Louis Malet de Graville, seigneur de Marcoussis (XVII) L'amateur d'art |
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Chronique du Vieux Marcoussy ------------------------------------- _---------------------- --------- Juin 2010
Avignon, Bibl. municipale, Ms. 6733, f . 30v°-31.C. Julien JP. Dagnot
Nous présentons le dix-septième volet de la vie de Louis Malet de Graville qui fut un amateur dans le bon sens du terme « connaisseur d'art ». Avec son ascendance italienne, nous sommes en présence d'un véritable gentilhomme de la Renaissance , instruit, raffiné et cultivé. Si l'on en juge du nombre et de la qualité des volumes de sa bibliothèque, le seigneur de Marcoussis parlait plusieurs langues étrangères, assurément l'italien, et lisait le latin et le grec. Dans cette chronique, nous donnons un aperçu de cette culture qu'il mettait à profit dans ses missions diplomatiques. Louis Malet de Graville était devenu immensément riche et le reconnut lui-même dans un codicille de son testament « gros estat, grosses pensions, grands dons et profits de la chose publique, en quoy a été ladite chose publique chargée ». Il mit à profit sa fortune pour être l'un des mécènes de la Renaissance française et dota toutes ses seigneuries de nouvelles constructions.
Le Terrier de Marcoussis La pièce la plus célèbre des étagères de la bibliothèque de Louis de Graville est le Terrier de Marcoussis qui fut écrit à la fin du XVe siècle. « Parmi les pièces d'archives ou documents originaux que M. Malte-Brun a recherchés pour s'en servir, nous mentionnerons un Terrier de la Terre de Marcoussis et autres dépendances très-nombreuses, exécuté pour l'amiral bibliophile Louis de Graville, à qui nous devons tant d'autres productions précieuses de l'art du libraire ou calligraphe » nous dit de Viriville dans sa critique littéraire et historique. Ce terrier, rehaussé de splendides miniatures, fut achevé en 1522 (1). Le moderne historien de Marcoussis allègue à plusieurs reprises ce document considérable, et il exprime le regret réitéré de n'avoir pu le consulter dans son entier. Malte-Brun prétend qu'il y aurait eu plusieurs volumes et que le terrier fut « fait en double expédition ». Rien n'est prouvé. « Le hasard nous a fait rencontrer naguère un fragment de ce beau recueil ; l'éclat même de ses miniatures paraît l'avoir désigné spécialement au vandalisme de ces " amateurs " qui tant de fois ont déchiré ou sabré des livres, pour en extraire et conserver les "images" » dit un historien très fâché de la disparition de l'œuvre. Le Terrier ou censier de Marcoussis, fut exécuté sur l'ordre de Jean d'Espinay, évêque de Mirepoix, procureur de Louis de Graville pour ses domaines d'Île-de-France . Ce prélat était le cousin germain de l'amiral. Ce volume, disparu de nos jours (ou conservé dans une collection privée) comprend des miniatures qui illustrent la première page introduisant les censives sur chaque seigneurie. Pour la plupart elles concernent le château de Marcoussis et ses dépendances. Seule une grande miniature occupant la page entière du chapitre de Saint-Chéron intitulée « L'amiral de Graville chassant au sanglier » est conservée au musée Marmotan à Paris. L'artiste montre un groupe de seigneurs, à cheval, qui débouche à l'entrée d'un bois ; tout autour, des valets de chasse les assistent, armés de bâtons ou d'épieux. Deux sangliers sont en scène : le premier poursuivi par deux lévriers ; le second, en arrêt, est assailli d'un coup d'épieu que lui assène à l'épaule l'un des veneurs. Des chiens de diverses races, plusieurs blessés par le sanglier, sont dispersés dans l'arène. Le texte qui se lit sur cette feuille porte : « Ce sont les cens hault et puissant seigneur Mons. Loys, seigneur de Graville, Sées, Bernay, Milly en Gastinois, Marcoussis, le Boys Malesherbes, Chastres, Boissi-Saint-Yon, Brethencourt, Gomez-le-Chastel, Saint-Sulpice, de Saint-Cheron et amiral de France; receuz audit lieu de Saint-Cheron le jour Saint-Remy l'an 1490, dont les déclarations desd. héritages, charges d'iceulx, cens et rente sont cy-après désolerez par le menu ; faictes de par iceluy seigneur et par le commandement et ordonnance de R. P. en Dieu Monseigneur Jehan d'Espinay, évesque de Mirepoix et abbé commendataire de N.-D. d'Aiguevyves, cousin germain, gouverneur et procureur-général de testes les terres et seigneuries d'iceluy seigneur, et reçues, etc., par-devant G. Piel et I, Hérault, tabellions, etc. ». Suit le nom des censitaires, leurs tenures, et le taux de leur cens.
Le goût des manuscrits au XVe siècle La plupart des manuscrits de cette seconde moitié du XVe siècle, surtout les in-folio vélin, qui, à fort peu d'exceptions près, sont l'ouvrage des meilleurs calligraphes et des plus habiles artistes, réunissent à un égal degré ces caractères d'une beauté parfaite dans toutes ses parties. Pour chacun d'eux, comme le dit justement leur judicieux appréciateur, M. Paulin Paris, l'épithète admirable, dont il faut autrement se montrer si avare, est toujours répétée avec justice et raison. Ainsi, le manuscrit s'était fait de plus en plus riche et somptueux, à mesure qu'on s'était approché de l'époque qui devait le ranger au nombre des choses de luxe, en lui substituant tout d'un coup, pour les besoins chaque jour plus impérieux de l'intelligence, pour les usages de la civilisation grandissante et chaque jour plus avide d'idées et de lumières, ce moyen de propagation intellectuelle si commode, si facilement multiple, si accessible a tous; enfin, le "livre imprimé", qu'un art nouveau venait d'enfanter.
L'amiral chassant le sanglier (miniature du musée Marmotan).
Plusieurs auteurs ont montré que le goût des livres était répandu en France à la fin du XVe siècle. Nous connaissons les bibliophiles du XIVe siècle : le roi Charles V, le duc Jean de Berry, le duc de Bourbon qui furent les précurseurs avaient constitué des collections prestigieuses. Louis XI a aussi beaucoup aimé les livres, il honora d'une protection toute particulière Jean Fouquet et Jean Bourdichon, les plus habiles peintres français de son temps (2). Quant à Charles VIII, il ne manqua pas de s'emparer de la bibliothèque de la ville de Naples lors de son expédition en Italie. Louis XII imita son exemple en se faisant transporter celle des ducs de Milan, dans laquelle on ne comptait pas moins de mille manuscrits en diverses langues. Outre les princes du sang, les grands seigneurs possédaient des collections remarquables : les maisons de Graville, d'Urfé et d'Armagnac faisaient parties des bibliophiles de cette époque.
La bibliothèque de l'Amiral Louis Malet de Graville, amateur de manuscrits enluminés, se constitua une considérable collection par deux voies : l'acquisition et la confiscation. Il était entré en possession d'une part importante de la riche collection de Jacques d'Armagnac, duc de Nemours. En 1477, il avait instruit le procès de ce dernier, pour crime de lèse-majesté (3). Louis XI remercia l'amiral en lui donnant une partie de la bibliothèque du supplicié. Si l'on ajoute que ce dernier tenait de son arrière-grand-père Jean, duc de Berry, les plus beaux fleurons de sa bibliothèque, on mesure la richesse des manuscrits qui parvinrent à Claude d'Urfé, mari de Jehanne de Balsac et petite-fille de l'amiral par sa mère Anne Malet de Graville. Les « ex-libris » des volumes imprimés prouvent qu'ils provenaient de la succession d'Anne Malet. Après la mort de sa femme, en 1542, Claude d'Urfé adopta la devise « UNI » (4). L'amiral eut recours aux meilleurs artistes de son temps. Oudart Trubert, artiste d'une famille d'origine troyenne vivant à Paris à la fin du XVe siècle fut le premier graveur sur cuivre français identifié, en 1474, plus tard peintre et imagier comptant parmi ses clients Charles de Chaumont d'Amboise et Louis Malet de Graville. Selon la tradition de l'époque, les armes du collectionneur étaient peintes ou gravées sur le premier folio du manuscrit. Ainsi pour la famille de Graville, on a « de gueules à trois fermeaux d'or, 2 et 1 ». En 1490, Louis Malet de Graville passe la commande d'illustration du Romuleon de Benvenuto da Imola traduit par Sébastien Mamerot par l'enlumineur Jean Colombe d'origine berrichonne qui travailla à l'achèvement de Très Riches Heures du duc de Berry pour le duc Charles 1er de Savoie. Dans les manuscrits du XVe siècle, union des deux manières, l'alliance intime du pinceau et de la plume ne laisse rien a souhaiter. De même pour ceux qui furent exécutés pour Louis de Graville, amiral de France et fameux amateur de beaux livres, comme dit M. Paulin Paris. Un de ses copistes ordinaires était Richard Legrant, qui eut le bon esprit de signer son manuscrit de L'Histoire des Thébains et des Troyens, etc. (BnF), et de se faire ainsi connaître : « Finy descripre le derrenier jour de juillet IIII. C. LXVII par moy Richard Legrant ».
Les manuscrits de l'amiral Nous donnons d'une manière non exhaustive quelques chef-d'œuvres qui étaient posés sur les étagères de la bibliothèque du château de Marcoussis. La plupart est conservée par les musées ou les bibliothèques publiques françaises : Bibliothèque nationale de France, Archives Nationales, Bibliothèque Sainte-Geneviève, Bibliothèque de l'Institut, Bibliothèque municipale de Tours, Musée Condé, etc. Selon le comte Alexandre de Laborde, le manuscrit a peintures de la Cité de Dieu de saint Augustin de la bibliothèque Sainte-Geneviève est un bel exemplaire copié vers 1473 dont la décoration est attribuée a l'école de Tours. Ce volume aurait été commandité par un riche bourgeois, Mathieu Beauvarlet, notaire, secrétaire du roi, grenetier du grenier à sel de Nogent-sur-Seine, etc. Une copie du manuscrit avait été faite pour Charles de Gaucourt, chambellan du roi, puis vendue à Jean Bourre, maître des comptes, et l'amiral Malet de Graville eut cet exemplaire en troisième main. Vers l'an 1500, à la suggestion de l'amiral Louis de Graville, les deux procès de Jeanne d'Arc furent traduits en français. Louis XII ordonna l'exécution de cette pensée qui donna naissance à un ouvrage qui nous est parvenu. C'est moins une traduction qu'une compilation abrégée. Jules Quicherat dit : « On en parle ici, parce que la manière dont y sont rendus les interrogatoires de Jeanne a pu faire croire dans ces derniers temps qu'on avait là un texte complet de la minute française, un texte ayant sur celui du manuscrit de d'Urfé l'avantage de ne pas présenter de lacune ». Qu'on sache d'abord que cet ouvrage du temps de Louis XII existe en manuscrit à la bibliothèque d'Orléans ; qu'il se trouve aussi fondu dans de très anciennes rédactions de la chronique de Normandie d'où il passa, non sans subir de grandes coupures, dans l'édition publiée à Rouen en 1581…
Enluminures du Terrier de Marcoussis (XVe s.).
L'auteur donne la sentence définitive et produit le nom des juges appelés à la révision tels qu'on les trouve dans le manuscrit de d'Urfé. Il conclut par : « Ces procez brefz et sommaires, tant de condempnacion que de l'absollucion, sont extraictz de trois livres qui ne conviennent pas tousjours ensemble ; et pour ce, je pry à ceulx qui le lyront qu'il plaise me supporter se il leur semble que il y ait aulcune erreur ou faulte, en ayant regard à la diversité desdites euvres dont procèdent les faultes, se aulcunes en y a… ». Ce manuscrit témoigne de l'intérêt que les Graville vouaient à la mémoire de Jeanne, en souvenir de leur aïeul Jean V Malet, sire de Graville, grand-maître des arbalétriers qui avait combattu auprès de la Pucelle au siège d'Orléans. La première édition, en 1513, des sermons de la pénitence de Jean Raulin, le réformateur de l'Ordre de Cluny au XVe siècle, est un petit volume qui comporte, au verso du titre, les armes de Louis de Graville « archimarini Francie », auquel il est dédié ; il a pour titre « Itinerarium paradisi religios, patris artim ac sacre pagine professoris parisiensis Johannes Raulin ». Dans ce livre (publié à Paris, B. Remboldt pour J. Petit, in-4°) l'auteur fustige le régime de la commende qu'il accuse d'être la cause de la ruine des couvents. Le Policraticon de Jean de Salisbury , manuscrit de la bibliothèque Sainte-Geneviève, compilé de « maistre Jehan Salaberiensis » est la version française de frère Denis Foulechat. On peut conjecturer que ce volume appartint à Louis Malet, seigneur de Graville qui le possédait dans sa bibliothèque. Au bas du premier feuillet du premier volume sont peintes les armes de la famille de Graville. Sur le premier plat intérieur de la couverture, une écriture du XVIe siècle « Pour Monsr. de Marcousys ». En 1838, Paulin Paris rédige le catalogue des « Manuscrits françois de la Bibliothèque du Roi ». Deux ouvrages ayant appartenu à Louis de Graville sont cités. À la cote 209 : « La Pragmatique Sanction , traduite et commentée. Remontrances à Louis XI pour la déffense de la Pragmatique Sanction. Discours contre ceux qui possèdent plusieurs bénéfices, par Guillaume Paradin ». Un volume in-folio, vélin, deux colonnes, trois miniatures, vignettes et initiales. Relié en maroquin rouge, aux armes de France sur les plats. Anc. n° 767. La vignette du frontispice est formée d'un treillis fleurdelisé et de l'écu de France entouré des coquilles de l'ordre de Saint-Michel. Sous cet écu, celui de la maison de Graville , soutenu d'une ancre, indique que le volume a été la propriété du célèbre amiral de Graville . La première miniature est de présentation : Louis XII, sur son trône, reçoit le livre qu'un abbé lui offre à genoux. La date de cette promulgation de la pragmatique sanction est du 7 juillet 1438. Le nom du traducteur et commentateur n'est pas indiqué ; seulement on lit à la fin : « Gy finist la pragmatique sanction translatée de latin en françois avec aucuns ditz moraulx extraicts de la glose nouvellement, par ung notable docteur de Paris ». La miniature qui surmonte les premiers mots représente le roi Louis XI sur son trône, écoutant un membre du parlement qui lit à genoux les remontrances. À la cote 259 : « Histoire des Thébains et des Troyens, jusqu'à la mort de Turnus, d'après Orose, Ovide et Raoul Lefevre ». C'est un volume in-folio, vélin, deux colonnes, miniatures, vignettes et initiales, XVe siècle, relié en veau fauve moucheté de noir, au dos de maroquin rouge, chargé du chiffre « N ». Ce beau volume fut demandé « par ce fameux amateur de beaux livres », Louis de Graville , amiral de France. Ses armes, de gueule à trois fermons d'or, sont ici parties de celles de sa femme Marie de Balzac, d'azur à trois sautoirs d'argent affrontés , au chef d'or à trois sautoirs d'azur également affrontés. Ce volume, à sa mort, passa dans les mains de sa troisième fille, comme le prouve la mention autographe suivante, placée sur le verso de la seconde feuille de garde : « A damme Anne de Graville de la succession de feu mons. L'Admiral, V. C. XLIII». C'était sans doute à cette dame que s'adressaient les mots écrits sur le verso de la feuille de garde précédente : « Voutre bon et loyal coussin Pi. de Rochechoart, toutes loyalles pensées. Ph. de Rochechouart ». On ne peut s'empêcher de sourire en voyant les trisaïeuls de la marquise de Montespan faire des grâces à la bisayeule de la marquise de Verneuil, maîtresse de Henry IV. — On trouve encore sur l'une des feuilles de garde de la fin : « Doibt mon compere Nycolas, à cause de ung ° d'or fin XXX sols et de deux d'azur XV sols, mont, XLV s. et a baillé ce dit livre ». Ces mots doivent se rapporter au prix de l'or et de l'azur employés pour les ornements du volume. Cet ouvrage est un mélange curieux de tous les romans précédents de Troyes ; on y remarque surtout un nombre infini de ces lettres que l'on a pris l'habitude de désigner sous le nom d'héroïdes. Les ornements dus à plusieurs artistes offrent beaucoup d'intérêt. Un exemplaire manuscrit sur vélin des « Hystoires romaines », en deux volumes du format in-folio maximo ( 70 centimètres sur 48), avait été confectionné pour l'amiral Louis Malet, seigneur de Graville. L'illustre collectionneur possédait également la traduction française des « Chroniques de Burgos ». Le catalogue des manuscrits anciens et des Chartes mentionne une déclaration des gens des comptes du roi, touchant l'amortissement de biens que Louis, seigneur de Graville, amiral de France, donnait par échange au chapitre de Notre-Dame de Paris, 8 juillet 1489. Pour rester dans le domaine des Beaux-Arts, il faut citer le passage de Gargantua, chef-d'œuvre de François Rabelais qui fait allusion à un bijou que François 1er portait « Au doigt medical de la dextre eut ung diamant en poncte, et une esmeraugde de Physon de pris inestimable ». L'auteur semble vouloir égratigner le roi pour son luxe ostentatoire, car « du 15 avril 1517, après Pâques, le paiement d'une grande émeraude enchâssée en or, en un châton…, achetée par Francois 1er 2.000 livres tournois, aux héritiers de feu Louis de Graville, en son vivant amiral de France… ». L'an 1496, le vin ne valut que vingt et trente sols le muid, et le meilleur quarante sols.
La bibliothèque de feu M. le duc Dans son étude sur le Roman des sept sages de Rome , Le Roux de Lincy décrit les quatorze manuscrits conservés à la Bibliothèques royale. No. 13. La Vallière (Olim 4096). Trois volumes, grand in-folio, vélin, miniatures, reliés en maroquin rouge. Ils sont écrits en lettres de forme, en caractère de la fin du XIIIe siècle, sur trois colonnes, et enrichis de 252 miniatures, et d'un grand nombre de lettres tournures, en or et en couleur. Ce manuscrit a appartenu à l'amiral de Graville, dont il porte les armes qui sont Malet-Graville, mi-parties de Balsac-Entragues. Ce manuscrit contient : 1° Le roman des sept sages de Rome, 2° Le roman des Marques de Rome, 3° Le roman de l'empereur Fiséus, fils de Dyoclétien empereur, 4° le livres de Laurens, fils de Marques, sénéchal de Rome, 5° Le livre de Cassiodorus, empereur de Constantinoble, 6° Histoire de Pelyarmenus, de Rome, 7° Du dernier fils des enfans de Cassiodorus (5). Le catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. le duc de la Vallière mentionne, à la cote Ms. 1467, un ouvrage venant de la collection de Louis de Graville « Ci comence le livre dou tresor lequel comenca maistre brunet latin de florence de latin en romans et parole de la naissance de toutes choses » (in fol, m.r.). C'est un manuscrit sur vélin du XIVe siècle , contenant 192 feuillets ; l'écriture est en ancienne bâtarde, sur deux colonnes ; les sommaires sont en rouge, et les tourneures sont peintes en or et en couleurs (6). Il est orné de quelques miniatures. L'ouvrage contenu dans notre manuscrit peut être regardé comme l'Encyclopédie du XIII siècle car il traite de tout. Le premier feuillet est orné des armes de Mallet Graville, qui sont de gueules, à trois fermaux ou boucles d'or, parti de Balsac d'Entragues , d'azur à trois sautoirs d'argent, au chef de même, chargé de trois sautoirs d'azur. « Il vient de la bibliothèque de Claude d'Urfé , et il avoit appartenu auparavant à l'Admiral Louis de Graville , lequel paroît avoir possédé une bibliothèque assez considérable ». Claude d'Urfé eut, selon les apparences, cette bibliothèque de sa belle-mère. Il y a beaucoup d'autres manuscrits dans ce catalogue qui portent les mêmes armes de Mallet. M. le duc de la Vallière les acquit tous en 1776, avec la bibliothèque de Claude d'Urfé (7) . L'auteur dit lui-même à la fin de son prologue, qu'il l'écrivit « en françois . Et si aucus demandoit porcoi cest Hures est escriptes en Romais eelonc le pattois de france. puisque nos sommes ytaliens. je diroi que nos fontes en france lautre porceque la parleure est plus delitable et plus comune a tos langages». Il provenait de la bibliothèque de Claude d'Urfé , et il avait appartenu auparavant à l'amiral Louis de Graville , qui l'avait mis en bonne place sur ses rayons pour la raison décrite maintenant. L'ouvrage contenu dans ce manuscrit peut être regardé comme l'Encyclopédie du XIIIe siècle ; car il traite de tout. On prétend que Brunetto Latini en a pris l'idée du Trésor du Troubadour Pierre Corbian ; mais on n'en rapporte pas de preuves. Un des endroits les plus remarquables de ce livre est la description de la boussole . Les deux tresmontaignes, c'est-à-dire les étoiles polaires, sont fixes : et porce naigent li mariniers a lenfeigne des estoilles qui i sont que il apellent tramontaines et les gens qui sont en europe et en ceste partie naigent il a tramontaine devers setentrion Et li autres naigentz a celui de midi , et que ce sait la vérité prenes vne pierre de aimant (quant) ce est calemité, uos trouerois que el a 2 faces l'une gist vers lautre et chascune a 2 faces alie la pointe de laguille vers celle tramontaine vers cui celle face gisoit. Et por ce feroient li marinier deceuse il ne sen preissent garde et porce que ces 2 estoiles ne se muent auient il que les autres estoiles que i sont enuiront près uont entor on plus petit cercles et les autres on greignor selonc ce que les lunes i sont plus près et les autres plus loing. (Livre I. chap. CXIII) . Le premier feuillet de ce manuscrit est orné des armes de Mallet Graville, qui sont de gueules, à 3 fermaux ou boucles d'or, parti de Balsac d'Entragues , d'azur à 3 sautoirs d'argent, au chef de même, chargé de 3 sautoirs d'azur.
La bibliothèque d'Honoré d'Urfé De nombreux bibliophiles ont cités les manuscrits ayant appartenu à Louis de Graville. Tous sont entrés dans la bibliothèque de Claude d'Urfé allèrent à son petit-fils Honoré d'Urfé, écrivain qui a produit le premier roman-fleuve . En annexe de son ouvrage « Les inspirations et les sources de l'œuvre d'Honoré d'Urfé », Maxime Gaume donne un catalogue des manuscrits possédés par les bibliothèques de France.
Les collections du musée Condé au château de Chantilly renferment plusieurs volumes issus de la bibliothèque de l'amiral de Graville dont Honoré d'Urfé hérita :
La bibliothèque du roi Dans le catalogue de la bibliothèque du roi (publié en 1838), nous trouvons deux manuscrits ayant appartenu à Louis de Graville. Un volume in-folio, vélin, deux colonnes, trois miniatures, vignettes et initiales, relié en maroquin rouge, aux armes de France sur les plats porte le titre : N° 6859. « La pragmatique sanction, traduite et commentée, remontrances à Louis XI pour la deffense de la pragmatique sanction, discours contre ceux qui possèdent plusieurs bénéfices » par Guillaume Paradin. La vignette du frontispice est formée d'un treillis fleurdelisé et de l'écu de France entouré des coquilles de l'ordre de Saint-Michel. Sous cet écu, celui de la maison de Graville , soutenu d'une ancre, indique que le volume a été la propriété du célèbre amiral. La première miniature est de présentation : Louis XII, sur son trône, reçoit le livre qu'un abbé lui offre à genoux. Après avoir exposé la Pragmatique sanction translatée de latin en français, l'auteur présente « Les remonstrances faictes au roy Loys XI de par la court de parlement, affin qu'il soustinst et fist entretenir la dicte pragmatique pour le bien de l'esglise et de son royaulme ». S'ensuit le traité intitulé : « De l'avarice des ministres de l'esglise et de symonie et pluralité de bénéfices ; composé par très révérend père en Dieu Guillaume Paraldin en son vivant archevesque de Lyon ; très excellent docteur en theologie, prins de sa somme des vices et vertus, et icy clerement translaté de latin en françoys ». Ce titre renferme plusieurs inexactitudes. Guillaume Paraldi ou plutôt Peraldus (Perauld) ne fut jamais archevêque de Lyon ; c'était un frère prêcheur de l'archevêché de Lyon, dont il nous reste des sermons et auquel on a souvent attribué une Summa vitiorum et virtutum . Mais on croit avec plus de raison que cet ouvrage est de Guillaume de Broux, archevêque de Sens.
Gisant de Malesherbes qui représenterait l'amiral de Graville ( ?).
Le bâtisseur Plusieurs monuments civils furent édifiés à la fin du XVe siècle sur les ordres de l'amiral de Graville qui voulait imiter les grands féodaux du royaume. Il développa l'économie de ses seigneuries en développant la pisciculture et le commerce. Si l'on s'en tient aux seules réalisations en l'Île-de-France que nous évoquons brièvement, il s'agit de :
Oudart Trubert, graveur d'origine troyenne, reçut deux commandes de l'amiral Louis Malet et son gendre Charles d'Amboise, alors en pleine ascension politique. Jean Bailly, maître d'hôtel de l'amiral a servi d'intermédiaire entre l'artiste et les deux commanditaires. Le marché du 20 janvier 1498 concerne la réalisation de deux barreaux « de pierre d'arbalestre ». Les termes du contrat traduisent la rareté et la difficulté d'approvisionnement : l'imagier exhiba les blocs qu'il se proposait de sculpter à son commanditaire. Ces deux pièces pesant chacune 34 marcs figuraient en 1512 dans un inventaire de l'argenterie appartenant à Jeanne Malet, veuve de Charles d'Amboise. Trubert fut rapidement sollicité par Louis Malet pour une nouvelle commande, monumentale cette fois : celles des gisants de Jean VI Malet, chambellan du roi et de Marie de Montauban, parents de l'amiral, destinés à l'église prieurale Sainte-Honorine de Graville. Le contrat du 22 juillet 1498 est précieux à plus d'un titre : « il s'agit du seul marché pour la réalisation de gisants connu à Paris pour la fin du XVe siècle, et du principal document relatif à la carrière d'un artiste jusqu'à présent ignoré des spécialistes », dit Etienne Hamon (8). Selon cet auteur, les détails du gisant de Jean de Montagu, la sculpture décorative du dais et de l'armure du défunt, renvoie plutôt aux tombeaux de la fin du XVe siècle. « Si le modèle cité dans le marché de 1498 est bien le tombeau de Jean de Montagu » on ne peut exclure que l'amiral de Graville acheva le tombeau de Montagu. De cette manière, il aurait voulu honorer la mémoire de son bisaïeul en mettant sa sculpture en valeur. Nous sommes à l'époque de la restauration des bâtiments conventuels. Pour s'assurer les prières des Célestins de Marcoussis, Louis de Graville fonda une chapelle dédiée à Notre-Dame de Pitié en 1504. Les Célestins de Marcoussis ont reçu à cette époque plusieurs ornements commandités par l'amiral et sa femme. Avant 1502, Marie de Balsac avait donné un crucifix installé sur la nouvelle clôture du chœur de l'église conventuelle. En cette même année, elle femme y a élu sépulture. A son décès le 23 mars 1503, l'amiral fit poser une dalle de cuivre gravée sur sa tombe représentant la défunte accompagnée de leur fils Joachim, mort en 1488. Bien que Louis de Graville affectionnait la sépulture familiale de Marcoussis, il avait choisi d'être inhumé ailleurs, le 26 juin 1516. Sa dernière demeure fut chez les Cordeliers de Malesherbes. Dans son Histoire manuscrite du couvent Histoire des seigneurs de Marcoussis, le frère Simon de la Motte dit : « Quand le sire de Graville eut appris les succès de Charles VIII, il en éprouva une satisfaction si vive qu'il voulut en perpétuer à jamais la mémoire ; c'est pourquoi il fit représenter dans la grande salle de son château de Marcoussis, les deux entrées qu'il fit à Naples, la première comme roi de Jérusalem, la seconde comme roi de Sicile ; on y voyait ce prince sur un cheval caparaçonné d'une couverture de drap d'or, aux armes de France et de Jérusalem ». À suivre…
Notes (1) Voir Paul Durrieu, Le Terrier de Marcoussis ou La vie dans ses domaines ruraux d'un grand seigneur français à la fin du XVe siècle (Société des Bibliophiles, 1926) qui donne les photographies noir et blanc des miniatures dont nous disposons. On peut consulter l'excellent chapitre de Sandrine Pagenot, dans la collection « L'artiste et le Clerc , commandes artistiques de grands ecclésiastiques à la fin du Moyen âge » (PUPS, Paris, 2006). (2) En parlant d'un prélat de son royaume qui avait une très belle et très nombreuse bibliothèque et ne lisait jamais, Louis XI disait qu'il ressemblait « à un bossu qui avait une grosse bosse sur le dos et ne la voyait pas ». (3) Le duc de Nemours était le fils de Bernard VIII d'Armagnac et de Éléonore de Bourbon, et le petit-fils de Bernard VII d'Armagnac et de Bonne de Berry, fille du duc Jean. (4) C'est le 29 août 1532 à Nantes que Claude d'Urfé épousa Jehanne de Balsac qui fut élevée, comme lui, à la Cour de France. Claude d'Urfé est considéré comme le mécène de la Renaissance en Forez. (5) Le Roux de Lincy, Le roman des sept sages de Rome (Libr. Techener, Paris, 1838). (6) G. de Bure, Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. le duc de La Vallière (chez l'auteur, Paris, 1783). (7) Louis César de la Baume-le-Blanc, duc de La Vallière (9 octobre 1708-16 novembre 1780). Nous avons modernisé le texte du XVIIIe siècle dans lequel on imprimait les s - en f - à l'exception des accords du pluriel. (8) É. Hamon, Les Trubert, une famille d'artistes à Paris à la fin du XVe siècle , Bibliothèque de l'École des Chartes, tome 162 (Libr. Droz, Paris, 2004) p. 163-189.
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