregistrées par les hauts magistrats le 9 janvier 1485 mais Graville négligea de réclamer la vérification en l'entérinement de celles-ci «  parce que le prouffit et dangier est de petite valeur  ». Enfin, le 9 janvier 1498 la Chambre s'exécute et autorise Graville à percevoir les revenus arriérés et échus. Une banale affaire qui dura vingt-huit ans .

En 1478, Graville rencontre des difficultés avec le Parlement de Paris qui refuse l'enregistrement des lettres patentes de Louis XI concernant la donation des biens du duc de Nemours. Le roi écrit une seconde lettre de jussion le 17 février 1478 et intime, sans détour, l'ordre de lui obéir «  et sur ce besongniez en manière qu'il n'ait cause d'en retourner plaintif devers nous et que n'ayons plus de paine, de vous en escripre…  ». Michel Perret semble défendre Graville quand il dit ; « … faut-il y voir la satisfaction d'une mesquine vengeance des gens du Parlement irrités contre Graville…  ». Graville aurait-il été soupçonné de lâcheté ? Il est certain, que peu de temps après, le 19 juillet 1483, il retourna les fiefs à Jean, Louis, Marguerite, Catherine et Charlotte de Nemours, les enfants duc décapité.

En décembre 1484, s'engagea la procédure de restitution de la terre de Vendeul en Picardie qui avait été donnée par Louis XI (2). L'amiral se plaignit, devant le Conseil, de l'usurpation de ce fief par le comte de Romont «  qu'il dit avoir prins sur luy par voye de fait  ». Graville obtint partiellement satisfaction car ne fut pas réintégré immédiatement, le défendeur eut la possibilité de poursuivre en justice «  s'il y prétend aucun droit  ».

Le 16 septembre 1495 de son château de Marcoussis, Louis de Graville écrivait une lettre «  aux gens de la chambre des Comptes  » à propos de la terre de Vendeul. «  Messieurs je me recommande à vous tant que je puis. J'ay esté adverty qu'il y a ung gendarme qui a demandé au Roy le domaine de Vendeul avecques le guect de la place qui y estoit avant qu'elle fust démollie…  ». L'amiral se plaint également qu'un autre quidam a demandé la seigneurie de Lery «  où j'ay fait faire une garenne à congnilz et à liepvres et de mon argent et à mes deniers, dont je n'amande jamais de deux blairs ny ne vouldroye…  ».

Graville était entré en défaveur au début du règne de Louis XII, mais n'avait pas cessé de faire partie du Conseil «  … messire Loys de Graville , lequel du temps de ce Roy n'avoit que bien peu suyvye la court…  », dit Jean d'Auton. Graville avait été compromis et accusé de malversations opérées sous le règne de Charles VIII, qu'il s'était vu à la veille de poursuites du parquet du Parlement de Paris, et, quoiqu'il eût réussi à les arrêter, il pouvait en vouloir au maréchal de Gié, tout puissant alors, qui aurait pu évidemment supprimer l'accusation (3) .

 

 

La succession Montagu

Nous avons déjà évoqué le célèbre procès qui dura près de cent ans entre les héritiers de Jean de Montagu (cf. la chronique Jean V Malet – Le gentilhomme ). En 1488, l 'amiral put mettre fin à un procès que son père avait entamé en 1481, au sujet des seigneuries de Marcoussis et de Montaigu, et que Louis, en bon fils et en vrai Normand avait continué. «  Par arrest du 24 avril 1461 les châtellenies, terre et seigneuries de Marcoussis et Montagu avoient esté jugées appartenir à messire Robert de Sarrebruche, seigneur de Commercy, comte de Roussy et de Bresne et à dame Jeanne de Roussy, sa felle à cause d'elle, contre messire Jehan de Graville  ». Robert de Sarrebruck fondait sa revendication sur les droits de sa tante Bonne Elisabeth de Montaigu ; la terre fut, un instant, mise dans la main du roi, qui donna gain de cause aux Graville, vu sans doute la captivité du père et les mérites du fils.

Le retour de Jean de Graville, en 1478, sa mort en 1482, permirent à Robert de Sarrebruck de ramener l'affaire devant la cour ; enfin, par « acte passé double sous le scel de la prévosté de Paris, le mardy 5 février 1487 (1488)  », le comte de Commercy abandonna aux mains d'André d'Epinay, archevêque de Bordeaux, procureur de l'amiral , «  la part et portion qui lui appartenoit comme héritier de Jehanne de Roussy son ayeule dans les terres et chastellenies de Marcoussis et de Montaigu en Laie pour le prix et somme de 2.300 livres tournois » que lui fit compter l'amiral.

 

 

 

Le contentieux de la baronnie de Chevreuse

Le litige avec Robert Sarrebruck était à peine terminé, que Graville en entamait un autre, en 1479, avec les seigneurs de Chevreuse. Colard ou Nicolas de Chevreuse avait, en 1441, grevé sa baronnie d'une rente de 100 écus d'or, au profit du bâtard de Saveuse, aux droits duquel Graville se trouva substitué, pour une raison inconnue. En 1484, Colard de Chevreuse maria sa fille, Yde, à Antoine de Canteleu et lui attribua «  par contrat de mariage sa terre et baronnie de Chevreuse ou du moins ce qui lui restait de droits sur cette terre à la charge par les époux de compter à Louis de Graville sa rente de 100 écus d'or et tous·les arrérages accumulés depuis sa constitution ». Graville n'était pas son seul créancier. Ceux-ci n'exécutèrent aucune des conditions du contrat. Colard les poursuivit devant le prévôt de Paris qui le remit en possession de ses domaines. Il était néanmoins très embarrassé : sa terre dévastée n'était d'aucun revenu et toutes les dettes que n'avait pas acquittées sa fille venaient l'accabler (4).

Aussi, le 7 janvier 1489, vendait-il à Jean d'Epinay, agissant comme procureur de l'amiral, la moitié de la baronnie moyennant une somme de 1.000 livres tournois une fois payée et une rente de 200 l .t. payable à la Saint-Jean et à la Noël. L'autre moitié appartenait à Yde, à cause du douaire coutumier de sa mère, Jeanne de Saveuse. De longs débats s'ouvrirent alors entre Graville, Yde de Chevreuse et le chapitre de Notre-Dame de Paris. Ce dernier était créancier d'une rente de 20 livres parisis imputée sur Chevreuse depuis 1460 ; elle ne lui était plus payée et il avait fait mettre la terre en criée. Pour qu'une surenchère ne lui enlevât pas cette seigneurie qu'il avait eu tant de peine à acquérir, l'amiral, dès 1495, s'efforça de désintéresser le chapitre : à cet effet, il lui fit différentes propositions ; une seule faillit aboutir.

Le 5 décembre 1487, le chapitre acceptait son offre de transporter sa rente sur sa terre d'Ablis, propriété de l'amiral, à la condition que ce dernier payerait 500 1ivres pour les arrérages et qu'il la ferait amortir à ses frais.

Tout paraissait réglé : l'amiral avait même obtenu du roi, en février 1489, l 'autorisation d'amortir les 20 livres transportées sur la terre d'Ablis, et la remise des droits d'amortissement, et la Chambre des comptes avait enregistré les lettres royales le 8 juillet 1489, quand la mort de Colard Chevreuse, advenue en 1489, vint tout remettre en question. À la requête d'Antoine de Canteleu, le chapitre n'opéra pas le transport. Cependant Yde de Chevreuse poursuivait la procédure engagée contre Graville, le 16 mai 1494, un arrêt du Parlement évinçait Graville des terres de Chevreuse et les adjugeait par retrait lignager à Yde. Elle accusait l'amiral «  d'avoir fait sur la baronnie pour plus de 10.000 écus de dommage  ». Mais Graville avait encore sur la terre de Chevreuse les droits qu'il tenait de la rente de 100 écus d'or qui lui était due. Elle fut adjugée par retrait lignager, le 21 avril 1499, à Robert de Canteleu, comme curateur de Claude de Canteleu. La consignation en aurait été approuvée par la chambre des requêtes le 2 avril 1501 et confirmée par arrêt du 2 mars 1502.

 

 

Les différends avec le clergé

Bien que l'amiral de Graville ait toujours été généreux avec les Célestins de Marcoussis, en novembre 1484, il avait été autorisé à amortir des terres dépendant de Marcoussis, des chicanes éclatèrent à propos de droits seigneuriaux. Au tournant du XVIe siècle, c'est Marcoussis qui devient le principal souci de l'amiral : il améliore le sort des Célestins qui sont établis sur son domaine et a, malgré ses bienfaits, de nombreux démêlés avec eux. Il en fut de même avec les religieux du prieuré de Saint-Vandrille, dont le prieur était patron de l'église paroissiale Sainte-Marie-Madeleine.

La bonté de l'amiral n'allait pas jusqu'à la faiblesse, les Célestins en firent l'expérience. Selon Michel Perret (page 227), un différend éclata avec les Célestins en 1509, à propos d'une muraille entre leur parc cet celui du seigneur de Marcoussis. «  Le roi rendait de fréquentes visites à l'amiral, et les religieux se disaient troublés dans leur couvent, que quelques haies seulement séparaient du château. Ils voulurent construire une muraille, l'amiral s'y opposa ; mais ils n'en continuèrent pas moins leur construction ; l'amiral alors saisit les biens des religieux, et les força à lui céder moyennant 400 livres , 10 à 12 arpents de terre s'étendant de la grande rivière à la fontaine du Mesnil, et le fief de Bellejambes sis à Nozay, que leur avait donnés un serviteur de l'amiral nommé Etienne le Prévost  ». Par son testament, rédigé après le 4 mars 1504, l'amiral leur avait légué tous ses biens meubles et immeubles sis à Montlhéry et à Marcoussis, à la charge de dire en revenant de la messe un De profondis pour le repos de son âme avec une oraison «  pour mademoiselle l'amirale ».

D'après ces documents et ceux que nous présentons immédiatement, il n'est pas question du fief de Bellejame à Nozay bien que certains auteurs, comme Perret, aient avancé que suite à « un fief à Nozay appelé Bellejambe qu'ils avaient reçu avec les 12 arpents d'un nommé Estienne Prévost et de sa femme pour fondation d'un obit ». Nous rejetons catégoriquement ces informations rapportées par ces auteurs et qui n'ont aucune véracité historique. Par contre nos dernières recherches issues des minutes notariées nous permettent le contredit exposé dans la chronique «  Le Petit Bellejame, ferme de Nozay  »

Une chicane s'installa entre le seigneur de Marcoussis et prieur de Saint-Vandrille qui, voulant relever le prieuré tombé en ruines depuis soixante ans, prétendait reprendre les doits seigneuriaux usurpés et notamment les dîmes. Pour le réparer les bâtiments conventuels, Guillaume la Vieille intenta un procès au curé, à propos des dîmes, et résumant des aveux et dénombrements des 1er mai 1479 et 15 janvier 1480, il envisagea d'établir le bornage entre les terres des moines de Saint-Wandrille et celles de l'amiral. Il accusa le procureur de celui-ci, Jean d'Epinay, d'avoir enlevé par force au couvent et aux habitants du bourg certains jardins entre autres la Haye Macade , pour les remettre aux mains de Graville. Il supplie ce dernier de le réintégrer dans ses droits et privilèges. L'amiral ayant fait la sourde oreille, le prieur procédurier ajourna Graville au Parlement ; mais celui-ci obtint, le 20 février 1510, de se faire représenter par un procureur, Guillaume Béranger. Le 16 mars, la chambre des requêtes renvoya Guillaume la Vieille à se pourvoir devant le prévôt de Paris et le condamna aux dépens. Il ne se tint pas pour battu, et, le 3 août 1510, il obtenait de la même chambre un arrêt condamnant Léonard Monestier, Jean Renault, Jean Goussard et Louis de Graville à lui payer la somme de quatre livres seize sous parisis (5). Pour cette fois l'amiral de Graville ne fut pas le plus fort !!!

L'an 1509 vit Graville aux prises avec le clergé régulier. Il possédait près de Chevreuse 240 arpents de terre, et le prieuré de Saint·Paul-des-Aunaies en avait vingt-deux qui touchaient aux siens. Vers 1500, les deux propriétés, qui jusqu'ici n'avaient pas été exactement délimitées, furent séparées. Quelques années plus tard, l'amiral prétendit que ces vingt-deux arpents lui appartenaient ; de là, un procès sur lequel s'en greffèrent plusieurs autres.

En cette année 1515, Graville, à cause de ses terres en Gâtinais, se vit intenter un procès par les bénédictines de Chelles; le 24 avril 1515, Guillaume du Tartre, sergent à cheval du Châtelet, se rendit par commission du prévôt pour extraire du cartulaire du couvent ce qui pourrait servir en leur cause. Il s'agissait de quatre-vingts arpents de terre sis en la seigneurie de Noisy que les héritiers de Graville durent abandonner aux religieuses par arrêt du parlement du 7 juin 1518.

 

 

Le contentieux sur la Grange-aux -Moines

Au XVe siècle, le prieuré de Sainte-Catherine-du-Val des Écoliers avait une créance sur la ferme de la Boissière , autrement dit La Grange-aux-Moines « Nous prieur et couvent de Sainte-Katherine du val des Escoliers à Paris confessons avoir reçu du prieur fermier de Montfaucon, la somme de trois muys de grain qu'il nous devoit à cause de deux muys de grain que nous prenons chacun an sur ladite granche... ». À la fin de la guerre de Cent ans, des procédures apparaissent entre les religieux des Vaux-de-Cernay et ceux de Sainte-Catherine « ces derniers avoient formé leur demande contre lesdits Vau Cernay pour avoir payement de trente deux muids d'arrérages de ladite redevance… ».

Le 12 juillet 1499, les foy et hommage sont rendus au roi Louis XII par Louis de Graville. Le commissaire du trésor, procureur et receveur de la prévôté et vicomté de Paris, énumère les fiefs concernés par l'aveu « Et aussy du chastel chastellenie terre et seigneurie de Marcoussis,…, et La Boissière autrement dit La Grange-aux -Moines et tous les fiefs, arrière-fiefs et autres droits appartenances et dépendances qui en dépendent aussy tenus et mouvants de Nous… ». Le contentieux avec le prieuré Sainte-Catherine est maintenant transporté sur la tête de Louis de Graville seigneur de Marcoussis. Des parchemins datés de l'an 1502 portent sur « les poursuites et procédures faictes à la requestres du prieur de Sainte-Catherine contre le sire de Graville, admiral de France afin de paiement des arrérages des muids de grain moittié froment et moittié avoine à prendre sur la susdite Granche et dépendances d'icelle dont le sirer estoit détempteur en propre ». En 1511, la déclaration du temporel de l'abbaye des Vaux de Cernay donnée à la Cour des Comptes semble rétablir la situation antérieure « Fief, terre et seigneurie de la Bussière , autrement nommée Montfaulcon ou la Granche-aux -Moines, en la chastellenie de Montlehéry ».

 

 

Le contentieux sur le fief de Fretay

Depuis des temps immémoriaux le fief de Fretay faisait partie de la seigneurie ecclésiastique du prieuré Sainte-Katherine- du-Val-des-Escolliers qui constate, qu'à la sortie de la guerre de Cent ans, la terre de Fretay est en ruine, comprenant «  ung hostel court granche estables bergerie jardins et plusieurs terres labourables en plusieurs pièces et trois arpents de pré en deux pièces, et deux septiers de bled de rente sur les dixmes de la ville et paroisse de Nozay,…». Pour résoudre les difficultés, le prieur de Sainte Catherine, conclut un «  bail à croix de cens du fief hostel de Fretay assis en la paroisse de Villejust à Pierre Fretel, licencié en lois et en décret, advocat en Parlement…  ». Au fil du temps, il y a usurpation au profit de laïcs.

En 1499, l 'homme de confiance et le procureur de Loys de Graville seigneur de Marcoussis «révérend père en dieu Jehan d'Espinay et Jehan de Saint-Martin d'une part, et les religieux et honneste personne frère Jehan de Nervet prieur de l'église Saincte-Katherine-du-Val-des-escolliers, d'autre part, font une transaction... ». On apprend à cette occasion que Pierre Fretel, de son vivant, avait vendu à Louis de Graville un fief appelé la granche assis à Fretay , ainsi que le fief de Vilhiers. De ce fait les religieux suzerains, réclament leurs droits de quints et requints et autre droits seigneuriaulx, que le prieur dit luy estre deubz par l'amiral, à cause de l'acquisition par lui faicte de la grange à Fretay. Pour raison de droits et devoirs seigneuriaulx non paiez et foy et hommage non faicts, ledit prieur auroit faict s aisir ledits fiefs de Fretay et Vilhiers.

S'ensuivent des procès entre les parties qui se terminent huit ans plus tard par une sentence des Requêtes du palais, rendue entre le prieur de l'église Sainte-Catherine-du-Val-des-Escoliers et Louis de Graville, admiral de France, laquelle entérine la transaction de 1499 qui termine le procès pendant alors entre les parties. «  Par laquelle sentence , ledit seigneur de Graville advoue tenir en foy et hommage dudit prieur, le fief de la grange de Fretay et 50 arpens près de ladite grange, à la charge des 40 sols de rente ... Ledit prieur recongnoit avoir reçu 80 livres pour tous les droits de quint requint dudit fief ».

Ce sont ensuite, en 1518, les hommages rendus aux religieux par les héritiers de l'amiral de Graville, en raison de la saisie des fiefs, faute de devoirs non faits, par le prieur de Sainte-Catherine.

 

 

Le seigneur pointilleux

Les années 1488-1490 sont pour Graville fertiles en procès. Le 18 décembre 1490, le conseil du parlement suppliait Charles VIII de ne pas laisser porter devant les requêtes de l'hôtel le procès intenté par Graville à Gilbert de Grassay, seigneur de Champeroux, mais, au contraire, de le laisser débattre devant la cour. Il s'agissait probablement d'un conflit de juridiction ou d'un refus d'hommage à propos de «  partie du fief de la terre et seigneurie de Grassay, ses appartenances et déppendances » qui appartenait à Graville et relevait de Néauphle-le-Châtel.

Le 5 avril 1494, les religieux du couvent de Sainte-Croix de la Bretonnerie déclaraient tenir «  en foy et hommage  » de Louis de Graville, des domaines sis aux terroirs de Varennes, de Mondeville et de Saint-Léonard, et relevant des seigneuries de Videlles, de Morigny et de Milly. Au cours de cet hommage, les religieux rappellent que, le 5 avril de l'année précédente (6), « pour la bonne amour et dévotion que mondit seigneur a eue à nous et nostredite église, en faveur que feux dignes de mémoires nobles personnes, Girard de Montagu et Beatrix sa femme, ses parents et prédécesseurs sont inhumés en nostre église », leur a fait remise de 225 l .t. 2 s.t. 6 d.t., montant des droits de lods et ventes qu'ils lui devaient sur les terres du Grand et Petit Varennes, acquises par les religieux, le 6 mai 1491, de Pierre Fide et de sa femme.

Un accord de fin de procès entre le seigneur d'Orsay et l'amiral de Graville est établi le 15 mars 1498 (n.s.). Adam Boucher, seigneur d'Orsay, héritier de Bernard Boucher et Charlotte ( ?) Raguier, sa femme, de la neuvième partie d'une rente de 450 livres fait une transaction avec Loys de Graville. L'intérêt de l'acte rédigé le 21 février 1500 (n.s.) réside dans l'énoncé des titres : hault et puissant seigneur monseigneur Loys seigneur de Graville, Sées, Marcoussis, ..., chambellan ordinaire du roy, admiral de France , d'une part et Guillaume de Besannes, damoiselle Charlotte Violle, autorisée, mention d'un héritage de la mère de Charlotte de 469 livres de rente. Charlotte est la fille de Katherine Boucher, héritière de Bureau Boucher et Gilette Raguier.

 

Allégorie de la justice par Simon Vouet.

 

 

Le juge inflexible

Suite au fiasco de la conquête de Milan par Louis XII en 1503, le roi rappelle Louis de Graville près de lui et le «  mys en grande auctorité  » pour punir ceux dont on accusait d'avoir provoqué la défaite «  aucuns trésoriers et autres clercz des finences durent priz et pugnys pour avoir pillé l'argent du roy  ». L'amiral qui passait pour «  saige et clervoyant, et qui moult savoit  » reçut ma mission d'instruire le procès des trésoriers de guerre chargés de payer régulièrement les gens d'armes et les archers. Au lieu de 12.000 hommes, Louis XII à l'en croire, n'en aurait pas eu 6.000 au royaume de Naples et Sa Majesté se trouva «  grandement desceu et trompé par aucuns cappitaines, commis et clercs qui avoient la charge de payer lesdicts gens de pied…  ». L'argent fourni par le trésor royal avait été «  dédobé et pillé la plupart desdits deniers, et, an lieu desdits douze mil hommes, n'en avoient que six, comme dict est  ». Les couples étaient tout trouvés. Une somme énorme manqua «  de plus de doze cens mille francs  ».

L'un des fonctionnaires, «  l'ung d'iceulx butiniers  », se présenta à Graville pour avouer son forfait et se faire pardonner en dénonçant ses complices. Le roi ne voulut pas la mort du pêcheur et lui accorda sa grâce. L'instruction déclare que le roi a fait arrêter la plupart de ceux qui ont eu des maniements d'argent dans cette guerre. Certains eurent la vie sauve et prirent le froc de moine chez les Jacobins de Blois ou au monastère de Saint-Martin de Tours. Une vingtaine furent condamnés à mort «  et quelques autres dont je n'ay sceu les noms, lesquelz le Roy fist tous pendre  » dit Jean d'Auton. Ce procès eut aussi un but politique.

À suivre…

 

 

Notes

(1) Sous l'Ancien régime, le roi était considéré comme le propriétaire de toutes les forêts et le particulier n'était que l'usufruitier. Le droit de tiers et danger était une taxe, perçue lors de la vente des bois, qui consistait au tiers du prix de vente «  le tiers  » plus le dixième du montant « le danger».

(2) La terre et seigneurie de Vendeul (arr. Saint-Quentin, dep. Aisne) avait été confisquée en 1475 sur Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol. On peut noter l'évolution du toponyme : Vendoilus (1135) Vendel (1358), Vendeuil-en-Vermandois (1475) Vendeul (1531).

(3) R. de Maulde La Clavière , Chroniques de Louis XII de Jean d'Auton , t. 3 (Libr. Renourd, Paris, 1893) note p. 335.

(4) A. Moutié. Chevreuse. Recherches historiques, archéologiques et généalogiques . Rambouillet, 1876, 2 vol. in-8° (t. II, p. 436).

(5) D'après la vie des hommes illustres de l'abbaye de Fontenelle, Guillaume la Vieille est originaire d'Avranches. Plus tard, en 1517, il fut trésorier de Louis de Canossa, évêque de Bayeux, abbé de Saint-Wandrille, rédigea la vie des saints de Fontenelle, un catalogue des abbés et embellit l'abbaye. Il mourut en 1531.

(6) Le 21 novembre 1514, en recevant l'hommage du nouveau prieur, Michel Mulot, représenté par Guillaume Saumon, Graville abandonnait au même monastère les mêmes droits .

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