Le gendre de Gui le Rouge
Cette chronique relate la vie d'Anseau de Garlande, valeureux chevalier, sénéchal de France (1) et ami du roi Louis VI le Gros pour qui il combattit les « seigneurs félons » du domaine royal. Ce personnage était allié à la maison de Montlhéry-Rochefort par son mariage avec une fille de Gui le Rouge, seigneur de Rochefort-en-Yveline. Cette demoiselle, dont le prénom est inconnu pour le père Anselme (désignée par N. de Montlhéry), est parfois nommée Agnès ou Béatrice par les généalogistes modernes. Suite à la querelle incessante du roi Louis VI le Gros avec les barons du royaume, Anseau de Garlande quitta le parti des Montlhéry-Rochefort pour rejoindre celui du roi. Dorénavant, pour son beau-père et son beau-frère, il devint un ennemi.
C. Julien, Août 2013
Anseau de Garlande, sénéchal de France, peint par Charles Campan en 1875.
Nous sommes au début du XIIe siècle, sous le règne de Philippe 1er assisté de son fils Louis, le futur Louis VI le Gros à travailler à l'agrandissement du petit royaume de France. Comme tous les grands féodaux partis à la première croisade, les chevaliers de la maison de Montlhéry « viri de Monte Leherii » revenaient couverts de gloire, ce qui mettait mal à l'aise le roi resté à Paris. La succession de cette maison apparut difficile : le seigneur de Montlhéry, Gui Troussel, n'avait qu'une seule héritière, Élisabeth ; parmi les prétendants, mâles de la familles, on comptait le frère Milon seigneur de Bray, l'oncle Gui le Rouge et le cousin germain Hugues de Crécy, fils de ce dernier.
La maison de Garlande
Garlande « Warlanda », « Garlanda » est une famille originaire de la Brie ; tirant son nom de la terre de Garlande qui est une portion de la seigneurie de La Houssaye. Le premier membre connu de cette famille est le briard Aubert de Garlande contemporain du roi Henri 1er, puis vint Adam (ou Guillaume) de Garlande, père de la célèbre fraterie « Garlendenses fratres » Titré de seigneur de Garlande-en-Brie, Chantilly, Livry-en-L'Aunoye et Noisiel (près Lagny et Meaux), Adam avait épousé vers 1069 de dame Havise (ou Havoise). Il est cité dès 1049 par une charte de Cluny pour avoir donné des biens situés à Noisiel, Torcy et Roissy. Les cinq fils d'Adam et de Havise tinrent un rôle de premier plan dans l'histoire de France par leurs qualités guerrières et leur place à la cour du roi Louis VI où ils occupèrent des charges d'officiers. Anseau fut sénéchal de France et premier ministre, Gilbert dit Païen fut sénéchal de France, Etienne fut chancelier du roi, Guillaume II fut sénéchal de France et Gilbert fut bouteiller.
Examinons brièvement la fraterie de Garlande (selon le père Anselme de Sainte-Marie et Louis Moreri ) qui se rendit célèbre sous les règnes de Philippe 1er Louis VI le Gros (2):
- Anseau de Garlande (ou Ansel, Anselme, Ansoud) est né vers 1069 et décédé le 25 mai 1118 devant Le Puiset (Loiret). Il est qualifié de seigneur de Gournay-sur-Marne relevant du comté de Melun, seigneur de Pontault et de Berchères, comte de Rochefort-en-Yvelines. Né en 1069 ou 1070, Anseau est le premier enfant d'Adam et de Havise. Il fut un familier du jeune roi Louis VI et fut revêtu de la charge de sénéchal de France en l'an 1108 et depuis fut un des principaux ministres du roi Louis VI le Gros. Il suivit ce monarque dans toutes les guerres qu'il entreprit contre les seigneurs qui s'érigeaient en tyrans dans leurs châteaux et fut tué en 1118 d'un coup de lance par Hugues 1er du nom, seigneur du Puiset en Beauce, son cousin par alliance, au troisième siège du château du Puiset. Son corps fut enterré dans l'église du prieuré de Gournay. Il épousa N. de Rochefort-Montlhéry, fille de Gui le Rouge, comte de Rochefort, sénéchal de France, dont il eut Agnès de Garlande, comtesse de Rochefort, dame de Gournai et de Gometz. Cette demoiselle fut mariée en premières noces, en l'an 1110, à Amauri III du nom ; seigneur de Montfort-l'Amaury et en secondes noces à Robert de France, comte de Dreux (3).
- Gilbert dit « Payen » de Garlande , seigneur de Noisiel et de Tournan-en-Brie. Il se croisa en 1096 avec Godefroi de Bouillon et se distingua au siège de Nicée où il est mal appelé Gautier par Albert d'Aix et par Guillaume de Tyr. Général de l'armée royale, il reçut la charge de bouteiller de France (charge de l'approvisionnement de la maison royale). Il mourut en 1128. Sa postérité est improbable. Certains historiens lui donne un fils nommé Gui (né vers 1132, mort en 1185) qui aurait été seigneur de la Houssaye et de Tournan-en-Brie, terres relevant de l'évêque de Paris.
- N. de Garlande épouse d' Albéric Payen , seigneur de Montigny.
- Guillaume II de Garlande , seigneur de Bondy (péage royal, ~1115) et de Livry-en-l'Aunoye (~1120) qui est constitué de terres inféodées à Villemomble, Montreuil, et par droit d'avouerie à Noisy-Le-Sec. Il était c apitaine de l'armée royale au combat de Brenneville en Normandie en 1119. Après la mort de son frère en 1118, il reçut la charge de sénéchal de France jusqu'en 1120 et fut grand maître de la maison de Louis le Gros. Il fut témoin de la dédicace de l'abbaye de Morigny près Etampes faite par le pape Calixte II en octobre 1120. Il épousa Eustachie de Beaudément , fille d'André de Beaudément , seigneur de Brenne et sénéchal de Thibaut comte de Champagne, veuve d'Eudes, comte de Corbeil, dont il eut Manassès, évêque d'Orléans en 1146 et Guillaume III, seigneur de Livry (4). C ertains auteurs lui font épouser aussi Agnès de Toucy en secondes noces. Il fut assassiné le 23 mars 1120 ; sa postérité régna sur la seigneurie de Livry.
- Étienne de Garlande , fut nommé à l'évêché de Beauvais vers l'an 1100, comme nous l'apprenons d'Ives de Chartres, qui s'opposa à son élection, du temps du pape Paschal II. Depuis il fut doyen de Saint-Aignan d'Orléans et devint archidiacre de l'Église de Paris en 1105, après la résignation d' É tienne de Senlis) , puis chapelain de la Chapelle Royale , doyen du monastère de Sainte-Geneviève, chancelier de France dès 1108. Après la mort de son frère, É tienne devint le tuteur de sa nièce Agnès de Garlande et eut la garde féodale de la terre de Gournay. Il reçut la charge de sénéchal de France en 1120 qu'il garda jusqu'en 1128, après son frère Guillaume. Les auteurs l'accusent d'orgueil, d'ambition et de cruauté, et blâment surtout le scandale qu'il donna, lorsqu'on vit en sa personne un prélat métamorphosé en homme de guerre. Il eut l'administration des principales affaires du royaume durant neuf ans ; mais en 1126, il tenta de transmettre sa charge de sénéchal en faveur d'Amauri III de Montfort, auquel il avait fait épousé Agnès de Garlande, sa nièce. Le roi, n'ayant pas trouvé bon cette manœuvre, réagit en confisquant, le 3 août 1127, les charges d ' Étienne de Garlande et les biens de son neveu. Ces deux personnages osèrent prendre les armes contre leur souverain et, soutenus par le roi d'Angleterre et le comte de Champagne, se réfugièrent dans le château de Livry (avril-mai 1128). Étienne de Garlande fut mis à la raison et fit sa paix en 1130, à condition que lui et son neveu, renonceraient aux prétentions qu'ils avaient sur la charge de sénéchal. Entré en disgrâce du 3 août 1127 au 10 mai 1128, il fut supplanté par Suger rentré en faveur (fin 1132) . Outre la seigneurie de Livry , il posséda des fiefs à Rozay-en-Brie, deux moulins à Épône et des péages sur le transport du vin en Seine. Il se retira à Orléans et favorisa, en 1146, la consécration de son neveu Manassès sur le siège épiscopal de cette ville où il mourut le 14 janvier 1150.
- Gilbert de Garlande dit le Jeune , seigneur de Tournan-en-Brie et La Houssaye , fut bouteiller de France en 1112 puis disgrâcié en 1127-1128. Son nom est cité dans les chartes souscrites à Saint-Aignan d'Orléans (1114), Notre-Dame de Paris (1119), aux abbayes de Saint-Denis (1120) et de Thyron (1121). Il épousa Eustachie de Possesse dite Comtesse , fille de Gui 1er, seigneur de Possesse et d'Hedwige (ou Hadvide) de Dammartin, dame de Tournan. Leur postérité régna sur les seigneuries deTournan et Possesse. Gilbert de Garlande mourut en 1154.
Anseau de Garlande
Au XIIe siècle, il n'est pas de baron un peu haut placé qui n'ait un grand officier décoré du titre de sénéchal. Un nombre énorme de textes parlent de cette charge, mais ils ne la désignent pas toujours par le même mot. Tantôt nous voyons employer le titre de senescalius , tantôt celui de dapifer . Un contemporain appelle le sénéchal de France, Guillaume de Garlande, prince de la chevalerie des Francs « Francorum princeps militiæ ». Etienne de Garlande est désigné en qualité de « major regiæ domus », maire de la maison royale par la chronique de Morigny, qualité en vertu de laquelle « militiæ simul post regem duceret principiatum », il a le privilège de conduire en même temps les chevaliers derrière le roi . Ainsi par exemple, André de Baudément est le sénéchal du comte Thibaut de Champagne (5).
Anseau de Garlande fut élevé à la dignité de sénéchal de France après le mois de juillet 1108, aussitôt la montée sur le trône du prince Louis. Selon le célèbre historien, le père Anselme, le don qui lui fut fait de cette charge excita de grands différends entre le roi et le comte Foulques d'Anjou, depuis roi de Jérusalem, qui considérait que celle-ci était héréditaire dans sa maison. Le comte d'Anjou profita de cette chicane pour refuser l'hommage et les services qu'il devait au roi pour son comté, lequel étant entré en guerre contre Henri 1er, roi d'Angleterre, duc de Normandie (fils de Guillaume le Conquérant) fut obligé de s'accommoder avec le comte d'Anjou par l'entremise d'Amaury de Montfort, de Geoffroy, abbé de Vendôme et de Raoul de Boisgency. Hugues de Cleers que le comte députa au roi remarque que les droits qu'il avait sur cette charge lui furent conservés et que Guillaume de Garlande qui avait succédé à son frère Anseau, lui rendit hommage de cet office de sénéchal de France, et tous ses successeurs après.
En 1115, la légende de Torcy veut que le sénéchal Anseau de Garlande et sa nièce Yolande traversaient à cheval la forêt de Roissy-en-Brie, quand un sanglier attaqua la monture de sa nièce. C'est alors qu'un manant de Torcy et un paysan de Roissy-en-Brie se précipitèrent pour aider le seigneur et la demoiselle. Pour récompenser cet acte de bravoure, Anseau de Garlande avait offert une parcelle de forêt, environ 150 hectares , au village de Torcy.
Tableau de la généalogie simplifiée des Montlhéry-Rochefort.
Anseau de Garlande avait épousé Agnès (ou Béatrix) la fille du puissant seigneur de Rochefort, Gui le Rouge. Agnès hérita des biens de la mère, dame de Rochefort. Leur fille Agnès (ou Anselde) de Garlande (1122-1149), comtesse de Rochefort, dame de Gournay-sur-Marne et Gometz épousa en premières noces Amauri III de Montfort, fils de Simon 1er puis en secondes noces Robert 1er comte de Dreux vers 1139. Le frère puîné d'Anseau, Guillaume II de Garlande et ses successeurs firent de nombreuses libéralités au prieuré de Saint-Martin-des Champs dans la période 1181-1223.
La communication du comte de Dion
Dans sa notice n°344 publiée dans le cartulaire de l'abbaye de Saint-Martin de Pontoise, Joseph Depoin fournit des détails primordiaux pour éclairer la généalogie de la maison de Rochefort-Montlhéry en s'appuyant sur une communication de A. de Dion. Voici le texte in extenso (6)
« Notre savant confrère M. le comte Ad. De Dion, président de la Société historique de Rambouillet, veut bien nous communiquer l'extrait suivant d'une notice (en préparation) sur Rochefort-en-Yvelines, qui éclaire d'un jour nouveau bien des points douteux de l'histoire généalogique du XIIe siècle.
« Gui le Rouge survécut peu à la défaite de Gournay. Il laissait six enfants. De sa première femme, dame de Rochefort, Gui II qui lui succéda à Rochefort et la femme d'Anseau de Garlande, qui eut cette châtellenie (pas comté) après son frère. De la seconde (Adelaïde, dame de Crécy) Hugues de Crécy, Luciane, fiancée à Louis VI, et deux autres filles.
« Anseau de Garlande épousa probablement vers 1090 N. de Rochefort, qui, à la mort de Gui II à la croisade vers 1114, succéda à son père à l'exclusion des enfants d'Adelaïde de Crécy.
« Anseau, tué en mars 1118 au troisième siège du Puiset ne laissait qu'une fille, Agnès de Garlande, qui, héritière par son père de Gournay-sur-Marne et par sa mère de Rochefort, ne pouvait manquer de prétendants. Amauri de Montfort l'emporta, répudiant pour ce mariage Richilde de Hainaut. M. Luchaire parait croire que ce mariage n'eût lieu qu'en 1137 ; mais la fille d'Amauri et d'Agnès, Agnès de Montfort, ayant eu son premier enfant en 1141, devait être née plusieurs années avant 1127. Agnès de Garlande apportait à son mari la châtellenie de Rochefort, celle de Gomets et celle de Gournay-sur-Marne.
« En 1137, Agnès de Montfort eut pour sa part la châtellenie de Gournay qu'elle apporta à Galeran II, comte de Meulan et qui devint l'apanage d'une branche de cette famille. En 1181 à la mort de son frère, Simon III comte d'Evreux, du consentement de ses frères Robert et Roger, elle donna à la cathédrale d'Evreux une rente de 20 sous sur la vicomté de cette ville pour entretenir une lampe sur le tombeau de ce seigneur.
« Après la mort d'Amauri en 1137, Agnès de Garlande se remaria à Robert de France, comte de Dreux, dont un fils mort avant son père et elle, 1143. Leurs héritiers eurent pour leur part dans la châtellenie de Gomets, les terres de Chilly et Longjumeau. Ce fut la dot de Marie de Châtillon, filles de Charles de Blois, duc de Bretagne, mariée à Louis d'Anjou, roi de Naples, dont le petit-fils Charles, duc de Calabre, comte du Maine, seigneur de Chilly, mourut idiot sans postérité. Anastasie, petite-fille du comte de Leicester, céda en février 1300 à Philippe-le-Bel les droits qu'elle réclamait sur Chilly. Agnès de Montfort fut d'ailleurs une femme remarquable ». Comme on l'a vu, Agnès survécut à son mari ; elle fit don d'une serve à Sainte-Geneviève, en 1170, en exécution d'un vœu de Galéran (A.N. K23, n°36).
Chronologie
Pour comprendre la situation politique du royaume, nous présentons quelques évènements qui façonnèrent l'Histoire :
-1088 : Gui le Rouge, seigneur de Rochefort-en-Yvelines, second fils de Gui 1er de Montlhéry « Guido comes de Rupe Forti, vir peritus et miles emeritus » est élevé à la dignité de sénéchal de France, succédant à Manassé (Maurice Prou, Recueil des Actes de Philippe 1 er , Introd., p. 138). Il devient, par là même, le premier ministre de Philippe 1er. Cette nomination confirme la position de la maison de Montlhéry à la Cour , Gui 1er possédait l'office de forestier du roi, son fils devint également l'un des grands officiers.
- 1096 : départ des grands féodaux d'Île-de-France pour la première croisade sous la houlette du comte de Vermandois, frère du roi. Le roi Philippe 1 er est interdit par suite de l'excommunication donnée pour son adultère avec Bertrade de Montfort. Guillaume 1er de Garlande, seigneur de Livry serait devenu sénéchal (ce qui est contesté par quelques auteurs).
- 1101 : Gui le Rouge part pour la Terre-Sainte , le sénéchalat est confié à Gilbert de Garlande, surnommé Payen, fils aîné de Guillaume 1er.
- 1104 : le comte de Rochefort revient de Jérusalem « tout adouci par les épreuves subies » et reprend le sénéchalat de France, évinçant ainsi Payen de Garlande de dignité de sénéchal. Le comte de Rochefort devint même le premier ministre de Philippe 1er. Les jeunes gens comme Thibaud comte de Blois, Hugues de Crécy et Hugues du Puiset n'aspiraient qu'à se jeter dans toutes les aventures et à montrer leur force et leur bravoure aux dépens de n'importe qui.
- 1104 : le prince Louis est fiancé à Luciane de Rochefort, fille de Gui le Rouge. Élisabeth de Montlhéry est mariée à Philippe de Mantes, fils de Philippe 1er et de Bertrade de Montfort. Voilà ce que Suger en dit : « Gui comte de Rochefort, homme habile et vieux guerrier, oncle paternel du susdit Gui de Truxel étant revenu de Jérusalem couvert de gloire et chargé de richesses s'attacha pour lors de cœur au roi Philippe. Comme par suite d'une familiarité ancienne, et pour d'autres raisons encore, ce comte avait été sénéchal de ce prince, Philippe et son fils, le seigneur Louis, firent du sénéchal le chef de l'administration de l'État, afin de s'assurer pour l'avenir la possession tranquille du château de Montlhéry, nommé ci-dessus et d'obtenir paix et services du comté limitrophe de leurs domaines, savoir, celui de Rochefort et de Châteaufort, ainsi que d'autres châteaux voisins ce qui jusqu'alors n'avait pas eu lieu. La mutuelle intimité du sénéchal et des princes s'accrut a ce point que le fils le seigneur Louis, consentit à recevoir solennellement en mariage la fille de ce même Gui, quoiqu'elle ne fût pas encore nubile. Mais cette jeune personne qu'il avait acceptée pour fiancée, il ne l'eut point pour épouse; car, avant que cette union se consommât, l'empêchement pour cause de parenté fut opposé au mariage, et le fit rompre après quelques années ».
- 1106 : Hugues de Crécy, fils de Gui le Rouge, succède à son père dans la dignité de sénéchal.
- 1107 : le mariage de Louis le Gros et Luciane de Rochefort est annulé par le concile de Troyes sur proposition de l'évêque Ives de Chartres. La famille de Montlhéry-Rochefort est humiliée.
- 1108 : mort du roi Philippe 1er (29 juillet). Mort de Gui le Rouge. Mort de Gui Troussel (16 mars). Avènement du roi Louis VI le Gros dont la principale activité réside à rendre à la royauté le prestige qu'elle avait perdu sous le règne de l'indolent Philippe 1er.
- 1110 : après la démission de son beau-frère Hugues de Crécy, Anseau de Garlande est pourvu sénéchal de France et devient premier ministre sous le roi Louis le Gros. Il conserve cette dignité jusqu'à sa mort au mois de juillet 1118. Son frère Guillaume II de Garlande lui succède.
- 1111 : Thibaut, comte de Blois et de Champagne, fils d'Adèle d'Angleterre, était neveu d'Henri 1er, roi d'Angleterre et duc de Normandie ; il était donc par sa naissance l'ennemi du roi de France Louis VI. Aussitôt adoubé chevalier, il s'arme contre le roi, battu à Lagny.
- 1112 : mort d'Eudes de Corbeil. Ouverture de la succession sur le comté.
- 1112-1118 : Anseau de Garlande conduit toutes les opérations militaires de Louis VI.
Les libéralités pieuses
La seigneurie, terre entière de Roissy-en-Brie est venue par parties au prieuré de Gournay. Guy le Rouge de la maison de Montlhéry et sa femme Adélaïde fondant de prieuré vers l'an 1100, ajoutèrent au don qu'ils lui firent de l'église et du tiers du village. Quelques années après, Anseau de Garlande, alors qu'il était sénéchal « dapifer » de Louis le Gros, donna les deux autres tiers ; c'est ce qui est constant par les lettres de confirmation de ce prince de l'an 1222, à quoi celles de Girbert, évêque de Paris, ajoutent que les moines et leurs hôtes eurent aussi dans le forêt leur bois pour brûler et bâtir et en faire leurs grains. Les mêmes lettres épiscopales mentionnent qu'Anseau de Garlande, concourrant à doter le prieuré de Gournay, lui donna entre autres choses toute la dîme de Ponteauz « totam decinam de Pontelz ».
Le nom d'Anseau de Garlande est cité, à divers titres, dans plusieurs chartes de Saint-Martin-des-Champs (7). Vers 1078, sire Adam de Garlande, fils de sire Aubert, « Adam , filius domni Alberti » donne à saint Hugues, abbé de Cluny, l'église de Noisiel, un moulin, un haras occupant dix arpents de prés, un clos de vigne à Torcy, et tous les droits qu'il percevait sur les inhumations à Roissy et autres lieux (charte LX). Formule solennelle de participation aux bonnes œuvres du monastère accordée à Adam et aux siens. Selon Depoin, sire Aubert, père d'Adam, s'identifie, croyons-nous, avec le père du grand-bouteiller Hugues et de Gautier, dont fut fils le grand-chambrier Galeran de Senlis. Cette parenté expliquerait la haute fortune des frères de Garlande.
Avant le 1er mai 1095, Gilbert Payen de Garlande cède pour 80 livres la terre et toute la seigneurie de Noisiel « villam de Nuisiello » à Saint-Martin ; ses frères Etienne, clerc, Anseau, Guillaume et un autre Gilbert approuvent cette cession « quod etiam a fratribus suis, Stephano videlicet clerico, Anselmo , Willelmo , et alio Gilleberto , cunctis videntibus qui aderant, concessum » (charte LXII). Avant le 3 novembre 1096, Anseau « Ansellus de Garlanda » atteste la donation d'Eudes Hérisson, dit Payen, seigneur de Neuilly-sur-Marne de l'emplacement de deux moulins sur la Marne faite à Saint-Martin (charte LXIII). Entre 1081 et 1er mai 1095, les frères Garlande « Paganus , Ansellus et Willelmus de Garlanda » sont témoins de la charte lorsque l e chevalier Aubert donne, du consentement de son fils Hugues, l'autel de Sainte-Opportune de Moussy-le-Neuf à Saint-Martin-des-Champs, sur le conseil de Hugues, abbé de Cluny ; Aubert dépose la lettre du saint abbé, que le prieur Ourson fait insérer dans le manuscrit de la règle de Saint-Benoît. Bouchard IV de Montmorency, entouré de six de ses chevaliers, confirme ce don en présence du comte Gui de Rochefort « Wido comes de Rupeforti » (charte LIX) .
Le 4 février 1110, sur les instances des prélats et avec l'agrément des barons, le roi Louis VI autorise les serfs de Saint-Martin à témoigner en justice et les admet au combat judiciaire avec les hommes libres, ainsi qu'il l'avait accordé aux serfs de l'église cathédrale de Paris par don de joyeux avènement en 1108 et, l'année suivante, aux serfs de Sainte-Geneviève. À côté du sénéchal Anseau, de ses frères Etienne, chancelier, et Guillaume II de Garlande, et d'Helloin, précepteur de Louis VI , se rencontrent Roger de Chatron et Barthélemi de Fourqueux. Avant et peu après le 8 janvier 1116, Manassé, petit-fils d'Eve, renonce, moyennant 50 sols, à toute revendication sur deux pressoirs, le droit de garde des vignes et deux arpents de vignes donnés à Saint-Martin par Eve son aïeule maternelle, du vivant du prieur Thibaud 1er, et qu'il avait revendiqués plus tard. Parmi les témoins sont le sénéchal Anseau de Garlande et son frère Guillaume.
Vers 1110, Anseau de Garlande, sénéchal de Louis VI dote le prieuré clunisien de Gournay-sur-Marne. Cette dotation comprend : les deux tiers du village de Roissy, dont les moines avaient déjà le tiers, à l'exception des bois où des droits d'usage sont concédés à eux et à leurs hôtes (paysans) ; l'église de Noisiel avec toutes ses dépendances ; la dîme de Pontault et de plusieurs territoires voisins : une partie de la dîme de Torcy ; l'église, l'aître et de la dîme d'Essonnes. Anseau confirme les dons de deux de ses vassaux, Baudouin de Clacy et Aubert de Brie. Ses trois frères, Etienne, Guillaume et Gilbert de Garlande approuvent ses libéralités.
Au cours de 1122, Louis VI confirme la donation faite à Saint-Martin, par Gui le Rouge et sa femme Aélis, de l'église Notre-Dame et Saint-Jean à Gournay-sur-Marne, ainsi que les libéralités faites au prieuré établi à Gournay, notamment les églises de Roissy, Noisiel, Essonnes, des dîmes, des terres et des bois offerts par Guy le Rouge, le sénéchal Anseau de Garlande, Baudoin de Clacy, Aubert de Montfermeil, Arnoul de Cocherel, Payen II (Arnoul) de Montjay. L'acte précise le legs de deux parties de Roissy par Anseau à l'eceptio du bois « quod Ansellus de Garlanda, dapifer noster, supradicto monasterio tribuit apud Rusiacum duas ejusdem ville partes, et sic titam omnino villam concessit monachis, escepto nemore ». Puiis, Anseau donne son agrément pour la donation de Baudoin de Clacy « Balduinus de Claciaco » (charte CLXII).
Donnée à Châlons-sur-Marne « Catalauni » le 27 octobre 1147, la bulle du pape Eugène III « Eugenius Papa Tertius » adressée à Gamon, prieur de Gournay-sur-Marne, confirme à ce monastère toutes les libéralités de ses fondateurs et bienfaiteurs. « Gamoni priori ecclesie Sancte Dei genitricis Marie et Sancti Johannis evangeliste super Maternam fluvium juxta Gornaium castrum site … » (charte CCCI). Le diplôme pontifical donne les noms des fondateurs « ipsis fundatoribus Guidone Rubeo et ejus uxore Adhelaida, atque Anssello dapifero, assensu Parisiensis episcopi, presato monasterio Beati Martini oblata est » c'est-à dire : dont les fondateurs sont Guy le Rouge et sa femme Adélaïde ainsi que le sénéchal Anseau [de Garlande] avec l'approbation de l'évêque de Paris dont les noms sont portés à l'obituaire du prieuré de Saint-Martin-des-Champs. L'acte rédigé par Gui cardinal-diacre et chancelier de l'Église romaine est signé par le pape lui-même accompagné de sept cardinaux et deux évêques. La bulle d'Eugène III avait été précédée par le diplôme de Thibaud évêque de Paris, donné à Paris le 13 octobre, accordant les mêmes droits au prieuré de Gournay « capellam de Gornaio »avec la mention identique pour les fondateurs et bienfaiteurs (charte CCC).
Notes
(1) Le sénéchal est le grand officier qui commandait l'armée et rendait la justice au nom du roi. Cet office fut supprimé en 1191.
(2) Anselme de Sainte-Marie, Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France, des pairs, grands officiers de la couronne et de la maison du roy et des anciens barons du royaume (chez Estienne Loyson, Paris, 1674).
(3) Louis Moreri, Le Grand Dictionnaire Historique , tome III (chez Le Mercier, Paris, 1732) p. 802
(4) Eustachie de Baudément (née vers 1094- av. 1130) fille d'André de Baudément, sieur de Braine-sur-Vesle, la Fère-en -Tardenois, Baudément, Nesle, Pontarsy, Longueville et Quincy, sénéchal du comte Thibaud de Champagne (v. 1050-1142) et d'Agnès de Braine (v. 1080-1137).
(5) Suger, Vie de Louis VI le Gros, éditée et traduite par Henri Waquet (Librairie Ancienne Honoré Champion, Paris, 1929).
(6) J. Depoin, Cartulaire de l'abbaye de Saint-Martin de Pontoise (SHP, Pontoise, 1895).
(7) J. Depoin, Recueil de chartes et documents de Saint-Martin-des-Champs monastère parisien (Jouve et Cie, Paris, 1912).