Le prieuré Notre-Dame de Longpont XIX. L'annexe parisienne (2) |
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Chronique du Vieux Marcoussy ------------------------------------- _------------------------- ------ Mai 2011 Plan de Vassalieu dit Nicolay (1609). 1. Notre-Dame – 2 St-Julien le Pauvre – 3. le Petit Châtelet - 4. place Maubert – 5. rue Saint-Jacques – 6. Saint-Séverin – 7. Hôtel-Dieu.
C. Julien
Cette chronique relate la deuxième partie de l'histoire du prieuré Saint-Julien le Pauvre, l'annexe parisienne du prieuré clunisien Longpont. Ce texte est le dix-neuvième volet de la série des textes qui exposent le temporel du prieuré Notre-Dame de Longpont, monastère de l'Ordre de Cluny. Nous avons appris que l'église Saint-Julien-le-Pauvre, située à l'extérieur de la première enceinte de Paris, avait été reçu par Longpont au commencement du XIIe siècle. Dès la réception de ce sanctuaire, un prieuré fut fondé avec un nombre considérable de moines, près d'une cinquantaine pour reconstruire l'église et bâtir l'enclos prieural dont l'importance apparaît sur les plans du XVIe siècle.
Saint-Julien le Pauvre au XIIIe siècle Sous Philippe-Auguste, vers 1207, Garnier de Saint-Lazare et Agnès sa femme donnèrent à l'église Saint-Symphorien, qui venait d'être cédée à l'évêque de Paris, une maison située devant Saint-Julien-le-Pauvre, et quatre arpents de vignes. En 1211, une sentence est rendue pour les religieux et prieur de Saint-Julien-le-Pauvre dépendant du prieuré de Longpont, d'une part, et l'archiprêtre curé de Saint-Séverin, touchant les différends entre eux pour l'entretien de la chapelle Saint-Blaise du côté de la rue Galande, pour les annuels et legs faits par les paroissiens de Saint-Séverin au prieur de Saint-Julien. Une reconnaissance est passée en 1220 par Martin l'Hostiaire de quarante sols parisis de rente envers Saint-Julien-le-Pauvre, sur une maison à luy appartenant du côté de Saint-Cosme et Saint-Damien, tenant au cimetière des juifs ; ladite reconnaissance passé devant l'official de Paris (1). En mars 1223 (1224 n.s.), le prieur de Saint-Julien le Pauvre donne des lettres pour la vente par le chevalier Eudes de Vernouillet à Roger Comin, moyennant 12 livres parisis, d'un clos de vigne situé dans la censive de Saint-Julien, ayant appartenu au chevalier Philippe de Saint-Paul. « Ego prior Sancti Juliani Parisiensis notum facio omnibus presentem paginam inspêcturis quod Odo de Vernoilet miles et Margarita uxor ejus vendiderunt Rogero Comin clausum vinearum, quod fuit defuncti Philippi de Sancto Paulo militis, patris Margarite predicte, uxoris Odonis militis de Vernoilet, pro sexties vinginti libris parisiensium ad IIIIor solidos et III s. de censu, e quibus debentur Sancto Juliano XIII den. et ob. a dicto Rogero et ejus heredibus libere et quiete in perpetuum possidendeum. Hujus rei plegii et grandiatores, fide prestita, sunt sub penan X librarum Milo, miles de Erouer, et Petronilla uxor ejus, et Petrus, miles de Monterol. Quod ut ratum et indiscussum permaneat, presentem feci paginam mei sigilli testimonio confirmari. Actum anno gratie millesimo CC°XXIII°, mense martio ». Voici une traduction sommaire. « Moi, prieur de Saint-Julien de Paris nous faisons savoir à tous ceux que ces lettres liront qu'Eudes de Vernouillet, chevalier, et sa femme Marguerite ont vendu à Roger Comin le clos de vigne qui venait de feu Philippe de Saint-Paul, chevalier, père de la susdite Marguerite, femme d'Eudes chevalier de Vernouillet pour la somme de six vingt (120) livres parisis chargé de quatre sols et trois sols de cens dont 13 deniers et obole envers l'église de Saint-Julien, que ledit Roger et ses héritiers possédait librement en toute quiétude à perpétuité. De cette chose, les plèges et gens de confiance sont, sous peine d'amende de dix livres, Milon de Erouer, chevalier, et Pétronille sa femme et Pierre de Montreuil, chevalier. Afin que le présent acte soit ferme et permanent, j'appose mon scel en témoignage. Donné en l'an de grâce 1223, au mois de mars ». Une reconnaissance de bail à cens est passée en 1229 par Simon, dit l'Apostolique, pour une maison, située à Paris, au haut de Charonne, tenant et aboutissant, etc., chargée de quatre deniers de chef-cens envers l'église de Saint-Julien-le-Pauvre. En mai de la même année, un titre nouvel est déclaré par Martin l'Hôtelier au prieuré de Saint-Julien pour une maison sise à Paris près du cimetière des juifs chargée de quarante sols parisis de cens. En mai 1255, les lettres de l'official de Paris confirme la vente faite par Jean de Saint-Magloire, bourreau de l'évêque de Paris « carnifex domini episcopi Parisiensis » et sa femme Sulpice à Guillaume de Chartres, chanoine de Saint Quentin, moyennant 240 livres parisis, d'une maison rue du Sablon, dans la censive de Saint-Julien-le-Pauvre chargée de 50 sols de cens « de domo empta ad apud istius domus, in vico Sabuli, pro qua debentur Sancto Juliano Pauperi L solidis ». La vente comporte également un terrain derrière la maison situé dans la censive de Saint-Germain-des-Prés et chargé envers cette abbaye d'un denier de cens. Les vendeurs déclarent délaisser, céder et transporter, selon les us et coutume de France sous peine d'une amende de dix livres parisis en cas de non-respect. Par les lettres du mois d'avril 1263, nous apprenons que le prieuré de Saint-Julien possédait des héritages dans l'île de la Cité. Sous le sceau de Jean de Samois, trésorier du monastère de Saint-Germain des Prés, les lettres d'amortissement sont données aux administrateurs et frères de l'Hôtel-Dieu de Paris par Raymond de Clermont, chanoine de Paris « magistro Remondo de Claromonte », pour la propriété de deux maisons situées à Paris, en la Cité , dans la censive de la trésorerie de Saint-Germain des Prés, à la charge de six sous parisis de chef-cens et de soixante sous parisis de rente annuelle et perpétuelle envers le trésorier de Saint-Germain des Prés. Ces deux biens sont situés rue Colambe « in vico Colambe », près des murs du cloître Notre-Dame, contiguës de la maison de l'église Saint-Julien le Pauvre « Sancti Juliani Pauperis Parisiensis » d'une part et à celle de défunt Foulques de Roset, d'autre part (charte LIV du cartulaire C de l'Hôtel-Dieu de Paris). Dans la première moitié du XIIIe siècle, une notice portant cession à l'Hôtel-Dieu est donnée par Landry, prieur de Longpont de 1136 à 1140 environ, d'une maison sise en la censive de Saint-Julien-le-Pauvre (charte CXLIX du cartulaire B de l'Hôtel-Dieu de Paris). « Notum sit presentibus et futuris quod domnus Landricus, prior de Longoponte, rogatu tocius capituli Parisiensis ecclesie, domum unam, ecclesie Beati Juliani censualem. Domui Dei perpetuo concessit habendam, salvo tamen ipsius ecclesie jure consueto, ea videlicet condicione ut, si forte contingeret ecclesie de Longoponte vel Beato Juliano donari domum vel aliud aliquid quod ad jus Domus Dei pertinet, consuetudinaro jure excepto, ecclesia Beate Marie vel Sancti Juliani similiter libere ac quicte possideret ». Cotes contemporaines au dos : « De domo in vico Sabuli concessa nobis a priore Sancti Juliano Pauperis in manu morte – De censu Sancti Juliani de domo Aude – De domo defunte Aude - Scripta est ». Voici une traduction sommaire « Nous faisons savoir tant aux présents qu'aux futurs que le seigneur Landry, prieur de Longpont, à la demande du chapitre de Paris, nous concédons à perpétuité une maison située dans la censive de l'église Saint-Julien à l'Hôtel Dieu, toutefois tout en conservant la coutume, c'est-à-dire à condition, si d'aventure, l'église de Longpont ou bien celle de Saint-Julien fasse le don pieux de cette maison et qu'elle revienne à l'Hôtel-Dieu, nous la concédons à juste titre à moins que l'église de Longpont ou celle de Saint-Julien retire à tout instant ce qu'elle possède librement. La maison de la rue du Sablon est cédée en mainmorte par nous prieur de Saint-Julien-le-Pauvre. La maison de Aude dans la censive de Saint-Julien. La maison de feue Aude ». En 1271, Guillaume de Charlieu, prieur de Saint-Julien est enterré dans l'église de Longpont. La concession d'inhumation dans l'église avait été accordée par le pape Alexandre IV en 1261. Le 13 juin 1266, l'an second de son pontificat le pape Clément VI donne, de Viterbe, des lettres pour régler le différend entre l'évêque de Paris et les églises parisiennes. Il exhorte le doyen, le trésorier et l'official du diocèse de Saint-Malo à s'accorder et s'unir derrière les sentences des chanoines qui ont été prononcées entre l'évêque de Paris, d'une part et l'abbé de Sainte-Geneviève, le prieur de Saint-Martin des Champs, de Saint-Denis de la Châtres , de Saint-Julien-le-Pauvre, tous de l'ordre de Cluny, les maître et frères de l'Hôpital de Jérusalem, d'autre part, pour la célébration de l'office divin au temps de l'interdit dudit évêque l'interdit à toutes les églises de Paris.
La richesse de Saint-Julien-le-Pauvre Pour plusieurs raisons, le Moyen Âge est une période de grande richesse pour Saint-Julien-le-Pauvre. Nous venons de voir que le prieuré avait rang de seigneurie ecclésiastique et possédait une censive dans l'île de la Cité , avec des maisons près du cloître Notre-Dame et des biens rue du Sablon, alors que depuis le début du XIIIe siècle, Saint-Julien se trouvait sur la rive gauche, à l'intérieur de la nouvelle enceinte construite par Philippe-Auguste. Économiquement parlant, les prieurés du réseau régional de Longpont étaient avant tout des exploitations rurales en pays du Hurepoix. Bien évidemment, il en était autrement sur les bords de la Seine , en plein quartier latin. Du XIIIe au XVIe siècle, le prieuré Saint-Julien-le-Pauvre allait jouer un rôle important comme centre estudiantin. En dehors de la première enceinte de Paris, l'enclos prieural comprend alors l'église, des bâtiments conventuels et le cimetière adossé au chevet. D'une part, sa situation sur la route de Saint-Jacques de Compostelle, est incontestablement un facteur de prospérité. Saint-Julien est le patron des voyageurs. Les moines vendent le fameux guide publié par l'abbaye de Cluny et donnent des conseils aux pèlerins qui se préparent au long voyage. D'autre part, la fortune de Saint-Julien est due à son emplacement entre l'Église cathédrale et l'Université qui avait reçue, en 1200, sa charte officielle des mains du roi Philippe Auguste. Le prieuré abritait des étudiants et notamment ceux de la faculté des Arts qui était située rue du Fouarre, à l'est de l'enclos de Saint-Julien. Le poète Dante mentionne la rue dans son Paradiso , et selon la tradition populaire, il étudiait à l'université et venait prier à Saint-Julien qui était la paroisse des maîtres et des étudiants. Saint-Julien accueille également des corporations de marchands de papier, des fondeurs d'acier et des couvreurs en tuiles sous le nom de Confraternité de Notre-Dame-des-Vertus . À côté de Saint-Julien le Pauvre était située la chapelle de Saint-Blaise et de Saint-Louis qui en dépendait. Les maçons et les charpentiers établirent dans la petite chapelle leur confrérie en 1476. Rebâtie en 1684, elle fut démolie avec une entrée du côté de la rue Garlande. Le prieuré Saint-Julien possédait 28 maisons sur les quatre rues formant l'enclos prieural : rue Garlande, rue du Fouarre, rue de la Bucherie et rue Saint-Julien-le-Pauvre. Principales sources de revenus, ces immeubles étaient loués aux étudiants et aux facultés. Parmi les universitaires qui fréquentèrent Saint-Julien, on compte des noms prestigieux : Albert le Grand, Saint Thomas d'Aquin, Pétrarque, Villon et Rabelais.
Saint-Julien et l'Université La fortune de Saint-Julien est due à son emplacement entre l'Église cathédrale et l'Université qui avait reçu, en 1200, sa charte officielle des mains du roi Philippe Auguste. Jusqu'alors les écoles formaient une annexe de la cathédrale Notre-Dame. Au XIIe siècle, le pouvoir royal décida de transférer l'école de la cathédrale qui, d'une part, était devenue trop petite pour le nombre des étudiants et d'autre part, par le tumulte des étudiants, causait des troubles au Chapitre. On a pris soin d'éloigner les écoles et de fonder l'Université sous le nom d 'Universitas parisiensis magistrorum et scholarum , en l'installant sur les terrains qui venaient d'être annexés à la cité par la construction de la nouvelle enceinte dite « enceinte de Philippe Auguste » (2). Dès lors, le prieuré de Saint-Julien-le-Pauvre s'enorgueillit d'avoir été le premier siège des assemblées de l'université et d'accueillir la faculté des Arts, faculté généraliste de l'ancienne université de Paris. Le prieuré abritait des étudiants et notamment ceux de la faculté des Arts qui était située rue du Fouarre, à l'est de l'enclos de Saint-Julien. Le poète Dante mentionne la rue dans son Paradiso , et selon la tradition populaire, il étudiait à l'université et venait prier à Saint-Julien qui était la paroisse des maîtres et des étudiants. Au sein de la faculté des arts existaient quatre groupements appelés « nations » : de Normandie, de Picardie, d'Angleterre puis d'Allemagne et celle de France. Ces nations étaient elles-mêmes subdivisées en diocèses. Chaque gradué, chaque officier des différentes facultés possédait un costume déterminé : les maîtres ès arts , en robe noire. Outre son rôle de centre religieux, Saint-Julien était utilisé comme salle de classe. Les assemblées de l'Université de Paris se tiennent dans l'église. Le recteur y est élu. C'est le vendredi de l'Ascension 1288 que la première assemblée est tenue à Saint-Julien. Au milieu du XIIIe siècle survint une chicane entre les maîtres et étudiants de l'Université et les Dominicains à propos des chaires de théologie. Un décret de l'an 1252 réduisit à une seule chaire publique de théologie dans chaque collège de réguliers. Les Dominicains se crurent lésés et refusèrent d'obéir. Il survint un incident qui donna lieu aux deux partis « de porter les choses à l'extrême ». Le Carême était destiné par la discipline scholastique à un genre d'exercices nommé Determinantes qui était un acte public dans lequel les aspirants au baccalauréat ès Arts, donc les écoliers hébergés à Saint-Julien-le-Pauvre, expliquaient quelque matière de logique. Il arriva dans le carême de l'an 1253 que les écoliers prirent querelle avec quelques bourgeois. La garde accourt et tue un écolier, les autres menés en prison. L'Université demanda justice en vertu des bulles de privilèges accordées par les papes. C'est alors que les Dominicains entrèrent dans la chicane, répandant la calomnie. L'Université implora la protection des prélats pour que « l'Église Universelle s'intéresse à sa cause ». La lettre de l'Université aux prélats est datée, pour le lieu, de l'église de Saint-Julien-le-Pauvre, où se tenaient alors les assemblées générales, et pour le temps, de l'an 1253, premier mercredi après la fête de la Purification de la Saint Vierge , c'est-à-dire le 4 février 1254 (3). À la fin du Moyen Âge, l'Université s'installa du côté de la montagne Sainte-Geneviève et délaissa Saint-Julien qui entra en déclin. Alors qu'il avait achevé de reconquérir la Guyenne sur les Anglais, en l'an 1453, s'éleva une chicane entre l'évêque de Paris et l'Université, le premier voulait une action de grâce avec un prédicateur que lui refusait l'Université. Le doyen de théologie et le chancelier furent cités devant la faculté des Arts assemblée à Saint-Julien-le-Pauvre. Thomas de Courcelles vint porter la parole pour faire des excuses. C'en était assez pour l'Université d'être en guerre avec l'évêque de Paris. Bientôt elle se trouva commise encore avec le Parlement. En septembre 1491, le pape Innocent VIII décide d'imposer la décime aux membres de l'Université, afin de subvenir aux dépenses de la Ligue contre les Turcs. Le 13 septembre, l'Université fit appel qui fut rejeté par le recteur Guillaume Capel en proclamant le privilège propre d'exemption. Une négociation s'entama entre Tristan de Salazar, archevêque de Sens, et Robert des Vaux, syndic de l'Université. Dans l'assemblée du 21 novembre, il fut porté des plaintes contre les maîtres qui enseignaient au-delà des ponts. Une assemblée de la faculté des Arts fut encore convoquée deux jours après à Saint-Julien-le-Pauvre pour porter secours à un messager de la Nation de Picardie qui avait été insulté et dépouillé. Le 11 mai 1474, la faculté des Arts s'assembla à S. Julien le Pauvre, pour dresser un règlement de discipline sur plusieurs chefs. Voici ce que contient la délibération de la Nation de France. Elle veut premièrement que ceux qui troublent les élections des recteurs ou procureurs par des clameurs tumultueuses, soient punis selon la forme et teneur du statut d'Estouteville. En second lieu elle prononce la peine de privation des droits du corps contre ceux qui vendent ou achètent les suffrages dans les mêmes élections. Le troisième article regarde les examinateurs pour la licence ès Arts, que la nouvelle ordonnance du roi, en dérogeant aux règlements antérieurs, permettait aux chanceliers de continuer au-delà d'un an: des députés sont chargés de discuter la question de l'utilité ou des inconvénients du changement. Enfin les régents qui n'enseignent point dans la rue du Fouarre, ainsi que ceux qui enseignent au-delà des ponts, sont exclus des distributions qui se font au collège de Navarre, des repas de la Nation , comme n'étant point vrais régents. On excepte de cette loi les régents d'honneur. Selon Sauval (Antiquités de Paris, II, 622), les écoliers étaient dans l'usage, le jour de saint Nicolas, leur patron, de dresser des théâtres dans leurs collèges, pour y représenter quelques jeux ou quelques scènes appelées soties ou moralités . Jusqu'en 1488, les écoliers n'ont pas laissé de passer les quatre fêtes des Rois, de la saint Martin, de sainte Catherine et de saint Nicolas, en farces, en danses et en symphonies déshonnêtes ; si bien qu'alors ne pouvant plus souffrir de tels abus les Quatre-nations, assemblées à Saint-Julien-le-Pauvre, et la faculté des arts y donnèrent ordre, commandant aux écoliers d'aller à l'église ces jours-là, d'entendre le service et d'étudier de même que les dimanches, hormis qu'après les vêpres ils auraient deux ou trois heures à eux pour jouer et passer le temps à des divertissements honnêtes. Tout écolier, qui y contreviendrait, serait fouetté nu sur le dos par tous les régents dans la salle du collège, au son de la cloche, en présence du recteur, du procureur et de tous les écoliers.
Le scandale de 1524 L'année 1524 fut fertile en évènements à cause de la fondation proposée par François de Rohan, archevêque de Lyon, qui souhait s'assurer les prières du collège de Navarre en donnant 1.000 livres tournois à l'Université à condition « qu'elle feroit chanter pour lui chaque année à perpétuité, durant sa vie et après sa mort, au jour de S. François son patron, tout l'office des morts, vigiles et messe ». Voulant l'assistance de tous les docteurs, il exclut les Artiens. Colère de ceux-ci. Le 22 avril, le projet fut lu dans l'assemblée de l'Université. L'affaire fut encore agitée le 21 mai sans qu'on pu convenir un arrangement. Enfin, le 26 juillet, la fondation fut acceptée, lésant les Artiens. Le scandale fut porté à son comble dans l'élection du recteur au mois de décembre 1524. Les écoliers firent un tel tumulte, malmenèrent si fort le mobilier, que le prieuré de Saint-Julien est désormais fermé aux réunions universitaires (4).
Au XVIe siècle, la tour portait une flèche avec la cloche qui réveillait les « escoliers de l'université ».
Le lieutenant criminel de Paris se transporta le 16 décembre au matin avec des sergents armés en l'église Saint-Julien-le-Pauvre, où devait se faire l'élection, d'abord des intrans , puis du recteur . Le candidat au rectorat, Louis Fabri, avait aussi ses gens d'armes « dont plusieurs n'étoient pas du corps de l'Université mais artisans méchaniques et vile populace » nous dit Crenier. Le tumulte fut tel que portes et fenêtres de l'église furent brisées. Il y eut apparence d'élection pour installer ledit Fabri, « l'indigne Recteur reçut la promesse de 25 écus, qui lui fut faite et garantie sur l'autel de saint Julien ». Pendant ce temps, les Artiens firent une autre élection sur Jean Faverel. Un procès fut porté devant le Parlement. Le prieur de Longpont, de qui dépend l'église Saint-Julien-le-Pauvre, était intervenu dans la cause, demandant que les portes et fenêtres brisées fussent réparées, et qu'un autre lieu soit assigné pour les assemblées qui regardent l'élection du recteur. Le Parlement ordonna les réparations, et il marqua des lieux différents et propres à chaque nation, pour les délibérations sur le choix des intrans , laissant au reste subsister l'usage où était la faculté des Arts de s'assembler pour l'élection du recteur dans l'église Saint-Julien-le-Pauvre. Cet arrêt était encore observé un siècle plus tard. Dans l'assemblée du 10 octobre 1540, le recteur qui y présidait voyant le tumulte croître à l'excès et ayant pris le parti de se retirer sans rien terminer, le procureur de la Nation de France, suivant l'usage prit la place du recteur, présida la faculté des Arts à Saint-Julien-le-Pauvre, et fit l'élection, qui par l'évènement fut jugée la plus régulière. Au mois de mars 1541 les troubles recommencèrent. Quoiqu'un conseiller au Châtelet assisté de deux huissiers se fût transporté par ordre du parlement à Saint-Julien-le-Pauvre, pour modérer l'assemblée, et y maintenir la tranquillité et le bon ordre, la brigue fut si ouverte, la violence poussée si loin, que l'élection qui intervint ne put subsister. À la poursuite d'un suppôt de l'Université, Espagnol de naissance, qui avait aspiré au rectorat, elle fut cassée par arrêt du 24 mai, sans flétrissure néanmoins pour le recteur élu, qui fut expressément mis à l'abri de toute note d'infamie ou d'incapacité. Les amis de Beaumont, c'était le nom de ce recteur, profitèrent de la liberté que leur laissait une pareille déclaration, et ils firent si bien qu'on le remit aussitôt en place. Il fut même continué au mois de juin. Le 5 mai 1542, fut lu dans l'assemblée des Artiens, à Saint-Julien-le-Pauvre, un projet de règlement pour ladite faculté : « le temps d'entrée des classes est à huit heures pour le matin et trois heures pour l'après-dînée », défense de faire des leçons publiques dans les collèges qui ne sont pas « fameux ». Le 23 juin 1543, le recteur Pierre Galland proposa d'écouter la durée des cours de philosophie. La chose fut proposée à l'assemblée à Saint-Julien-le-Pauvre le 6 juillet et Nicolas Martinbos, qui avait été recteur trois ans auparavant, appuya le projet par un discours préparé. Après avoir établi le droit qu'a la faculté des Arts de se donner des lois, et de se réformer elle-même, comme font suivant le besoin les autres facultés, il allégua l'exemple des Ordres réguliers, qui renfermaient l'étude de la philosophie dans l'espace de deux ans et demi, et qui n'avaient pas laissé de produire d'excellents philosophes, tels qu'Albert le Grand et saint Thomas. Il prouva que cet espace était suffisant en soi, depuis surtout que la renaissance des Lettres avait répandu et augmenté la lumière dans les esprits.
Le déclin de l'annexe du prieuré de Longpont Tout au long du XIVe siècle, nous assistons au déclin clunisien. Les chapitres généraux évoquent les conséquences « du passage des gens de guerre ». Tous les prieurés, quelle que soit leur implantation géographique, sont atteints. En 1383, la baisse des revenus des prieurés du réseau régional de Longpont approche les 40%. Suite à la guerre de Cent ans et aux épidémies de peste la population monacale est divisée par 3 pour tomber de 28 à 9 moines résidents en 1378. Il fallut relever les ruines et prendre de nouvelles dispositions de réorganisation des prieurés. Un premier mouvement s'amorça en 1437. Le prieur claustral de Longpont, Etienne Buret est un « homme de réforme » souvent sollicité par les définiteurs de Cluny. Les statuts de 1500 établis par l'abbé Jacques d'Amboise introduisirent la réforme martinienne (celle initiée par le prieur de Saint-Martin-des-Champs) à Longpont et dans ses dépendances. La tâche fut confiée à Jacques de Puyvivant, prieur de 1479 à 1511. Les frais occasionnés pour « introduire la réforme » à Longpont se montent à 200 livres . Le 23 juin 1548, noble et relligieuse personne frère... Hiésome de Ruyvinnault, prestre et administrateur de l'église et maison Monsieur Saint-Julien le Pauvre à Paris, membre déppendant du prieuré de Longpont, lequel baille à titre de loyer d'argent jusqu'à six ans, toutes et chacunes les dixmes de grain et vin et foings que le sieur bailleur à cause de ladite église et maison possède au village de Fresnes-les-Rungis, moyennant trente livres et six chappons. En 1562, pendant les guerres de religion, les moines de Longpont viennent se réfugier dans leur dépendance parisienne alors que le prince de Condé et ses Huguenots ravageaient le Hurepoix et saccagent l'église et les bâtiments conventuels de Longpont. Le temporel du prieuré est dans un tel état que le 28 novembre 1573 nous trouvons la résignation de « Messire Tanchu, clerc de Paris, avocat en Parlement, pourvu du prieuré N.-D. de Longpont au profit de Messire Lazare Coquely, clerc, conseiller audit Parlement ». Comme bien souvent, les affaires tournent mal et une dispute éclate entre les deux prélats qui s'affrontent devant le Grand Conseil qui « subroge Messire Lazare Coquely, assignataire du prieuré de Longpont à la poursuite du procès intenté par Messire Tanchu pourvu dudit prieuré, lequel l'a résigné audit sieur Coquely ». Il faut comprendre que le résignataire demande une indemnité compensatoire avant de déguerpir de Longpont. Le 29 mai 1568, discrette personne Messire Jehan de la Rue, prieur du prieuré Saint-Jullien-le-Pauvre , en cette ville de Paris grand vicaire de noble et discrette personne Messire Loys Dannet, prieur commendataire de l'église et prieuré Notre-Dame de Longpont, à cause de son prieuré, seigneur temporel dudit Longpont lesquels seigneurs Dannet et de la Rue se sont portés fort et honorable homme Jehan Gasse, marchand boucher bourgeois de Paris, lesquelles parties ont fait le bail jusqu'à six ans, à titre de ferme, c'est à savoir: Un cloche de Saint Julien baptisée en 1640 porte l'inscription : « MARIE SUIS NOMMÉ PAR M. JEAN BOURLON, CONSEILLEUR DU ROY ET GREFFIER EN SA CHAMBRE DES COMPTES, ET PAR DAME MARIE PAJOT, FEMME DE M. ALEXANDRE RETOURS, CONSEILLEUR DU ROY EN SON CONSEIL DE ÉTAT ET PRIVÉ, ET PRÉSIDANT DE LA COUR DES AYDES DE PARIS ET Ve DE BARTHÉLEMY TOUSSAINCT MOUSSIER GOUBERNEUR DE L'ÉGLISE DE CÉANS DELAUNAY ». Après la tourmente des guerres de religion, vint la Fronde , nouvelle guerre civile qui ruina le Hurepoix. Quelles furent les conséquences de la Fronde ? On peut penser, d'une part, que Longpont n'avait plus les moyens d'entretenir Saint-Julien-le-Pauvre qui avait perdu ses revenus, résultat du mouvement des facultés. Comme dans tous les établissements monastiques de France, la commende fut introduite à Saint-Julien-le-Pauvre dans le premier tiers du XVIe siècle en application du concordat de Bologne. De 1612 à 1643, Thiboust de Berry est le prieur servant à Saint-Julien. En 1655, le dernier prieur commendataire de Saint-Julien fut Pierre Meliand. Le régime de commande fut souvent attaqué car le blocage de tout effort est constaté menant les édifices à la ruine. En 1651, Pierre Meliand tenta la restauration de l'église qui menaçait ruine, mais faute de finances suffisantes, il se résolut à supprimer le portail gothique. Après la ruine de 1651, Longpont ne pouvait plus garder le prieuré Saint-Julien-le-Pauvre. Alors que l'Hôtel-Dieu voulait s'agrandir et acquérir une chapelle, ce fut l'occasion d'un échange entre les administrateurs de cet établissement et les moines de Longpont. L'acte fut signé à Paris le 25 avril 1655, on échangeait le prieuré parisien contre des biens situés principalement à Montlhéry (5). Le prieuré de Saint-Julien fut supprimé à cette époque pour devenir une simple chapelle de l'Hôtel-Dieu de Paris. À suivre…
Notes (1) A. Le Brun, L'Église St.-Julien-le-Pauvre d'après les Historiens et des Documents Inédits Tirés des Archives de l'Assistance Publique (Paris, 1889). (2) Des privilèges constituaient la personnalité légale de l'Université de Paris. Le pouvoir lui donna les moyens d'exercer son indépendance en l'affranchissant à la fois de la tutelle ecclésiastique exercée par l'évêque, et de la juridiction civile et criminelle exercée par le prévôt de Paris. L'immunité universitaire était née. (3) M. Crevier, Histoire de l'Université de Paris, depuis son origine jusqu'en l'année 1600 , tome I (chez Desaint et Saillant, Paris, 1761). (4) Après cet épisode, les assemblées se transportèrent rue Saint-Jacques dans l'église des Mathurins pour l'élection du recteur. (5) Cet échange permit au prieuré de Longpont d'étendre sa censive sur tout le terroir de Montlhéry au chantier du Pressoir-le-Roi, des Graviers, Patis de Biron, Mocquet, les Bezonnes, etc. Ces biens avaient été acquis au fil des achats et donations faites aux les frères et sœurs de l'Hôtel-Dieu de Paris.
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