Isabeau de Montlhéry et ses descendants (2)

Chronique du Vieux Marcoussy --Marcoussis--------------- _----------------------------___---_--Mai 2012

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Localisation de Dampierre-en-Champagne sur la carte de Cassini.

C. Julien

 

 

Cette chronique est la continuation de l'histoire de la maison de Dampierre issu de celle de Montlhéry par la seconde fille de Milon 1er et de Lithuise, vicomtesse de Troyes. Dans la première partie nous avions introduit le petit-fils d'Isabel, le nommé Guy II de Dampierre, qui, selon la tradition familiale, avait reçu le prénom de l'aïeul au cinquième degré, c'est-à-dire Guy de Montlhéry, comme son grand-père Guy 1er de Dampierre. Nous continuons la biographie de ce personnage qui en se mariant avec Mahaut de Bourbon a transporté la maison de Dampierre dans cette de Bourbon.

 

 

Les libéralités de Gui II de Dampierre

L'an 1172, Gui II de Dampierre et Milon son frère «  domini Guidonis de Dampetra et domini Milonis, fratris sui  » et plusieurs autres approuvent le don fait par Dreux de Mello et sa femme Ermengarde «  Drogo de Merlo et Ermengardis, uxor mea  » aux religieux de Vieupou, ordre de Grammont, «  fratribus Grandimontensis ordinis, qui morantur in nemore juxta Sanctum-Mauricium…  » qui habitent la forêt située auprès de Saint-Maurice, tout le terrain compris dans l'enceinte du fossé qui circonscrit leur couvent. La charte contient en outre d'autres libéralités faites par diverses personnes aux religieux (charte CCXXVI). Plus tard, en 1189, le sire Jean d'Arcy, étant sur le point de partir pour Jérusalem «  Johannes de Arcies, Jherosolinam prtiturus  » , donne aux églises des Escharlis (Yonne) et de Fontaine-Jean (Loiret) tous ses droits sur le moulin de Frêne. Gui de Dampierre «  Guido de Dampetro  » atteste cette donation en compagnie du seigneur Ansericus de Monte-Regali et Gaucher, seigneur de Château-Renard (charte CCCXCIII).

Le seigneur de Dampierre et de Saint-Dizier (1155-1216) transigea en 1179 avec l'abbé et les religieux de Moustier-en-Der sur les différends qu'il avait au sujet du bois et du finage de Saint-Dizier. En 1184, il donna à l'église de Saint-Gervais de Villiers, une rente pour le remède de son âme et de ses prédécesseurs et étant sur le point de faire le voyage en Terre-Sainte (on disait d'Outremer) en 1189, il aumôna à l'abbaye de Trois-Fontaines, du consentement de son frère Milon, un muid de froment de rente sur les moulins de Saint-Dizier, dix muids de vin sur les vignes de Moylen, et six livres de rentes sur ses cens et coutumes de Berencourt, pour en jouir pendant son voyage de Jérusalem, et à perpétuité au cas où il mourut.

Dans l'histoire de la maison d'Harcourt, nous lisons : «  Une charte passée à Chinon, en septembre le jeudy d'après le feste de l'Exactation sainte Croix, en laquelle sont soussignés Gautier comte de Saint-Paul, Robert comte d'Alençon, Guy de Dampierre , Guillaume des Barres, Guillaume de Chauvigny, Thibaut de Blason, Bouchard de Marly, Juhael de Mayenne, Hugues de Baucey, Amaury de Craon et autres, la pluspart de ces seigneurs alliez de cette famille, et Guillaume des Barres retenant entre eux un rang illustre  ».

En 1194, un bail à vie est donné au profit de Gui de Dampierre de la maison de feue Reine, rue Saint-Loup. «  Ego Maria, Trecensis comitissa, notum facio presentibus et futuris in presentia mea fuisse recognitum et concessum, quod Guiterus, abbas Sancti Lupi Trecensis, de assensu capituli sui, domum que fuit Regine, filie Galteri, granetarii, et puerorum ipsis Regine, et terram ad eamdem domum pertinentem , Guidoni de Dampetra tenendam sine censu et quiete concessit, quamdiu ipso vixerit, et in habitu permanserit seculari ; et post ejusdem Guidonis decessum, domus illa ad ecclesiam Sancti Lupi revertetur. Ipse autem Guido, collati non ingratus beneficii, pro remedio anime sue, quidquid in predicta possessione superedificaverit, predicte ecclesie contulit in eleemosinam, et post decessum suum sine alicujus reclamatione, sine omni calumpnia concessit perpetuo possidendam. Canonici vero illius ecclesie anniversarium ejus, in hujus recompensationem eleemosine, annis celebrabunt. Si autem super hac eleemosina dictam ecclesiam vexare vel molestare aliquis presumeret, ego eandem ipsi garentirem eleemosinam, quandiu terram karissimi filii mei comitis Henrici tenerem. Quod ut ratum teneatur, sigillo meo confirmavi. Actum anno Incarnati Verbi M° nonagesimo quarto. Data per manum Galteri cancellarii ». Voici une traduction sommaire : « Moi, Marie, comtesse de Troyes, faisons savoir tant aux présents qu'aux futurs, qu'en ma présence Guiter, abbé de Saint-Loup de Troyes, avec l'accord de son chapitre, à fait un bail à vie de la maison et de la terre en dépendance de feue Reine, fille mineure du blatier Gautier, au profit de Gui de Dampierre dont la maison était dans la censive. Il est convenu qu'après le décès du susdit Gui, la maison reviendra à l'église de Saint-Loup. En outre, en guise d'aumône pour le salut de son âme, le susdit Gui, ne retiendra nul bénéfice pour toute construction faite dans cette maison et après son décès nul ne pourra réclamer une indemnisation. En contre partie de cette aumône, les chanoines célèbreront un anniversaire annuel. Et pour que cet acte soit ferme et permanent, nous apposons notre sceau. Donné l'an de grâce 1194, par la main de Gautier, chancelier».

Sous Gui de Dampierre qui portait le titre de vicomte de Troyes, les bâtiments furent construits à Troyes pour la tenue des fameuses foires de Champagne, célèbres dans ce temps parmi toutes en Europe et qui attiraient tant de marchands de la Flandre ; ces édifices avaient été élevés sur le modèle des halles flamandes de Douai et d'Ypres. C'est au cours du XIIIe siècle que toutes les causes se réunissaient pour la consécration du système communal dont le résultat fut la prospérité dont jouissaient les métiers sous les institutions octroyées par les comtes.

Dans un extrait de l'Histoire d'Angleterre, escrite par Mathieu Paris, en la vie du roy Richard 1er, nous apprenons que, en l'an 1190, Gui de Dampierre, partant pour la Terre-Sainte, se trouvait derrière les Hospitaliers avec le comte Henri de Champagne, le comte de Bar-le-Duc et plusieurs autres barons et prélats : «  Anno MCXC tempore. Quadragesimali. Exercitus Christianorum ante Achon in hunc modum locatus est. Ante montem Musardi supra mare Genuenses, post illos Hospitalarii, post quos Marchio Montisferrerii. Deinde comes Campaniae Henricus, post illum Guido Dampierre, post illum comes Brenensis, deinde comes de Barro, post illum comes Calnusis, post quem Robert de Drius et episcopus Belvacensis, post illos episcopus Besencenae. Juxta quem versus planum comes Theobaldus et comes de Claromonte, et Hugo de Gornai, etc.  » (1).

 

 

Le sire de Bourbon

À son retour, et s'étant marié en 1197, il devint par sa femme, Mahaut, seigneur de Bourbon (2). Deux ans après ce mariage, le roi Philippe-Auguste déclara par ses lettres données à Lorris en 1199, ne prétendre rien à Souvigny, terre provenant des seigneurs de Bourbons et en la forêt et dépendances, que la mouvance royale. Il lui donna ensuite Montluçon en augmentation de fief, et le reçut à homme et vassal-lige en 1202. Ce même roi l'avait donné deux ans auparavant, avec d'autres barons du royaume, pour plège à Blanche Navarre, comtesse de Champagne qui observerait les conventions faites avec elle touchant la garde et l'éducation jusqu'à l'âge de douze ans, et qu'il ne la marierait que par le conseil et la volonté de sa mère. Ce prince le mit en 1210

 

Les écus anciens de Bourbons (d'après Duchesne).

 

C'est André Duchesne qui nous donne toutes les alliances avec la famille de Bourbon. «  De là Jean, comte de Dreux pensa à se marier, et rechercha pour espouse Marie de Bourbon fille d'Archembaut VIII dit le Grand, sire de Bourbon, laquelle estoit sa parente au cinquiesme degré. Car André de Baudément , seigneur de Braine procréa entr'autres enfans Guy , seigneur de Braine, et Helvide de Braine femme de Guy sire de Dampierre. De Guy seigneur de Braine vint Aggnes de Braine alliée avec Robert de France, comte de Dreux. Et de cette alliance nasquit Robert II du nom comte de Dreux père de Robert III qui laissa pour fils le comte Jean. D'autre part, Helvide de Braine et Guy sire de Dampierre son mary eurent un fils appelé Guillaume , sire de Dampierre, bouteiller de Champagne. De Guillaume sortirent Guy de Dampierre , et trois filles, desquelles j'ay remarqué ailleurs les mariages. Guy II sire de Dampierre fut conjoint avec Marguerite héritière de l'ancienne maison de Bourbon, dont il procréa Archembaut VIII du nom dit le Grand, sire de Bourbon. Quelques-uns attribuent pour femme à cet Archembaut l'une des filles de Dreux de Mello, connestable de France. Mais Alberic autheur de son temps escrit, qu'il espousa Béatrix de Montluçon fille et héritière d'un autre Archembaut seigneur de Montluçon en Auvergne, et de plusieurs autres grandes terres. Tant y a qu'il fut père de Marie de Bourbon mariée l'an mille deux cents quarante avec nostre prince Jean comte de Dreux, et de Braine. Elle avoit pour oncle Guillaume de Dampierre , comte de Flandres, pour frère Archembaut IX surnommé le Jeune sire de Bourbon, et pour seurs Marguerite de Bourbon, femme de Thibaut roy de Navarre, comte de Champagne et de Brie, et Béatrix de Bourbon alliée avec Béraut le Grand seigneur de Mercueur. Archembaut de Bourbon son frère fist son mariage, et par les conventions du traité promise bailler au comte Jean la somme de dix mille livres. De quoy s'establirent pièges envers luy Thibaut roy de Navarre, Guy de Dampierre sire de Saint-Just, Guillaume seigneur de Mello, Jean chastelain de Noyon et de Torote, Gaucher de Torote, et autres seigneurs tous parents et alliez de ceux de Bourbon et de Dampierre  » (3).

 

 

Carte de la seigneurie de Bourbon d'après René Germain (4).

 

À plusieurs reprises, à partir de 1122, Louis VI, puis Louis VII font appel à leurs barons et interviennent contre le turbulent comte d'Auvergne. C'est alors qu'en 1211 Philippe-Auguste confie la conquête de l'Auvergne au comte de Bourbon, Gui de Dampierre. La reddition du comte d'Auvergne assura la puissance du seigneur de Bourbon qui obtenait la garde des terres conquises. Cette situation privilégiée au Sud de la Loire donnait à la baronnie de Bourbon, une dimension à la mesure du royaume (4).

Gui de Dampierre, sire de Bourbon, reconnut au mois de novembre 1211 que la comtesse Blanche et Jean de Montmirail, fils d'Helvide de Dampierre, sa sœur, s'étaient rendus cautions pour lui envers Helin de Wautin d'une somme de 2.000 livres , et promit de les indemniser. Au mois de février suivant, Marguerite de Vienne, sa belle-fille, dame de Salins, lui quitta les prétentions qu'elle pouvait avoir en la succession de sa mère Mahaut, moyennant 1.200 marcs d'argent, ce qui fut confirmé par lettres de Philippe-Auguste, qui par d'autres lettres données à Melun, l'an 1212 ratifia l'accord fait entre le seigneur de Bourbon et les habitants de Souvigny, par lequel ils s'obligeaient de servir leur seigneur dans ses guerres et expéditions militaires.

Enfin, Philippe-Auguste commit le sire de Bourbon pour jurer en son nom les articles de trêve entre lui et le roi d'Angleterre. Gui II de Dampierre mourut en 1215 et fut enterré en l'abbaye de Saint-Lomer de Blois. Archambaud, son fils aîné, lui succéda dans la baronnie de Bourbon tandis que Guillaume, fils puîné, reçut dans les seigneuries de Dampierre et Saint-Dizier.

 

 

Guillaume II de Dampierre

En août 1218, Guillaume de Dampierre cautionne Elisabeth d'Amboise jusqu'à concurrence de 500 livres puis son frère Archambaud de Bourbon donne la même caution. Dans un acte du 1er novembre suivant, Guillaume de Dampierre et son frère, s'obligent à ne pas retenir pendant un an les juifs de la comtesse Blanche de Navarre qui prend l'engagement réciproque.

Deux ans après, le vendredi après la mi-Carême 28 février 1220, il reconnut que Blanche comtesse de Champagne et le comte Thibaut, son fils, lui avait donné la charge de bouteiller de Champagne à vie seulement et qu'ils en pourraient disposer après sa mort. Au mois de décembre 1223, il reconnut aussi être homme-lige, de ce comte pour son château de Dampierre qu'il lui avait remis, avec promesse de le servir envers et contre tout. Il confirma au mois de juillet 1224, la cession que fit Garnier de Chanffenay à l'abbaye de Trois-Fontaines, de tous les droits qu'il prétendait ès terres, bois et pâturages de cette abbaye, situés près la grande de Beaulieu, et de tout ce que possédait cette abbaye en ce lieu, mouvant de son fief. Au mois d'août 1228, il reprit du comte de Champagne, en augmentation de fief, la forêt de Litresel qu'il avait nouvellement acquise d'Olivier de Drosnay et promit au comte au mois d'avril 1231 de lui rendre à grande et petite force la forteresse de Linou, qu'il lui avait promis de bâtir proche de Sainte-Marguerite, et de la retenir en augmentation de fief.

Étant tombé grièvement malade, il ordonna par son testament fait la veille de la Notre-Dame de mars 1232 à ses exécuteurs de restituer tout ce qu'il avait usurpé, et à sa femme d'accomplir ce qu'il avait ordonné, en réparation des injures et dommages qu'il avait fait à l'abbaye de Monstier-en-Der, de la moitié des pacages de Saint-Dizier.

 

 

Le mariage de Guillaume II de Dampierre

Cet évènement tragicomique eut lieu sous le règne de Saint-Louis. Baudouin, comte de Flandre par sa mère et de Hainaut par son père, et depuis élu empereur de Constantinople, mourut en 1204 en ne laissant que deux filles, Jeanne et Marguerite. Les deux jeunes mineures furent confiées à Philippe comte de Namur, frère de Baudouin et tuteur de ses deux filles qui mit les deux princesses entre les mains de Philippe-Auguste en l'an 1207 «  pour les marier comme il luy plairoit  ». Le roi fut néanmoins obligé de les remettre, l'an 1208, entre les mains des Flamands de Bruges. Jeanne, héritière de ses deux comtés, épousa Ferrand de Portugal en 1211, et Thomas de Savoie en 1237. Elle mourut le 5 décembre 1244, n'ayant pas de postérité.

Marguerite fut mise en la garde de Bouchard, frère de Gautier, seigneur d'Avesnes, «  où elle vécut toujours avec beaucoup de piété et sans aucune reprise  ». Vers 1212, ayant reçu l'accord des parents de la fillette âgée de 10 ans et celui de toutes les villes de Flandre et du Hainaut, Bouchard, âgé de 40 ans épousa solennellement Marguerite sans que personne s'y opposât, parce qu'on ne savait pas son passé. Ce Bouchard était entré d'abord dans l'état ecclésiastique et avait été fait chantre de Laon et trésorier de Tournai ; il avait même pris le sous-diaconat et en avait fait les fonctions. Puis comme «  il avoit de fort grandes qualitez pour paroistre dans le monde  », il renonça à l'état ecclésiastique, prit l'épée et acquit la réputation «  d'estre le mieux famé et renommé de son pays  ». Cependant le bruit commença à se répandre que Bouchard était sous-diacre, et son mariage illégitime, ce qui obligea Bouchard d'aller à Rome pour obtenir dispense du pape. Il n'en obtint que le pardon. On prétendit qu'il fut excommunier «  par droit de fait  ». Guillaume, archevêque de Reims envoya des lettres à tout le clergé de sa province où il traite le mariage d'enlèvement. Rien n'y fit car dans un acte de l'an 1234 sont cités Jean et Beaudouin, fils de Bouchard et de Marguerite âgé l'un de seize ans et l'autre de quinze. Néanmoins, il se séparèrent et firent divorce vers 1222. L'infortuné Bouchard mourut obscurément au château d'Etrœungt en 1240.

Dès la fin de 1223, Marguerite avait épousé Guillaume, seigneur de Dampierre, fils de Gui II et de Mahaut de Bourbon et frère puîné d'Archambaud, sire de Bourbon. Si Marguerite de Flandre s'était unie de bonne foi à Bouchard d'Avesnes, ignorant qu'il fût sous-diacre, Guillaume de Dampierre ne l'avait également épousée que parce qu'il considérait son premier mariage comme nul et sans effet. Ce fut la comtesse Jeanne qui organisa les noces, et elle donna ensuite de grandes terres à sa sœur. Ce mariage fut l'objet d'un nouveau scandale : le comte de Champagne suzerain de Guillaume s'y opposa, le pape nomma des commissaires pour le casser ; mais le dernier jour de l'an 1223, le comte s'accorda avec Guillaume pour que ce dernier fasse confirmer son mariage par le pape et que les enfants qui en viendraient soient légitimes. Marguerite eut de son second mari, Guillaume, Gui et Jean, avec une fille nommée Jeanne, mariée l'an 1238, à Thibaut comte de Bar, et Marie religieuse de l'ordre de Cîteaux. Guillaume mourut en 1232.

Marguerite, sœur et héritière de Jeanne, avant que de recevoir les hommages des Flamands, vint à la cour de France pour rendre foy et hommage au roi, payer le rachat, et faire les autres choses auxquelles elle était obligée à cause de la Flandre, car le Hainaut relevait de l'Empire. Cela se fit à Pontoise le mardi 10 janvier 1245 (5). Inévitablement un différend s'éleva entre les enfants de Marguerite issus des deux lits. Les Dampierre contestèrent la naissance des d'Avesnes devant le pape, soutenant qu'ils étaient illégitimes et incapables de succession. La chicane produisit une guerre civile dans la Flandre et le Hainaut qui causa de grands ravages. Une conférence fut tenue à Péronne, l'an 1245, en présence de Saint-Louis, dont le respect n'empêcha pas les frères de se traiter de «  bastards  ». Au mois de mars 1246, le vidame de Piquigny, le sénéchal de Flandre et divers autres seigneurs se firent cautions des Dampierre, par des actes passés à Vincennes, promettant, en cas de contravention, de se rendre prisonniers à Paris.

La sentence fut donnée par le roi et Odon, évêque de Tusculane, légat du Saint-Siège. Suivant le compromis de juillet 1246, ils adjugèrent le comté de Hainaut à Jean d'Avesnes et le comté de Flandre à Guillaume de Dampierre, pour n'en jouir qu'après la mort de leur mère, à la charge que chacun d'eux partagerait de son lit sur ce qui lui était assigné suivant les coutumes du pays. Les Avesnes trouvèrent ce jugement irrégulier en ce que le roi avait arbitrairement disposé de domaines qui ne relevaient point de la couronne de France «  le Hainaut relève de l'évêque de Liège et c'est un arrière-fief de l'Empire  ». Mais Louis IX fut inflexible. En 1248, Robert, comte d'Artois, Alfonse, comte de Poitiers, Charles, comte d'Anjou et plusieurs archevêques et évêques déclarent avoir été présents à la sentence rendue, en 1246, qui adjuge le comté de Flandre à Guillaume de Dampierre et le comté de Hainaut à Jean d'Avesnes. Louis IX, roi de France, mande aux chevaliers, villes et communautés de Flandre, qu'ils aient à reconnaître Guillaume de Dampierre pour leur seigneur. La même année, Marguerite, comtesse de Flandre, promet de faire renoncer Guillaume, Gui et Jean de Dampierre, ses fils, à certaine somme qu'ils réclamaient de Jean et Baudouin d'Avesnes, leurs frères, à cause de l'ost de Rupelmonde. Jean et Baudouin d'Avesnes renoncent, en faveur de leurs frères, Guillaume, Gui et Jean de Dampierre, aux terres de Wancres, Zudbeveland, Nordbeveland, Bersele, aux îles de Zélande, des Quatre-Métiers, Waes, Alost, Grammont, aux fiefs d'Angleterre, à la châtellenie de Cambrai, et reconnaissent que ces parties dépendent du comté de Flandre. En février 1248, Marguerite, comtesse de Flandre, déclare qu'en sa présence a été conclu l'accord entre Gui, son fils, et Mahauty, sa femme, fille de Robert, avoué d'Arras, d'une part, et Elisabeth de Moreaumès, veuve dudit avoué, touchant la succession dudit Robert.

Bien que de nombreux accords fussent passés, des enquêtes furent menées en 1249 touchant la légitimité de la naissance de Jean et Baudouin d'Avesnes. Finalement une sentence de Pierre, évêque de Châlons, et de Hugues, abbé de Liessies, subdélégué de l'abbé du saint-Sépulcre pour le pape Innocent IV, qui déclare Jean et Baudouin d'Avesnes enfants légitimes de Bouchard d'Avesnes et de Marguerite, comtesse de Flandre. Mais la chicane familiale continue. En 1253, Jean et Baudouin d'Avesnes nomment un procureur pour défendre leurs droits contre les Dampierre. Gui, comte de Flandre et Jean de Dampierre, son frère, nomment des procureurs pour défendre les prétentions qu'ils pourraient avoir contre Jean et Baudouin d'Avesnes. Le Hainaut et la Flandre furent le théâtre d'une effroyable guerre civile pendant laquelle Guillaume de Hollande, roi des Romains, l'évêque de Liège, l'archevêque de Cologne, les comtes de Clèves, de Berg, de Luxembourg d'un côté et du côté des Français Charles d'Anjou, frère de Louis IX, les sires de Bourbon et d'Etampes, les comtes de Savoie, de Champagne, d'Auxerre, et une foules de barons entrèrent en lice. Jean d'Avesnes mourut de chagrin en 1257, la comtesse Marguerite, octogénaire mourut le 10 février 1280 .

 

 

Les actes de Guillaume II de Dampierre

Dans un acte donné à Troyes le 26 février 1220, Guillaume II de Dampierre reconnaît qu'il n'a aucun droit héréditaire sur la connétablie de Champagne que Blanche et Thibaut lui ont donnée par pure libéralité (7). L'année suivante, le même Guillaume garantit à Philippe-Auguste la fidélité de Thibaut de Champagne. Plusieurs actes attestent les désaccords entre le comte de Champagne et Guillaume à propos du mariage avec Marguerite de Flandre.

Le 18 août 1223, le pape Honorius III mande à Gautier, archevêque de Sens, et à Guillaume évêque de Châlons, de notifier à Guillaume de Dampierre qu'il y a empêchement dirimant au mariage projeté entre ledit Guillaume et Alix, reine de Chypre. Quelque temps plus tard, Enguerrand, seigneur de Coucy conseille à Thibaut de faire des efforts pour ramener Guillaume de Dampierre à l'obéissance dudit Thibaut. Enguerrand et Henri comte de Bar-le-Duc, se sont entretenus avec le roi à Soissons des projets de Guillaume II de Dampierre : Thibaut fera bien d'entrer en pourparlers à ce sujet avec le comte de Bar-le-Duc. Enguerrand se trouvera au rendez-vous que Thibaut lui donne à Épernay. Le dernier jour de décembre, étant à Château-Thierry, Guillaume de Dampierre voulant rendre Thibaut plus sûr de sa fidélité, met entre les mains dudit Thibaut le château de Dampierre. Il promet d'obtenir qu'Archambaut de Bourbon, son frère, Guillaume et Dreux de Mello, ses oncles, Jean d'Oisy, comte de Chartres, Mathieu, frère de Jean, s'engagent à aider Thibaut contre la reine de Chypre. A son tour, Thibaut fera des efforts pour obtenir que les juges délégués par le pape suspendent jusqu'à la prochaine Nativité de la Bierge le procès relatif au mariage de Guillaume de Dampierre avec Marguerite, sœur de la comtesse de Flandres (8).

Le 13 mai 1224, Guillaume II de Dampierre cautionne les frères Gui et Hugues de Châtillon envers Thibaut. Dans un acte du même jour, Guillaume de Dampierre convient avec Thibaut que la forteresse de Sompuis sera jurable et rendable à Thibaut. Les contestations qui existent entre Guillaume et Thibaut, notamment au sujet de l'acquisition de Trois-Fontaines, cédée par Blanche au père de Guillaume, en échange d'autres terres, seront jugées par Odard, maréchal de Champagne, et par Lambert Bouchu. Guillaume rend à Thibaut deux juifs à certaines conditions, confirme sa charte de fidélité.

En août 1228, Guillaume de Dampierre reconnaît tenir de Thibaut, en augment de fief, le bois dit li Tresil que lui a vendu Olivier de Drônay. Au mois d'octobre de l'an 1229, Guillaume, seigneur de Dampierre, approuve un échange entre Jean de Thourotte, son cousin, et evrard de Brienne qui abandonne ce qu'il avait à Maisons-en-Champagne et à Loisy, et reçoit ce que Jean de Thourotte avait à l'Isle près Ramerupt. Le 24 avril 1230, Thibaut reçoit foy et hommage de Guillaume fils de Guillaume de Dampierre, pour tout le fief que tient sondit père, sauf le douaire de Marguerite, femme dudit Guillaume le père. Quelques jours plus tard, Thibaut promet à Guillaume, seigneur de Dampierre, de lui venir en aide contre Henri, comte de Bar-le-Duc. L'année suivante Guillaume de Dampierre reconnaît que la forteresse construite par lui à Lignon, près Margerie, avec l'agrément de Thibaut est jurable et rendable audit Thibaut.

Nous sommes dans le doute sur l'époque exacte de la mort de Guillaume de Dampierre . La Chesnaye des Bois dit qu'il mourut en 1243, d'Oudegherst en 1241, Jacob Meyer ainsi que le père Anselme, précisent le 3 septembre 1241. Sa veuve lui survécut pendant 40 ans. Étant à Paris le 14 janvier 1245, Marguerite, comtesse de Flandre et de Hainaut, abandonne à ses fils son droit de douaire à Saint-Dizier, et sur toute la terre de feu Guillaume de Dampierre, son mari. Elle notifie cet acte à Thibaut comte de Champagne.

 

 

Les fils de Guillaume et Marguerite

Guillaume III de Dampierre, fils aîné de Marguerite, qui avait accompagné Saint-Louis à la croisade de 1248, avait été associé au gouvernement de la Flandre. Il fut tué malheureusement dans le carroussel de Trasignies, le 6 juin 1251. Dès lors, Gui de Dampierre remplaça son frère dans l'administration du comté, jusqu'en 1279, qu'il succéda à sa mère. Jean de Dampierre, troisième fils de Guillaume II fut apanagé des seigneuries de Dampierre et de Saint-Dizier. Son nom s'éteignit avec Edouard de Dampierre, bailli de Chaumont en 1401.

 

 

Les libéralités de Guillaume II de Dampierre

Au mois d'avril 1220, Guillaume, seigneur de Dampierre «  Ego Guillermus, dominus de Dampetra  », déclare que l'église Saint-Loup de Troyes «  Sancti Lupi Trecensis  » promettant de payer 450 livres provinoises en six ans, à Jacob, fils de Sanson Rufi, juif de Dampierre et son frère et Abraham Lovet de Rosnay, juif de la comtesse de Champagne «  Jacob, filium Sansonis Rufi, judeum meum de Dampetra et erga fratres suos, atque erga Abraham Lovet de Rosnay, judeum domine comitisse Campanie…  » ; moyennant cet engagement, Jacob donne quittance de toutes ses créances antérieures sur l'abbaye. En cas de retard dans les paiements l'intérêt sera de 2 deniers par livre et par semaine «  quod remaneret solvendum in quolibet terminorum, duos denarios per ebdomadam lucruretur  ». Les susdits abbé et couvent seront débiteurs de deux muids de froment, mesure de Troyes, à prendre sur la grange de Molins le jour de Saint-Rémy et le jour de Noël ou bien, en cas de défaut, Jacob les prendra dans la grange voisine de Dampierre aux termes mentionnés ci-dessus «  in alia grangia viciniori Dampetra ipsi Jacob requirenti tradetur infra terminos supra scriptos  ». Cette charte nous montre l'intérêt que porte le seigneur de Dampierre à la protection de «  ses juifs  » qui n'utilise pas des taux usuraire, puisque les intérêts du prêt s'élèvent à deux muids de blé et que les pénalités pour défaut de paiement s'élèvent à 4%.

 

 

Archambaud de Dampierre, sire de Bourbon

Archambaud de Dampierre, sire de Bourbon, VIIIe du nom, surnommé le Grand, succéda à sa mère en la baronnie de Bourbon, et en prit le nom et les armes. Il donna au mois de février 1215, du consentement de sa femme et de sa mère, à l'abbaye de Saint-Lomer de Blois, en considération de ce que son père y était inhumé, une rente de 100 livres à prendre sur sa terre d'Esnay. Au mois de mars suivant Philippe-Auguste l'institua gardien et défenseur du pays d'Auvergne comme son père l'avait été et des forteresses confisquées sur le comte Guy. Sous la caution de Guillaume et Dreux de Mello, frères utérins de son père et sous celle d'Ithier de Tocy son cousin issu de germain, il promit de rendre ces places au roi au premier commandement qu'il lui en serait faire. Au mois de février 1222, au moment de se marier, Marguerite de Vienne, dame de Salins, sa sœur utérine renonça en sa faveur tout ce qu'elle pouvait prétendre en la baronnie de Bourbon.

En avril 1217, Archambaud de Dampierre, sire de Bourbon reconnaît qu'il n'y a qu'un droit viager sur la connétablie de Champagne. Le 8 novembre 1226, Archambaud de Bourbon s'associe à de nombreux barons dont les comtes de Boulogne et de Blois et prélats dont les archevêques Simon de Bourges et Gautier de Sens en annonçant au comte Thibaud de Champagne que, selon la charte du 3 courant, le roi Louis VIII, gravement malade leur avait fait jurer que, s'il venait à mourir, ils feront hommage à son fils Louis et le front couronner le plus tôt possible. Les seigneurs annoncent également que Louis IX sera couronné à Reims dimanche 29 courant et prient Thibaut de se trouver en personne à cette cérémonie.

Dans un acte du 30 mai 1228, le comte Thibaut fait connaître les clauses du contrat de mariage d'Archambaud, fils aîné d'Archambaud, seigneur de Bourbon, et d'Yolande, fille de feu Gui de Châtillon, et nièce de Hugues de Châtillon, fils du feu comte de Saint-Pol. Archambaud, seigneur de Bourbon, a donné à Hugues 5.000 livres tournois et lui en a prêté 5.000 autres. Puis, Hugues de Châtillon déclare que Thiabut s'est porté caution d'une dette de 5.000 livres tournois, contractée par ledit Hugues, envers Archambaud et Hugues garantira Thibaut de tous dommages.

En mars 1223, Robert, évêque de Troyes, fait connaître les conventions conclues entre Thibaut et Archambaud, seigneur de Bourbon, lors du mariage de Thibaut avec Marguerite, fille d'Archambaud. Thibaut constitue un douaire à Marguerite, Archambaud lui donne en mariage 36.000 livres . Dans un acte du 22 septembre 1232, Archambaud, seigneur de Bourbon, reconnaît devoir à Thibault 36.000 livres parisis qu'il donne en mariage à Marguerite, sa fille, femme dudit Thibaut. Plusieurs seigneurs donnent caution : Mathieu de Touquin cautionne Archambaud jusqu'à concurrence de 2.000 livres , Jean de Coucy jusqu'à 2.000 livres , Guignes, comte de Nevers et Mahaut sa femme jusqu'à 2.000 livres , Anseric de Toucy jusqu'à 1.000 livres , Gui de Dampierre jusqu'à 1.000 livres , Philippe de Nanteuil jusqu'à 1.000 livres , Guillaume de Lezinnes, maréchal de Champagne jusqu'à 400 livres , Jean de Thourotte jusqu'à 400 livres . Le lendemain, Archambaud de Bourbon s'engage à fournir de nouvelles cautions dont il lui donne la liste. Cette liste indique la somme pour laquelle chacune de ces cautions devra s'obliger. En septembre 1232, Thibaut ayant épousé Marguerite, fille d'Archambaud de Bourbon, fait connaître les conditions auxquelles il doit recevoir les 36.000 livres qu'Archambaud donne en mariage à sa fille. De cette union allait naître Henri le Gros, comte de Champagne et roi de Navarre (1244-1274) dont la fille Jeanne de Champagne (1271-1305) devint reine de France en épousant Philippe le Bel. Ainsi Isabel de Montlhéry fut l'ancêtre des derniers rois capétiens de la branche directe (Louis X le Hutin, Philippe V le Long, et Charles IV le Bel).

Le 3 juin 1238, Dreux de Mello, seigneur de Loches et de Mayenne, caution des 36.000 livres dues à Thibaut par Archambaud de Bourbon, déclare que, malgré le paiement déjà effectué de 21.000 livres , ce cautionnement subsiste. Dreux de Mello restera obligé jusqu'à paiement intégral. En septembre, Thibaut ayant épousé Marguerite, fille d'Archambaud, fait connaître les conditions auxquelles il doit recevoir les 36.000 livres données par le sire de Bourbon. En novembre, Gautier, archevêque de Sens, confirme les conventions entre Thibaut et Archambaud.

 

 

Notes

(1) M.-J.-J. Brial, Recueil des historiens des Gaules et de la France , t. XVII (Impr. Royale, Paris, 1818).

(2) Anselme de Sainte-Marie, Histoire généalogique et chronologique de la maison royale de France , vol. 3 (Cie des Libraires, Paris, 1733).

(3) André Duchesne, Histoire généalogique de la maison royale de Dreux et de quelques autres familles (chez Sébastien Cramoisy, Paris, 1631).

(4) R. Germain, Les sires de Bourbon et le pouvoir : de la seigneurie à la principauté , Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes, vol. 23 (1992) pp. 195-210.

(5) Le Nain de Tillemont, Vie de Saint-Louis, roi de France , t. III (chez J. Renouard, Paris, 1848).

(6) Pour connaître les moindres détails de ces évènements, le lecteur est invité à consulter l' Histoire de Belgique depuis les temps primitifs par Théodore Juste (Bruylant et Cie, éditeurs, Bruxelles, 1868).

(7) Blanche de Navarre, fille de Sanche VI de Navarre et de Sancha de Castille , née en 1177, morte en 1229, fut comtesse de Champagne par son mariage, en 1199, avec Thibaut III de Champagne. Leur fils Thibaut IV dit le chansonnier (30 mai 1201-14 juillet 1253, fut l'un des grands seigneurs de son temps en succédant, en 1234, à son oncle sur le trône de Navarre (il participa à la bataille de Bouvines à l'âge de 13 ans).

8) Ermengarde de Mouchy, femme de Guillaume 1er de Dampierre, était la fille de Dreux III de Mouchy, seigneur de Mouchy-le-Châtel-en-Beauvaisis et d'Edith de Warenne. Devenu veuve en 1162, elle se remarie avec Dreux IV, seigneur de Mello, Saint-Bris et Baulche, qui devint connétable de France en 1194. De cette union sont issus Guillaume 1er de Mello, Dreux V de Mello, et Agnès de Mello, qui furent ainsi les demi-frères et demi-sœur de Gui II de Dampierre et les oncles et tante de Guillaume II de Dampierre. Dreux V de Mello avait épousé, avant 1216, Isabelle, l'aînée des filles de Juhel III de Mayenne.

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