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Hodierne, demoiselle de Montlhéry et ses descendants (3)

Cette chronique est la troisième partie de l'histoire des seigneurs de Saint-Valéry descendants d'Hodierne de Montlhéry. Après avoir rencontré les ancêtres de Gautier, mari d'Hodierne, leurs enfants et petits-enfants, cette fois nous suivons la génération suivante qui vécut à la fin du XIIe siècle. Parmi ces chevaliers, le plus célèbre et glorieux fut Thomas de Saint-Valéry sui s'illustra à Bouvines (1).

 

C.Julien octobre 2013.

 

 

Bernard V de Saint-Valéry

Sixième seigneur de Saint-Valéry et de Bernaville de 1168 à 1191, époux d'Eléonore de Dammartin, Bernard V était un homme de mérite et d'une grande piété, qui donna en maintes occasions des preuves de son humanité. Voulant cimenter les bons rapports qui existaient entre lui et le comte de Ponthieu, ils convinrent tous deux d'unir leurs enfants par les liens du mariage. «  Si Renaldus defecerit, alter filius Bernardi qui heres ipsius fuerit filiam comitis habebit; similiter si filia comitis Edela defecerit aliam filliam Renaldus haberet debet ». Il fut convenu et écrit qu'Adèle, fille du comte de Ponthieu, épouserait Renault, fils aîné de Bernard, et que si Renault venait à mourir il serait remplacé par Thomas son frère. Renault étant mort en effet, Adèle devint femme de Thomas, alors seigneur de Domart.

Les noces furent pompeuses. La fille du comte de Ponthieu, est-il dit dans l' Histoire des Mayeurs d'Abbeville eut en dot une somme de 2.500 livres , somme énorme pour le temps. Elle lui apporta en outre la terre de Saint-Aubin, près Dieppe, et celle de la Berquerie, en Flandre. Les cérémonies nuptiales se firent à Abbeville, en 1178, en présence de Guillaume de Champagne, archevêque de Reims, ce qui fut confirmé par Thiébaut, évêque d'Amiens.   Bernard V de Saint-Valéry fit aussi ses fondations : d'accord avec sa femme Annora, il fonda, en 1191, l 'abbaye de Lieu-Dieu «  locus Dei  » près Gamaches. Il avait acheté, à Rogon, 120 journaux de terre pour y bâtir ce couvent, et fonda un chapitre de chanoines dans ce bourg même. Comme il avait toujours vécu en bonne intelligence avec l'abbé de Saint-Valéry, celui-ci, pour témoignage de la bonne estime qu'il faisait de sa personne, déclara qu'à l'avenir il n'élèverait plus de réclamation auprès du comte de Ponthieu au sujet de la commune du Marquenterre. Avant de partir, il fit encore diverses donations, et désirant suivre en tout l'exemple du comte Jean qu'il avait en grande estime, il laissa des biens considérables à l'abbaye Saint-Acheul, près d'Amiens, afin que les moines priassent pour le salut des âmes de son père, de sa femme Annora (Eléonora), de Renault son fils, et de tous ses prédécesseurs.  

Parmi les barons qui assistèrent au parlement tenu entre les rois Philippe-Auguste et Henri d'Angleterre, dans la plaine située entre Trie et Gisors et se croisèrent par « divine inspiracion », les Chroniques de Saint-Denis, 1187, citent Bernard de Saint-Valéry (cf. Paris, les grandes Chron. de Saint-Denis , t. IV, p. 57-58). Jean de Ponthieu et Bernard de Saint-Valéry partirent pour la Palestine accompagnés chacun d'un grand nombre de chevaliers, de varlets, et d'hommes d'armes. Ils se joignirent à Sens au corps que Philippe-Auguste et Henri II d'Angleterre y rassemblaient, et toute l'armée s'embarqua à Fréjus. Bernard se signala, dit-on, par des prodiges de valeur, Jean de Ponthieu, atteint de la peste à Saint-Jean-d'Acre, mourut, Bernard, toujours fidèle dans son affection, rapporta son corps, qui fut inhumé à Saint-Josse-sur-Mer.

Philippe-Auguste et Richard ne furent pas longtemps amis. Ils se désunirent et se firent la guerre. Bernard de Saint-Valéry ayant pris le parti du roi de France, Richard lui en conserva un profond ressentiment et attendit les occasions de le lui faire sentir. À son retour, Bernard tranquille possesseur de ses domaines, s'occupa de réédifier les murailles de la ville, qui étaient depuis longtemps dans un piteux état de délabrement; il s'occupa aussi de l'abbaye, fit refaire la châsse du saint patron et y traça ces quatre vers en lettres gothiques : Abbas Bernardus pietas munere fultus Hunc fruxit loculum, gemnis auroque decorum Ossa beata patris, in quo posuit Valarici Nomini ad laudem Christi per sæcla manentem.   La vie de Bernard V, dans ces temps de désordres, de guerres et de rapines, mérite des éloges on n'y trouve plus en effet que de belles actions dont l'histoire doit lui tenir compte. Il laissa trois enfants : 1° Thomas qui lui succéda en 1200; 2° Godefroy, tige dont sortirent les différentes branches de Gamaches; 3° Jean, seigneur de Rouvroy, dont descend l'illustre maison de Rouvroy-Saint-Simon. Renault , son fils aîné, était mort en bas âge, et Bernard dit le Jeune qui l'avait suivi en Palestine, mourut sous les murs de Saint-Jean-d'Acre.  

 

 

Le mariage d'Adèle de Ponthieu

En 1178, sous la plume de Robert, chancelier épiscopal, l'évêque d'Amiens donne les lettres du contrat de mariage de Renaud, fils de Bernard IV, seigneur de Saint-Valéry, et d'Adèle la fille du comte de Ponthieu «  Theobaldus, dei gracia Ambianensis episcopus, omnibus ad quos littere iste pervenerint in domino salutem. Noverit universitas vestra quod comes Pontivi filiam suam Edelam dedit Renaldo, filio Bernardi de Sancto Walerico, in maritagium  » (charte IX, cartulaire du Ponthieu).

Il s'agit d'Adèle, fille de Jean 1er comte de Ponthieu (1141-1191) et de sa troisième épouse, Béatrice de Campdavaine, fille du comte de Saint-Pol. Le comte de Ponthieu constitue la dot de sa fille en donnant le village appelé Saint-Aubin au-dessus de Dieppe «  Deipa  » et toute sa terre située en Flandre, le fief la Berquerie et ses dépendances et si cette terre ne produisait pas cent livres monnaie de Ponthieu, le comte donnerait cette somme sur les revenus de sa terre de Ponthieu «  et dominus Bernardus filium suum Renaldum saisivit de tota terra sua infra Vimiacum, de feodo et de domino, et de centum libratis terre in Anglia in sterlingis  » et Renaud le fils du seigneur Bernard reçoit toute la terre de Vimeu, en fief et seigneurie, et cent livres deniers sterlings de rente sur la terre d'Angleterre « ... comes Pontivi filiam suam Edelam dedit Renaldo, fillio Bernardi de sancto Walarico, in maritagium et cum ea illi dedit villam quendam que vocatur sanctus Albinus supra Deipa et totam terram suam in Flandria videlicet le Berquerie, et eaque adipsam pertinent : ita quod, si redditus terre illius centum libras pontivensis monete non compleverint, comes ei in terra Pontivi usque ad cenlum libras perficere debet, et dominus Bernardus filium suum Renaldum saisivit de tota terra sua infra Ulmacum, de feodo et de Dominio, et de ceutum libratis terre in Anglia in sterlingis.. .» . De son côté, Renaud constitue, pour cause de noces, le douaire de sa femme en lui donnant le fief et la bourg d'Ault-sur-mer «  Audum  » et 40 livres sterlings de rente de la terre d'Angleterre et parce que l'un et l'autre des futurs conjoints étaient alors en bas âge «  Renaldus autem uxori sue Edele dedit in dotem Audum et quadraginta libratas terre in Anglia in sterlingis  ». Et si après la signature du contrat de mariage, un père voulait se séparer, les fiefs de Domart et Bernaville reviendraient. «  Si autem, post contractum matrimonium, a patre suo discedere voluerit, ipse Domeardum et Barnardi Villam et ad ea pertinentia habebit  ».

Bernard de Saint-Valéry avait reçu de Guillaume le Conquérant, son oncle, qu'il avait accompagné dans sa campagne de la conquête de l'Angleterre de grandes possessions « dedit in dotem Audum [Ault et non pas Teulet en Angleterre, comme le dit Prarond] et quadraginta libratas terre in Anglia in sterlings. Renaldus vero nil debet accipere in terra Vimiaci quamdiu dominus Bernardus vixerit, nisi ejus spontanea voluntate. Si autem, post contractum matrimonium, a patre suo discedere voluerit, ipse Domeardum et Bernardi Villam [Domart et Bernaville] et ad ea pertinentia habebit  ».

Le contrat de mariage contient le droit de substitution dans le cas où l'une des parties décède avant la cérémonie du mariage. «  Hec etiam conditio in maritagio apposita fuit quod, si Renaldus deffecerit, alter filius Bernardi, qui heres ipsius erit, filiam comitis habebit. Similiter, si filia comitis Edela deffecerit, aliam filiam, si quam comes de uxore desponsata habuerit, renaldus hebare debet, vel ejus frater qui heres domini Bernardi fuerit  ». Tous les cas sont envisagés. Il fut encore arrêté que si Renaud venait à décéder avant que d'accomplir le mariage , son frère, héritier de Bernard prendrait Adèle comme femme. Que si pareillement Adèle venait à décéder, Renaud, ou à son défaut son frère, épouserait une autre des filles du comte, s'il en avait aucune née en légitime mariage. Le comte assura sa fille de toute sa terre et la déclara son héritière universelle après son décès, si ce n'est qu'il eut un fils né eu légitime mariage « Assecuravit de tota terra sua ut heredem suam post decessum suum, nisi filium de uxore desponsata habuerit ».

Que si le comte avait un fils de sa femme et que Bernard, seigneur de Saint-Valéry, eut une fille,qui ne fut point mariée, le fils du comte la prendrait pour femme et Bernard donnerait en dot à sa fille cent livrées de rente en fond de terres en Angleterre en sterlings et, en outre, après le mariage consommé, mille livres de monnaie de Ponthieu et, en ce cas le fils du comte donnerait à son épouse, pour cause de noces, le château de Noyelles avec ses dépendances. «  Et filius comitis predictus filie Bernardi dabit in dotem castellum quod dam quod vocatur Nigella et omnia ad illud pertinentia, tali conditione quod, si redditus Nigelle ducentas libras pontivensis monete non compleverit, filius comitis uxori suo eas supplere debet  ».

Ce contrat ne fut pas un simple contrat de mariage. «  Preterea comes dominum Bernardum bona fide adjuvare debet contra omnes domines, salva fide quam regi francie et regi anglie debet et salva fide quam debet dominis et hominibus suis...  » Mais encore un traité d'alliance, car le comte y promit de bonne foi d'aider le seigneur de Saint-Valéry contre tous, sauf la féaulé qu'il devait aux rois de France et d'Angleterre, ses seigneurs et à leurs vassaux : en sorte que si aucun des vassaux du comte faisait quelqu'entreprise sur le seigneur de Saint-Valéry et qu'il ne voulut pas la réparer suivant les règles de la justice, le comte serait tenu d'aider le seigneur de Saint-Valéry contre lui et s'il était besoin de condamner à quelque peine celui qui aurait fait le méfait, l'un d'eux ne pouvait faire paix avec lui sans la participation de l'autre. Le seigneur de Saint-Valéry s'obligea pareillement à secourir le comte de la même manière.

Notons que le comte Jean de Ponthieu eut trois filles : Adèle, Marguerite et Hélène et un fils Guillaume, son successeur. Plusieurs hauts personnages se portent caution de cette convention, dont Guillaume archevêque de Reims, légat apostolique «  domino nostro Willermo, venerabili Remensi archiepiscopo, Apostalice Sedis legato  ». Il est aussi précisé que le contrat est placé sous l'autorité des rois de France et d'Angleterre «  Hujus etiam conventionis tenende plegii fuerunt Dominus rex Francie Ludovicus et dominus rex Anglie Henricus  ». En cas de chicane sur le respect de la convention, les parties se rencontrerons à Rue «  se reddere obsides comiti intra Ruam  », ville du comte de Ponthieu, choisie pour être plus rapprochée de Saint-Valéry qu'Abbeville.

La mort de Renaud, en bas âge, eut lieu effectivement avant le mariage comme indiqué par une charte datée de 1205 dans laquelle Thomas de Saint-Valéry « Thomas de Sancto Walarico » a promis de remplacer son frère au service de son seigneur le comte Guillaume de Ponthieu (fils de Jean) «  fratrem meum et dominum Willelmum comitem Pontivi  » (charte XII). Ces conventions matrimoniales renseignent sur la puissance respective des comtes de Ponthieu et des seigneurs de Saint-Valéry et les calculs familiaux qui les rapprochèrent en 1178. À remarquer l'importance déjà prise par les bourgeois qui viennent, avec les barons, donner force aux conventions «  Milites autem et burgenses comitis, ejus precepto, eam assecuraverunt ut heredem comitis ». L'évocation des terres possédées en Angleterre par Bernard sont une preuve de la participation de sa famille à la conquête de Guillaume duc de Normandie, qui partit du port de Saint-Valéry avec une armada considérable.

Le mariage de la dame de Saint-Aubin est indiqué dans une charte non datée dans laquelle son mari « Thomas de sancto Walerico  » confirme la donation faite en mémoire de son père Bernard «  Bernardus bonæ memoriæ pater meu » au couvent de Godstow dans le comté d'Oxford avec le consentement du roi Henry II d'Angleterre. Cette donation est faite pour le salut d'Adèle, sa femme, celui de son père Bernard et celui de sa mère Eléonore «  Edelæ uxoris meæ et Bernardi patris meæ et Anoræ matris meæ ».

Ainsi Renaud de Saint-Valéry mourut en 1189/91 et le mariage d'Adèle avec Thomas de Saint-Valéry fut célébré en 1191/92. Les noces furent pompeuses. La fille du comte de Ponthieu eut en dot une somme de 2.500 livres , somme énorme pour le temps. Elle lui apporta en dot la terre de Saint-Aubin, près Dieppe, et celle de la Berquerie, en Flandre « … villam quendam que vocatur Sanctus Albinus supra Deipam et totam terram suam in Flandria, videlicet le Berquerie …». Un accord conclu entre le comte de Ponthieu et de Montreuil-sur-Mer et le seigneur Thomas de Saint-Valéry " dominum comitem Pontivi et Monstreoli et dominum Thomam de Sancto Waleriaco  » est confirmé par une charte de septembre 1209 (charte XXXV). Dans un acte daté de 1209, un accord passé entre le comte «  dominum comitem  » et Thomas de Saint-Valéry «  dominum Thomam de Sancto Walerico  » réfère le mariage de ce dernier avec la sœur du comte «  domine Edle sororis sue  » en citant son père Bernard «  Bernardus pater suus  » (charte XXXVI).

Plan de Saint-Valeri en Somme par Nicolas Magin (XVIIIe s.).

 

 

Thomas de Saint-Valéry  

Après la mort de Bernard V, la paix qui avait régné entre les comtes de Ponthieu et le seigneur de Saint-Valéry, cessa; les désordres recommencèrent. Thomas, esprit inquiet et belliqueux, ne voulut point se soumettre à son beau-frère, son seigneur suzerain; la guerre éclata entre eux, et l'on vit, dans ces malheureuses contrées, se renouveler les attaques à main armée, les ravages et les incendies qu'on avait vues aux temps de Bernard III et du comte Jean. Fort heureusement, la guerre qui s'était allumée entre Philippe-Auguste et Richard Cœur-de-Lion, fils du roi d'Angleterre, fut cause d'un rapprochement entre les deux seigneurs; la paix fut signée entre eux en 1209, suivant un acte rapporté par Ducange en ces termes : « Moi, Thomas de Saint-Valéry, je fais savoir à tous ceux qui verront cette charte, que j'ai fait la paix avec monseigneur, Guillaume, comte de Ponthieu et de Montreuil, ainsi qu'il suit. Je le servirai comme mon seigneur, fidèlement comme je le dois; je ne tenterai contre lui aucune prise d'armes aussi longtemps qu'il respectera mon droit et celui des miens, et pour cela je lui donne des cautions ( plegias ) ». Suivent les noms des otages.   Guillaume III, avait épousé Alix, sœur du roi Philippe-Auguste, qui avait eu en dot tout ce que le roi possédait à Saint-Valéry et aux alentours, à l'exception de la régale de l'abbaye de Saint-Valéry , et Thomas, est-il dit dans les notes de M. Devérité, fait foy et hommage à son beau-frère, le comte de Ponthieu, de le servir contre tous, excepté les rois de France et d'Angleterre, ses cousins. Il lui donna pour pleiges Guillaume de Cayeux, et autres de ses vassaux.   Thomas resta dès ce moment fidèle ami de Guillaume. Les villes de la Somme étant devenues le théâtre de la guerre déclarée entre Philippe-Auguste et Richard, Guillaume de Ponthieu et Thomas de Saint-Valéry, se concertèrent pour servir les intérêts du roi de France contre l'ennemi commun; ils inquiétèrent par de fréquentes attaques, les terres de Richard, en Normandie et mirent le siège devant Aumale. Richard averti que le Ponthieu était garni de troupes et qu'il y avait dans le port de Saint-Valéry des bâtiments chargés de blé et d'autres provisions, fit une descente sur la côte de Cayeux, se précipita à l'improviste sur la place de Saint-Valéry, brûla les navires, fit pendre les matelots et livra la ville au pillage. L'abbaye n'échappa même point à sa fureur, il la dévasta entièrement et, après s'être emparé du corps de Saint-Valéry, qui avait été réintégré dans son tombeau par Hugues Capet, il l'emporta dans son duché de Normandie et le déposa dans une église située proche de la mer, et qui, du nom de ces reliques, s'appela depuis Saint-Valéry-en-Caux.   Le roi Philippe-Auguste tint compte à Thomas des pertes qu'il avait éprouvées à cette occasion, et celui-ci reconnut tenir de lui en fief la seigneurie de Saint-Valéry, l'avouerie des terres de l'abbaye, ainsi que les châteaux d'Ault, de Domart et de Bernaville.   Mais la rivalité entre Richard et Philippe-Auguste n'était point terminée; leurs dissentiments éclataient plus violents. Richard détesté et méprisé de ses sujets, s'efforça de susciter à son rival des ennemis sur le Continent. Philippe vit se fermer contre lui une ligne redoutable; il appela à lui les milices des communes et Guillaume comte de Ponthieu ne fut point le dernier à répondre à cet appel. À la nouvelle des luttes qui se préparaient avec l'ennemi de la France, Thomas assemble ses gens de Saint-Valéry, de Gamaches et du Vimeu, pour les conduire au succès de la bataille qui fut livrée entre les Français et les Anglais aux champs de Bouvines.   De retour dans ses domaines, Thomas fonda la collégiale de Gamaches. Il y a apparence, dit le mémoire manuscrit pour l' Histoire de Saint-Valéry , que ce fut lui qui bâtit le château de cette ville. On peut lire dans Rigordus et dans Guillaume le Breton, les hauts faits de ce seigneur : ils l'appellent un chevalier noble, vaillant et puissant, recommandable par son courage et instruit dans les lettres . On ne dit pas où et quand il mourut. Certains auteurs prétendent, sans le justifier qu'il mourut sur le champ de bataille de Bouvines, le 27 juillet 1214. D'autres donnent la date de «  1220 pour la mort du septième seigneur de Saint-Valéry et de Bernaville, époux en 1191 Adèle de Ponthieu  ».  

 

Les chartes de Thomas de Saint-Valéry

Dans ses lettres d'août 1205, Thomas seigneur de Saint-Valéry promet au comte de Ponthieu le service de vassalité, excepté contre le roi de France et celui d'Angleterre «  Ego Thomas de Sancto walarico notum facio omnibus… quod talis paccio inter me et dilectum fratrem meum et dominum Willelmum comitem Pontivi… anno M°CC°V°, mense augusti, pridi kalendas septembris  » (charte XXII, cartulaire du Ponthieu) . Le mot fratrem n'est ici qu'un terme d'affection ou de courtoisie, sinon de vanité de la part de Thomas. Il a la valeur de beau-frère puisque Thomas avait, à défaut de Renaud, épousé Adèle, fille du comte Jean.

Au mois de septembre 1209, Guillaume de Cayeu donne les lettres : «  Ego Willelmus de Kaieo notum facio omnibus presentem paginam inspecturis quod ego conventiones pacis habite inter dominum comitem Pontivi et Monstreoli et dominum Thomas de Sancto Waleriaco, ad petitionem et conjurationem ipsius Thome de Sancto Walerico domini mei, erga Willelmum comitem Pontivi et Monstreoli firmiter tenendas, sicuti continetur in cartis, plegiam. Ita quod, si dictus Thomas de Sancto Walerico a conventionibus resiliret, ego ad dominum comitem Pontivi et Monstreoli, cum totali feodo meo, irem ad servicium suum, quoad emendatum foret. Actum anno verbi incarnati M°CC°IX°, mense septembris  ». Ces lettres de Guillaume de Cayeu font savoir qu'il servira de gage à son seigneur Thomas de Saint-Valéry pour des conventions de paix faites entre Thomas et le comte de Ponthieu. Il devra, si Thomas manque aux conventions, se rendre au comte avec tout son fief, jusqu'à satisfaction donnée à Thomas (charte XXXV, cartulaire du Ponthieu) .

La même année des lettres sont données dans le village de Boubert, sous forme d'accord entre le comte de Ponthieu et le seigneur de Saint-Valéry, pour le fait des catiches dans un lieu nommé Hermes dans lequel les deux seigneurs prétendaient avoir des droits «  Talis est forma pacis que fuit facta apud Boubert, inter dominum comitem et dominum Thomam de Sancto Walerico, quod Hermes debet partiri tali modo quod hoc quod comes catichaverit comiti debet libere remanere  ». Il semble que cette convention rappelle des digues défendant des terrains nouvellement clos contre les débordements de la Somme ou le flux de la mer, ou des fossés égouttant des marécages ou des «  bas-champs  » transformés en prairies (charte XXXVI, cartulaire du Ponthieu) . Le père Ignace rapporte que, selon le traité, Thomas de Saint-Valéry devra entretenir le port de cette ville dans l'état où il se trouvait du temps de Bernard, son père, et il fut fait accord entre eux «  touchant l'abord des navires à leurs ports et pasturages  ».

Mais il est question de bien d'autres choses que de catiches dans ces lettres. «  Elle peut aider à établir la puissance relative, des droits balancés du comte de Ponthieu et du seigneur de Saint-Valéry  » nous dit Ernest Prarond (2). En effet il est question :

•  des conditions du mariage d'Adèle en ce qui concerne le fief flamand de la Bocherie « … matrimonium domine Edle sororis sue, videlicet le Bocherie in Flandria, debet dictus comes dominum Thomam dominio terre aborate et homines ejusdem ville eidem assignare  ».

•  des possessions de Thomas de Saint-Valéry dans le Marquenterre « …tenet in Marescheneterre ita libere  » comme il les possédait du temps du comte Jean,

•  de la condition de ces possessions au temps de Jean père de Guillaume,

•  de Ponthoile «  apud Pontoiles  » et de sa banlieue possible,

•  de l'alternative imposée à certains vavasseurs de Capelle et d'Hemelli d'opter entre les fiefs qu'ils tiennent et leur qualité de bourgeois de Ponthoile,

•  du port de Saint-Valéry «  portum suum de Sancto Walerico  »,

•  du partage des droits du seigneur de Saint-Valéry et du comte de Ponthieu dans les ports de la Somme où l'on trouve le port de Saint-Valéry «  de Sancto Walerico  » et le port dit du comte « portum  comitis  ».

•  des hommes d'avouerie «  homines de avoerie in terra domini comitis…  »,

•  des obligations imposées aux hommes qui voudront passer de la terre d'un des deux seigneurs dans celle de l'autre, les droits du premier seigneur réservés,

•  du droit pour les domestiques du seigneur de Saint-Valéry et pour ceux du comte d'aller dans le Vimeu «  quod famuli domini Thome possunt ire in Vimiacum…  ».

Les lettres données à Mautort (faubourg d'Abbeville) en l'an 1209 déterminent la vassalité du seigneur de Saint-Valéry envers le comte de Ponthieu. Voici un résumé ancien du XVIIe siècle : «  Lettres comment le segneur de Saint-Walery promist au comte de Pontieu le service comme son segneur et qu'il ne feroit nulles emprinses sur nully contre ledict comte en tant que ledict comte feroit droit et jugement de ses pers audict segneur de Saint-Walery  » (charte XXXVII, cartulaire du comté de Ponthieu) .

 

 

Le héros de Bouvines

Au début du XIIIe siècle, il se présenta une occasion où Thomas de Saint-Valéry donna des preuves de sa valeur et de sa fidélité pour la France. Ce fut à la fameuse bataille de Bouvines, le 27 juillet 1214, où il conduisit au service du roi Philippe-Auguste, cinquante chevaliers et deux mille sergeans, suivant le témoignage du poète Breton:

Hinc Sancti Thomat Galerici nobilis hœres
Gamachiis dominans, vicosque et purima subit
Castra tenens, clarus dominatu, clarior ortu,
Quinquaginta parat equites in bella, clientes
Mille bis, audaces animis et robore fortes.

 

Il se signala en cette bataille en deux diverses occasions; car dans la chaleur du combat, Guillaume des Barres, le plus vaillant chevalier de toute l'armée de France, ayant eu son cheval tué sous lui, fut aussitôt environné des ennemis, et quoi qu'il se défendit avec vigueur contre eux, si est-ce qu'il aurait été accablé par leur grand nombre ou fait prisonnier si Thomas, «  Vir quidam strenuus et potens in armis  » , ce sont les termes de Rigord, ne fut survenu avec sa troupe, composée, ainsi que j'ay remarqué, de cinquante chevaliers et de deux mille piétons, et ne le fut venu dégager, ce qui a été ainsi exprimé par Guillaume Guiart, à l'endroit où il parle du seigneur des Barres:

Mes tant ot là de gent grant presse
Qu'il iert ainsi comme peri
Quant Thomas de Saint-Valery
Vint là o chevaliers cinquante,
De gens de pié qui n'iert pas lente
R'ot bien deus mille largement;
En la presse entre fierement
Où li Barrois se deffendoit
Qui trop hardi estai vendoit, etc.

 

Et au même endroit cet auteur lui donne le titre de comte:

Resont li dui evesque la
Que bien à ce faire esperi
Et le quent de Saint Valeri
Si comme je truis [trouve] en ma rebriche
Rangés con
tre ceux d'Osteriche.

 

Enfin les ennemis ayant été défaits, à la réserve d'environ sept cents Barbançons qui s'étaient cantonnés et tenaient ferme, le roi Philippe envoya contre eux Thomas seigneur de Saint-Valéry, Virum nobilem, virtute commendatum et aliquantum litteratum, dit le même Rigord, qui, quoi que fatigué par la longueur du combat, vint à eux avec toutes ses troupes et les passa tous au fil de l'épée, n'ayant eu en cette occasion qu'un seul des siens blessés, qui, ayant été trouvé parmi les morts, fut reporté au camp et guérit à la fin entièrement de ses blessures. On ne trouve rien depuis ce temps-là des actions de Thomas, seigneur de Saint-Valéry.

Guillaume le Breton poursuit : « Chose étonnante, lorsqu'après cette victoire, Thomas compta le nombre des siens, il n'en trouva de moins qu'un seul, qu'on chercha aussitôt et qu'on trouva parmi les morts. Il fut porté dans le camp du roi. Dans l'espace de peu de jours, des médecins le guérirent de ses blessure et le rendirent à la santé » ( Gesta Philippe-Auguste , p. 220). M. Lebœuf, cite à propos de cet acte de bravoure de Thomas et des siens, les lignes suivantes dont il ne donne pas l'origine : «  Hinc sancti Thomas Galerici nobilis heres Gamachus dominans, vicosque et plurima sub se castra Tenens, clarus dominatu, clarior ortu; quinquagenta parat equites in bella, clientes mille bis, audaces animis et robore fortes…  ». Voici que vient Thomas de Saint-Valéry, le noble héritier, maître de Gamaches, des villages et de plusieurs corps de troupe qu'il a sous lui; illustre par son pouvoir, plus illustre par sa naissance. Il prépare cinquante chevaliers pour la guerre, et je ne compte point ses deux mille soldats, à l'âme intrépide et au bras vigoureux….

 

 

 

Une tragique aventure

Le mariage de Thomas de Saint-Valéry avec Adèle de Ponthieu fut suivi d'une tragique aventure dont la tradition populaire nous a conservé le souvenir. Les deux époux se rendaient du château de Domart à Abbeville, auprès du vieux Jean de Ponthieu : tout en chevauchant et en devisant, ils ne s'aperçoivent pas que leurs gens, qui se sont arrêtées pour se rafraîchir, ne les suivent plus. Ils se trouvent seuls dans une campagne déserte où des brigands les assaillent, les dépouillent de leurs riches habits, et font subir les plus cruels outrages à la malheureuse Adèle. À son arrivée à Abbeville, Thomas de Saint-Valéry va porter la nouvelle de sa honte à son beau-père, qui l'écoute d'un air sombre. Le lendemain, Jean de Ponthieu engage sa fille à faire avec lui une promenade sur la mer. Mais à peine le bateau qui les porte est-il à trois lieues de la côte, qu'il fait enfermer Adèle dans un tonneau et l'abandonne à la merci des flots. L'orgueil de son nom et de sa race en avait fait un parricide. Sa fille eût infailliblement péri, si un vaisseau flamand ne l'eût pas recueillie. Rendue à son époux, elle consacra le reste de sa vie à des actes de piété, et Jean de Ponthieu prit la croix et alla expier son crime dans la Terre-Sainte.

 

 

L'archidiacre Gautier

Le cartulaire de la cathédrale de Rouen (f°111, v°), en 1188, cite le fief de Bernard de Saint-Valéry qui était situé dans le parvis de la cathédrale. Cette enceinte réservée, qui ne relevait que de la juridiction des chanoines, excitait vivement la jalousie de la commune. La maison de Bernard, alors occupée par son frère, Gauthier de Saint-Valéry, archidiacre de la cathédrale, avait été dévorée par l'effroyable incendie qui consuma une grande partie de la ville. Les bourgeois s'opposèrent à la reconstruction ; il fallut que le roi Henri II intervint et prescrivit formellement au maire de respecter les droits de Bernard de Saint-Valéry, qui s'adressa en ces termes à la commune : «  Bernardus de Sancto-Walerico majori et paribus et toti communiæ Rothomagensi saiutem et dilectionem , .... ». La lettre de Henri II est également adressée au maire et a la commune : « Henricus , Dei gratia, rex Anglorum, dux Normanniæ, Aquitaniæ, et comes Andegaviæ, majori et communiæ de Rothomago salutem : præcipio vobis quod permittatis Waltero de Sancto-Walerico facere rationabile sedilicium in terra quam habet in vadio de filii Geroldi mali clerici,… » La commune céda.

Dans un acte donné vers 1177-1189, nous apprenons que l'archidiacre Gautier était le fils de Renaud de Saint-Valéry qui pourraient descendre de Gui, fils puîné de Gautier et Hodierne. «  Sciant omnes presentes et futuri quod in presentia Barthelemei Fergant qui tunc erat major communie Rothomensis et parium ipsius civitatis presente et concedente Bernardo de S. Walerico domino feodi, talis facta est conventio inter Walterum de S. Walerico Rothom. archidiaconum et filios Geroldi Maliclerici, de vadio quod Reinaldus de S. Walerico pater ipsius Walteri archidiaconi habebat super domum de atrio S. Marie…  ».

En qualité d'archidiacre de l'Église rouennaise, Gautier de Saint-Valéry souscrivit plusieurs chartes du prieuré Saint-Martin de Pontoise «  Beati Martini de Pontisara  » (3). En 1175, Rotrou, archevêque de Rouen, donne cent sols parisis de rente annuelle sur l'église d'Arronville moyennant 50 sols le jour de saint Martin d'hiver et 50 sols à Pâques. La même année, Gautier, archidiacre de Pontoise et le chapitre pour l'archevêque Hugues de Rouen érige Livilliers en paroisse, sous la condition de reconnaître Genicourt pour église-mère.

En 1176, Rotrou, archevêque de Rouen, confirme à Guillaume abbé de Saint-Denis le don de l'église de Chars «  ecclesiam de Charz  » qui avait été fait par le seigneur Thibaut II de Gisors afin de fonder un anniversaire. L'archidiacre de Pontoise donne son agrément «  consueto jure nostro et archidiaconi nostri… confirmationis testes… Walterius de Sancto Walerico, Rothomagensis ecclesie archidiaconi…  » (charte CLXXXIV). La même année, placé sous l'autorité de archevêque de Rouen et son archidiacre, un concordat est signé entre l'abbé de Saint-Denis et le prieuré Saint-Martin au sujet de l'église de Chars. Le prieuré continuera de percevoir les droits dans sa censive de Chars et les deux muids d'annone dans la grange de Cergy (charte CLXXXV).

Le 28 juillet 1194, le pape Célestin III chargea Gaultier de Saint-Valéry, doyen de la cathédrale de Rouen, et N. de Verdun, chanoine de la même cathédrale, de se transporter à Elbeuf, d'examiner les faits et d'amener par la persuasion et la douceur le comte de Meulan à laisser se rétablir, dans son ancien lieu, la foire Daint-Gilles.

Vers 1200, une charte qui fut octroyée à l'abbaye de Saint-Ouen de Rouen par Gautier de Saint-Valéry, archidiacre de Rouen «  Walterius de Sancto Walerico Rothom archidiaconus  » dans lequel acte l'abbé et les religieux sont déclarés chiefs seigneurs du fief de Martinville . Gautier de Saint-Valéry leur octroie les dîmes grosses et petites de l'église de Martinville «  decimis in ecclesia Martinvilla  » et reconnaît que la moitié des oblations ou offrandes qui étaient remises au curé, aux fêtes de la Toussaint, Noël, la Purification et Pâques, appartient à l'abbé et aux moines de Saint-Ouen, ainsi que la moitié des agneaux qui reviennent à la dîme dans cette même paroisse. Le curé était obligé de fournir le pain et le vin qui était distribué à Pâques aux communiants.

La seigneurie de Martinville était un demi-quart de fief de haubert, démembré de la riche baronnie de Périers, appartenant à l'abbaye de Saint-Ouen de Rouen, et les abbés y exerçaient des droits très-étendus. Parmi les nombreux actes d'acquisition passés au profit du monastère, nous en avons remarqué un daté de 1286, constatant une vente faite par Guillaume du Boosc, dans lequel les abbés et religieux sont déclarés chiefs seigneurs. Ils étaient patrons, présentateurs et fondateurs et tenaient infiniment aux prérogatives attachées à ces titres ; ils percevaient les dîmes grosses et petites et une charte qui leur fut octroyée par Gautier de Saint-Valéry, archidiacre de Rouen, vers 1200, reconnaît que la moitié des oblations ou offrandes qui étaient remises au curé, aux fêtes de la Toussaint, Noël, la Purification et Pâques, appartient à l'abbé et aux moines de Saint-Ouen, ainsi que la moitié des agneaux qui reviennent à la dîme dans cette même paroisse. Le curé était obligé de fournir le pain et le vin qui était distribué à Pâques aux communiants. [ Au Moyen-âge, tous les fidèles approchaient de la sainte table le jour de Pâques à la grand'messe. L'usage de leur offrir, après la communion, du pain et du vin, avait sans doute pour but de leur faire attendre plus facilement leur premier repas ].

 

 

Extinction de la maison de Saint-Valéry

Thomas n'avait eu qu'une fille Aénor qui porta la succession dans la maison de Dreux. Ainsi finit la première maison de Saint-Valéry avec le héros de Bouvines qui l'avait le plus illustrée. Delon Dom Grenier, Adèle de Ponthieu était veuve dès le mois de janvier 1227 ainsi qu'on le voit dans une charte postérieure . Elle qui survécut de beaucoup à son mari et donnait encore une charte en 1241. Aénor fut mariée, vers l'an 1211/12, à Robert IlI du nom, surnommé Gasteblé, seigneur de Braye et depuis comte de Dreux, prince issu du sang royal de France. Ce seigneur étant décédé l'an 1233, elle donna ses lettres l'année suivante au mois d'avril, par lesquelles elle promit au roi saint Louis de lui livrer son château de Dreux quand elle en serait requise et que Sa Majesté, ni le royaume n'en recevrait aucun dommage, non plus que de son château de Gamaches et de ses autres terres.

Elle reprit aussi en foy et hommage-lige du même roi la seigneurie et la forteresse de Gamaches qu'elle tenait auparavant en franc aleu ; ensuite elle se remaria avec Henry, seigneur de Sully, qui portait à cette occasion la qualité du comte de Dreux, comme on reconnaît par un acte du mois de janvier 1238 et en l'an 1240. L 'un et l'autre traitèrent en présence de saint Louis avec Jean Dreux, fils aîné de feu Robert, comte de Dreux et d'elle, tant pour les droits et les conventions de son douaire que pour le bail de Robert et de Pierre ses autres enfants. Elle vivait encore l'an 1250 et décéda le 15e jour du mois de novembre comme il est marqué au calendrier de Saint-Victor de Paris.

 

 

Le droit de crédit

La plupart des seigneurs avaient le droit de crédit dans leurs terres, qui consistait en ce qu'ils pouvaient prendre chez eux des vivres et autres denrées à crédit, c'est-à-dire, sans être obligés de les payer sur-le-champ, mais seulement après un certain temps marqué : ils étaient quel quefois obligés de donner des gages pour la sûreté du payement. Il est parlé de ce droit de crédit dans plusieurs anciennes chartes, entre autres dans celles que Philippe-Auguste accorda, en 1209, pour l'établissement de la commune de Compiègne. Il ordonne que les habitants feront crédit à l'abbé, pendant trois mois, de pain, chair et poisson, et que s'il ne paye pas au bout de ce temps, on ne sera pas obligé de lui rien donner qu'il n'ait payé.

Robert, comte de Dreux et de Montfort, seigneur de Saint-Valéry, ordonna, par des lettres de l'an 1209, que toutes les fois qu'il séjournerait à Dieppe, on serait tenu de lui faire crédit , pendant quinze jours, de 10 livres de monnaie usuelle.

 

 

Notes

(1) F. Lefils, Histoire civile, politique et religieuse de Saint-Valéry et du comté du Vimeu (chez René Housse, Abbeville, 1858).

(2) Ernest Prarond, Cartulaire du comté de Ponthieu , in Mémoires de la Société d'Emulation d'Abbeville, t. II (Impr. Fourdrinier, Abbeville, 1897).

(3) J. Depoin, Cartulaire de l'abbaye de Saint-Martin de Pontoise (Sté Historique, Pontoise, 1895).