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Les tableaux de l'église de Linas (2)

Cette chronique est le second volet de la présentation des tableaux remarquables de la collégiale Saint-Merry de Linas qui furent exposés lors de la cérémonie des vœux de la municipalité le 19 janvier 2013. Suite à la fermeture de l'église, ces tableaux déposés en réserve n'avaient pas été admirés par le public depuis dix-sept ans.

 

C.Julien Février 2013

 

L'église Saint-Merry de Linas par J.-V. Nicolle (aquarelle).

 

 

Saint Charles Borromée visitant les pestiférés

Charles Borromée (1538-1584), en italien Carlo Borromeo , était un évêque italien du XVIe siècle, cardinal de l'Église, artisan de la Réforme catholique. Le cardinal de Médicis est son oncle maternel, qui devint le pape Pie IV. Il n'avait guère que vingt-deux. ans, lorsque ce pape le fit cardinal (1560); il fut chargé, en cette qualité, de l'administration des Romagnes et de la marche d'Ancone, de la protection des nations étrangères, Portugal, Suisse et Pays-Bas, et de l'inspection générale des franciscains, des carmélites et des chevaliers de Malte. Son influence sur son oncle fit accélérer les travaux du concile de Trente, retardés par la résistance que la cour de Rome opposait aux mesures destinées à la réformer un peu elle-même.

Immédiatement après sa nomination comme archevêque de Milan en 1564, il se démit de toutes ses autres charges pour aller résider dans son diocèse. Il y donna l'exemple de toutes les vertus et rétablit partout la discipline. Artisan de la Contre réforme ordonnée au concile, Charles Borromée prit sa résidence à Milan et ouvrit un séminaire pour améliorer la formation des prêtres. Il restaura l'observance de la règle dans les couvents et fit fixer des grilles aux parloirs. Lors de la peste qui désola Milan en 1576, il accourut dans cette ville du fond de son diocèse, et bravant la contagion, porta partout des secours et des consolations. «  Pour éclairer, la chandelle doit se consumer  » disait saint Charles à ceux qui l'encourageaient au repos. Plusieurs guérisons miraculeuses eurent lieu sur son tombeau. Charles Borromée fut canonisé le 1er novembre 1610 par le pape Paul V. Il est fêté le 4 novembre (1).

 

Saint Charles Borromée visitant les pestiférés (artiste inconnu, XVIe s.).

 

Le tableau de l'église de Linas est une toile marouflée sur bois réalisée par artiste inconnu du XVIe siècle. Cette toile fut dérobée dans les années 1970 puis retrouvée par Interpol en Allemagne. Pendant le temps de sa disparition le tableau avait été restauré par le recéleur. Ce tableau représente l'archevêque de Milan bénissant les pauvres pestiférés, rappelant l'activité qu'il déploya pendant la famine de 1570 et la peste de 1576. L 'histoire a gardé une place remarquable de sa charité et son dévouement au cours de ces évènements.

Au temps où la peste sévissait à Milan, l'archevêque aliéna en faveur des malades le mobilier de sa maison, sans se réserver même un lit, et coucha dorénavant sur une planche nue. Les pestiférés eurent en lui un père dont la tendresse et le dévouement leur furent d'un merveilleux secours ; il les visitait assidûment, leur administrait les Sacrements de ses propres mains ce pendant que, s'interposant comme médiateur entre eux et le ciel, il s'abîmait dans la prière : on le vit présider des supplications publiques qu'il avait ordonnées, les pieds nus et en sang, la corde au cou, chargé d'une croix, s'offrant comme victime pour les péchés du peuple, s'évertuant à détourner la colère de Dieu.

Plusieurs tableaux ont le même thème que le tableau de Linas. Un tableau de l'église Saint-Maurice de Lille représente «  Saint Charles Borromée priant pour les malades de la peste  » par Jacques Van Oost Le Jeune (XVIIe s.). Un «  Saint Charles Borromée donnant la sainte communion à des pestiférés  » (XVIIIe s.) est exposé au musée de Dôle.

Le portrait de Saint Charles Borromée a été représenté par de nombreux artistes. Un «  Saint Charles Borromée  » peint par Orazio Borgianni en 1612 est accroché au mur de l'église Saint-Charles-des-Quatre-Fontaines à Rome. Un portait par Giovanni Figino est une huile sur toile. Agostino Bonisoli a représenté, en 1695, Charles Borromée et le duc Louis de Gonzague priant la Vierge (Musée de Mantoue). Un portrait de Saint Charles Borromée par Carlo Dulci (1659) est accroché au musée des Beaux-arts de Dijon. Il est encore visible sur une peinture du XVIIe siècle de l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Châtillon-Coligny et un portrait par Joseph Vaudechamp (XIXe s.) exposé au musée de Langres.

 

Détail du Martyre de saint Laurent (attribué à Pierre Paul Rubens).

 

Le Martyr de saint Laurent

Le Martyr de saint Laurent est une huile sur bois, support consistant en trois panneaux de chêne assemblés verticalement. Le tableau est une production d'après l'école de Pierre-Paul Rubens (XVIIe siècle).

Laurent, diacre du pape Sixte II, vivait au IIIe siècle. Avant d'être décapité à Rome en 258, ce pape avait confié à Laurent la mission de distribuer aux pauvres les richesses de l'Eglise. Ce qu'il fit immédiatement. Mais le préfet de Rome le somma de restituer les richesses distribuées. À quoi Laurent répondit en rassemblant les pauvres : «  Voici les trésors demandés. L'Eglise n'a pas d'autres richesses !  » Laurent, sera arrêté par la police impériale alors qu'ils célébrait l'Eucharistie le 6 août 258, contrevenant ainsi aux édits promulgués par Valérien contre les catholiques en 257 et 258. Furieux le préfet le fit fouetter, torturer et le condamna à être grillé vif. La légende prétend que Laurent supporta le supplice sans broncher et que lorsqu'il fut bien rôti d'un côté, il dit à ses bourreaux : «  Je suis assez rôti de ce côté. Faites moi rôtir l'autre  ». On le célèbre le 10 août.

Les actes de saint Laurent, passion en grande partie légendaire, inspireront de nombreux artistes, poètes (Prudence) et prédicateurs. Ce texte nous apprend que le diacre, sommé par Valérien de lui livrer les richesses en sa possession, reviendra trois jours plus tard entouré de pauvres et d'infirmes, les véritables trésors de l'église. Laurent convertira un soldat au cours de son martyr, qui sera aussitôt exécuté. L'épisode du gril, sur lequel Laurent aurait péri, est légendaire (sans doute de sources phrygiennes). Les exécutions ne prenaient jamais cette forme à cette époque (D2).

Laurent sera souvent associé, en Orient, à Étienne et à Vincent de Saragosse, autre diacre espagnol. Le saint sera l'objet d'un culte exceptionnel dès l'époque de Constantin (église Saint-Laurent-hors-les murs à Rome). Philippe II, voulant célébrer sa victoire à Saint-Quentin (10 août 1557), consacrera au saint du jour le célèbre Escurial, à qui il donnera la forme d'un gril. On représente parfois Laurent portant une croix sur l'épaule droite, l'Evangile dans la main gauche, et marchant vers le gril chauffé sur un brasier. Un calice plein de pièces d'or évoque sa générosité. Des bourreaux ou des démons attisent le feu avec des soufflets (chapiteau du cloître de Moissac, vitraux des cathédrales de Bourges et de Poitiers, tympan de la cathédrale de Gênes). Laurent est aujourd'hui le patron de pauvres, des cuisiniers, des bibliothécaires et de des archivistes.

 

Le martyre de saint Laurent, huile sur toile par P.P. Rubens (XVIIe siècle).

 

Le martyre de saint Laurent a été représenté par plusieurs artistes. Le tableau du Los Angeles County Museum of Art est une scène moins cruelle que celui de l'église de Linas. Une femme prie pour le salut de Laurent. Le martyre est seulement représenté par un homme qui le déshabille et un jeune garçon portant du bois pour alimenter le gril. Une sculpture en marbre réalisée par le Bernin vers 1614 (coll. Bonacossi, Florence) montre le saint supplicié sur le gril.

Le tableau de Linas est identique à celui de l'ancienne Pinacothèque de Munich peinture flamande attribuée à Pierre-Paul Rubens. La scène, qui se passe devant un temple, la nuit à la lumière de flambeaux, montre le saint poussé sur le gril par les policiers romains dont plusieurs sont casqués. Tous sont tournés vers la victime avec des regards haineux. Le brasier est alimenté en bois par un homme agenouillé au premier plan. Un ange dépose une couronne de roses sur la tête du saint. Au milieu de ses horribles tourments, le saint martyr, sans faire entendre une plainte, pria jusqu'à son dernier soupir pour l'Eglise de Rome. Enfin, remarquons que dans le tableau de Linas la position de Laurent est identique à celle du tableau de Munich.

 

 

La Crucifixion

Le Christ en Croix de la collégiale Saint-Merry de Linas est une huile sur toile, tableau réalisé par le peintre Alexis Douillard au XIXe siècle. Cette œuvre était exposée dans la sacristie de l'église de Linas. La Crucifixion , partie du récit de la Passion du Christ est un thème permanent des artistes. Tous les peintres du quadracento s'y sont essayés. Parmi les représentations les plus connues citons : Andrea Mantegna (1457), Antenello da Messina (1475), Matthias Grünewald (1515), Raphaël (1502), El Greco (1600), Zurbaran (1627), Vélasquez (1632), Goya (1780), et plus récemment Picasso (1930) et Salvator Dali (1954). À lui seul, Zurbaran (1598-1664) composa une dizaine de toiles du Christ en Croix.

 

La Crucifixion (XIXe s.)

 

Selon le nouveau testament, Jésus-Christ fut condamné à mort par le préfet Ponce Pilate, à l'instigation des autorités juives et exécuté par le supplice de la croix. Jésus est crucifié sur le Golgotha à la « troisième heure du jour », c'est-à-dire à neuf heures. La tradition parle de quatre clous comme il est présenté le plus souvent sur les peintures. Les Évangiles ajoutent que la croix comportait, au-dessus de la tête de Jésus, l'inscription Iesus Nazarenus Rex Judaeorum « Jésus de Nazareth, roi des Juifs », c'est le INRI que l'on remarque souvent sur les tableaux de la Crucifixion. L'Évangile selon Jean précise que Pilate a rédigé cette inscription sur un écriteau «  titulus  », en trois langues : hébreu, latin et grec.

Le tableau de Linas est une composition austère, un ciel blafard avec un horizon d'un soleil levant. Dans cette représentation le peintre n'a pas figuré les personnages habituels de la Passion : Marie, Marie-Madeleine et saint Jean. On note également ni arbres, ni haies, ni plantes. Seuls au pied de la croix, les crânes symboles de la Passion du Christ. Dans ce tableau, l'impression de relief est peu saisissante. Contrairement à La Crucifixion de Vélasquez (peint vers 1630) la posture est moins raide et moins symétrique. Les pieds sont ici cloués séparément. La posture peut être assimilée à celle du Christ résigné «  Christus patiens  ». La souffrance semble dépassée et laisse place à un ultime songe de Résurrection, dernière pensée d'une vie promise dont le corps, non plus torturé mais déjà glorieux, se fait le signe.

La représentation traditionnelle de la crucifixion est celle du Christ dont la tête s'incline sur son épaule droite. Le Christ en croix d'Alexis Douillard est plus ressemblant à celui de Vélasquez qu'à celui de Zurbaran qui laisse retomber la tête plus sur la poitrine. Sur le tableau de Vélasquez, le titulus en trois langues a été représenté alors que la toile de Linas ne comporte que l'acronyme INRI. Le linge blanc, lumineux, qui ceint la taille est fortement noué sur les reins du Christ alors que certains artistes comme Zurbaran représente un linge, déjà baroque, qui tombe sur les cuisses. Le Christ de Linas ne présente aucune blessure au flanc droit bien que les peintres aient coutume de le représenter.

 

Détail du Christ en Croix par Vélasquez comportant le titulus en trois langues.

 

La Madone

La Madone ou Vierge à l'Enfant est un thème récurrent de l'art occidental chrétien en peinture et en sculpture religieuses, renvoyant à la Nativité du Christ et à la maternité de la Vierge. Les images de la Vierge et de son Enfant peuplent notre univers visuel, dans les églises, dans les musées.

 

La Madone (huile sur bois).

 

Le tableau de la collégiale de Linas est une huile sur bois représentant la Vierge à l'Enfant dans le style du XVIIe siècle. La composition rappelle celle du tableau de Léonard de Vinci (1478). Différentes critères permettent la classification des œuvres : l'axe des regards entre la mère et son enfant, les signes symboliques des doigts et mains du bébé, etc. Nous sommes en présence d'une La Madone lisant « Madonna leggente  » La Vierge tient un livre ouvert devant elle, tout en admirant ostensiblement l'Enfant qu'elle porte du côté droit. L'enfant pose sa main gauche sur l'épaule droite de Marie tandis que la main droite atteint le corsage. Cette posture ressemble à la composition de la «  Madone lisant  » chez Raphaël.

La Madone de Linas est une Vierge de tendresse, tête nue sans voile. La tête inclinée, elle pose son regard sur son enfant en l'entourant de son bras droit. Ce geste est interprété comme un signe de tendresse maternelle qui n'est esquissé par Marie que pour mieux émouvoir Jésus. Le fond lumineux du tableau renvoie au symbole de la lumière divine. Par ailleurs, la direction du regard renvoie à une théologie de l'icône : le regard souvent de biais des personnages conduit celui du spectateur vers un au-delà de l'image, vers l'invisible. La Vierge est assise ; elle protège un « délicieux enfant  » qui se déplace sur le bras maternel.

 

L'éducation de la Vierge (XVIIIe s.).

 

L'Éducation de la Vierge

Le tableau intitulé «  Éducation de la Vierge  » est une huile sur toile attribuée à un peintre anonyme du XVIIIe siècle, appartenant à un ensemble composé de l'autel, du tabernacle et du retable de l'église Saint-Merry de Linas.

La composition de ce tableau narre l'histoire de la vie de Marie. Assise sur une banquette, Anne, la mère de Marie et grand-mère de Jésus tient un parchemin déroulé sur sa robe et et l'offre au regard du spectateur. De la main droite, tenant une petite brindille, elle désigne le texte à sa fille debout à sa gauche, et son geste s'accompagne d'un regard presque soucieux. On devine des lignes sur le parchemin et un simulacre d'écriture. Marie regarde attentivement le parchemin, encouragée par Anne qui a posé sa main droite sur l'épaule de sa fille.

Les traits et les expressions des figures sont à la mode du XVIIIe siècle. Le visage doux de la mère, à sa coiffe de nonne aux plis bien marqués, s'accorde avec le visage lisse de la jeune fille, sa blondeur vénitienne et une coiffure sobre. Sur la droite, la servante Judith dispose un vase de fleurs sur une table recouverte d'une nappe rouge. Au second plan des arcades s'ouvrent sur un parc. La mère de la Vierge Marie était de la tribu de Juda et de la lignée royale de David. Anne et Joachim, son époux, étaient riches et possédaient de grands troupeaux. L'architecture du lieu témoigne cette richesse.

Sur les bases Mérimée et Palissy du Ministère de la Culture d'autres tableaux sont catalogués :
• la Vierge à l'Enfant avec saint Jean-Baptiste (premier quart du XVIIe s.).
• la sainte famille (deuxième quart du XIXe s.).
• un évêque protégeant les enfants des dangers de la débauche (troisième quart du XVIe s.).
• le Christ en jardinier apparaissant à Madeleine (peinture sur cuivre).
• Moïse sauvé des eaux.

Dans Les Environs de Paris Illustrés, Adolphe Joanne (Libr. Hachette, Paris, 1856, p. 718) marque : «  L'église de Linas renferme de nombreuses pierres tombales. On y a placé récemment une copie d'un tableau de Murillo (1846) ; et on peut y voir, dans la chambre du chapitre, trois tableaux provenant d'un ancien couvent. L'un de ces tableaux représente deux religieuses ; il porte la date de 1662, et on y lit le nom de Philippe de Champaigne  ».

 

 

Notes

(1) Charles Sylvain, Histoire de saint Charles Borromée, cardinal, archevêque de Milan, d'après sa correspondance et des documents inédits (Desclée, Lille, 1884).

(2) Notice du site Insecula .

(3) Le mot du Maire, Magasine d'Informations Municipales , N°182, janvier 2013.