La ferme de La Boissière (3) (1676-1902) |
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Chronique du Vieux Marcoussy --Marcoussis--------------- _--------------------__----------- Février 2009 extrait de plan napoléonienJP. Dagnot C. Julien
Cette chronique est la dernière partie de l'histoire de la ferme de la Grange-aux -Moines, autrement dite La Boissière ou Montfaucon, située à Saint-Jean de Beauregard (Essonne, cant. Montlhéry). Les textes précédents nous ont décrit la terre de Montfaucon faisait partie de l'abbaye des Vaux de Cernay . Dans la dernière période, après de nombreuses procédures, les moines cisterciens avaient récupéré leur bien usurpé à la fin de la guerre de Cent ans.
Restitution aux Vaux de Cernay Le 12 octobre 1668, quinze jours avant son mariage avec Charlotte Séguier, veuve du duc de Sully, Henri de Bourbon-Verneuil, évêque de Metz, résilia ses fonctions d'ecclésiastique et abandonna son bénéfice d'abbé commendataire des Vaux de Cernay au profit de Jean-Casimir, l'ancien roi de Pologne. Il prit possession le 28 juin 1669 et mourut le 16 décembre 1671. Le moine rapportant la prise de possession écrivit « Deux choses sont remarquables en cette occasion dans une mesme année : un Roy quitte ses estats pour se faire d'Église, et un prince quitte pour pour cent mille escus de rente de bénéfices à l'aage de 69 ans pour se marier… » (1). Un titre nouvel fut passé le 2 mai 1676 par Messire Armand-Louis Bonnin de Chalucet, prêtre bachelier en théologie, abbé de l'abbaye des Vaux de Cernay (2), ordre de Citeaux, diocèse de Paris y demeurant Grande rue de Turenne à Saint-Germain des Prez, paroisse Saint Sulpice, « lequel a reconnu et confesse en la qualité susdite seigneur, propriétaire et jouissant du fief terre et seigneur de la Boissière , aultrement dit la Grange de Montfaucon vulgairement la Grange aux Moines sur en la paroisse de la Chapelle Saint-Jean près Marcoussy ». Le 25 avril 1716, un acte notarié mentionne que l'abbé des Vaux de Cernay est seigneur propriétaire des fiefs terre et seigneurie de la Bussière. En 1723, nous trouvons Claude Machelard, marchand et Marie Madeleine Lamoureux, sa femme, demeurant en la ferme de la Grange-aux-Moines. En octobre de la même année, le couple Machelard loue la ferme et métairie de Villiers à Nozay « moyennant 800 livres et le preneur s'engage à faire construire et eddifier à neuf, une salle basse une laiterie… ». Le 5 mars 1758, Claude Machelard, demeurant en la ferme de la Grange-aux-Moines, garde de la terre appartenant à Messire Charles-Maurice de Brogly, abbé commendataire de l'abbaye royalle des Vaux de Cernay,fait son rapport « sur le jourdhuy sur les cinq heures et demy faisant sa tournée ordinaire a trouvé dans les bois de la Fontaine , Charles Petit, fils de la veuve Lemaitre, la fille de Nicolas Courtin, celle de Louis Courtin tous manouvriers de Vilziers à l'aide de serpes coupaient du bois de chêne » (3). Au XVIIIe siècle, le partage des terres et biens de l'abbaye des Vaux de Cernay, met les « fief et seigneurie de la Grange-aux-Moines, proche Montfaucon » dans la mense de l'abbé. En 1621, l'état de la cire de l'abbaye mentionnait « item, la ferme de la Grange-aux -Moines doibt par chacun an deux livres de cire et cinquante solz tournois pour la vaisselle du couvent ».
Le fermier Claude Machelard Devant les notaires parisiens, conseillers du roi au Châtelet, le 8 juillet 1783, fut présent « Illustrissime et revérendissime seigneur Monseigneur Louis Charles Duplessis d'Argentré, évêque de Limoges, abbé commendataire des Vaux de Cernay, demeurant ordinairement en son palais épiscopal à Limoges, de présent à Paris ». De passage à Paris, ce prélat règle, le même jour, plusieurs affaires dont les baux des biens de l'abbaye qui font partie de la mense abbatiale. Ce sont dans la région: la ferme de la Grange-aux-Moines occupée par Claude Machelard, la ferme de la Feuillarde située à Gometz-la-Ville baillée à Louis Machelard, laboureur, et Marie-Françoise Maison, sa femme, et enfin le fief de Blauray situé à Gometz-la-Ville à Louis Duval, laboureur et Marie-Marguerite Guichot, sa femme (4). Voici le bail de la Grange-aux-Moines est accordé à Claude Machelard, fermier et Marie Thérèse Pescheux, sa femme « qu'il autorise à l'effet des présentes demeurant ordinairement à la ferme de la Grange étant ce jour à Paris à ce présents et acceptant, preneurs et retenant pour eux au titre de ferme ledit temps durant ». La ferme de la Grange-aux-Moines en la paroisse de Saint-Jean de Beauregard près Montlhéry consistant en maison, écurie, bergerie, vacherie, toit à porcs, granges, volières et autres bâtiments avec les terres labourables, prés, pâtures et bois taillis dépendants de ladite ferme sans en rien excepter, retenir ni réserver ainsi que le tout se poursuit et se comporte dont il n'a été fait plus ample désignation à la réquisition desdits sieur et dame preneurs qui ont dit en avoir parfaite connoissance pour demeurer actuellement dans lesdits lieux et en jouir audit titre de fermier au moyen du bail qui en a été fait audit preneur et à sa déffunte mère en 1773, pour par eux jouir de l'effet du présent bail ainsi qu'ils en ont joui ou du jouir. Le présent bail à ferme est fait moyennant le prix et somme de 2.600 livres de fermage pour et par chacune des neuf années d'icelui laquelle somme lesdits sieur et dame preneurs promettent et s'obligent solidairement l'un pour l'autre, un d'eux seul pour le tout sous les renonciations requises aux bénéfices de droit payer par chacun à mon dit seigneur bailleur en sa demeure de Paris ou au porteur de la grosse. Le loyer est payable en deux termes à Noël et à la saint Jean-Baptiste. De plus le bail comprend des clauses et conditions particulières « que les preneurs promettent et s'obligent sous la solidarité d'entretenir et exécuter, sans pouvoir pour raison de ce prétendre aucune indemnité, diminution de fermage, dépens, dommages, ni intérêts ». Voici les conditions qui nous enseignent les façons de l'agriculture du XVIIIe siècle. « Sçavoir de garnir et tenir ladite ferme garnie de meubles, ustensiles et bestiaux suffisants pour la faire valoir et pour seureté desdits fermages, entretenir et rendre le tout enfin du présent bail en bon état de toutes menues réparations locatives, souffrir faire les grosses s'il en convient faire, fournir et faite toutes les voitures nécessaires pour les réparations, labourer, fumer, cultiver et ensemencer par solles et saisons convenables, sans les dessoler, ni désaisonner, tenir les prez nets en bonne nature de fauche par chaque année sans pouvoir vendre aucunes foures, fourages, ni fumiers de la ferme mais au contraire les employeront à fumer et amander les terres, et laisseront en sortant tous ceux qui ne se trouveront point employés ». Nous trouvons encore « sans en divertir ni détourner aucuns, à la réserve des pailles et paillons qui sortent de la poussée du van ou du balais qui appartiendront aux preneurs, suivant l'usage ».
Signatures au bas du bail de 1783.
La Boissière sous la Révolution L'assemblée constituante abolit les privilèges, et prononce la dissolution des maisons religieuses et couvent. En novembre 1790, la municipalité de Saint-Jean de Beauregard soumissionne pour la ferme de l'abbaye des Vaux, et est approuvée par le comité d'aliénation. Apparemment la municipalité a fait une fausse soumission en revendant au district l'ensemble. L'affiche de la vente de la Grange-aux-Moines publiée le 14 décembre 1790 annonce des bâtiments et 387 arpents en quatre lignes. Les enchères furent fixées à 71.000 livres . Les domaines nationaux publient l'affiche de la vente de la ferme de la Grange-aux-Moines et des biens de l'abbaye des Vaux de Cernay le 27 décembre 1790. La ferme est évaluée à 59.329 livres . Le citoyen Tessier propose 71.000 livres tournois. Le 12 janvier 1791, l 'adjudication définitive commence par la lecture de l'affiche, le bien consistant en : Les enchères au nombre de quinze, se sont portées à 173.000 livres proposées par le sieur Chastenet. Le preneur est tenu de conserver le bailleur sans pouvoir l'expulser. L'adjudicataire percevra les douze septiers de grain des religieux et les cinquante livres du curé. Enfin, la clause la plus avantageuse pour l'acquéreur consiste en paiement de 12% du prix comptant et le reste en 12 annuités au taux de 5% en assignats !! C'est une belle affaire quand on sait le sort qui sera réservé aux assignats. Dans un vente ultérieure du domaine de Saint-Jean de Beauregard, l'origine de propriété de la Grange-aux-Moines précise « Monsieur Puissan possédait la ferme de la Grange-aux-Moines comme héritier et légataire à titre particulier du sieur Pierre Puissan son père qui l'avait acquise le 12 janvier 1791 des administrateurs du département de Seine-et-Oise. Elle était auparavant une dépendance de l'abbaye des Vaux de Cernay ». Le 15 février 1791, un courrier mentionne que la municipalité a fait une fausse soumission pour la ferme et les bois de la grange et qu'elle les aurait revendus au district. Elle aurait induit en erreur l'Assemblée Nationale en présentant dans sa soumission les 111 arpents divisés en plusieurs pièces, et en ne parlant pas des 30 arpents de friches qui sont susceptibles d'être plantés en bois. Les 141 arpents se touchent, il importe à la Nation de les conserver. Nul ne sait s'ils le sont restés !!! En 1792, mention de Claude Machelard, fermier demeurant en la ferme de la Grange-aux-Moines. En 1799, Pierre Puissan, propriétaire parisien, étant ce jour en sa maison de Bures, baille à ferme pour cinq ans, à Jean-Claude Machelard, la ferme de la Grange-aux-Moines composée de tous les bâtiments nécessaires à son exploitation des terres à l'exception de celles qui sont en pente que le bailleur se réserve en bois; le preneur connaissant parfaitement les lieux, il n'y a pas de description. Le bail est conclu moyennant 6.600 francs de loyer.
La Boissière au XIXe siècle L'an 1802, le citoyen Pierre Puissan, demeurant rue de la Michodière , deuxième arrondissement, division Lepelletier, fait bail à loyer pour neuf années à Jean-Claude Machelard l'ainé, la ferme, de la Grange-aux-Moines, bâtiments, trois jardins, 81 hectares ou 237 arpents. La dame de Murinais possède un bouquet à la fontaine Saint-Vandrille dans une très petite portion. Dans le bail, il y a 111 arpents de bois; le bail fait moyennant 6.200 frs ou 123 marcs d'argent (!!!), 12 poulets et 12 canards prêts à mettre en broche. Une clause de réduction est prévue en cas d'accident naturel. En 1824, l'acquisition de la ferme de la Boissière est réalisée par Pierre Victor d'Aubergeon, comte de Murinais, de Jean Puissan demeurant place Saint-Germain sous le nom de maître Maine Glatigny pour 172.000 frs « qui a été délégué au profit de divers jusqu'à somme de 63.000 frs ». Ainsi le propriétaire du château de Saint-Jean de Beauregard agrandit son domaine avec celui de la grange aux moines. L'histoire de cette ferme est ainsi associée ensuite à celle du château. Le domaine de Saint-Jean de Beauregard est vendu en 1878, par Monsieur Augustin Paulin Quatre-Solz de Marolles, ancien magistrat et Caroline Angenoust de Romaine à Marie Adéle Henriette Arrighi de Casanova de Padoue, comtesse de Caraman. Le domaine comprend le château, le parc et ses dépendances avec 20 hectares, l'Eglise ou chapelle de Saint-Jean avec le cimetière dont la commune a la jouissance à perpétuité, la maison des soeurs de Saint-Jean pour 3 hectares, la ferme de la Grange-aux-Moines pour 117 hectares, la ferme de Grivery à Gometz-le-Châtel pour 174 hectares et la ferme de Villeziers pour 181 hectares. La description de la ferme de la Grange-aux-Moines est la suivante : « La ferme de la Grange-aux-Moines avec diverses dépendances, notamment les bois dits de la Cote de la Grange-aux-Moines a été acquise par Monsieur Pierre Victor d'Aubergeon, comte de Murinais, de Monsieur Jean Puissan, chevalier de Saint-Louis, demeurant à Paris, place Saint-Germain et de Madame Adèle Julie Georget son épouse sous le nom de maître Maine Glatigny qui s'en est rendu adjudicataire… Monsieur le comte de Murinais s'est libéré de son prix d'acquisition tout entre les mains des céanciers délégataires qu'entre celles de ses vendeurs ainsi qu'il en résulte de diverses quittances… ». Le contrat de location de 1878 nous donne une description précise de la ferme de la Grange-aux-Moines au cours de ce troisième quart de siècle. Elle consiste dans le corps de ferme de ce lieu comprenant quatre principaux corps de bâtiments : Le bail à été passé par Jean Thomas Yvon, principal clerc de notaire agissant au nom et comme mandataire de Madame Marie Adèle Henriette Arrighi de Casanova de Padoue, comtesses de Caraman, épouse de Monsieur Georges Ernest Maurice de Riquet, comte de Caraman, propriétaire demeurant 23 rue Montaigne à Paris, au profit de Monsieur Bellan, fermier. Il est précisé que la ferme et le domaine de Beauregard avaient été achetés par Madame la comtesse à Monsieur Augustin Paulin Qautre-Solz de Marolles, propriétaire ancien magistrat et Madame Caroline Adélaïde Louise Angenoust de Nomaine, son épouse. En 1886, la ferme de la Grange-aux-Moines est louée pour quinze ans par Monsieur le comte de Caraman, conseiller général du canton de Limours, et Madame la comtesse Arrighi de Casanova, son épouse, demeurant ensemble à Paris et au château de Beauregard à Monsieur Eugène Etienne Henri Pescheux et Madame Lucile Victoire Sanglier son épouse, demeurant ensemble à Villeziers, commune de Saint-Jean de Beauregard. Outre les bâtiments comme décrits précédemment, la ferme contient 92 hectares de terres et de prés d'un seul ensemble et 18 hectares 50 ares de terre, prés et bois au lieu-dit les Fonds de Saint-Vandrille, séparés du premier lot par les bois et friches du domaine réservés par les bailleurs, tenant du couchant à la route de la Fontaine ou des Princes. Une clause réservataire est importante « les bailleurs se réservent expressément pour eux, leur famille et leurs amis, ou toutes personnes auxquelles ils l'accorent le droit de chasse sur les biens affermés . En conséquence les preneurs ne pourront jamais chasser, ni faire ni laisser chasser, tendre, ni faire tendre par leurs employés des colets ou pièges divers sur ces mêmes biens, ni y laisser errer leurs chiens . Ils ne pourront non plus prétendre à aucune indemnité ni réduction de fermage en cas de délits causés par le gibier, quelle que soit la nature de ces délits, et trant qu'ils ne dépasseront pas un chiffre de 300 francs ». Une autre clause précise qu'aucune indemnité ne pourra être réclamée pour les dégâts causés par le gibier sur la pièce des Fonds de Saint-Vandrille. Ne serions-nous pas revenu sous l'Ancien régime ? Une fois encore nous trouvons les devoirs des fermiers envers les propriétaires : En 1898, un bail est fait par le comte de Caraman et la comtesse de Casanova, demeurant au 3 avenue de l'Alma à Paris et au château de Beauregard, pour quinze ans à Eugène Pescheux, demeurant à Vilhiers, de ladite ferme avec celle de Bure et d'Orsay pour 172 hectares , ainsi que celle de la ferme de la Grange-aux-Moines avec 86 hectares, moyennant un fermage annuel de 24.633 frs.
Notes (1) Henri de Bourbon-Verneuil n'avait que 66 ans puisqu'il était né le 27 octobre 1601. (2) Nommé abbé commendataire des Vaux de Cernay le 27 avril 1673, mourut en 1712. (3) Les deux derniers prieurs commendataires des Vaux de Cernay furent : Charles-Maurice de Broglie (1682-1766) nommé le 15 août 1712, abbé du Mont-Saint-Michel et de Baume-les-Moines, et Louis-Charles Duplessis d'Argentré, évêque de Limoges. (4) L'affermage comprenant le fief de Blauray est constitué par « les bâtiments dépendants de la terre et ferme de Gometz-la-Ville avec 160 arpents de terres labourables, sans aucune réserve, si ce n'est les bois mis en quart de réserve par un nouvel aménagement de MM. de la maîtrise dudit lieu, plus le profit du colombier, le parc, prés, fruits qui sont en icelui, charmilles et jardin, les cens, droits seigneuriaux, rentes, lods et ventes, saisines et amendes, quand le prix principal des biens ne se montera pas à la somme de 2.000 livres, ledit seigneur bailleur se réservant les droits de lods et ventes quand le prix principal des biens vendus montera à 2.000 livres et au dessus ». (5) L'impôt sur les portes et fenêtres fut institué par le Directoire, pendant la Révolution française, le 4 frimaire an VII (24 novembre 1798), et supprimé en 1926. Il avait été créé en même temps que l'impôt sur les parcs et jardins. Il ne touchait pas les ouvertures des bâtiments à vocation agricole, ni les soupiraux des caves.
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