Jean VI Malet de Graville, seigneur de Marcoussis (I) Le chevalier |
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Chronique du Vieux Marcoussy ------------------------------------- _------------------------------- Avril 2010 C. Julien JP. Dagnot
Nous continuons l'histoire des seigneurs de Marcoussis au XVe siècle, par cette chronique, premier volet de la vie de Jean VI Malet de Graville. Après le père qui fut grand-maître des arbalétriers, nous nous intéressons à Jean Malet de Graville, sixième du nom. Il convient tout d'abord de remarquer qu'il y eut d'énormes confusions entre le père et le fils qui portaient le même prénom, mais aussi avec Louis de Graville, le fils de Jean VI. Ceci provient du fait que les contemporains, citant ces personnages ne parlaient que du « sire de Graville » et les historiens ne les ont pas distingués. Depuis peu, la France a retrouvé la paix, car les armées du roi « par la grâce de Dieu desconfirent lesditz Angloys, et en y ot mors et prins et les autres s'en alèrent et mirent en fuyte ».
Les fiefs et seigneuries du sire de Graville Messire Jean VI Malet, sire de Graville possédait de nombreux fiefs en Normandie, terre ancestrale paternelle et en Île-de-France où étaient les fiefs maternels. Il fut qualifié de seigneur de Montaigu-en-Cotentin, Harfleur, Lisbonne, Harbonville, Grand et Petit Hevre où est maintenant situé Le Havre de Grâce, de Fontaine-Malet-de-Grâce, Ingouville, Rouelles, Colleville, Montivilliers, Bréauté, Grandcamp, Herlonde, Octeville, Cauville, et autres lieux ; de Marcoussis, La Ronce, Châtres, Nozay et La Ville-du-Bois, Saint-Yon, Boissy, Guillerville, Chenanville, Gometz-le-Châtel, fiefs du Hurepoix et les seigneuries de Bois-Malesherbes, Héricy et Hangest, Marmontiers, Valère-en-Touraine, Tournenfuye-en-Brie et autres lieux. Étant seigneur de nombreux villages situés dans l'estuaire de la Seine, le sire de Graville percevait des droits importants sur « les ports et les rivières de la Saine ». Selon Perret, les droits sont énumérés dans un procès-verbal donné le 17 décembre 1464 par Doulley et Deshalles, tabellions à Harfleur. Au Havre, il percevait sur chaque nef qui s'y arrêtait, 5 sous, la moitié des poissons qui y échouaient, des « droits de queage ». À Harfleur, ses recettes consistaient aussi en droits de pêche et d'épaves « de secage, de retz, sièges de nef, brebiages, foul et deffoul ».
Le nouveau seigneur de Marcoussis Nous avons une indication sur l'avènement de Jean VI Malet par sa déclaration du 13 juin 1449 à Chinon : « Jehan de Graville le Jeune, escuier, conseiller aussi et chambellan de nostre très chier amé filz le Dauphin de Viennoys, fait hommage au roi de France en la Chambre des Comptes ». Cet acte, conforme à la coutume, montre que Jean V Malet est décédé puisque son fils et successeur, Jean VI, fait son devoir féodal au roi son suzerain pour les fiefs mouvants du domaine royal « de sa dite terre et seigneurie, ne autres ses biens, appartenances et appendances d'icelle, pourvu que nostre dit escuier et chambellan baille par escrit, dedans temps deu, son dénombrement et adveu et qu'il fera et paiera les autres droits et devoirs… ». Ainsi nous voyons que, bien souvent, les actes ajoutent « le Jeune » pour distinguer Jean VI de son père. Par cette déclaration de foy et hommage donnée au roi Charles VII, nous apprenons différents éléments de la vie de Jean VI Malet : Pour résumer une des anciennes biographies de Jean VI Malet de Graville, consultons celle donnée par de La Chesnaye-Desbois dans son Dictionnaire de la Noblesse (tome IX, p. 429) qu'il convient de lire avec une extrême prudence : « XI. Jean Malet, V du nom, sire de Graville, de Marcoussis, etc., chambellan du Dauphin, porta, du vivant de son père, la qualité de seigneur de Montagu, de Marcoussis et du Bois-Malesherbes, qu'il eut de la succession de sa mère. Il avoit épousé, 1° Marie de Montauban, fille de Guillaume, seigneur de Montauban, et de Bonne de Visconti, dite de Milan, sa seconde femme ; et 2° Marie de Montberon, fille de François, sire et baron de Montberon et de Maulevrier, etc., et de Louise de Clermont d'Aunay. Elle partagea avec ses frères en 1468. Du premier lit, vinrent : Dans la Collection complète des mémoires relatifs à l'histoire de France (chez Foucault, Paris, 1821) Claude Petitot se méprend également entre Louis Malet et son père « Après Marignan, le retour du roi François 1er donna lieu à des fêtes les plus brillantes avec son goût pour la galanterie et d'après les conseils de Bonnivet, qu'il venoit de nommer amiral. Bonnivoit remplaçoit Jean de Graville, élevé à cette dignité par Charles VIII » (1). Paul Perret fut le premier historien qui a remis en cause les anciennes généalogies (2). Il a su distinguer l'amiral de Graville de Jean VI de Graville , son père, et surtout d'un apocryphe Jean VII, mentionné par erreur dans plusieurs manuels d'Histoire . En outre, tous les historiens ont fait fausse route quant aux épouses de Jean VI Malet qui ne convola qu'une seule fois. Marie de Montberon fut la troisième épouse de son père . Nous en discuterons par la suite.
La version de Paul-Michel Perret Dans sa notice biographique sur l'amiral Louis de Graville, publiée en 1889, Paul-Michel Perret discute la généalogie des Graville à partir de documents conservés aux Archives nationales. « À s'en rapporter aux généalogistes, Jean VI Malet, sire de Graville et de Marcoussis, fils du grand maître des arbalétriers, aurait eu de sa première femme, Marie de Montauban, deux fils, Jean VII et Louis connu comme étant l'amiral de Graville ». Perret démontre que Jean VI n'a pas existé et que nombreux historiens le confondent avec son père. Son argument est renforcé par les actes d'archives qui suivent :
Jean Dunois, Pierre de Brézé et Jacques Cœur chevauchant à la rencontre du roi (BnF, Vigiles de Charles VII).
La guerre des Deux-Roses Jean VI Malet de Graville, fidèle capitaine du roi Louis XI, participa à la guerre des Deux-Roses au cours de laquelle il fut fait prisonnier. Parlons brièvement de Marguerite d'Anjou qui l'entraîna en Angleterre. Cette princesse de Lorraine et de Bar, était la fille de René 1er d'Anjou (3). Elle devint reine d'Angleterre en épousant, en 1445, le roi Henri VI et joua un rôle politique et militaire dans la guerre civile dite « des Deux-Roses ». La branche de Lancastre s'opposait à la branche d'York, toutes deux issues du roi Edouard III, pour la couronne d'Angleterre. Marguerite d'Anjou combattit sans relâche son ennemi Richard d'York dans le but de faire monter sur le trône son fils Edouard, prince de Galles. Elle reçut l'appui financier et militaire de Louis XI, roi de France. Alors qu'Henri VI fut atteint de folie, femme puissante et volontaire, Marguerite devint le chef du parti lancastrien et chassa le duc d'York la Cour d'Angleterre. Le 2 février 1461 , l'armée yorkiste, commandée par Edouard (futur Edouard IV), bat celle des lancastriens à Mortimer's Cross ; quinze jours plus tard, ce sont les partisans d'Henri VI qui sont victorieux à la deuxième bataille de Saint-Albans , où les yorkistes perdent 2.800 hommes. Dès lors il y a deux rois en Angleterre : Henri VI et Edouard IV d'York. Henri VI et la reine Marguerite sont défaits à Towton , le 29 mars 1461 ; les lancastriens perdent plus de 30.000 hommes. Le roi Henri VI est encore prisonnier. Après avoir fui en Ecosse, puis auprès du roi Louis XI, la reine fut emprisonnée au château de Wallingford. Le roi René paya une rançon de 50.000 écus pour la libération de sa fille, son neveu, le roi Louis XI, en fit de même sous la condition que les duchés d'Anjou, de Bar, de Lorraine et de Provence reviennent à la France. Libérée, Marguerite s'exila dans son duché d'Anjou où elle mourut en 1482. Jean de Wavrin a écrit dans ses « Anchiennes Cronicques d'Engleterre » que des Français ont été faits prisonniers en Angleterre « on Holy Island » après la défaite de Marguerite d'Anjou à l'automne 1462, laquelle tentait de remettre son mari Henri VI sur le trône avec l'aide de Pierre de Brézé, sénéchal de Normandie. Parmi les prisonniers était un noble normand, le seigneur de Graville, que le roi Edouard IV amena à Londres et les remit tous en liberté « sans prendre renchon de nulz d'eulz » (4).
Le prisonnier des Anglais Ainsi, le chroniqueur Jean de Wavrin dans son récit de l'expédition de la reine Marguerite en 1461, avec le secours de son cousin, rapporte l'emprisonnement à Londres du sire de Graville et de dire que le roi d'Angleterre l'aurait remis en liberté sans aucune rançon. Selon le père Anselme qui a connu cette captivité, Jean VI Malet était encore prisonnier en 1467, comme le montre les lettres patentes du 12 juin, « accordant au sire de Graville souffrance de prêter foy et hommage pour sa seigneurie de Graville jusqu'à son retour d'Angleterre où il est retenu prisonnier ». Cet historien ajoute « ce sire de Graville est Louis ». Perret rejette cette hypothèse car « de 1461 à 1471, et même à 1482, Jean VI a seul été seigneur de Graville ». Dans les restitutions des terres normandes de Séez et Bernay en septembre 1474 (comme il est dit ci-dessous), Jean VI, père de Louis est expressément nommé comme étant prisonnier des Anglais « le voulsissions restituer et remectre en la joyssauce et possession d'icelles au lieu de sondict père, qui à présent est prisonnier, en Angleterre ». Trois autres actes apportent la confirmation de cette assertion : Le remboursement de l'emprunt fait à Louis effectué le 17 août 1478 par la vente d'une rente de 1.600 livres tournois « à héritage par an, monnoye courant en Normandy »assise sur tous les biens meubles, terres, seigneuries, héritages et revenus dudit seigneur de Graville, « situez et assis tant en France que en Normandie et ailleurs en quelque lieu que ce soit » rachetables en l'espace de dix ans, premier paiement saint Michel « prouchainement venant ». Ainsi, Jean VI Malet de Graville était resté dans les geôles anglaises de 1461 à 1478. Pour Perret, ces documents d'archives montrent que Jean VI Malet resta en captivité pendant dix-sept ans, revenant en France en 1478. Par contre, le jeune Louis aurait accompagné son père dans l'expédition, « fait prisonnier avec son père, il aurait été relâché sur le champ ». Cette hypothèse est corroborée avec divers documents montrant que, dans les comptes de l'hôtel du roi, Louis était à Amboise le 29 janvier 1470, et à Tours le 4 juin de la même année ; à Meulan, pour passer les troupes en revue, le 4 janvier 1474 ; à Rouen le 10 juin 1475 où il est nommé « capittaine de ladicte trouppe ». Une nouvelle fois nous assistons à la confusion entre le père et le fils, ce dernier étant, toutefois, bien souvent qualifié « sire de Montaigu » jusqu'à la mort de son père.
Retour des terres confisquées En 1356, le roi Jean avait surpris le roi de Navarre et ses vassaux qui ripaillaient à Rouen et échafaudaient une rébellion contre la couronne. Très ombrageux, il fit couper la tête de Jean II Malet de Graville en compagnie de ses commensaux, Harcourt, Maubué et Doublet. Immédiatement tous les fiefs normands furent confisqués, puis échangés avec Marie d'Espagne, comtesse douairière d'Alençon, tout ce qui dans cette confiscation relevait de ce comté « pour la maison de Saint-Ouen, près Paris, où le roi avoit établi l'Ordre de l'Étoile ». Plus d'un siècle s'était écoulé alors que les comtes d'Alençon gardaient les seigneuries normandes des Malet. Jean II d'Alençon avait reçut la couronne ducale à la mort de son père Jean 1er tué à la bataille d'Azincourt (6). Étant prince du sang par son aïeul Charles de Valois, frère de Philippe le Bel, son rang le faisait lieutenant-général commandant l'armée royale en 1428. « La suite de la carrière du duc d'Alençon fut moins honorable » nous dit Jean-Claude Colrat. Le duc intrigua avec les Anglais. Il fut arrêté par Dunois le 24 mai 1456 et condamné à mort le 10 octobre 1458 pour crime de lèse-majesté. Gracié et emprisonné à Loches, il est libéré par son filleul Louis XI mais ne s'assagit pas pour autant. Il trahit de nouveau le roi, pour le compte de Charles le Téméraire. Une nouvelle fois condamné à mort, le 18 juillet 1474, puis gracié, il fut alors emprisonné au Louvre où il mourut deux années plus tard. Il est vrai que Louis XI faisant le procès de Jean II d'Alençon, dont il reprit l'apanage, restitua ces biens en 1473 à la famille Malet de Graville, en accordant la haute justice. Les lettres « de restitution au descendant d'un seigneur exécuté sans forme de procès sous le roi Jean, des biens confisqués, et rentrés au domaine », furent données à Nancré-en-Gastinois en septembre 1474 et inscrites aux registres au Parlement de Paris, le 29 décembre suivant. Nous donnons l'intégralité de ces lettres, dont la lecture est un peu fastidieuse mais très instructive sur l'état d'esprit du XVe siècle (7). « Loys , etc. sçavoir faisons à tous présens et advenir, que comme, puis n'aguere, nous avons esté advertis par nostre chier et féal cousin le seigneur de Montagu , fils de nostre chier et féal cousin Jehan, seigneur de Graville , que, en l'an mil trois cent cinquante-cinq, le cinquiesme jour d'avril avant Pasques, du vivant de feu de bonne mémoire le roy Jehan nostre prédécesseur roi de France, il, pour aucuns rapports qui luy avoient lors esté faictz, se fust transporté en nostre ville de Rouen, en laquelle il eust trouvé le roy de Navarre, qui pour lors estoit duc de Normandie, lequel roy de Navarre il fist prendre et constituer prisonnier, ensemble lesdicts comte de Harcourt et seigneurs de Preaulx et de Graville, et autres , et depuis ce dict jour, sans garder ordre et forme de justice, fist exécuter lesdicts comte de Harcourt, seigneurs de Preaulx et de Graville ; et au regard dudict roy de Navarre, il fist mener, transporter et détenir prisonnier où non lui sembla ; et le cinquiesme jour du moys de juing lors present ensuivant que l'on disoit l'an mil trois cent cinquante-six ou environ, ledict roy Jehan donna à la comtesse d'Alençon, sa tante et à ses enfans qui pour lors estaient, lez terres et seigneuries qui avoient compecté et appartenu audict feu seigneur de Graville ainsi exécuté , comme à luy appartenans par confiscation; et aucun temps après, c'est assavoir en l'an mil trois cent cinquante-sept ou environ , que les dessusdicts qui avaient ainsi esté executez furent mis et enterrez en l'église de Rouen, fut fait certain traicté et appoinctement entre ledict roy Jean nostre prédécessur et le roy de Navarre, par lequel, entre autres choses, iceluy Roy Jean, considérant que par faulx et sinistres rapports, et sans avoir regardé ordre de justice ne oyr lesdicts comte de Harcourt, seigneurs, de Preaulx et de Graville, qui des cas à eulx imposez se fussent bien justiffiez, il avoit fait exécuter les dessusdicts comte de Harcourt, seigneurs de Preaulx et de Graville, et autres , et aussi prendre ledict roy de Navarre, leurs biens, terres et seigneuries estant en nostre royaume et applicquer à luy comme confisqués, et partie desquelz, comme dessus est dict, il avoit desjà donné, voulut et ordonna que tous les biens, terres et seigneuries du roi de Navarre et pareillement de ceulx qui avaient esté avecque luy et tenu son parti, qui avaient esté saisiz et empêchez, leur fussent renduz et restituez ou à leurs hoirs et ayans-cause, et non obstant quelques dons qui en auroient esté faits ; et par ce moyen, les terres et seigneuries de Bernay, Séez et autres, situées et assises en la duché d'Alençon , qui estaient du propre héritage dudict seigneur de Graville, en toute bonne raison luy doivent estre délivrées, dues et restituées, et de présent audict seigneur de Graville , père de nostredict cousin Montagu, qui a succédé audict seigneur de Graville sou ayeul, exécuté en la manière que dit est, sans ce que le duc d'Alençon ne autres, soubz couleur d'aucuns dons qui en pourroient avoir esté faits par le trespas dudict defunct de Graville, tel que dessus est dit, peussent ne deussent prétendre aucun droit sur icelle ; néantmoins, les comtes et duc d'Alençon qui lors et depuis ont esté, soubz couleur dudict don ainsi fait par ledict roy Jehan, nostre predeceseur, se sont efforcés de joyr et de fait ont joy des terres et seigneuries de Bernay, Séez et appartenances , qui ainsi avaient appartenu audict feu seigneur de Graville, et n'en put audit temps faire poursuite le feu seigneur de Graville , fils dudict defunt qui ainsi avait esté exécuté, pour ce que lors il estoit mineur, et aussi pour le grant autorité, port et puissance des comtes, ducs et duchesses d'Alençon, et aussi pour les guerres et divisions qui depuis ont eu cours en nostre royaume, et que lesdictes terres et seigneuries ont esté longuement détenues et occupées parles Angloys noz anciens ennemis ; et à ceste cause, ont prins et apprehendé lesdicts comtes et duchesses d'Alençon les fruits desdictes terres et seigneuries de Bernay et Séez, et toujours joy jusques à ce que Jehan d'Alençon qui à present est, pour ses démérites a esté puis naguerres déclairé crimineux de leze-majesté, et tous et chascun ses biens déclairés acquis et confisqués envers nous, pour lequel cas ledict duché d'Alençon, ensemble toutes les terres et seigneuries que tenoit et possédoit ledict Jehan d'Alençon ont esté saisies, prises et mises en nostre main ,et, entre autres, lesdictes terres de Bernay, Séez et leurs appartenances. Parquoy nostredict cousin de Montagu nous a fait remonstrer les choses dessusdictes , et que lesdictes terres et seigneuries de Bernay et Séez sont le propre héritage de ses prédécesseurs, qu'il est filz dudict seigneur de Graville qui à présent est et son héritier présomptif seul et pour le tout, auquel, en toute bonne raison, lesdictes terres et seigneuries compecter et appartenir, en nous humblement requérant que, attendu; ce que dit est et que de présent lesdictes terres et seigneuries de Bernay et de Séez sont en noz mains, comme aians appartenu audict Jehan d'Alençon, et que en icelles terres et seigneuries,en ensuivante traicté et appoinctement dudict roy Jehan nostre prédécesseur, le voulsissions restituer et remectre en la joyssauce et possession d'icelles au lieu de sondict père, qui à présent est prisonnier, en Angleterre, et sur ce luy bailler noz lettres au cas appartenant. Pourquoy nous, inclinans à la supplication de nostredict cousin, considérant le traicté dont dessus est faict mencion., lequel nous avons fait voir et visiter bien au long par aucuns des gens de nostre grant conseil, avons restitue et restituons iceluy nostre cousin de Montagu, pour et au lieu de sondict pere, esdictes terres et seigneuries de Bernay , Séez, et généralement en toutes les terres et seigneuries qui estoient du propre héritage dudict feu seigneur de Graville, situées et assises au duché d'Alençon, détenues et occupées par les comtes, ducs et duchesses d'Alençon, et qui de présent sont en nostre main, et en toutes leurs dignités, prérogatives, appartenances et appendances quelconques, soient fiefs, arriere-fiefs, hommes, hommages, vassaulx et subgects, patronages ou collacions d'églises ou chapelles, prez, bois, buissons, forests, terres, maisons, fours, moulins, justice, cens, rentes, et généralement tous autres droits et devoirs, qualitez et emolument quelconques, qui ausdictes terres et seigneuries et chascune d'icelles appartienent et ont appartenu d'ancienneté et y peuvent et doivent appartenir en quelque manière que ce soit ou puisse estre, et eu quelque valeur et estimacion qu'elles soient, pour d'icelles joyr et user par nostredict cousin de Montagu, ses héritiers, successeurs et aians-cause, au temps à venir, et en prendre , recevoir et percevoir les fruitz, prooffits, revenus et esmolumens, ainsi et par la forme et manière que faisoit ledict defunt seigneur de Graville au temps de son trespas et exécucion et paravant iceluy, en nous faisant la foy et hommage telle et par la manière qu'elle avoit coustumée estre faicte aux comtes et ducs d'Alençon. Et pour ce que on vouldroit et pourroit dire que, veu la longue joyssance desdicts ducs et comtes d'Alençon, ils auroient prescript lesdictes terres et seigneuries de Bernay et Séez et autres qui appartindrent audict feu seigneur de Graville, et que par ce aucune restitution ne cherroit en la matière, et que lesdittes terres de Bernay et Séez nous appartiendraient par le moyen de la forfaicture et confiscation dudict Jehan d'Alençon , nous, en tant que mestier est, de nostre certaine science, grâce spécial, plaine puissance et autorité royal, pour les bons, haults, louables et recommandables services que nostredict cousin de Montagu nous a par cy-devant faicts, tant alentour de nostre personne où il est continuellement occupé au faict de nos guerres que autrement, et espérons qu'il face ou temps advenir, à iceluy nostre cousin, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, avons donné, cédé, quicté et transporté, et par ces présentes donnons, cédons, quittons , transportons et délaissons par pure, vraye et irrévocable donacion, pour luy, ses hoirs ou aians-cause, lesdictes terres et seigneuries de Bernay et Séez, et aultres qui furent et appartindrent audict feu seigneur de Graville ainsi exécuté, en toutes leurs dictes prérogatives, prééminences, droiz, appartenances et appendances quelconques, et d'iceulx avons cédé, quicté, transporté et délaissé à nostredict cousin de Montagu et les siens tout tel droit, nom, raison , action, propriété, possession et seigneuries que nous avons et avoir pouvons, et qui nous peuvent compecter et appartenir esdictes terres et seigneuries, leurs appartenances et appendances, soit par confiscation ou forfaicture dudict Jehan d'Alençon ou autrement, en quelque manière ne à quelque titre que ce soit ou puisse estre, sans y réserver ne retenir, fors seulement le ressort et souveraineté, et les foy et hommage qui nous sont ou peuvent estre dus à cause desdictes terres et seigneuries, non obstant que délivrance soit et esté faicte desdictes confiscacion et forfaicture, que soubz couleur de ce on voulsit dire lesdictes terres et seigneuries, à nous advenues par déclaracion et confiscacion, estre venues à nostre couronne, à icelle annexées, et estre de nostre domaine, et les ordonnances sur ces faictes par noz prédécesseurs roys et nous, que ne voulons, quant à ce, avoir lieu ne préjudicier au contenu et effect de ces présentes. Si donnons en mandement, etc. À suivre…
Notes (1) Dans un ouvrage intitulé « Le Havre ancien et moderne et ses environs » publié en 1825, nous notons une inexactitude flagrante « Louis de Graville fut amiral de France sous Louis XII. Le dernier sire de Graville fut Jean VIII, grand-maître des arbalétriers et grand-fauconnier de France ; il mourut, sans enfants mâles en 1516 ». (2) P.M. Perret, Notice Bibliographique sur Louis Malet de Graville (chez Picard, Paris) 1889) 270 pages. (3) René d'Anjou était roi de Naples, duc d'Anjou, de Bar, et comte de Guise, de Provence et de Forcalquier. Il fut duc consort de Lorraine lors de son mariage avec Isabelle 1ère de Lorraine dont il eut neuf enfants. Ainsi, leur fille Marguerite était la nièce de la reine de France Marie d'Anjou, femme de Charles VII et cousine germaine de Louis XI. Sa grand-mère paternelle était la fameuse Yolande d'Aragon, sa grand-mère maternelle la bienheureuse Marguerite de Bavière. (4) Issu d'une ancienne famille angevine, le sénéchal de Normandie, Pierre de Brézé, accompagna, en 1462, Marguerite d'Anjou en Ecosse « Doncques, ou mois d'aoust de l'an LXII, le roy Loys de France, voiant sa cousine, la royne Marguerite, estre venue devers luy en si povre estat… luy fist délivrer deux mille combattans de bonne estoffe, desquelz il fist capittaine messire Pierre de Brezy… ». Toujours au service du roi Louis XI, il fut l'un des premiers chevaliers qui trouva la mort à la bataille de Montlhéry le mardi 16 juillet 1465. (5) Commune de Seine-Maritime (arr. du Havre, cant. Saint-Romain). (6) Né en 1409, Jean de Valois est le deuxième fils de Jean 1er le Sage, comte puis duc d'Alençon, tué à la bataille d'Azincourt en 1415. En 1423, à l'âge de 14 ans, Jean II d'Alençon fut choisi comme parrain du dauphin, le futur Louis XI (né le 3 juillet 1423 à Bourges). L'année suivante, il fut fait prisonnier lors de la défaite de Verneuil-au-Perche et ne fut libéré qu'en 1427. Il fut l'un des compagnons d'armes de Jeanne d'Arc qui l'appelait « le gentil duc » et participa en 1440 à la « Praguerie », révolte des grands seigneurs contre Charles VII. (7) Isambert nous dit « On aime à voir un roi despote comme Louis XI flétrir les actes d'une injustice révoltante, commis par un de ses prédécesseurs, envers plusieurs de ses sujets ».
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