Louis Malet de Graville, seigneur de Marcoussis (XVIII) Les dernières années |
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Chronique du Vieux Marcoussy ------------------------------------- _---------------------- -------- Août 2010 C. Julien JP. Dagnot
Nous présentons le dix-huitième volet de la vie de Louis Malet de Graville. C'est la période de sa vieillesse pendant laquelle il eut de nombreux chagrins, non seulement par la mort de ses proches, mais aussi par le comportement de sa fille chérie qu'il voulait garder près de lui. Bien que septuagénaire, l'amiral garda toutes ses dignités et continuait à s'occuper des affaires gouvernementales, distribuant ses conseils éclairés (1).
La santé délicate de l'amiral À plusieurs reprises, Michel Perret évoque la santé de l'amiral. Quand, au printemps de l'an 1487, Graville, amené à résider au Plessis chez Jean Bourré, demande à son hôte d'ôter la tapisserie de sa chambre « car quant j'y vouldroye couchier pour ma santé sy la ferai-je oster. Et quand je suis chez moi, jamais je ne couche en chambre tapissée, car la challeur m'est contraire de nuyt ». Graville avait une santé précaire. Son biographe prétend que la décharge de l'office de capitaine des cent gentilshommes d'armes est le fait qu'il ne pouvait soutenir les fatigues que lui imposaient ses fonctions. En mai 1492, Louis de Graville, ne pouvant résoudre la chicane entre les chanoines d'Évreux, promet d'agir dès qu'il serait « levé en la maladie où il est » et d'en parler au roi. Fin mars 1494, les préparatifs d'armement de la flotte furent retardés par « la convalescence de l'amiral qui n'était pas assez complète pour lui permettre de vaquer à l'arment de la flotte ». Le 3 avril, la santé de Graville était chancelante, il écrivait à Boisy qu'il espérait, grâce au médecin Jean Millet « estre debout au commencement de cet esté ». Mi-juin 1495, bien qu'encore souffrant, il voyagea pour gagner le Dauphiné et les Alpes. Son état empira, car dans une lettre, il espérait rentrer en Picardie et demandait qu'on lui envoie son médecin Jean Millet dont il avait grand besoin. Très malade, il fut bloqué à Bourg, et, le 3 juillet, il dut rebrousser son chemin à Moulins. Nous savons que Graville transmis sa charge d'amiral à son gendre en 1508. Sa décision fut sans doute provoquée par son mauvais état de santé et son grand âge. Ce fut pour lui le signal de la retraite à Marcoussis. La guerre de Flandre se ralluma en 1513. Graville avait repris sa charge d'amiral en 1511, mais, en réalité, Louis de Rouville commandait « l'armée de mer » (2). Il ne put combattre à Guinegate, car trop affaibli pour paraître sur un champ de bataille, et il se fit remplacer par son lieutenant de La Fayette. Bien que très âgé et trop malade, Louis de Graville assista aux obsèques de Louis XII et fut vêtu en deuil aux frais de la Couronne. L 'avènement de François 1er ne le ramena pas aux affaires. Pendant les deux dernières années de sa vie, il n'apparut que pour donner des quittances.
Les chagrins de l'amiral Dieu voulant parmi tant de grandeur et de prospérité exercer sa patience, lui ôta Louis et Joachim de Graville, ses deux fils bientôt l'un après l'autre qui étaient l'espérance de sa maison et de sa famille, et pour modérer sa douleur et sa facture, il lui donna le gain d'un procès assez épineux et assez embrouillé touchant les villes de Seez et de Bernay de son ancien patrimoine qu'il emporta en l'an 1508. Après de longues et onéreuses poursuites contre le duc d'Alençon qui s'en était emparé prétendant qu'elles fussent de son apanage, les terres normandes avaient été unies par confiscation dès l'an 1356. Quoique ce fut par une exécution sans formalités de justice qui fut réparée à la « poursuite du roy de Navarre, le corps du Roy de l'ayeul paternel de Messire ledit amiral [Jean IV de Graville] ayant été transporté avec sa tête et enseveli avec pompe dans la chapelle des saints Innocents de l'église métropolitaine de Rouën, ne lui était resté que trois filles des fruits de son mariage à pourvoir et donna Mademoiselle Louise son aînée à Monsieur Jacques de Vendôme, vidame de Chartres , et choisit pour époux de Mademoiselle Jeanne sa seconde fille Messire Charles d'Amboise, seigneur de Chaumont-sur-Loire, chevalier de l'ordre, Grand Maître de France, maréchal et depuis amiral par la démission qu'il en fît en sa faveur, et ensuite gouverneur et lieutenant général pour le roy Louis XII au pays d'état de Gènes et Milan après ce digne choix et ses alliances » nous dit Pijart. Un chroniqueur contemporain relate : Dieu qui dans le dessein voulait couronner les vertus et couronner les mérites de Madame sa femme qui à l'exemple de Monsieur son mari et de son consentement honora le monastère des Pères Célestins de Marcoussis de la fondation d'une messe quotidienne et le gratifia d'une lampe d'argent doré, d'une riche coupe d'argent vermeil doré d'une façon très exquise pour le temps qui a servi à réserver le Très Saint Sacrement de l'eucharistie lorsqu'il était exposé et suspendu au bout d'une crosse de cuivre sur le maître autel, il l'appela à soi ayant été exercé par quantité de douleur et de maladies le 23 de mars 1503 au château de Marcoussis. Ce brave seigneur son mary fit déposer son corps suivant sa volonté dernière avec le corps de Joachim de Graville son fils dans le même monastère sous une riche lame de cuivre sur laquelle sont représentés et autour de laquelle est écrit : Sous cette tombe Gît le corps de Mademoiselle Marie de Balsac , digne de ressort pour la sainteté de sa vie, qui fut de ce monde ravie, par mort douloureuse en l'an 1503, priez Dieu pour elle à côté on lit Joachim de Graville.
Les fermaux de Graville
Armes de Louis de Graville dans les manuscrits du XVe siècle.
Avant de terminer cette série de la biographie de l'amiral Louis de Graville, évoquons brièvement des armes de Graville dont nous n'avons pas parlé. L'écu " de gueule, à trois fermaux d'or, posés 2 en chef et 1 en pointe " figure sur les enluminures de nombreux manuscrits datant du XVe siècle. On trouve les armes de Graville sur l'un des exemplaires de la Cité de Dieu de Saint Augustin , d'après une traduction de Raoul de Presle, illustrés par maître Fraçois, le plus important enlumineur parisien de la seconde moitié du XVe siècle. Le fermail est une boucle munie d'un ardillon qui servait, au Moyen âge, d'agrafe pour fermer le haut d'un vêtement au niveau de l'encolure, à joindre les deux pans du haut d'une cape ou de boucle de ceinture. Il semble que le fermail était utilisé par les Viking pour fermer leur cape en laine. Ainsi la famille normande des Malet avait pris ce symbole pour désigner leur origine, le fermail étant également symbole de fidélité au XIIe siècle, objet précieux que l'on se transmettait de père en fils. Pour sa part, Henri Rolland reconnaissait le symbole astral de la planète Mars dans le fermail « meuble héraldique bien attesté » nous dit Sylvie Lefèvre, mais qu'il qualifiait de « signe énigmatique » et décrivait comme « un cercle traversé par un ardillon » (3). Cependant, ce symbole fut associé en héraldique à la couleur gueules qui lie simplement la teinte du sang et du Dieu de la guerre. Dans les codes de la chrétienté médiévale, le parfait chrétien reçoit trois présents : l'anneau de la foi, le drap de la charité et le fermail de la grâce . Toutefois, sans faire d'analyse "primaire", le fermail qui tend à fermer la tunique, comme l'anneau, symbolise l'union et l'amour mais avec un sens érotique supplémentaire. Dans son Dictionnaire de la Noblesse française, Viton de Saint-Allais précise que « le fermail dans l'écu est posé ordinairement en fasce, la pointe de l'ardillon à dextre ; s'il se trouve perpendiculairement, on le dit en pal », puis donne plusieurs exemples : de Scelles d'Artilly , en Normandie : de gueules, à trois fermaux d'argent ; d e Malet de Graville , en l'Île-de-France : de gueules, à trois fermaux d'or ; Horric , en Angoumois : d' azur , à trois fermaux d'or ; de la Vallée-Fossez , en Bretagne : de gueules, à trois fermaux d'argent ; du Montet de la Terrade de Fayolles , en Franche-Comté : d'argent, au chef d' azur , chargé de trois fermaux d'or . On retrouve les fermaux des armes des de Courbon de Blenac en Saintonge : d'azur à trois fermaux d'or, posés en pal, deux et un . Nous retrouvons les fermaux dans les armes de la famille Stuart, comtes puis duc de Lenox. Au XVIe siècle, Esmé Stuart, seigneur d'Aubigny-sur-Nère, marié à Catherine de Balsac, arrière-petite-fille de l'amiral de Graville, possède un écu avec bordure de huit fermaux d'or. Au XVIIe siècle, l'écu de Georges Stuart est écartelé, « sur le tout de gueules à trois fermaux d'or qui est d'Aubigny ». La ville d'Aubigny-sur-Nère à pris cette partie pour ses armoiries. Sans aller si loin, les armoiries de La Ville-du-Bois se blasonnent comme suit : d'or au chevron de gueules accompagné, en chef, de deux flanchis du même et, en pointe (qui est de Balsac d'Entragues), d'un arbre de sinople, au chef aussi de gueules chargé de trois fermaux du champ (qui est de Graville). Comme sur les armoiries des Mallet de Graville , les fermaux sont en or, synonyme de foi, de connaissance divine et d'incorruptibilité, mais l'ardillon se trouve « en pal ».
Les actions vertueuses par Simon de La Motte Laissons Simon de la Motte donner ses sentiments sur la piété de l'amiral de Graville : Dieu n'eut pas plutôt appelé à lui la chaste épouse de notre amiral qu'elle voulut encore éprouver par une aventure aussi fâcheuse que les affronts sont insupportables aux personnes de la première qualité que voulant rendre sa vertu plus « épurée et plus recommandable », et en relever plus glorieusement les mérites pour un effet de son courage également pieux et vaillant. Il permit que Monsieur Pierre de Balsac enlevât Mademoiselle Anne de Graville sa troisième fille qu'il souhaitait avoir en mariage et se rendit le possesseur par cet attentat qui lui procura la haine et l'aversion de son beau-père de telle sorte qu'il en était sur le point de déshériter sa dite fille prétendant qu'elle eut consenti à cet enlèvement et de se venger hautement d'une entreprise si téméraire et de cette injure de la dernière conséquence surtout parmi les nobles et gens de cœur qui ne put se proposer que par l'entremise et l'adresse d'un religieux de Marcoussis en l'occasion suivante ». « Car comme le jour de Vendredi-Saint ce pieux et dévot amiral se préparait à l'adoration de la Vraye Croix qui s'expose pour ce sujet tous les ans en cette journée, le supérieur qui avait retiré dans le monastère le soir précédent la ditte demoiselle avec son époux afin de les lui présenter le lendemain à l'église avec un équipage assez lugubre et abject, s'était aperçu qu'il se prosternait pour satisfaire à sa dévotion lui remontra assez vivement avec zèle, qu'il n'était pas juste qu'il s'approchât d'un bien sacré sur le zèle de Dieu pour réconcilier les hommes à son père éternel avait répandu son sang précieux et exposé sa vie, s'il s'était résolu de limiter en pardonnant volontiers à ses deux enfants qui présentement l'en suppliaient avec tous ses ressentiments de douleur possibles de s'être oubliés avec tant d'envie que d'avoir pu par faute et conduite téméraire provoqué son courroux et mérité sa disgrâce, ce généreux seigneur et vieillard vénérable et du respect qu'il devait à son cousin et d'autres côtés ses entrailles s'étant émues de voir sa fille avec son époux, tous deux dans un équipage capable de toucher et fléchir les plus insensibles et obstinés avouer par un même silence les paroles de ce bon religieux, leur pardonna franchement et sans difficultés, puis les ayant embrassé avec une affection et tendresse de père, activa son adoration par une piété exemplaire qui édifia généralement l'assistance en une action de grâce s'acquittant ensuite de ce devoir avec toute la joie qu'on peut s'imaginer d'une action si touchante et si louable. Notez qu'il n'est pas véritable que cette demoiselle eut fait soin de l'alliance de ce seigneur de son propre mouvement et selon sa fantaisie vu qu'il s'est trouvé depuis peu dans le chartrier du château de Marcoussis une lettre dudit seigneur amiral son père par laquelle lui faisant savoir qu'elle était demandée en mariage par trois jeunes seigneurs et lui en représentait le premier assez volage, il faisait passer le second pour un emporté et un téméraire et quand au seigneur de Balsac il lui dit qu'encore qu'il ne fut pas si riche ni autant accommodéz que les deux autres n'ayant que huit mille livres de rentes, il était autrefois un gentilhomme sage modéré et d'une belle conduite. Or de savoir pourquoi ce seigneur si considéré se détermina de la façon et résolut cet enlèvement et cet exil peu louable après un témoignage si avantageux et si favorable de la part de son futur beau-père, c'est ce qui se soit que apprendre, ni découvrir sans qu'à présent ci ce mot que pour prévenir la violence aussi bien que l'autorité et le crédit de ses convenues en une telle conquête, il a imaginé qu'il lui était plus expédient d'en user de la sorte et moins important pour lui de s'exposer à la disgrâce d'un beau-père qui était sage et avisé pouvait en excusant sa passion amoureuse lui remettre cette entreprise téméraire et cet attentat quoiqu'il s'en offensât vivement et put en tirer vengeance que de prodiguer le sang téméraire pour le soutien de la poursuite de ses prétentions et la jouissance de sa ditte conquête ». Quoiqu'il en soit, Monsieur l'amiral rétablissait la paix dans sa propre famille aussi bien que son repos particulier. Il fit un testament ou codicille par lequel il déclara qu'il ne voulait point que la somme de 80.000 livres , prix de l'engagement des seigneuries soit restituée ni à lui ni à ses enfants et néanmoins ordonna que les terres et rentes qu'il tenait de sa Majesté par engagement « lui soient rendus la suppliant très humblement qu'il lui plaise de décharger de pareils sommes les baillages les plus fondez de son royaume à son désir ». Simon de la Motte conclut son chapitre par « Ce pieux et admirable seigneur fit encore de nombreuses donations pieuses. Depuis les Pères de Marcoussis avec l'assistance de plusieurs personnes dévotes et notables firent bâtir et construire l'an 1513, les cinq chapelles et les dédier par Messire Jean Nervat, évêque de Margarence, abbé de Juilly et prieur de Sainte-Catherine du val des Ecoliers à Paris sous le titre de saint Jean-Baptiste, de la Magdeleine , de sainte Geneviève, de saint Denis et de sainte Barbe ».
Le retour du ministre Ainsi après la défaite totale de l'armée française en Italie, nous comprenons que Louis XII rappela Louis de Graville pour remettre de l'ordre dans les finances (4). De nombreux conseillers étaient opposés à la levée de nouveaux impôts. Se rappelant l'une des réformes introduites par Philippe le Bel, l'amiral de Graville préconisa l'engagement du domaine royal. Dans les chroniques de Louis XII par Jean d'Auton (publiée par R de Maulde La Clavière , chez Laurens, Paris, 1893) « S'ensuyt la description des faictz de France de l'an mil cincq cens et quatre », est un chapitre sous le titre « Commant messire Loys de Graville, admiral de France, qui de ce règne avoit esté hors de court, fut par le Roy mandé et mys en grande auctorité, et commant aucuns trésoriers et autres furent priz et pugnys pour avoir pillé l'argent du Roy ». Lorsque messire Pierre de Rohan eut, le bont en l'entrant de l'an mille Cincq cens et quatre, messire Loys de Graville, admiral de France, lequel du temps de ce Roy n'avoit que bien peu suyvye la court, il, au moyen de son bon bruyt et du prochas d'aucuns ses amyst, et par l'advys du Roy, fut envoyé querir pour assister au conseil, comme celuy qui estoit ancyen, sage et clervoyant, et qui moult savoit ; et luy, venu en court, fut benignement receu du Roy et auctorisé grandement en l'affaire du conseil et autres besoignes du Royaume, et tellement que, a sa venue, plusieurs choses touchant le deffault des pertes et moyens d'icelles faictes par cy devant furent debatues et mises sur le bureau; et mesmement fut conseil tenu sur les grans fraiz, excessives mises et extremes despences qui pour les armées du Roy de dela et de ça les mons avoyent esté faictes; et tellement y fut veu, que, le nombre des fynences baillées aux tresoriers et la somme d'icelles receues par les gens d'armes du Roy entregectées, de plus de doze cens mille francz de reste furent lesdits tresoriers et clercz des finences envers le Roy emdebtez, sans que nouvelles fust de les rendre ne restituer : par quoy le Roy, pour ce adverer, tint la chose cellée jucques a temps. Tant fut le cas descouvert, que l'ung d'iceulx butiniers, adverty de la menée, s'en alla au Roy et dist : « Sire, s'il est vostre bon plaisir de me donner grace de mon forfait et pardonner mon deffault, je vous nommeray aucuns de ceulx qui ont butiné vostre argent, et vous restituray ce que j'en ay eu ». Le bon Roy, oyant la confession du pauvre larron qui restituer vouloit et accuser les malfaicteurs, ne voulut tant la mort du pescheur, que, après les pièces rendues, ne luy fist bailler sa grâce par escript et luy pardonna son crime, et, apres ce, telle inquisicion fist sur son affaire, que, par cestuy et par autres, eut en escript les noms d'iceulx qui sur ce s'ensuyvent. C'est as savoir : messire Anthoyne de Bessé, lequel en fut depuys a son honneur deschargé : Jehan du Plessix, Françoys Doulcet, maistre de la chambre aux deniers et controlleur des guerres extraordinaires, Nicholas Briseau, Charles le Maçon, Gilles Leroulx, Pierre Mesnager, Gilbert le Maçon, maistre Jehan Herouet, Jehan Beldon, Bertault de Villebremme, Pierre L'Estourneau, Jacques de Fontenay, Emery Loppin, Jehan de Chiedeville, clercz de finences, et quelques autres dont je n'ay sceu les noms; lesquelz le Roy fist tous prendre (5), reservé Françoys Doulcet, qui se sauva cheux les Jacoppins de Bloiz. Nicholas Briseau avoit gaigné. L'églize de Sainct Martin de Tours, pour franchise ; mais le Roy l'envoya prendre jucques la et le fist amener a Bloiz. Messire Anthoyne de Bessé fut pareillement envoyé quérir jucques a Disjon, et prendre par ung nommé messire Lancelot du Lac, gouverneur d'Orléans. Courcou fut priz a Bloiz à son logys; les autres furent envoyez prendre, les ungs a Paris, les autres à Orleans, et là où ilz estoyent, et mys entre les mains de Jehan d'Anglac, prévost de l'ostel du Roy. Ilz furent interrogez et ouys sur ce par messire Guy de Rocheffort, chancellier de France, et de tous ceulx du conseil du Roy, tant que, après toutes enquestes et interrogacions, et leur confession mise par escript, leur procès fut faict, par lequel Jehan du Plessiz, nommé Courcou, fut actainct du cas, et, pour ce, condempné a estre pendu et estranglé. Tous les biens de Françoys Doulcet furent confisquez au Roy; troys des autres furent mytrez sur, les eschaffaulx en la ville de Bloiz, et eulx banys de la court, et leurs biens mys en la main du Roy. Nicholas Briseau fut renvoyé a Sainct Martin de Tours, ou il avoit esté priz, et son bien arresté. Somme, la pluspart d'jceulx perdirent leurs biens, honneurs et offices. Jehan du Plessiz, qui avoit esté condempné a mort, fut requys par la Royne et la marquize de Salluces, qui lors estoit en court, dont le Roy tant humain qu'onques homme ne fist mourir à qui il peust pardonner, voyant le cas a luy seul toucher, luy donna la corde et ne voulut que nul des autres pour ce forfaict encourust mort…
Les derniers services Nous avons vu que, vieilli, malade et fatigué d'une vie plein remplie, Louis de Graville vivait dans son château de Marcoussis . Il avait cessé tous les déplacements qui avaient été nombreux pendant ses activités politiques. Il semble qu'il continuait à s'occuper de l'amirauté. En avril 1513, il recevait le curé Guillaume Fabien dépêché par les paroissiens d'Aurigny pour défendre au près de l'amiral leurs privilèges ou plutôt les anciens usages, en vertu desquels, quoique sujets anglais, ils n'étaient pas traités en ennemis par les troupes françaises. Le 20 du même mois, le curé d'Aurigny recevait un sauf-conduit pour les huit derniers mois de 1513 en accordant le passage des habitants pour apporter leurs marchandises sur le continent. Au cours de cette même année, Graville s'occupa des armements maritimes pour équiper la flotte de Brest où la nef Marie Cordelière combattit le navire anglais la Régente . En 1514, Louis de Graville s'appuie sur ses lieutenants et cousins, le vice-amiral Louis de Rouville et le sire de La Fayette. Il se déplaça auprès du roi à Corbie où il contresignait la nomination de Louis de Rouville à la dignité de Grand veneur. Au printemps 1514, l'amiral songeait encore aux affaires publiques, il participa à la négociation du mariage de Marie d'Angleterre avec Louis XII, veuf d'Anne de Bretagne. Il contresigna le traité de paix avec les Anglais, le 13 septembre. Il était aussi du nombre des seigneurs qui allèrent en Picardie, le 11 octobre, recevoir la future reine. Le 12 janvier1516, il donnait quittance à Jean Lalement, receveur général de Normandie, de 1.382 l . 10 s.t. valant 790 écus d'or pour la garde de la nef amirale, la Loyse , pendant l'année 1515.
Le testament Selon Jean-Marie Le Gall, dans son testament, l'amiral Louis de Graville est d'une grande générosité envers le clergé régulier. M. de Laqueuille dit que ce testament est « un modèle de religion et d'abnégation chrétienne ». Pour sa part, Michel Perret ne tarit pas d'éloges « Tranquille sur le sort des personnes qui lui étaient chères, sur l'avenir des œuvres pieuses qui avaient été sa joie et son orgueil, Graville attendait avec la résignation d'un chrétien son dernier jour… ». Il lègue 300 l.t. aux sœurs grises de Saint-Eutrope-lès-Châtres, 200 lt. A celles de Bernay, autant aux franciscains de Malesherbes, 20 l.t. à la fabrique de la Madeleine de Marcoussis, et autant à celle de Choisy-sous-Malesherbes. En 1511, il a remis 3.000 l .t. au collège de Montaigu à Paris et 200 l.t. pour vêtir des jeunes gens qui entreront en religion. Il a aussi fondé un obit au prieuré de Graville et à celui de Marcoussis. Sa générosité bénéficie donc à tous les ordres réformés. Toutefois, elle fut graduée. Ainsi, ajoute-t-il dans son testament une rente de 20 l.t. pour Montaigu et pour Graville, mais non pour les Célestins de Marcoussis « pour ce qu'ils ont assez de biens » ( Bnf, ms. fr. 4332, fol. 95-96 ). Après avoir fait des legs aux communautés religieuses et à ses serviteurs, 500 l.t. à distribuer entre ses quatre plus anciens domestiques, 200 l.t. à son chapelain Pierre Droulin, l'amiral passe à sa famille, parents propres et éloignés. La plus grande partie de la succession a été partagée entre les enfants du vidame de Chartres et de feue Louise de Graville, sa fille aînée, et Jeanne de Graville, veuve de Charles d'Ambroise. Anne eut seulement la part désignée par le codicille. N'ayant que des filles, l'amiral pense à transmettre son nom. Dans une clause du contrat de mariage de sa fille aînée, il avait imaginé cette éventualité « …s'il n'avoit enffans malles et lesdits mariez n'eussent plus d'un, que le second seroit tenu prendre le nom et armes de sa terre et seigneurie de Graville ». L'infraction à cette clause entraînait une pénalité. Charles de Vendôme était désigné lui seul et non son frère aîné Louis. En refusant, il perdait l'héritage qui revenait à ses trois cousins, les sires de Rouville, de La Fayette et François de Cherville, sire de Palaiseau. Le testament de Louis de Graville est un document historique qui fut publié au XVIIe siècle par Richelieu qui voulait comparer sa fortune à celle de l'amiral. Selon Louis Lafaist auteur des Archives curieuses de l'Histoire de France « L'admiral de Graville ordonna pas son testament que ses héritiers restitueroient au Roy la somme de cent mille livres qu'il avoit vaillant de plus qu'auparavant qu'il fust entré dans les charges, croyant que l'honneur seul est une assez belle récompense à une âme généreuse, exemple d'autant plus remarquable, qu'il est unique en son espèce » (6).
La mort de Louis de Graville La plupart les auteurs s'accordent pour dire que l'amiral de Graville s'éteignit le 30 octobre 1516 dans son château de Marcoussis. Toutefois, il semble qu'il y ait une confusion sur le jour puisque la pierre tumulaire de l'église de Graville mentionne « le pénultième d'octobre, l'an 1516 ». Le Père Dumoustier a recueilli l'inscription sur sa tombe à la fin du XVIIe siècle « Cy-gist, le cœur du noble et puissant seigneur, père et zélateur de la réformation et observance régulière, Louis de Graville, en son vivant seigneur dudit lieu, de Marcoussis, de Boisbernay et de Malesherbes, conseiller et chambellan ordinaire du roy, notre Sire, et admiral de France, qui trépassa le pénultième d'octobre, l'an 1516. Priez Dieu pour luy ». Le seigneur de Marcoussis avait décidé, en 1516 semble-t-il, de faire don de son cœur au prieuré Sainte-Honorine de Graville du Havre, de ses entrailles au couvent des Célestins de Marcoussis et de son corps aux Cordeliers de Malesherbes.
Pendant les trente jours qui suivent son décès, deux messes basses sont dites quotidiennement dans quinze maisons réformées de préférence. Selon Jean-Marie Le Gall, ce sont les moines réguliers de Livry, Châteaulandon, les carmes d'Albi et de Melun, les franciscains de l'Ave-Maria, les dominicains réformés de Paris. Son inscription est faite au nécrologe du prieuré de Graville et à Montaigu dans le but de célébrer un obit au jour anniversaire de son trépas. Selon Simon de la Motte , dans la sépulture des Montagu-Graville aux Célestins de Marcoussis, on leur a fait l'épitaphe suivant qui a été augmenté à mesure que ceux dont il fait mention ont été inhumés au même lieu. À propos de Louis de Graville, le sous-prieur nous indique :
… L'épouse à Jean de Graville Marie, De Montauban est cy ensevelie, 1487 , Les entrailles de nobles et preux 1516, Amiral fils Joachim sa lignée, 1488…
Notons que cette épitaphe donne bien la mort de Marie de Montauban en 1487, cinq après le décède son mari. Par conséquent une seconde épouse, Marie de Montbrun, attribuée à Jean VI Malet devient impossible . Simon de la Motte nous explique « Ce pieux et admirable seigneur étant âgé de 78 ans fort résigné à la volonté de Dieu et regretté des siens est mort en son château de Marcoussis le 30 octobre 1516. Son corps suivant son ordonnance et dernière volonté fut porté avec celui de son fils aîné Louis de Graville eu couvent des pères Cordeliers à Malesherbes qu'il avait fondé pour ce sujet et son cœur ayant été inhumé à Graville en Normandie dans l'église des chanoines réguliers dudit lieu. Les pères de Marcoussis eurent ses entrailles pour gage de son affection quoique de son vivant il avait eu part ensemble à quelque petit démêlé qui fut terminé par le roi Louis XII à leur humble et instante prière ». Sur sa tombe on lit cette épitaphe : « Ci-git Messire Louis, sire de Graville, seigneur de Marcoussis, Milly, Sees, Bernay et le Bois-Malesherbes, admiral et grand-maitre des arbalétriers de France, gouverneur de Picardie et Normandier. Fondateur de ce monastère avec Dame Marie de Balsac, son espouze, lequel décéda en l'an 1515 ». À suivre…
Notes (1) P.-M. Perret, Notice biographique sur Louis Malet de Graville, amiral de France (A. Picard, Paris, 1889) gr. in-8° de LI-270 p. – S. de la Motte , Les Célestins de Marcoussis, vie Messire Jean de Montagu , Manuscrit du XVIIe siècle – Perron de Langres, L'Anastase de Marcoussy . (2) Il y eut aussi quelques avancements dans le haut personnel militaire. Paul de Benserade, seigneur de Cepy, fut nommé grand maître de l'artillerie le 23 juin 1504, en remplacement de Guinot de Lozières, décédé (fr. 6690, fol. 7-8; fr. 669i, fol. 2). François de Longueville fut nommé grand chambellan, le 7 juillet 1504 (A. Du Chesne, Histoire des chanceliers , p. 542). René de Cossé, le jeune favori de la reine et l'adversaire de Gié, devint, le 9 mai, bailli de Caux, en remplacement du brave Sandricourt, mort des suites de la campagne du Garillan, comme on l'a vu plus haut ( Registres de l'Échiquier de Normandie , Archives du Palais de justice, à Rouen). (3) H. Rolland, Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France (Paris, 1938). (4) Ce procès avait aussi un but, politique. Dans son instruction au sire de Dourrier, le roi le charge d'expliquer au roi d'Angleterre l'échec du Garillan. Au lieu de 12.000 hommes, Louis XII, à l'en croire, n'en aurait pas eu 6.000 au royaume de Naples, et Sa Majesté se trouva « grandement desceu et trompé par aucuns cappitaines, commis et clercs qui avoient la charge, de payer lesdicts gens de pied, car l'argent et finance nécessaire pour faire lesdites payes leur a esté par luy fourny pour autant de mois que la guerre a duré; mais, en lieu de le bien employer au payement desdits gens de pié, lesdits cappitaines, tresoriers et commissaires ont pris, derobé et pillé la pluspart desdits deniers, et, au lieu desdits douze mille hommes, n'en avoient que six, comme dict est ». L'instruction déclare que le roi a fait arrêter la plupart de ceux qui ont eu des maniements d'argent dans cette guerre, « et desja par la justice ont esté attaints et convaincus des cas dessusdits… ». (5) Cet usage de séparer le cœur des grands personnages du reste de leur dépouille mortelle était très commun autrefois. On connaît l'histoire de Saint-Louis. Charles V dit le Sage donna son corps à Saint-Denis et son cœur à l'église de Rouen. Le cœur de Georges d'Amboise resta chez les Célestins de Rouen, tandis que son corps fut transporté à Rouen. En 1651, François de Harlay, archevêque, légua son cœur à la chartreuse de Gaillon et son corps à son église cathédrale. (6) L. Lafaist, Archives curieuses de l'Histoire de France, depuis Louis XI jusqu'à Louis XVIII , tome 1er (chez Beauvais, 26 rue Saint-Thomas-du-Louvre, Paris, 1834).
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