La succession de Jehan de Baillon |
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Chronique du Vieux Marcoussy --Marcoussis--------------- --------------------------------- Décembre 2008 JP. Dagnot
Nous avons quitté Janvry en 1567 lors du décès subit de Jehan de Baillon. La succession du défunt va engendrer de multiples problèmes vu le nombre de ses biens et de ses engagements. De plus pour compliquer les choses, il a eu deux épouses et une nombreuse progéniture.
Marie de Hacqueville, dame de Janvry Dès le décès de son époux, sa veuve fait procéder à l'inventaire de leurs biens. L'inventaire commence à Paris en présence d'un serviteur et d'une chambrière. Passons sur les détails, le document comprend une centaine de pages. Notons pour la petite histoire, trouvé à Paris : On quitte Paris pour se rendre à Verrières, en l'hostel à étage avec jardin, première résidence secondaire. Nous arrivons enfin à la région qui nous intéresse, à Janvris en la maison seigneuriale, les biens sont montrés par Marie de Hacqueville et par Foullon, concierge dudit hostel. On commence par le bois de chauffage, six voyes de boys de corde... Arrêtons nous uniquement sur la description des lieux au cour de l'inventaire: L'inventaire se poursuit à la ferme d'Invilliers prez Janvris où se trouve du bétail appartenant au défunt. Puis "au chasteau Dolainville", paroisse de Bruyères. Enfin à la ferme de Marivaulx, la première demeure des époux . De cette énumération, il apparaît qu'il n'y a aucune ambiguïté sur la demeure de Janvry ce n'est pas un château mais un hôtel avec douves, comportant une douzaine de pièces, et une basse-cour avec bâtiments pour les grains et les animaux. Ceci est confirmé par le terme "chasteau" employé pour Ollainville. On notera également le goût des tapisseries par le défunt qui représente une valeur analogue à celle de ses meubles, soit environ 2.000 lt. Dans un premier temps la veuve constitue ses procureurs Claude Hardy, et René Crespin, seigneur du Gast, son gendre, pour la représenter et plaider dans la succession du défunt.
Obtention de liquidités. Droits de succession Dès le décès, il est nécessaire d'obtenir des sommes importantes pour honorer les engagements du deffunt et pour régler les droits de succession de l'époque, à savoir les droits de relief dus aux seigneurs dominants sur les biens qu'ils possèdent, tels que quint, requint ... Ont été relevés comme cessions: Les biens suivants sont vendus: Elle s'acquitte de ses devoirs seigneuriaux en mandatant Pierre de l'Estoile son second gendre, pour faire la foy et hommage qu'ils doivent porter à Messire Mathurin de Sabrevoyes, seigneur de Monceaux, pour raison du fief de Fresneau... Elle mandate également un procureur du cru pour les mêmes affaires, qui agira pour l'ensemble de la famille, à savoir Jehan de Baillon aagé de 10 ans, Michel aagé de 8 ans, & Charles aagé de 6 ans, enffans mineurs, René Crespin marié à Marie de Baillon, Pierre de l'Estoille mari d'Anne de Baillon, également ses filles. Il s'agit de Jehan Rousseau, bailly de Bruyères le Chastel & juge de Janvris, demeurant audit lieu, avec plain pouvoir & puissance pour plaider, ... concernant les fiefs de Janvris, la Brosse, Invilliers, Fresneaux, Mulleron , porter les foys & hommages, souffrances pour les mineurs, payer les droits de relief, demander main levée des saisies faute de devoirs non faits ...
Echanges avec Pierre de Ficte beau-frère de la dame de Janvry L'office de trésorier de l'épargne de Jehan de Baillon doit être transmis sans délai vu les sommes engagées. La transmission se fait en famille avec son beau-frère qui était déjà dans la place comme commis de son mari. Dès la fin 1568, la dame de Janvry échange également, en son nom et comme tutrice & curatrice de ses enfants mineurs avec le nouveau trésorier de l'épargne, seigneur de Soucy et en partie de Bruyères le Chastel, la maison de Fontainebleau. En contre-échange elle obtient des rentes lui assurant un revenu. Ce sont ces actes qui nous apprennent indirectement que la veuve s'est démise de l'office de trésorier de son mari. En effet les engagements de cet office dépassaient ses possibilités. Elle se sépare également de Bruyères et Ollainville qui n'étaient plus au niveau de ses moyens. Pierre de Ficte aura agi comme son défunt beau-frère, il sera passé de la place de commis à celle de trésorier de l'épargne. Sans entrer dans les détails, il procédera avec sa belle-soeur à un certain nombre d'échanges et de petites ventes qui permettront à la veuve de compléter ses revenus.
La vie au quotidien L'analyse de la veuve est sans ambiguïté, elle désire au mieux assurer la vie future de ses enfants en réalisant un repli sur Janvry et en défendant bec et ongle sa lignée. De ce fait, comme on vient de le voir, la vie parisienne est terminée, elle finalise un accord avec Guillaume son beau-fils représentant l'autre branche de la succession. A la suite de cette transaction elle dotera convenablement sa fille Anne et assurera ainsi à ses jeunes fils chacun un bien seigneurial et quelques revenus. Elle achète quelques menus biens à de petits propriétaires locaux et prête des sommes à notre fameux Thomas de Balsac, seigneur de la Roue, qui engagera sa seigneurie de Saint-Clerc de Gometz et même les biens de gens le connaissant et répondant pour lui. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir des démêlées avec ses voisins à qui elle a donné du bétail en garde. Six mois après le décès de son époux, elle constitue son procureur Claude Hardy pour plaider contre Jehan de Popincourt, boucher, concernant 54 moutons restant de la quantité de 80 par elle venduz à ce boucher lesdits estant sous sa garde, et qu'il les payerait au fur & à mesure .....quitte à faire emprisonnement de sa personne. Il faut également s'occuper de Verrières. La veuve loue les lieux en se réservant l'usage des chambres lors de passages. Il s'agit d'une maison granche estable court jardin avec terres. Pour autant elle ne néglige pas son personnel et obtient pour Marguerite de la Noue, aagée de 14 ans, demeurant à Janvris, l'apprentissage jusqu'à trois ans, avec Michelle La Flèche pour lui enseigner le mestier de lingère, habilement linge chausses soulliers moyennant dix livres tournois reçues d'un total de vingt. Afin de donner des biens exempts de rente, elle rachète 150 lt de rente à Denise de Pavy moyennant la somme de 1.800 lt de principal. Cette démarche libère la seigneurie de Fresneau et une ferme à Janvry.
Les conditions du partage Revenons à la famille. Guillaume est le seul enfant du premier lit, encore mineur au décès du père. Du second lit sont issus:quatre filles, trois qui seront mariées et une religieuse à Chantelou, et trois garçons, tous mineurs évidemment. Dès le décès on voit déjà les parties en présence. La mère agit en son nom que comme tutrice et ayant la garde de ses enfants mineurs non mariés. Son premier gendre René Crespin représente sa femme Marie de Baillon. Pierre Leclerc, père de la première femme du défunt, assure les intérêts de Guillaume son petit-fils. Comme on l'a vu ci-dessus, l'urgence première consiste à se défaire de la charge de trésorier de l'épargne, ce sera fait en famille en la cédant à son beau-frère Pierre de Ficte.
Partage avec Guillaume de Baillon Guillaume de Baillon, encore mineur, âgé de 24 ans, en tant que fils issu du premier lit réclame la moitié de tous les fiefs. Afin de mettre fin à un procès pendant devant le prévôt de Paris, intenté par la veuve pour avoir " délivrance de ses conventions matrimoniales", Guillaume se résout à accepter la terre et seigneurie d'Ollainville et les trois parts et portions qui furent & appartinrent à Jehan de la Rochette, les quatre faisant le tout de la moitié de la baronnye de Bruyères le Chastel. Cette transaction intervient par le biais de René Crespin qui représente également sa belle-mère et les mineurs. Il renonce à toute autre revendication et à l'apurement de sa tutelle. Il laisse également les dettes. A cette époque il a déjà la charge de maître ordinaire à la chambre des comptes, qu'il conservera sa vie durant. Relevons que l'entente entre le gendre et la belle-mère tient toujours. L'acte sera rédigé en juillet 1568, Guillaume est marié à Marie Séguier. Il revendra dès septembre sa part de Bruyères à son oncle par alliance, Pierre de Ficte. C'est ainsi qu'après cette vente:
Partage avec René Crespin son gendre En 1570, la dame de Janvris agit toujours pour ses enfants mineurs. L'entente avec son gendre, René Crespin, seigneur du Gast et maître des requêtes ordinaires de l'hôtel du roi, n'existe plus. Les parties sont brouillées, au motif de lestat de président au parlement de Bretaigne. La veuve dit que lestat de président au parlement de Bretaigne dudit seigneur du Gast qui s'était faict pourvoir avoit été donné par le roy à elle et ses enfants, héritiers dudit deffunt trésorier de l'épargne, en considération de son grand et notable service. Elle affirme que ledit Dugast ne pouvoit ni ne devoit prendre audit estat plus que lung de ses autres enfants, en ayant espouzé une de ses filles et à cette cause audit demandoit le surplus de la valleur dudit estat. Le gendre demande une part plus importante car il a développé cet office et pour cette raison prétend avoir plus grande part dudit estat que ne voulloit faire sa belle mère. Intervient alors un membre commun de la famille le seigneur de Soussy, Pierre de Ficte. Ce dernier devenu trésorier de l'épargne, beau-frère de la veuve et oncle de la femme de Crespin, agit comme médiateur et "pour éteindre le conflit et ramener l'amityé entre eulx, qui y devoit estre perpétuellement entre lesdites parties, suyvant l'advis du sr de Soussy, auroit esté accordé audit du Gast, ledit estat de président en baillant à sa belle mère 5.000 lt. Cette somme repésente la moitié de la valeur "l'estat". Pour indemniser sa belle-mère René Crespin constitue une rente de 1.200 lt pour régler en partie la transaction. La veuve renoue ses bonnes relations avec son gendre. En 1573, elle va jusqu'à hypothéquer ses terres et seigneuries de Janvris, Marivaulx, Fresneau et Invilliers, à hauteur de 6.000 livres dans un acte avec le seigneur de Marly. Néanmoins le président du parlement de Bretagne reconnaît dans un acte séparé la vérité, à savoir que c'est uniquement lui qui emprunte. Elle ira même une semaine plus tard jusqu'à l'autoriser à emprunter de nouveau en hypothéquant ses biens jusqu'à un principal de 12.000 livres.
Partage avec Pierre de l'Estoile son gendre Anne de Baillon naît à Paris en 1550. Au décès de son père âgée de 17 ans, sa mère va chercher à la marier. Ce sera fait en 1569, 18 mois plus tard avec Pierre de l'Estoile grand audiencier de France. Ce personnage est bien connu pour son livre de raison. En 1572, Pierre de l'Estoile, notaire & secrétaire du roy grant audiencier de sa chancellerie de Paris, et sa femme Anne de Baillon , vendent à Bénigne Le Ragois, aussi notaire & secrétaire du roy, 250 lt de rente sur la terre et seigneurie du froid cul en Beausse, moyennant 3.000 lt, qu'ils ont reçu en escus impérialles et de Flandre. Le bien fait partie des propres du mari. A quoi sert cette somme?
Repli de la veuve à Janvry L'hôtel parisien des Baillon vendu en 1572, Marie de Hacqueville s'installe à Janvry. Aussitôt elle rencontre Jehan Gallet, prestre curé dudit Janvris, doyen de Chateaufort. les intervenants sont en procès devant le prévost de Paris et messire des requestes du Pallais: L'année suivante, la dame de Genveris agit de même avec religieuse personne frère Jehan Ballin, bachelier en théologie, curé de Villevande & prieur de Brys, disant lesdites parties pour résoudre un appel aux requestes du palais, en raison du bail fait par ledit Ballain à ladite dame des dixmes et revenus du prieuré de Brys, que de la vente de quatre muys de grain, les parties transigent... Toujours la même année un procès-verbal de séparation de seigneuries est fait par devant Guillaume Bellesoeur notaire et greffier du baillage de Marcoussis, à la requeste de haut & puissant seigneur François de Balsac et haute & puissante dame Jacqueline de Rohan son épouse d'une part, et noble damoiselle Marie de Hacqueville veuve de noble homme Jean de Baillon, conseiller du roy, trésorier de son épargne, et dame de Janvry, Marivaux, Fresneau, Invilliers, la Brosse, Muleron & Chantecocq, ... laquelle n'avoit que le droit de moyenne & basse justice. Quand il le faut, elle se rend à Paris. Ainsi elle constitue un procureur pour plaider par devant messieurs des requestes du palais & partout ailleurs pour les héritages quy ont été saisi sur ung nommé Giroust. Il s'agit d'une succession vacante. Nous arrivons en 1574, et retrouvons dans les prisons de Montlhéry, Jehan Hervet? charpentier demeurant à Linois, estant de présent prisonnier et hors du guichet d'icelles, lequel s'oblige envers la demoiselle de Janvrys, à faire et parfaire à ses despens son moullin à vent de toutes choses, soit la (feuille coupée!)... que autre choses qu'il convient faire audit moullin tant dehors que dedans , sans aulcune chose reserver mesme de monter les meules et refaire ledit moullin ...rendre tournant moullan en bon et suffisant estat par dits gens se congnoissant dans le jour de la St Martin dyver, sans que ladite demoiselle soit tenu de payer aulcune chose pour faire et parfaire ledit moullin. Cet acte est le premier qui montre l'existence d'un moulin à vent à Janvry .
La même année, la veuve est citée dans l'aveu bien connu de Thomas de Balsac, pour plusieurs arrière fiefs que tient de présent damoiselle Marie de Hacqueville, assis à Janvriis, qui furent à Pierre Pillot escuier et à damoiselle Tassy sa femme de leur vivant demeurant à Janvriis, et depuis à maistre Pierre le Bègue & maistre Jehan le Bègue son fils et contient l'un des dits fiefs 17 sols. La veuve décèdera à Janvry en 1576, comme le décrit dans son livre de raison de Pierre de l'Estoille, d'un chancre qu'elle avoit au tétin. Malheureusement pour nous, son inventaire après décès n'a pu être retrouvé. Quelques mois plus tard, sa fille Madeleine confirme son désir de se retirer à l'abbaye de Chantelou: Madeleine agée de 19 ans, fille de Jehan & de Marie de Hacqueville sa seconde femme, laquelle déclare que des longs temps & auparavant le décès de ladite deffunte sa mère, elle auroit eu la volonté de vivre au service de Dieu en l'abbaye de Chantelou, où elle espère prendre l'habit pour en faire profession; en conséquence pour mettre en ordre ses affaires elle fait donnation entre vifs, à ses frères & soeurs, les biens venant des ses pères mère et de Marthe lesnée, Marthe la jeune et Marguerite ses soeurs décédées; c'est ainsi qu'elle donne à: Cet acte résume très bien la situation familiale, sa composition et le décès de ses soeurs.
Gestion et partage entre les mineurs Après la donation de Madeleine, les enfants mineurs sont mis sous la tutelle et curatelle de Guillaume de Baillon et Pierre de Lestoille. Guillaume de Baillon d'une part, et Yves Largentier demeurant à Troyes en Champagne, & Denise Fourgonneau sa femme d'autre part, lesquels pour faire & passer ce qui ensuit, c'est à savoir que le seigneur de Rouville avoit baillé à tiltre de ferme & prix d'argent du jourdhuy jusqu'à neuf ans, les lieux: Le même jour, nous retrouvons les mêmes intervenants qui s'échangent le bétail : chevaulx, moutons, vaches, grains et matériels pour les fermes, moyennant la somme de 4.378lt, soit près de trois ans de fermage de l'ensemble! Ce bail est une pièce importante. Il permet de décrire les bâtiments qui ressemblent déjà à ceux d'aujourd'hui: le manoir seigneurial, la ferme du château, la ferme face au château (Fresneau), la ferme de Fresneau, la ferme d'Invilliers. Relevons l'absence de Marivault qui a dû être réservé aux enfants mineurs. Les tuteurs mandatent également, Claude de Lagranière archer des gardes du roy, pour les mineurs ci-dessus, afin de présenter la souffrance des mineurs pour les foy & hommage, pour raison des fiefs de Mulleron & la Forest et mouvants dudit de Ficte à cause de son fief de Bruyères. En 1587 a lieu le partage des rentes et deniers comptants. Ce document (1), interdit de nos jours (état), permet de connaître le reste de la succession à faire entre Charles, Michel, Jean et Geneviève de Baillon: Nous verrons la vie de ces enfants dans une prochaine chronique "Les enfants de Jehan de Baillon" .
Notes (1) Extrait de la thèse de Gentien Bimbenet "Une famille de la robe parisienne au XVIe siècle".
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